Jurisprudence : CE Contentieux, 11-06-1999, n° 189219



Conseil d'Etat

Statuant au contentieux


N° 189219

Section

Société "Les Grands Moulins de Strasbourg"

Mme Liebert-Champagne, Rapporteur

M Bachelier, Commissaire du gouvernement

M Labetoulle, Président

SCP Piwnica, Molinié, SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Lecture du 11 Juin 1999


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 juillet 1997 et le mémoire complémentaire, enregistré le 24 novembre 1997, présentés pour la Société "LES GRANDS MOULINS DE STRASBOURG" dont le siège est 61, avenue d'Iéna à Paris (75016), agissant par son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège ; la Société "LES GRANDS MOULINS DE STRASBOURG" demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 29 mai 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 22 novembre 1995, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 1er juin 1994 par laquelle l'inspecteur du travail l'avait autorisé à licencier M Ahmedi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme Liebert-Champagne, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société "LES GRANDS MOULINS DE STRASBOURG" et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M Agim Ahmedi,

- les conclusions de M Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la Société "LES GRANDS MOULINS DE STRASBOURG" se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg annulant la décision en date du 1er juin 1994 par laquelle l'inspecteur du travail l'a autorisée à licencier M Ahmedi, délégué du personnel suppléant et membre suppléant au comité d'entreprise, qui a fait l'objet d'une condamnation à un an de prison ferme pour participation à un trafic de stupéfiants ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'autorisation de licencier M Ahmedi doit être regardée comme ayant été sollicitée par la société requérante et accordée par l'inspecteur du travail au double motif que les faits pour lesquels M Ahmedi a été condamné, d'une part, justifiaient la perte de confiance de son employeur, d'autre part, présentaient le caractère d'une faute de nature à permettre son licenciement ;

Considérant qu'en vertu des articles L 425-1 et L 436-1 du code du travail, les délégués du personnel et les membres du comité d'entreprise, titulaires et suppléants, qui bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ;

Considérant que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant que lorsque le licenciement est demandé en raison de la perte de confiance alléguée par l'employeur à l'égard du salarié, il incombe à ces mêmes autorités de vérifier si les éléments à l'appui de la demande justifient une telle allégation compte tenu de l'importance des responsabilités exercées par le salarié ;

Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant que M Ahmedi affecté au poste de portier de l'entreprise, n'exerçait pas au sein de celle-ci des responsabilités de nature à justifier son licenciement pour perte de confiance de la part de l'employeur, la cour administrative d'appel de Nancy a exactement qualifié les faits et n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, qu'après avoir relevé, dans l'exercice de son pouvoirsouverain d'appréciation, que les faits reprochés à M Ahmedi n'avaient pas été commis dans l'enceinte de l'entreprise et n'avaient pas eu d'incidence sur la qualité de l'exécution des tâches qui lui étaient confiées dans le cadre de son contrat de travail ni sur le fonctionnement de l'entreprise, la cour administrative a pu légalement déduire de ces énonciations que ces faits ne revêtaient pas le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société "LES GRANDS MOULINS DE STRASBOURG" n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la Société "LES GRANDS MOULINS DE STRASBOURG" à payer à M Ahmedi la somme de 9 648 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Société "LES GRANDS MOULINS DE STRASBOURG" est rejetée.

Article 2 : La Société "LES GRANDS MOULINS DE STRASBOURG" paiera à M Ahmedi la somme de 9 648 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société "LES GRANDS MOULINS DE STRASBOURG", à M Agim Ahmedi et au ministre de l'emploi et de la solidarité.

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