Jurisprudence : CJCE, 24-10-1996, aff. C-329/93, Vulkan Verbund AG c/ Commission des Communautés européennes

CJCE, 24-10-1996, aff. C-329/93, Vulkan Verbund AG c/ Commission des Communautés européennes

A5836AYS

Référence

CJCE, 24-10-1996, aff. C-329/93, Vulkan Verbund AG c/ Commission des Communautés européennes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1089946-cjce-24101996-aff-c32993-vulkan-verbund-ag-c-commission-des-communautes-europeennes
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Cour de justice des Communautés européennes

24 octobre 1996

Affaire n°C-329/93

Vulkan Verbund AG
c/
Commission des Communautés européennes



61993J0329

Arrêt de la Cour (sixième chambre)
du 24 octobre 1996.

République fédérale d'Allemagne et Hanseatische Industrie-Beteiligungen GmbH et Bremer Vulkan Verbund AG contre Commission des Communautés européennes.

Aides d'Etat - Cautionnement accordé par des autorités publiques en faveur, indirectement, d'une entreprise de construction navale, en vue de l'acquisition d'une entreprise d'un autre secteur - Diversification des activités de l'entreprise bénéficiaire - Récupération.

Affaires jointes C-329/93, C-62/95 et C-63/95.

Recueil de Jurisprudence 1996 page I-5151

1. Actes des institutions ° Motivation ° Obligation ° Portée ° Décision qualifiant d'aide un cautionnement accordé par une autorité publique en faveur d'une entreprise en vue de l'acquisition d'une participation dans une autre entreprise

(Traité CE, art. 92 et 190)

2. Actes des institutions ° Motivation ° Obligation ° Portée ° Décision de la Commission évaluant une intervention en faveur d'une entreprise de construction navale sans faire mention de la directive 90/684

(Traité CE, art. 92 et 190; directive du Conseil 90/684)

3. Actes des institutions ° Motivation ° Obligation ° Portée ° Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun

(Traité CE, art. 92 et 190)

1. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte.

S'agissant d'une décision constatant l'incompatibilité avec l'article 92 du traité d'un cautionnement accordé par une autorité publique en faveur d'une entreprise en vue de l'acquisition d'une participation dans une autre entreprise dont le prix est payé avec des actions nouvellement émises de la première entreprise, la Commission, lors de l'appréciation de la valeur totale des nouvelles actions par rapport à la valeur de la participation envisagée, ne peut pas se contenter de considérer que le cours en bourse des actions de la première entreprise constitue le seul élément déterminant pour évaluer la valeur des nouvelles actions, mais doit également tenir compte d'autres éléments ayant trait à la valeur intrinsèque de l'entreprise en question et à la situation du marché sur lequel elle opère.

En effet, l'application absolue et inconditionnelle du critère de la valeur en bourse, à l'exclusion de tout autre élément, comporte un automatisme difficilement conciliable avec le système d'économie de marché et les choix économiques opérés par des entreprises de taille importante et guidées par des perspectives de rentabilité à plus long terme.

2. Une décision de la Commission déclarant une aide, accordée à une entreprise exploitant l'un des chantiers navals les plus importants de la Communauté et communément connue comme entreprise dont les activités sont orientées vers la construction navale, incompatible avec le marché commun, alors que l'application de la directive 90/684 concernant les aides à la construction navale aurait pu conduire à une appréciation différente, doit nécessairement, dans sa motivation, expliquer les raisons pour lesquelles l'application de ladite directive doit être écartée en l'espèce.

