Jurisprudence : CJCE, 08-11-2001, aff. C-338/98, Commission des Communautés européennes c/ Royaume des Pays-Bas

CJCE, 08-11-2001, aff. C-338/98, Commission des Communautés européennes c/ Royaume des Pays-Bas

A5831AXA

Référence

CJCE, 08-11-2001, aff. C-338/98, Commission des Communautés européennes c/ Royaume des Pays-Bas. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1076837-cjce-08112001-aff-c33898-commission-des-communautes-europeennes-c-royaume-des-paysbas
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Cour de justice des Communautés européennes

8 novembre 2001

Affaire n°C-338/98

Commission des Communautés européennes
c/
Royaume des Pays-Bas



ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

8 novembre 2001 (1)

"Manquement d'État - Articles 17, paragraphe 2, sous a), et 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive TVA - Réglementation nationale permettant à l'employeur de déduire, au titre de la taxe supportée en amont, un certain pourcentage de l'indemnité versée à un employé pour l'utilisation à des fins professionnelles d'un véhicule privé"

Dans l'affaire C-338/98,

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. E. Mennens et E. Traversa, puis par MM. E. Traversa et H. M. H. Speyart, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume des Pays-Bas, représenté par M. M. A. Fierstra, Mmes C. Wissels et J. van Bakel, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par Mme M. Ewing, en qualité d'agent, assistée de M. N. Pleming, QC, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

ayant pour objet de faire constater que, en prévoyant, en violation des articles 17, paragraphe 2, sous a), et 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), dans sa version résultant de la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, modifiant la directive 77/388 et portant nouvelles mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée - champ d'application de certaines exonérations et modalités pratiques de leur mise en oeuvre (JO L 102, p. 18), une déduction par l'employeur, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, d'une partie de l'indemnité versée à un employé pour l'usage à des fins professionnelles d'une voiture privée, le royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. S. von Bahr, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la cinquième chambre, D. A. O. Edward, A. La Pergola (rapporteur), M. Wathelet et C. W. A. Timmermans, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 5 avril 2001, au cours de laquelle la Commission a été représentée par M. H. M. H. Speyart, le royaume des Pays-Bas par Mme J. van Bakel et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord par Mme G. Amodeo, en qualité d'agent, assistée de M. N. Pleming,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 31 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

1.

Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 septembre 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en prévoyant, en violation des articles 17, paragraphe 2, sous a), et 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), dans sa version résultant de la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, modifiant la directive 77/388 et portant nouvelles mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée - champ d'application de certaines exonérations et modalités pratiques de leur mise en oeuvre (JO L 102, p. 18, ci-après la "sixième directive"), une déduction par l'employeur, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la "TVA"), d'une partie de l'indemnité versée à un employé pour l'usage à des fins professionnelles d'une voiture privée, le royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.

2.

Par ordonnance du président de la Cour du 21 avril 1999, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a été admis à intervenir à l'appui des conclusions du royaume des Pays-Bas.

La réglementation communautaire

3.

Aux termes de l'article 4 de la sixième directive:

"1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

[...]

4. Le terme 'd'une façon indépendante utilisé au paragraphe 1 exclut de la taxation les salariés et autres personnes dans la mesure où ils sont liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération et la responsabilité de l'employeur.

[...]"

4.

En vertu de l'article 5, paragraphe 1, de la sixième directive, "[e]st considéré comme 'livraison d'un bien le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire".

5.

Intitulé "Naissance et étendue du droit à déduction", l'article 17 de la sixième directive dispose en son paragraphe 2, sous a):

"Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée à l'intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti".

6.

Intitulé "Modalités d'exercice du droit à déduction", l'article 18 de la sixième directive prévoit:

"1. Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l'assujetti doit:

a) pour la déduction visée à l'article 17 paragraphe 2 point a), détenir une facture établie conformément à l'article 22 paragraphe 3;

[...]

3. Les États membres fixent les conditions et modalités suivant lesquelles un assujetti peut être autorisé à procéder à une déduction à laquelle il n'a pas procédé conformément aux paragraphes 1 et 2.

[...]"

7.

L'article 22, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive dispose:

"Tout assujetti doit délivrer une facture, ou un document en tenant lieu, pour les livraisons de biens et les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie. [...]

