Jurisprudence : CJCE, 06-04-1995, aff. C-241/91, Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP) c/ Commission des Communautés européennes

CJCE, 06-04-1995, aff. C-241/91, Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP) c/ Commission des Communautés européennes

A8042AYI

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CJCE, 06-04-1995, aff. C-241/91, Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP) c/ Commission des Communautés européennes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1092814-cjce-06041995-aff-c24191-radio-telefis-eireann-rte-et-independent-television-publications-ltd-itp-c-
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Cour de justice des Communautés européennes

6 avril 1995

Affaire n°C-241/91

Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP)
c/
Commission des Communautés européennes



61991J0241

Arrêt de la Cour
du 6 avril 1995.

Radio Telefis Eireann (RTE) et Independent Television Publications Ltd (ITP) contre Commission des Communautés européennes.

Concurrence - Abus de position dominante - Droit d'auteur.

Affaires jointes C-241/91 P et C-242/91 P.

Recueil de jurisprudence 1995 page I-0743

1. Concurrence ° Position dominante ° Notion ° Monopole des sociétés de télédiffusion sur les informations relatives aux grilles hebdomadaires de programmes

(Traité CEE, art. 86)

2. Concurrence ° Position dominante ° Droits d'auteur ° Grilles hebdomadaires de programmes de télévision ° Exercice du droit ° Abus ° Conditions

(Traité CEE, art. 86)

3. Pourvoi ° Moyens ° Appréciation erronée des faits ° Irrecevabilité

(Traité CEE, art. 168 A; Statut de la Cour de justice CEE, art. 51)

4. Concurrence ° Position dominante ° Affectation du commerce entre les États membres ° Critères

(Traité CEE, art. 86)

5. Accords internationaux ° Accords des États membres ° Accords antérieurs au traité CEE ° Justification de restrictions au commerce intracommunautaire ° Inadmissibilité ° Accord ratifié par un État membre déjà lié par le traité CEE ° Effets sur la compétence de la Communauté ° Absence

(Traité CEE, art. 234 et 236)

6. Concurrence ° Procédure administrative ° Cessation des infractions ° Pouvoir de la Commission ° Injonctions adressées aux entreprises

(Règlement du Conseil n° 17, art. 3)

7. Concurrence ° Procédure administrative ° Cessation des infractions ° Charges imposées aux entreprises ° Proportionnalité ° Critères

(Règlement du Conseil n° 17, art. 3)

8. Concurrence ° Procédure administrative ° Décision constatant une infraction ° Motivation ° Obligation ° Portée

(Traité CEE, art. 190)

1. Des sociétés de télédiffusion se trouvent dans une position dominante, au sens de l'article 86 du traité, lorsque, de par le monopole de fait qu'elles détiennent sur les informations relatives à leurs grilles de programmes, captés par la plupart des foyers dans un État membre et une partie substantielle des foyers dans la partie voisine d'un autre État membre, elles détiennent le pouvoir de faire obstacle à l'existence d'une concurrence effective sur le marché des hebdomadaires de télévision dans les régions concernées.

2. Un comportement d'une entreprise en position dominante qui relève de l'exercice d'un droit qualifié de "droit d'auteur" par le droit national n'est pas, de ce seul fait, soustrait à toute appréciation au regard de l'article 86 du traité.

Certes, en l'absence d'une unification communautaire ou d'un rapprochement des législations, la fixation des conditions et des modalités de protection d'un droit de propriété intellectuelle relève de la règle nationale et le droit exclusif de reproduction fait partie des prérogatives de l'auteur, en sorte qu'un refus de licence, alors même qu'il serait le fait d'une entreprise en position dominante, ne saurait constituer en lui-même un abus de celle-ci.

Néanmoins, l'exercice du droit exclusif par le titulaire peut, dans des circonstances exceptionnelles, donner lieu à un comportement abusif. Tel est le cas lorsque des sociétés de télédiffusion se prévalent du droit d'auteur conféré par la législation nationale pour empêcher une autre entreprise de publier des informations (la chaîne, le jour, l'heure et le titre des émissions), assorties de commentaires et d'images, obtenus indépendamment desdites sociétés, sur une base hebdomadaire, dès lors que, en premier lieu, ce comportement fait obstacle à l'apparition d'un produit nouveau, un guide hebdomadaire complet des programmes de télévision, que les sociétés intéressées n'offrent pas, et pour lequel existe une demande potentielle de la part des consommateurs, ce qui constitue un abus suivant l'article 86, deuxième alinéa, sous b), du traité, que, en deuxième lieu, le refus n'est justifié ni par l'activité de radiodiffusion télévisuelle ni par celle d'édition de magazines de télévision, et que, en troisième lieu, les sociétés intéressées se réservent, par leur comportement, un marché dérivé, celui des guides hebdomadaires de télévision, en excluant toute concurrence sur ce marché puisqu'elles dénient l'accès à l'information brute, matière première indispensable pour créer un tel guide.

