Jurisprudence : CJCE, 27-11-2001, aff. C-285/99, Impresa Lombardini SpA - Impresa Generale di Costruzioni c/ ANAS - Ente nazionale per le strade

CJCE, 27-11-2001, aff. C-285/99, Impresa Lombardini SpA - Impresa Generale di Costruzioni c/ ANAS - Ente nazionale per le strade

A5829AX8

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Cour de justice des Communautés européennes

27 novembre 2001

Affaire n°C-285/99

Impresa Lombardini SpA - Impresa Generale di Costruzioni
c/
ANAS - Ente nazionale per le strade



ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

27 novembre 2001 (1)

"Directive 93/37/CEE - Marchés publics de travaux - Attribution des marchés - Offres anormalement basses - Modalités de justification et d'exclusion appliquées dans un État membre - Obligations du pouvoir adjudicateur au titre du droit communautaire"

Dans les affaires jointes C-285/99 et C-286/99,

ayant pour objet des demandes adressées à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Consiglio di Stato (Italie) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Impresa Lombardini SpA - Impresa Generale di Costruzioni

et

ANAS - Ente nazionale per le strade,

Società Italiana per Condotte d'Acqua SpA (C-285/99),

et entre

Impresa Ing. Mantovani SpA

et

ANAS - Ente nazionale per le strade,

Ditta Paolo Bregoli (C-286/99),

en présence de:

Coopsette Soc. coop. arl (C-286/99),

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 30, paragraphe 4, de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54),

LA COUR (sixième chambre),

composée de Mme N. Colneric, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. C. Gulmann, J.-P. Puissochet, R. Schintgen (rapporteur) et V. Skouris, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Impresa Lombardini SpA - Impresa Generale di Costruzioni, par Mes A. Cinti, R. Ferola et L. Manzi, avvocati,

- pour Impresa Ing. Mantovani SpA, par Me A. Cancrini, avvocato,

- pour Coopsette Soc. coop. arl, par Me S. Panunzio, avvocato,

- pour le gouvernement italien, par M. U. Leanza, en qualité d'agent, assisté de M. P. G. Ferri, avvocato dello Stato,

- pour le gouvernement autrichien, par M. W. Okresek, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. M. Nolin, en qualité d'agent, assisté de Me M. Moretto, avvocato,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Impresa Lombardini SpA - Impresa Generale di Costruzioni, représentée par Me R. Ferola, de Impresa Ing. Mantovani SpA, représentée par Me C. De Portu, avvocato, de Coopsette Soc. coop. arl, représentée par Me S. Panunzio, du gouvernement italien, représenté par M. D. Del Gaizo, avvocato dello Stato, et de la Commission, représentée par M. M. Nolin, assisté de Me M. Moretto, à l'audience du 3 mai 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 5 juin 2001,

rend le présent

Arrêt

1.

Par deux ordonnances du 26 mai 1999, parvenues au greffe de la Cour le 30 juillet suivant, le Consiglio di Stato a posé, en application de l'article 234 CE, cinq questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 30, paragraphe 4, de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54, ci-après la "directive").

2.

Ces questions ont été soulevées dans le cadre de deux litiges opposant les sociétés de droit italien Impresa Lombardini SpA - Impresa Generale di Costruzioni (ci-après "Lombardini") (C-285/99) et Impresa Ing. Mantovani SpA (ci-après "Mantovani") (C-286/99) à l'ANAS - Ente nazionale per le strade (ci-après l'"ANAS"), instance adjudicatrice de droit public en Italie, au sujet du rejet des offres déposées par Lombardini et Mantovani dans deux procédures restreintes de passation de marchés publics de travaux au motif que ces offres étaient anormalement basses.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3.

La directive a été adoptée sur le fondement des articles 57, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 47, paragraphe 2, CE), 66 du traité CE (devenu article 55 CE) et 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE).

4.

Aux termes de son deuxième considérant, "la réalisation simultanée de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services en matière de marchés publics detravaux, conclus dans les États membres pour le compte de l'État, des collectivités territoriales et d'autres organismes de droit public, comporte, parallèlement à l'élimination des restrictions, une coordination des procédures nationales de passation des marchés publics de travaux".

5.

L'article 30 de la directive, qui figure au chapitre 3, intitulé "Critères d'attribution du marché", du titre IV, intitulé "Règles communes de participation", dispose:

"1. Les critères sur lesquels le pouvoir adjudicateur se fonde pour attribuer les marchés sont:

a) soit uniquement le prix le plus bas;

b) soit, lorsque l'attribution se fait à l'offre économiquement la plus avantageuse, divers critères variables suivant le marché en question: par exemple, le prix, le délai d'exécution, le coût d'utilisation, la rentabilité, la valeur technique.

[...]