De même, tout assujetti doit délivrer une facture pour les acomptes qui lui sont versés avant que l'une des livraisons de biens visées au premier alinéa ne soit effectuée et pour les acomptes qui lui sont versés par un autre assujetti, ou par une personne morale non assujettie, avant que la prestation de services ne soit achevée."

8.

L'article 22, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive précise:

"Les États membres fixent les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture."

La réglementation nationale

9.

L'article 23 de l'Uitvoeringsbesluit omzetbelasting (arrêté d'exécution en matière de taxe sur le chiffre d'affaires), du 12 août 1968 (Staatsblad 1968, n° 423), tel que modifié par l'arrêté du 17 décembre 1997 (Staatsblad 1997, n° 761, ci-après l'"arrêté d'exécution du 12 août 1968"), dispose:

"Sans préjudice des dispositions de l'article 15, paragraphes 2 et 5, de la loi, lorsqu'un employé utilise une voiture qui lui appartient dans le cadre de l'entreprise de son employeur et que celui-ci lui verse à ce titre une indemnité, un pourcentage de l'indemnité, fixé par le ministre, peut être déduit par l'employeur dans la mesure où cette indemnité ne relève pas de la rémunération au sens de l'impôt sur les rémunérations."

10.

L'article 16 de l'Uitvoeringsbeschikking omzetbelasting (décision d'exécution en matière de taxe sur le chiffre d'affaires), du 30 août 1968 (Nederlandse Staatscourant 1968, n° 169), telle que modifiée par l'arrêté ministériel du 14 octobre 1998 (Nederlandse Staatscourant 1998, n° 204), fixe à 12 % le pourcentage de l'indemnité pouvant être ainsi déduit par l'employeur.

11.

Le gouvernement néerlandais indique que ce pourcentage correspond à la moyenne pondérée de la TVA incluse dans les divers éléments de coûts afférents à la possession et à l'utilisation d'une voiture.

12.

Il ressort plus précisément des explications fournies par ce gouvernement en réponse à une question de la Cour que, aux fins de déterminer le pourcentage en question, il a été tenu compte du fait que l'indemnité versée par l'employeur à son employé est censée couvrir tout à la fois des dépenses effectuées par l'employé avec paiement d'une TVA, telles que l'acquisition du véhicule, l'achat du carburant, les frais d'entretien ou de réparation, et des dépenses n'ayant pas donné lieu à la perception de la TVA, telles que les taxes liées à la possession du véhicule ou les primes d'assurance.

13.

À cet égard, les autorités néerlandaises ont estimé que les dépenses afférentes à un véhicule non soumises à la TVA représentaient, en moyenne, environ 20 % à 21,5 % du montant total des dépenses liées à la détention et à l'utilisation dudit véhicule. S'agissant des véhicules équipés d'un moteur diesel, qui constitueraient quelque 10 % du parc automobile néerlandais, cette proportion moyenne serait toutefois plus élevée.

14.

Considérant, sur la base de ces prémisses, que seule une proportion de 78,5 % à 80 % du montant de l'indemnité versée par l'employeur à son employé est censée couvrir des dépenses de ce dernier ayant donné lieu à la perception de la TVA au taux normal de 17,5 %, il a été calculé que cette indemnité était dès lors censée inclure une portion de TVA précédemment acquittée par l'employé variant de 12,08 % à 12,28 % de ladite indemnité.

15.

Si ce pourcentage a été arrondi à 12 %, ce serait notamment en vue de tenir compte de la situation particulière caractérisant les véhicules équipés d'un moteur diesel.

16.

En réponse à une question de la Cour, le gouvernement néerlandais a encore précisé que, si le pourcentage de déductibilité autorisé était passé de 13 % à 12 % en 1992, cette modification était la conséquence de la réduction de 18,5 % à 17,5 % du taux normal de la TVA pratiqué aux Pays-Bas.

17.

Quant au montant de l'indemnité versée à l'employé et à propos de laquelle opère la déduction de TVA à raison de 12 %, il ressort des réponses du gouvernement néerlandais aux questions formulées par la Cour ainsi que de l'audience que ladite déduction est admise par les autorités fiscales néerlandaises dès l'instant où cette indemnité n'excède pas un forfait de 0,6 NLG par kilomètre.

