Jurisprudence : CE 8/3 SSR, 10-04-2002, n° 223100




CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

N° 223100

SARL SOMATOUR

M. Vallée, Rapporteur
Mme Mignon, Commissaire du gouvernement

Séance du 13 mars 2002
Lecture du 10 avril 2002



REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juillet et 17 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL SOMATOUR, dont le siège est 26, rue de Blénac à Fort-de-France (97200) ; la SARL SOMATOUR demande au Conseil d'Etat

1°) d'annuler l'arrêt du 3 mai 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 18 février 1997 du tribunal administratif de Fort-de-France rejetant sa demande d'annulation, d'une part, de l'arrêté du 5 septembre 1994 du préfet de la Martinique abrogeant son précédent arrêté du 17 juillet 1986 et réglementant l'usage du port de la Pointe du Bout et, d'autre part, du cahier des charges y annexé ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 millions de francs à titre de dommages et intérêts en raison de la résiliation brutale du contrat d'occupation du domaine public qui la liait à la chambre de commerce et d'industrie ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le code des ports maritimes;

Vu le code de justice administrative;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vallée, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Ha7ay avocat de la SARL SOMATOUR,

- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, sur le fondement de l'article R. 351-2 du code des ports maritimes, le préfet de la Martinique a, par un arrêté du 5 septembre 1994, modifié l'article 1er du règlement particulier de police applicable au port de plaisance de la Pointe du Bout, lequel est situé à l'intérieur des limites du port d'intérêt national de Fort-de-France, en réservant l'usage de ce port aux navires de plaisance ainsi qu'à tous les navires assurant une navette régulière de transport de passagers entre le port de la Pointe du Bout et Fort-de-France et non plus uniquement à la SARL SOMATOUR qui assurait seule, auparavant, cette navette régulière et était titulaire de contrats d'amodiation successifs de trois ans conclus avec la chambre de commerce et d'industrie de la Martinique, concessionnaire du port, qui lui accordaient l'usage privatif de deux emplacements d'accostage ; que la SARL SOMATOUR se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 mai 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 18 février 1997 du tribunal administratif de Fort-de-France rejetant sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté susmentionné du 5 septembre 1994 du préfet de la Martinique et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 millions de francs en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation des contrats d'amodiation qui la liaient à la chambre de commerce et d'industrie de la Martinique;

Considérant que la SARL SOMATOUR a soulevé, dans son mémoire complémentaire enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 22 mars 2000, un moyen tiré de ce que le préfet de la Martinique, en prenant l'arrêté litigieux du 5 septembre 1994 sans l'assortir d'une mesure d'accompagnement ou d'une période transitoire, avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que la cour s'est abstenue de répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, dès lors, la SARL SOMATOUR est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 351-2 du code des ports maritimes :
"Indépendamment des dispositions du règlement général, des règlements particuliers peuvent être établis pour chaque port en tant que de besoin. Les règlements particuliers sont pris par le préfet pour les ports relevant de la compétence de l'Etat (...)" ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la SARL SOMATOUR, les dispositions du cahier des charges annexé à l'arrêté préfectoral du 19 septembre 1973 par lequel le préfet de la Martinique a concédé à la chambre de commerce et d'industrie de la Martinique l'établissement et l'exploitation du port de plaisance de la Pointe du Bout, lesquelles lui réservaient d'ailleurs la réglementation de l'usage des installations dans l'intérêt de la sécurité publique et du bon ordre dans l'exploitation du port, ne pouvaient faire obstacle à l'exercice, par le préfet, du pouvoir de police qui lui appartient en venu du code des ports maritimes;

Considérant, en deuxième lieu, que la mesure décidée par le préfet était justifiée par la nécessité de prendre en compte la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence dans l'intérêt d'une meilleure utilisation des ouvrages publics du port de la Pointe du Bout et poursuivait ainsi un but d'intérêt général ; que la circonstance que le préfet n'a pas assorti son arrêté du 5 septembre 1994, qui n'est d'ailleurs pas entré immédiatement en vigueur, de mesures transitoires n'est pas de nature à l'entacher d'illégalité dès lors que la société requérante ne pouvait ignorer que le monopole dont elle bénéficiait était illégal et qu'elle pouvait s'attendre à une modification de la réglementation de l'accostage, compte-tenu de ce qu'elle n'était plus seule à assurer la navette entre le port de la Pointe du Bout et Fort-de-France ; qu'ainsi, la décision du préfet de la Martinique qui n'est entachée d'aucune illégalité ne saurait avoir constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, enfin, que si la responsabilité de l'Etat pourrait être engagée alors même qu'aucune faute ne peut être relevée à son encontre, en raison du préjudice anormal et spécial que la SARL SOMATOUR a pu subir dans l'intérêt général, il ressort toutefois des pièces du dossier que la SARL SOMATOUR, qui bénéficiait irrégulièrement d'une occupation exclusive d'une partie des ouvrages du port de la Pointe du Bout, devait avoir pris en compte l'éventualité d'une mesure mettant fin à ce monopole, notamment lorsqu'elle a acquis deux nouveaux navires ; qu'ainsi, le préjudice subi par la SARL SOMATOUR résulte d'une situation à laquelle elle s'est sciemment exposée ; qu'il ne peut, dès lors, lui ouvrir droit à réparation;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL SOMATOUR n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande;

Sur les conclusions de la SARL SOMATOUR tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que l'Etat , qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la SARL SOMATOUR la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle tant devant le Conseil d'Etat que devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

DECIDE:

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 3 mai 2000 est annulé.

Article 2 : La requête de la SARL SOMATOUR présentée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et le surplus de ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL SOMATOUR et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


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