3. Si le fait qu'une entreprise réalise un chiffre d'affaires relativement faible dans la Communauté n'est pas susceptible d'exclure a priori le caractère d'aide d'une intervention étatique en sa faveur, et s'il peut ressortir, dans certains cas, des circonstances mêmes dans lesquelles l'aide a été accordée qu'elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser la concurrence, il incombe tout au moins à la Commission d'évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision. A cet égard, une décision qui ne comporte pas d'indications relatives à la situation du marché considéré, à la part de l'entreprise concernée sur le marché et à la position des entreprises concurrentes, et qui se borne, au sujet des courants d'échanges des produits en cause entre les États membres, à citer les importations des États membres concernant les produits relevant de certaines positions tarifaires, sans déterminer la part de l'entreprise concernée dans ces importations, ne satisfait pas à cette exigence de motivation.

Dans les affaires jointes C-329/93, C-62/95 et C-63/95,

République fédérale d'Allemagne, représentée par M. Ernst Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent, et Me Michael Schuette, avocat à Berlin,

Hanseatische Industrie-Beteiligungen GmbH, dont le siège est à 2800 Brême 1, Martinistrasse 34, représentée par Me Gerhard Wiedemann, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de Me Guy Harles, 8-10, rue Mathias Hardt, 2010 Luxembourg,

Bremer Vulkan Verbund AG, dont le siège est à 2820 Brême 70, Lindenstrasse 110, représentée par Me Hans-Juergen Rabe, avocat à Hambourg, ayant élu domicile en l'étude de Mes Turk et Prum, 13 P, avenue Guillaume, 1651 Luxembourg,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Ben Smulders et Juergen Grunwald, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation de la décision 93/412/CEE de la Commission, du 6 avril 1993, concernant une aide accordée par le gouvernement allemand à Hibeg et par Hibeg via Krupp GmbH à Bremer Vulkan AG, afin de faciliter la vente à Bremer Vulkan AG de Krupp Atlas Elektronik GmbH appartenant à Krupp GmbH (JO L 185, p. 43),

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. G. F. Mancini, président de chambre, C. N. Kakouris (rapporteur), et P. J. G. Kapteyn, juges,

avocat général: M. G. Cosmas,

greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 8 février 1996,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 28 mars 1996,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 juin 1993, la République fédérale d'Allemagne a introduit, en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CEE, un recours visant à l'annulation de la décision 93/412/CEE de la Commission, du 6 avril 1993, concernant une aide accordée par le gouvernement allemand à Hibeg et par Hibeg via Krupp GmbH à Bremer Vulkan AG, afin de faciliter la vente à Bremer Vulkan AG de Krupp Atlas Elektronik GmbH appartenant à Krupp GmbH (JO L 185, p. 43, l'"acte attaqué") (C-329/93).

2 Par requêtes déposées au greffe de la Cour le 28 juin 1993 et le 1er juillet 1993, les sociétés Hanseatische Industrie-Beteiligungen GmbH (ci-après "Hibeg") et Bremer Vulkan Verbund AG (ci-après "BV") ont introduit, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, des recours ayant pour objet l'annulation de la même décision.

3 A la suite de l'élargissement des compétences du Tribunal de première instance en vertu de la décision 93/350/Euratom,CECA,CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 144, p. 21), les deux dernières requêtes ont été transférées, par ordonnance de la Cour du 27 septembre 1993, au Tribunal. Après le dessaisissement de ce dernier conformément à l'article 47, troisième alinéa, du statut CE de la Cour de justice, par ordonnance du 23 février 1995, ces requêtes ont été transférées à la Cour (C-62/95 et C-63/95).

4 Par ordonnance du président de la Cour du 16 novembre 1995, les trois affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt, conformément à l'article 43 du règlement de procédure.

L'acte attaqué

5 Selon l'acte attaqué, le gouvernement allemand a, le 17 décembre 1991, notifié à la Commission une garantie accordée à des banques par la Freie Hansestadt Bremen (ci-après le "Land de Brême") en faveur de Hibeg, établie dans ce Land.

6 Le but de cette garantie était de permettre à BV, ayant son siège à Brême, de racheter à Krupp GmbH (ci-après "Krupp") l'entreprise KAE, filiale de Krupp.