18.

En revanche, il résulte de la Wet op de loonbelasting 1964 (loi de 1964 relative à l'impôt sur les rémunérations) et des dispositions d'application de cette loi que, lorsqu'elle s'élève à plus de 0,6 NLG par kilomètre, l'indemnité constitue, dans la mesure correspondante, un élément de la rémunération.

19.

Sur le plan du contrôle, il résulte de diverses dispositions fiscales nationales que l'employeur est tenu de tenir une comptabilité spécifique en ce qui concerne les indemnités versées à l'employé du chef de l'utilisation de son véhicule privé pour les besoins de l'entreprise et qu'une telle comptabilité doit notamment indiquer le nombre de kilomètres pour lesquels l'indemnité est versée. Les documents justificatifs permettant d'établir l'admissibilité de la déduction ne sont pas soumis à des formes particulières, mais ils doivent contenir des informations relatives aux voyages accomplis pour des raisons professionnelles, aux lieux où l'employé s'est rendu et aux distances parcourues par celui-ci, des déclarations périodiques de l'employé étant requises à ce dernier égard.

La procédure précontentieuse

20.

Par lettre du 2 février 1993, la Commission a fait part au gouvernement néerlandais de ses doutes concernant la conformité de l'article 23 de l'arrêté d'exécution du 12 août 1968 avec la sixième directive, en ce que cette disposition autorise une déduction de la TVA dans le chef de l'employeur assujetti sans que la condition relative à la détention d'une facture prévue à l'article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive soit remplie.

21.

Par lettre du 5 juillet 1993, le gouvernement néerlandais a fait valoir que la déduction en cause ne saurait être critiquée pour des raisons purement formelles liées à l'absence de détention d'une facture délivrée entre assujettis. Invoquant l'arrêt du 8 mars 1988, Intiem (165/86, Rec. p. 1471), le gouvernement néerlandais soutenait que seul importe le fait que les dépenses auxquelles a trait la déduction sont, comme en l'occurrence, consenties pour les besoins des activités de l'employeur assujetti.

22.

Le 10 mai 1995, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure au royaume des Pays-Bas. Tout en paraissant admettre le caractère professionnel des dépenses à propos desquelles la déduction en cause opère et, partant, le fait que cette déduction ne portait pas atteinte au principe formulé à l'article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive, la Commission insistait à nouveau sur l'exigence de détention d'une facture prescrite à l'article 18, paragraphe 1, sous a), de la même directive. Elle soulignait à cet égard que le respect d'une telle exigence constituait une garantie de légalité et de transparence permettant de lutter efficacement contre la fraude.

23.

Le gouvernement néerlandais ayant réitéré son point de vue dans un courrier du 10 juillet 1995, la Commission lui a adressé une lettre de mise en demeure complémentaire en date du 17 octobre 1996. Indiquant qu'elle avait procédé à un examen plus approfondi de la réglementation néerlandaise en cause, la Commission y développait son argumentation. Elle faisait notamment valoir que le droit à déduction en cause enfreint également l'article 17, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive, en ce que les prestations et les livraisons concernées ne sont pas effectuées au bénéfice de l'employeur assujetti par un autre assujetti, mais bien au profit d'un consommateur final, à savoir l'employé. La taxe acquittée par ce dernier devrait dès lors rester définitivement à sa charge tandis que l'indemnité versée par l'employeur à l'employé, qui ne constitue pas la contrepartie d'une opération taxable, échapperait au domaine de la TVA.

24.

Bien que concédant que la réglementation néerlandaise en cause pouvait paraître contraire à la lettre des articles 17, paragraphe 2, sous a), et 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, le gouvernement néerlandais a fait valoir, dans sa réponse du 16 décembre 1996, que ladite réglementation est néanmoins conforme aux principes gouvernant la TVA et que ces principes doivent prévaloir sur le texte de la sixième directive. En particulier, le droit à déduction en cause se rapporterait à des biens et à des services liés à l'activité professionnelle de l'employeur assujetti et permettrait d'éviter un cumul d'imposition portant atteinte à la neutralité de la taxe.

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