4. Si, pour un marché donné, des offres apparaissent anormalement basses par rapport à la prestation, le pouvoir adjudicateur, avant de pouvoir rejeter ces offres, demande, par écrit, des précisions sur la composition de l'offre qu'il juge opportunes et vérifie cette composition en tenant compte des justifications fournies.

Le pouvoir adjudicateur peut prendre en considération des justifications tenant à l'économie du procédé de construction, ou aux solutions techniques adoptées, ou aux conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire pour exécuter les travaux, ou à l'originalité du projet du soumissionnaire.

Si les documents relatifs au marché prévoient l'attribution au prix le plus bas, le pouvoir adjudicateur est tenu de communiquer à la Commission le rejet des offres jugées trop basses.

Toutefois, pour une période allant jusqu'à la fin de 1992 et lorsque la législation nationale en vigueur le permet, le pouvoir adjudicateur peut, exceptionnellement et à l'exclusion de toute discrimination fondée sur la nationalité, rejeter les offres présentant un caractère anormalement bas par rapport à la prestation, sans être tenu d'observer la procédure prévue au premier alinéa, dans le cas où le nombre de ces offres pour un marché déterminé serait tellement important que la mise en oeuvre de cette procédure conduirait à un retard substantiel et compromettrait l'intérêt public qui s'attache à la réalisation du marché en question. [...]"

La législation nationale

6.

L'article 30, paragraphe 4, de la directive a été transposé en droit italien par l'article 21, paragraphe 1 bis, de la loi n° 109, du 11 février 1994 (GURI n° 41, du 19 février 1994, p. 5), loi-cadre sur les travaux publics.

7.

Dans sa version résultant de l'article 7 du décret-loi n° 101, du 3 avril 1995 (GURI n° 78, du 3 avril 1995, p. 8), ratifié par la loi n° 216, du 2 juin 1995 (GURI n° 127, du 2 juin 1995, p. 3), cette disposition est ainsi libellée:

"En cas d'adjudication de travaux d'une valeur égale ou supérieure à 5 millions d'écus en utilisant le critère du prix le plus bas visé au paragraphe 1, l'administration concernée évalue l'anomalie, au sens de l'article 30 de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, de toute offre présentant un rabais supérieur au pourcentage fixé avant le 1er janvier de chaque année par décret du ministre des Travaux publics, après avoir entendu l'Osservatorio des travaux publics, sur la base du cours des offres admises dans le cadre de marchés attribués au cours de l'année précédente.

À cette fin, l'administration publique ne peut prendre en considération que des justifications tenant à l'économie du procédé de construction ou des solutions techniques adoptées ou aux conditions particulièrement favorables dont dispose le soumissionnaire, à l'exclusion, cependant, de justifications relatives à tout élément pour lequel une valeur minimale est établie par la voie législative, réglementaire ou administrative, ou pour lequel une valeur minimale peut être déterminée sur la base de données officielles. Les offres doivent être accompagnées, dès leur présentation, de justifications tenant aux composantes les plus significatives du prix indiquées dans l'avis de marché ou dans la lettre d'invitation, représentant ensemble un montant d'au moins 75 % de la valeur de base du marché".

8.

Par décrets ministériels des 28 avril 1997 (GURI n° 105, du 8 mai 1997, p. 28) et 18 décembre 1997 (GURI n° 1, du 2 janvier 1998, p. 26), tous deux pris au titre de l'article 21, paragraphe 1 bis, premier alinéa, de la loi n° 109/94, modifiée, et déterminant le seuil d'anomalie des offres dans les avis de marché, le ministre des Travaux publics, ayant reconnu l'impossibilité d'établir un seuil d'anomalie unique pour l'ensemble du territoire national et eu égard au fait que l'"Osservatorio" n'avait pas été institué, a décidé que le pourcentage du rabais déclenchant l'obligation, pour le pouvoir adjudicateur, de soumettre l'offre à une procédure de vérification serait fixé, pour 1997 et 1998, "à une mesure égale à la moyenne arithmétique des rabais, en termes de pourcentage, de toutes les offres admises, augmentée de l'écart arithmétique moyen des rabais, en termes de pourcentage, qui dépassent la moyenne précitée".

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

Affaire C-285/99

9.

En 1997, Lombardini a participé à une procédure restreinte de passation d'un marché public de travaux lancée par l'ANAS, en vue de l'exécution de travaux d'élargissement à trois voies d'une portion d'autoroute, d'une valeur de base du marché de 122 250 216 000 ITL.

10.

Tant l'avis de marché que la lettre d'invitation à soumissionner précisaient que l'attribution dudit marché interviendrait conformément à l'article 21 de la loi n° 109/94, modifié par la loi n° 216/95, selon le critère du rabais maximal sur le bordereau des prix et sur le montant du gros oeuvre retenus comme base du marché, et que le pouvoir adjudicateur déterminerait quelles offres seraient considérées comme anormalement basses par application du critère fixé par le décret ministériel du 28 avril 1997.