3. Un pourvoi ne peut, en vertu de l'article 168 A du traité et de l'article 51 du statut de la Cour de justice, s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation des règles de droit, à l'exclusion de toute appréciation des faits.

4. Pour que la condition d'affectation du commerce entre États membres, au sens de l'article 86 du traité, soit remplie, il n'est pas nécessaire que le comportement incriminé ait effectivement affecté ce commerce de manière sensible. Il suffit d'établir que ce comportement est de nature à avoir un tel effet. Tel est le cas lorsqu'une entreprise exclut tout concurrent potentiel sur le marché géographique constitué par un État membre et une partie d'un autre État membre, et modifie donc la structure de la concurrence sur ce marché, ce qui affecte le flux d'échanges potentiels entre lesdits États membres.

5. Les dispositions d'une convention conclue antérieurement à l'entrée en vigueur du traité ou, selon le cas, antérieurement à l'adhésion d'un État membre, convention à laquelle s'applique l'article 234 du traité, ne peuvent être invoquées dans les rapports intracommunautaires, dès lors que les droits des États tiers ne sont pas en cause. Lorsqu'une convention a été ratifiée par un État membre déjà lié par le traité, elle ne peut être invoquée pour limiter la compétence de la Communauté, telle que prévue par le traité, puisque celui-ci ne peut être révisé que conformément à la procédure de l'article 236.

6. L'application de l'article 3 du règlement n° 17 doit se faire en fonction de la nature de l'infraction constatée et peut aussi bien comporter l'ordre d'entreprendre certaines activités ou prestations, illégalement omises, que l'interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations, contraires au traité.

7. Dans le cadre de l'application de l'article 3 du règlement n° 17, le principe de proportionnalité signifie que les charges imposées aux entreprises, pour mettre fin à une infraction au droit de la concurrence, ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard des règles qui, en l'espèce, ont été méconnues.

8. Les décisions de la Commission qui ont pour objet de constater une infraction aux règles de concurrence, d'émettre des injonctions et d'infliger des sanctions pécuniaires doivent être obligatoirement motivées en vertu de l'article 190 du traité, qui exige que la Commission expose les raisons qui l'ont amenée à arrêter une décision, afin de permettre à la Cour et au Tribunal d'exercer leur contrôle et de faire connaître tant aux États membres qu'aux ressortissants intéressés les conditions dans lesquelles elle a fait application du traité. Par ailleurs, il ne saurait être exigé de la Commission qu'elle discute tous les points de fait ou de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative.

Dans les affaires jointes C-241/91 P et C-242/91 P,

Radio Telefis Eireann (RTE), établissement public ayant son siège social à Dublin, représentée par Mes W. Alexander et G. van der Wal, avocats, mandatés par M. G. F. McLaughlin, directeur des affaires juridiques de Radio Telefis Eireann, et par M. E. Murphy, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Arendt & Medernach, 8-10, rue Mathias Hardt (C-241/91 P),

Independent Television Publications Ltd (ITP), société de droit anglais, ayant son siège social à Londres, représentée par MM. M. J. Reynolds et R. Strivens, solicitors, assistés de Me A. Tyrrell, QC, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Zeyen, Beghin & Feider, 67, rue Ermesinde (242/91 P),

parties requérantes,

soutenues par

Intellectual Property Owners Inc. (IPO), ayant son siège social à Washington, D. C., États-Unis d'Amérique, représentée par MM. D. R. Barrett et G. I. F. Leigh, solicitors, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Bonn & Schmitt, 62, avenue Guillaume,

partie intervenante,

ayant pour objet deux pourvois formés contre deux arrêts du Tribunal de première instance des Communautés européennes (deuxième chambre) du 10 juillet 1991, RTE/Commission (T-69/89, Rec. p. II-485), et ITP/Commission (T-76/89, Rec. p. II-575), et tendant à l'annulation de ces arrêts,

l'autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Julian Currall, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de M. I. S. Forrester, QC, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. G. Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

soutenue par

Magill TV Guide Ltd, ayant son siège à Dublin, représentée par Messrs Gore & Grimes, solicitors, assistés de M. J. D. Cooke, SC, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Louis Schiltz, 83, boulevard Grande-Duchesse Charlotte,

partie intervenante en première instance,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias (rapporteur), président, F. A. Schockweiler et P. J. G. Kapteyn, présidents de chambre, G. F. Mancini, C. N. Kakouris, J. C. Moitinho de Almeida et J. L. Murray, juges,

