Jurisprudence : Cass. crim., 16-01-2001, n° 00-82.274, Rejet

Cass. crim., 16-01-2001, n° 00-82.274, Rejet

A2825AYB

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Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 16 Janvier 2001
Rejet
N° de pourvoi 00-82.274
Président M. Cotte

Demandeur Gens Michel et autre
Rapporteur M. Y.
Avocat général M. Launay.
Avocat la SCP Célice, Blancpain et Soltner.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET des pourvois formés par Gens Michel, Salamon Wilhelm, contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 18 janvier 2000, qui, pour homicide involontaire et infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, les a condamnés à 4 mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi que, le premier, à deux amendes de 2 500 francs et, le second, à trois amendes de 2 000 francs et qui a ordonné l'affichage et la publication de la décision.

LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire ampliatif, les observations complémentaires et le mémoire personnel produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'un salarié de la société DKE, sous-traitante de la société Arno, a fait une chute mortelle d'une hauteur de 5,60 mètres, alors qu'il était occupé à effectuer des travaux dans des gaines d'aération d'un navire appartenant à la société Gotland ; qu'à la suite de cet accident, Wilhlem Salamon, titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité au sein de la société Arno, et Michel Z, gérant de la société DKE, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire ainsi que, le premier, pour infractions aux dispositions des articles 4, 6 et 20 du décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977 et, le second, pour infractions aux dispositions des articles 2, 8 et 13 de l'arrêté du 21 septembre 1982 fixant les mesures de sécurité relatives à l'exécution des travaux en hauteur dans les chantiers de constructions et de réparations navales ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Michel Z et pris de la violation des articles 2 et 13 de l'arrêté du 21 septembre 1982, 1er et suivants du décret du 29 mars 1977, L 231-2, L 263-2, L 263-2-1, L 263-6 et R 233-45 du Code du travail, 121-3, 221-6, 221-8, 221-10 du Code pénal, du principe de personnalité des délits et des peines, 388 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motif et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel Z coupable du délit d'homicide involontaire, coupable de l'infraction prévue aux articles 2 et 13 de l'arrêté du 21 septembre 1982 et en ce qu'il l'a condamné à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis, à deux amendes de 2 500 francs chacune ainsi qu'à la publication et à l'affichage de la décision attaquée ;
" aux motifs propres que "si Michel Z s'est effectivement rendu sur le chantier ainsi qu'il le prétend à une époque qu'il situe au 1er juin 1996", il ne pouvait ignorer que le plancher dont s'agit était constitué d'un assemblage de madriers certes conçus pour s'adapter aux parois mais non fixés entre eux, afin de permettre justement de pouvoir les déplacer plus aisément, que cette circonstance était en elle-même génératrice d'un danger potentiel qui s'est malheureusement réalisé ; en sa qualité d'employeur, il demeurait responsable de la sécurité de son salarié et il lui appartenait de prendre toutes mesures pour solidariser les éléments du plancher entre eux afin d'éviter tout basculement intempestif de l'un d'eux ;
" et aux motifs adoptés qu'il peut être reproché à Michel Z l'absence d'équipement individuel de sécurité (du style harnais) à l'exclusion du plancher et du garde-corps ;
" alors, d'une part, que la cour d'appel ne saurait, sans violer l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les textes visés au moyen, dans les procès mettant en cause des coprévenus, faire resurgir à l'encontre de l'un d'eux, mis en cause par une simple citation directe, une infraction relative à la composition d'un plancher constitutif d'un élément de sécurité, infraction qui, dans le cadre d'une instruction régulière, avait donné lieu à une ordonnance de non-lieu au bénéfice de coprévenus concepteurs et réalisateurs dudit plancher ;
" alors, d'autre part, que l'arrêt ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen péremptoire des conclusions du demandeur (page 2, paragraphes 2, 7, 8 et 9), tiré de ce que le juge ne pouvait de toute façon pas entrer en voie de condamnation s'agissant de la conformité de ce plancher au regard de l'arrêté du 21 septembre 1982, sans se prononcer sur les explications techniques fournies par les responsables de la société Arno (réalisatrice et conceptrice dudit plancher), au stade de l'instruction dont n'avait pas bénéficié le demandeur, lesquelles avaient emporté la conviction, à la fois du ministère public et du juge d'instruction ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" alors, enfin, et de toute façon, que, faute de s'être valablement expliqué sur la dangerosité ou l'absence de dangerosité de l'installation conçue et réalisée par l'entrepreneur principal, la cour d'appel ne pouvait, sans priver sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen, retenir à la charge du directeur de l'entreprise sous-traitante une faute personnelle permettant d'engager sa responsabilité pour avoir laissé la victime travailler sur une telle installation ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Michel Z et pris de la violation des articles 2 et 13 de l'arrêté du 21 septembre 1982, 1er et suivants du décret du 29 mars 1977, L 231-2, L 263-2, L 263-2-1, L 263-6 et R 233-45 du Code du travail, 121-3, 221-6, 221-8, 221-10 du Code pénal, du principe de personnalité des délits et des peines, 388 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motif et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel Z coupable du délit d'homicide involontaire, coupable de l'infraction prévue aux articles 2 et 13 de l'arrêté du 21 septembre 1982 et en ce qu'il l'a condamné à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis, à deux amendes de 2 500 francs chacune ainsi qu'à la publication et à l'affichage de la décision attaquée ;
" aux motifs qu'il convient d'observer en premier lieu que si Michel Z soutient que le salarié était protégé de tous les côtés, que la protection était assurée par le plancher lui-même et qu'il n'aurait pas été possible d'installer un dispositif individuel de protection, cette dernière assertion n'est corroborée par aucun élément objectif du dossier, Michel Z ayant lui-même déclaré que le port d'une ceinture de sécurité ou d'un harnais était difficile en raison de l'exiguïté des lieux mais non pas impossible à réaliser () ;