7 Le 6 mai 1992, la Commission a engagé à l'égard de cette garantie la procédure d'examen prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité CEE au terme de laquelle elle a adopté l'acte attaqué.

8 Selon cet acte,

afin de poursuivre ses diversifications en dehors du secteur de la construction navale, BV a racheté à Krupp une participation de 74,9 % dans le capital de KAE. Le prix convenu de 350 millions de DM n'a pas été payé en espèces, mais avec des actions BV nouvellement émises. Les transactions effectuées sont les suivantes:

° le 17 octobre 1991: les actionnaires de BV décident en assemblée générale d'augmenter le capital de la société avec l'émission d'actions nouvelles;

° le 21 novembre 1991: le Land de Brême accorde une garantie de 126 millions de DM à Hibeg, société publique détenue par le Land de Brême;

° le 26 novembre 1991: échange entre Krupp et BV; BV cède à Krupp 2,8 millions de nouvelles actions BV (pour une valeur totale, selon BV, de 350 millions de DM, soit 125 DM par action) en vue d'acquérir 74,9 % du capital de KAE;

° le 26 novembre 1991: Krupp et Hibeg fondent ensemble une société de droit civil (Gesellschaft buergerlichen Rechts, ci-après la "GbR");

° le 31 décembre 1991: Krupp et Hibeg apportent toutes deux les participations convenues au capital de la GbR. Krupp apporte les 2,8 millions d'actions BV et Hibeg 350 millions de DM en espèces, financés par un crédit bancaire;

° le 31 décembre 1991: sur la base de l'accord créant la GbR, cette dernière octroie à Krupp une avance de 350 millions de DM. Hibeg obtient le droit irrévocable de vendre les actions BV à une tierce personne, à un prix minimal de 125 DM par action. Chaque action vendue réduit la participation des deux partenaires dans la GbR, étant donné qu'elle représente simultanément une réduction du solde dû sur l'avance accordée à Krupp et un remboursement du crédit apporté par Hibeg;

° le 28 février 1994 au plus tôt et le 31 décembre 1994 au plus tard, la GbR doit être dissoute. Les actions BV restantes sont transférées à Hibeg tandis que Krupp garde le solde de l'avance. Hibeg a la possibilité, convenue avec les banques qui lui ont octroyé le crédit, de rembourser partiellement le crédit en vendant les actions BV à ces mêmes banques pour un prix de 80 DM par action, à l'échéance du crédit.

9 Il en résulte que, selon l'acte attaqué, BV a acheté 74,9 % du capital de KAE en transférant à Krupp 2,8 millions d'actions BV. Dans le cadre de la GbR, Krupp a échangé ces actions avec Hibeg et a reçu 350 millions de DM. Au moment des transactions, les actions BV étaient cotées sur le marché boursier à environ 80 DM par action, soit une valeur totale de 224 millions de DM pour 2,8 millions d'actions. Le Land de Brême a apporté son soutien à Hibeg en offrant une garantie de 126 millions de DM, soit la différence entre le prix d'achat convenu de KAE et la valeur des actions sur le marché, permettant ainsi la vente de KAE à BV comme prévu initialement.

10 La Commission considère que ce cautionnement du Land de Brême constitue une aide en faveur de BV sur la base des considérations suivantes.

11 Le cours moyen des actions BV en novembre-décembre 1991, au moment où ont été effectuées les principales transactions, se situait autour de 80 DM par action (84,90 DM en novembre et 75,40 DM en décembre). Étant le reflet de la situation de la société elle-même, dans le contexte de l'évolution globale nationale et internationale, le cours des actions sur le marché boursier serait le seul élément à retenir. En l'occurrence, ce cours de 80 DM tiendrait déjà compte des effets de baisse qu'entraîne normalement l'émission de nouvelles actions. Ainsi, il aurait été le prix maximal qui pouvait être demandé dans le cadre d'une émission publique de nouvelles actions BV. Ceci serait confirmé par le fait que les banques étaient disposées à accepter les actions non vendues à l'échéance du crédit au prix de 80 DM par action ainsi que par la considération que, depuis la fin de 1991 jusqu'à février 1993, le cours des actions BV a fluctué autour de 80 DM.