avocat général: M. C. Gulmann,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 1er décembre 1993, au cours de laquelle Radio Telefis Eireann était représentée par MM. W. Alexander et G. van der Wal, avocats, Independent Television Publications Ltd était représentée par M. A. Tyrrell, QC, M. R. Strivens, solicitor, et M. T. Skinner, barrister, la Commission par M. J. Currall, membre du service juridique, et M. I. S. Forrester, QC, Magill TV Guide Ltd était représentée par M. J. D. Cooke, SC, et Intellectual Property Owners était représentée par M. G. I. F. Leigh, solicitor, et M. D. Vaughan, QC,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 1er juin 1994,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 septembre 1991, Radio Telefis Eireann (ci-après "RTE"), qui a reçu notification de l'arrêt du Tribunal du 10 juillet 1991 (T-69/89, Rec. p. II-485, ci-après l'"arrêt RTE") ce même jour, a formé un pourvoi contre cet arrêt, au motif qu'il aurait été pris en violation du droit communautaire.

2 Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 septembre 1991, Independent Television Publications Ltd (ci-après "ITP"), qui a reçu notification de l'arrêt du Tribunal du 10 juillet 1991 (T-76/89, Rec. p. II-575, ci-après l'"arrêt ITP") le 12 juillet 1991, a formé un pourvoi contre cet arrêt, au motif qu'il aurait été pris en violation du droit communautaire.

3 Par deux requêtes déposées au greffe le 6 janvier 1992, Intellectual Property Owners Inc. (ci-après "IPO") a demandé à intervenir dans les deux affaires à l'appui des conclusions des requérantes. Par deux ordonnances du 25 mars 1992, la Cour a admis ces interventions.

4 Par une ordonnance du président de la Cour du 21 avril 1993, les affaires C-241/91 P et C-242/91 P ont été jointes aux fins de la procédure orale.

5 Étant donné la connexité des deux affaires, il convient, conformément à l'article 43 du règlement de procédure, de les joindre aux fins de l'arrêt.

6 Il ressort des arrêts du Tribunal que la plupart des foyers en Irlande et 30 à 40 % des foyers en Irlande du Nord peuvent capter les émissions de télévision de RTE, d'ITV et de BBC.

7 Au moment des faits, aucun guide général hebdomadaire de télévision n'était disponible sur le marché en Irlande et en Irlande du Nord. Chaque station de télévision faisait publier un guide de télévision exclusivement consacré à ses propres programmes et revendiquait, au titre des législations irlandaise et du Royaume-Uni, la protection du droit d'auteur sur ses grilles de programmes hebdomadaires pour s'opposer à leur reproduction par des tiers.

8 RTE publiait elle-même son guide de télévision hebdomadaire, alors que ITV le faisait par le biais d'ITP, société constituée dans ce but.

9 ITP, RTE et BBC pratiquaient la politique suivante en ce qui concerne la diffusion des grilles de programmes. Elles diffusaient gratuitement, sur demande, auprès de la presse quotidienne ou périodique, les programmes de leurs émissions, accompagnés d'une licence à titre gratuit, qui fixait les conditions dans lesquelles ces informations pouvaient être reproduites. Les programmes quotidiens et, la veille des jours fériés, les programmes de deux jours pouvaient ainsi être publiés dans la presse, sous réserve de certaines conditions relatives au format de cette publication. La publication des "points forts" de la semaine était aussi autorisée. ITP, RTE et BBC veillaient au strict respect des conditions énoncées dans la licence en engageant, le cas échéant, une action judiciaire contre les publications qui ne s'y conformaient pas.

10 Magill TV Guide Ltd (ci-après "Magill") a essayé de publier un guide hebdomadaire général de télévision, mais elle en a été empêchée par les requérantes et BBC, qui ont obtenu des injonctions interdisant la publication des grilles de programmes hebdomadaires.

11 Magill a déposé plainte auprès de la Commission, le 4 avril 1986, sur le fondement de l'article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après le "règlement n° 17"), en vue de faire constater que les requérantes et BBC abusaient de leur position dominante en refusant d'octroyer des licences pour la publication de leurs grilles de programmes hebdomadaires respectives. La Commission a décidé d'engager la procédure à l'issue de laquelle elle a adopté la décision 89/205/CEE, du 21 décembre 1988, relative à une procédure au titre de l'article 86 du traité CEE (IV/31.851, Magill TV Guide/ITP, BBC et RTE, JO 1989, L 78, p. 43, ci-après la "décision"), qui a fait l'objet du recours devant le Tribunal.

12 Dans cette décision, la Commission a constaté l'infraction à l'article 86 du traité CEE et a enjoint aux trois sociétés de mettre fin à ladite infraction, notamment, "en fournissant aux tiers sur demande et sur une base non discriminatoire leurs programmes d'émissions hebdomadaires établis à l'avance et en permettant la reproduction de ces programmes par ces parties". Il était également indiqué que, si les trois sociétés choisissaient d'accorder des licences de reproduction, les éventuelles redevances devaient être d'un montant raisonnable.

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