11.

Conformément audit article 21, paragraphe 1 bis, la lettre d'invitation faisait obligation aux soumissionnaires d'assortir leur offre des justifications relatives aux composantes les plus significatives du prix équivalant à 75 % de la valeur de base du marché mentionnée dans l'avis de marché. L'offre et les explications sur sa composition devaient, sous peine d'exclusion, être rédigées selon les règles jointes à cette invitation et incluses dans l'enveloppe contenant la documentation administrative. Il était également précisé que la documentation justificative nécessaire à la vérification du sérieux des prix offerts pour les composantes significatives du marché devait, toujours sous peine d'exclusion, être insérée dans une enveloppe séparée et scellée, laquelle ne devait être ouverte, et son contenu examiné, que pour les offres présentant un rabais supérieur au seuil arithmétique d'anomalie. Dans l'hypothèse où le marché serait attribué à un soumissionnaire dont l'offre présentait un tel rabais, il était en outre prévu que les analyses des prix et les justifications produites à l'appui de l'offre feraient partie intégrante de cette dernière et seraient jointes au contrat de marché avec force contractuelle.

12.

Après avoir fixé, conformément aux modalités prévues dans le décret ministériel du 28 avril 1997, le seuil d'anomalie à 28,004 % pour le marché en cause, l'autorité compétente a uniquement procédé à l'ouverture des enveloppes qui contenaient la documentation justificative concernant les seules offres qui présentaient un rabais s'étant avéré supérieur à ce seuil, parmi lesquelles figurait celle de Lombardini.

13.

À l'issue de l'examen de cette documentation, elle a déclaré irrecevables toutes les offres présentant un rabais supérieur audit seuil, sans toutefois donner aux entreprises concernées la possibilité de fournir d'autres justifications après que leurs offres eurent été jugées anormalement basses et avant que l'adjudication définitive du marché ait eu lieu.

14.

Ainsi, l'offre de Lombardini, qui prévoyait un rabais de 29,88 %, a été exclue et le marché attribué à la Società Italiana per Condotte d'Acqua SpA, dont l'offre, qui comportait un rabais de 27,70 %, était la plus basse des offres n'ayant pas été considérées comme anormalement basses.

15.

Lombardini a alors introduit un recours devant le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (Italie), en faisant valoir que la réglementation italienne n'était pas conforme aux exigences de la directive, en ce que, pour lever tout soupçon d'anomalie, il ne suffisait pas d'évaluer les justifications fournies lors de la présentation de l'offre, lesquelles pouvaient d'ailleurs ne concerner que 75 % de la valeur de base du marché, mais que, au vu de la directive, il était indispensable que le pouvoir adjudicateur demande ensuite à l'entreprise en cause des précisions et des éclaircissements dans le cadre d'un débat réellement contradictoire.

16.

Le Tribunale amministrativo ayant rejeté son recours par décision du 1er juillet 1998, Lombardini a porté le litige devant le Consiglio di Stato.

17.

Celui-ci souligne que la réglementation et la pratique administrative italiennes imposent aux entrepreneurs qui participent à un appel d'offres de fournir, dès la présentation de leur offre, des justifications, rédigées sur des formulaires ad hoc et correspondant à au moins 75 % de la valeur de base du marché, sous peine d'exclusion automatique de l'offre, alors même que ces opérateurs ne sont pas en mesure de connaître, au moment du dépôt de leur dossier et avant le dépouillement de toutes les offres admises au marché, le niveau de rabais que le pouvoir adjudicateur considérera comme anormal. Il estime que la solution du litige exige de déterminer si cette situation juridique est conforme à la directive ou si, au contraire, cette dernière fait obligation à l'autorité adjudicatrice de mener un débat contradictoire postérieurement à la présentation des offres, au moyen d'une vérification individuelle dans le cadre d'un dialogue avec l'entrepreneur concerné, sans limite de temps quant à la fourniture par ce dernier des éléments susceptibles de corroborer la crédibilité de son offre.

18.

En outre, le Consiglio di Stato s'interroge sur la compatibilité avec le droit communautaire de la réglementation italienne, en tant qu'elle exclut toute justification concernant les éléments pour lesquels des valeurs minimales sont établies par la voie législative, réglementaire ou administrative ou peuvent être déterminées sur la base de données officielles. La disposition en cause pourrait en effet s'avérer incompatible avec le droit communautaire, dans la mesure où elle risquerait d'enfreindre le jeu de la libre concurrence et le principe selon lequel il importe de rechercher les entreprises ayant soumis la meilleure offre, principe qui devrait être considéré comme fondamental dans l'ordre juridique communautaire.

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