12 Par conséquent, selon l'acte attaqué, Hibeg, dont le capital était détenu à 100 % par le Land de Brême et qui peut être considérée ainsi comme une entreprise publique, n'aurait pu obtenir le crédit bancaire et échanger 350 millions de DM contre les nouvelles actions BV au sein de la GbR que parce que le Land de Brême couvrait le risque par une garantie de 126 millions de DM. Cette somme correspondrait exactement à la différence entre 350 millions de DM (montant total du crédit) et 224 millions de DM (valeur des actions sur la base d'un cours du marché de 80 DM par action).

13 Pour ce qui est du montant de l'aide, la Commission parvient, dans l'acte attaqué, à la conclusion que l'écart entre les 350 millions de DM versés pour KAE et la valeur de 224 millions de DM des nouvelles actions BV, soit 126 millions de DM, ne peut pas se justifier par des motifs commerciaux. Le total de cette différence, qui est égale à la garantie totale accordée à Hibeg, devrait par conséquent être considéré comme une aide.

14 Quant au bénéficiaire de l'aide, il est exposé dans l'acte attaqué que, lors de l'engagement de la procédure d'examen prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, il n'a pas été possible de l'identifier. Cette question aurait dépendu du niveau auquel serait évalué le prix commercial effectif sur le marché de KAE. Si la valeur des 74,9 % du capital de KAE n'était que de 224 millions de DM, la totalité de l'aide aurait été octroyée à Krupp. Si cette valeur correspondait à 350 millions de DM, la totalité de l'aide aurait été octroyée à BV via Hibeg, en vue de permettre à BV d'acquérir 74,9 % du capital de KAE. Si la valeur réelle sur le marché de 74,9 % du capital de KAE se situait entre ces deux valeurs, l'aide aurait été répartie en conséquence entre BV et Krupp. A l'issue de la procédure d'examen, la Commission est parvenue à la conclusion que 350 millions de DM reflétaient la valeur réelle sur le marché des 74,9 % du capital de KAE, de sorte que le bénéficiaire final de l'aide était BV. En effet, étant donné que le but de toutes ces opérations était la diversification des activités de BV par l'achat de KAE, même si c'est à Krupp que Hibeg avait versé directement le paiement en espèces, dans le cadre de la GbR, c'est BV qui en réalité aurait amélioré sa situation financière grâce à la contribution en espèces de Hibeg et à la garantie de l'État.

15 Ensuite, la Commission a estimé, dans l'acte attaqué, que la garantie litigieuse n'était pas conforme aux conditions prévues par les directives du Land de Brême en matière de cautionnement, qu'elle avait approuvées le 28 octobre 1991. Premièrement, ces directives prévoyaient en principe une caution subsidiaire, tandis que la caution litigieuse était solidaire. A cet égard, la Commission n'a pas accepté dans l'acte attaqué la position du gouvernement allemand selon laquelle, d'une part, le terme "en principe" utilisé par les directives permettait également des cautions solidaires et que, d'autre part, étant donné que Hibeg appartenait à l'État, une caution subsidiaire n'aurait pas été souhaitable d'un point de vue économique. Deuxièmement, selon la Commission, les directives requéraient que des titres soient donnés en nantissement et qu'une prime soit payée à raison de 0,5 % du montant de la garantie à la réception et de 0,5 % par an; or, en l'occurrence, aucun nantissement ni prime n'auraient été demandés à Hibeg. Enfin, il ne pourrait être admis, sur la base des faits communiqués, qu'il existait un rapport normal entre le produit de l'investissement effectué dans la GbR et les fonds nécessaires pour assurer le service de l'emprunt, comme l'exigeait le régime de garantie.

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