" alors, d'une part, que prive nécessairement sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen, la cour d'appel, qui ne s'était pas valablement expliqué sur l'existence d'un moyen collectif de sécurité, à savoir le plancher, fait reproche à Michel Z de ne pas avoir imposé à son salarié l'utilisation d'un harnais de sécurité, comme il le faisait valoir dans ses conclusions (page 4, paragraphe 1) ;
" alors, d'autre part, qu'en déduisant la culpabilité du prévenu Michel Z, du seul fait qu'il aurait déclaré que "le port d'un équipement individuel de sécurité était difficile en raison de l'exiguïté des lieux mais non impossible" (arrêt, page 8, paragraphe 2), sans s'expliquer, ni sur la déclaration du contremaître de la société Arno (M. ...) qui faisait valoir "qu'il est bien évident qu'il est impossible de travailler avec des harnais" (procès-verbal du 16 décembre 1996, cote D 41), ni sur l'attestation de M. ..., consultant en prévention aux termes de laquelle "en aucune manière un accrochage d'un mousqueton ou autre moyen ne pouvait présenter de résistance suffisante" (cf conclusions de Michel Z, page 3, paragraphes 7 et suivants), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient nécessairement de ces éléments, a privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer Michel Z coupable d'homicide involontaire et d'infractions aux prescriptions des articles 2 et 13, alinéa 2, de l'arrêté du 21 septembre 1982, la cour d'appel retient notamment, par les motifs reproduits au moyen, que la victime n'était équipée d'aucun dispositif individuel de protection contre les chutes alors que, contrairement aux allégations du prévenu, la configuration des lieux ne rendait pas impossible l'installation d'un tel dispositif ; que les juges ajoutent que l'employeur " ne pouvait ignorer " que le plancher de la plate-forme sur laquelle travaillait la victime était constitué d'un assemblage de madriers non fixés entre eux de sorte qu'il aurait dû " prendre toutes mesures pour éviter tout basculement intempestif " ; que les juges précisent que ces manquements ont été à l'origine de l'accident ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction d'où il résulte que le prévenu n'a pas pris les mesures qui eussent permis d'éviter le dommage et qu'il a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel, qui était saisie par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction de l'ensemble des faits reprochés à Michel Z, a justifié sa décision, tant au regard des textes visés au moyen qu'au regard de l'article 121-3 du Code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 applicable en la cause ;
D'où il suit que les moyens qui, pour le surplus, reviennent à remettre en cause, sous le couvert d'un grief de défaut de réponse à conclusions, l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, doivent être écartés ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Wilhelm W et pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale
Sur le second moyen de cassation proposé par Wilhelm W et pris de la violation des articles 20 du décret du 29 novembre 1977 et 593 du Code de procédure pénale
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité de Wilhelm W du chef d'infractions aux prescriptions de sécurité applicables aux travaux effectués par une entreprise extérieure, la cour d'appel retient qu'en vertu de l'article 11 du décret du 29 novembre 1977 la société Arno, entreprise intervenante, était tenue de se conformer aux dispositions de ce texte dans ses rapports avec son sous-traitant ; que les juges énoncent qu'en méconnaissance de l'article 4 du décret précité le prévenu n'a pas pris l'initiative, avant le début des travaux confiés à la société DKE, de définir en commun avec le gérant de celle-ci les mesures à prendre en vue d'éviter les risques professionnels pouvant résulter de l'exercice simultané en un même lieu des activités des deux entreprises ; que les juges ajoutent qu'il n'a pas organisé l'inspection commune des lieux de travail prévue par l'article 6 du même texte ; qu'enfin, après avoir relevé que l'exécution des travaux de réparation confiés à la société Arno nécessitait plus de quatre cents heures de travail et qu'un procès-verbal définissant les mesures de sécurité avait en conséquence été signé en application de l'article 20 du décret du 29 novembre 1977 par cette société et la société Gotland, entreprise utilisatrice, les juges énoncent qu'un tel procès-verbal aurait également dû être établi en commun par la société Arno et son sous-traitant, la société DKE, quel qu'ait été le nombre d'heures de travail nécessaires à la réalisation des travaux confiée à celle-ci par le contrat de sous-traitance ;
Que, pour déclarer Wilhelm W également coupable d'homicide involontaire, la cour d'appel énonce que, du fait de l'inobservation des prescriptions du décret du 29 novembre 1977, la victime a travaillé sur des installations montées par les salariés de la société Arno sans être informée des risques particuliers d'accident qu'elles comportaient et des mesures de prévention qui devaient être mises en uvre ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance d'où il résulte que le prévenu n'a pas pris les mesures qui eussent permis d'éviter le dommage et qu'il a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel a fait l'exacte application tant des dispositions de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal issues de la loi du 10 juillet 2000 applicable en la cause que des dispositions précitées du décret du 29 novembre 1977, demeuré applicable aux travaux de réparation navale en vertu de l'article 2 du décret n° 92-158 du 20 février 1992 ;
Qu'en effet, il résulte des dispositions des articles 11 et 20 du décret du 29 novembre 1977 que, lorsque des travaux sont effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, l'obligation d'établir un procès-verbal détaillé définissant les mesures de sécurité prises ou à prendre par chaque entreprise s'impose nécessairement à l'entreprise intervenante dans ses rapports avec ses sous-traitants, dès lors qu'elle y était elle-même soumise dans ses rapports avec l'entreprise utilisatrice ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.

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