Jurisprudence : CE Contentieux, 13-05-2024, n° 466541, publié au recueil Lebon

CE Contentieux, 13-05-2024, n° 466541, publié au recueil Lebon

A35805B9

Identifiant européen : ECLI:FR:CESEC:2024:466541.20240513

Identifiant Legifrance : CETATEXT000049535309

Référence

CE Contentieux, 13-05-2024, n° 466541, publié au recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/107537187-ce-contentieux-13052024-n-466541-publie-au-recueil-lebon
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Abstract

54-01-07-05 Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu’elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 466541

Séance du 26 avril 2024

Lecture du 13 mai 2024

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, Section du Contentieux)


Vu la procédure suivante :

Mme C B a porté plainte contre Mme A D devant la chambre disciplinaire de première instance du secteur I de l'ordre des sages-femmes. Par une décision du 14 janvier 2021, la chambre disciplinaire de première instance a rejeté sa plainte.

Par une décision du 31 mai 2022, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des sages-femmes a, sur appel de Mme B, annulé la décision du 14 janvier 2021 et infligé à Mme D la sanction du blâme.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 7 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, du conseil départemental de la Polynésie française de l'ordre des sages-femmes et du Conseil national de l'ordre des sages-femmes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de procédure civile ;

- le code de la santé publique ;

- la délibération n° 97-109 APF du 10 juillet 1997 de la commission permanente de l'assemblée de la Polynésie française, portant code de déontologie des sages-femmes ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Thalia Breton, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme D et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de Mme B ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des sages-femmes que Mme C B, médecin spécialiste, qualifiée en gynécologie-obstétrique, exerçant à la maternité de la polyclinique Paofai à Papeete (Polynésie française), a porté plainte contre Mme A D, sage-femme, inscrite au tableau de l'ordre des sages-femmes de Polynésie française et exerçant au sein de la même maternité, devant la chambre disciplinaire de première instance du secteur I de l'ordre des sages-femmes. Par une décision du 14 janvier 2021, la chambre disciplinaire de première instance a rejeté sa plainte. Par une décision du 31 mai 2022, contre laquelle Mme D se pourvoit en cassation, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des sages-femmes a, sur appel de Mme B, annulé la décision du 14 janvier 2021 et infligé à Mme D la sanction du blâme.

Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête d'appel :

2. Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu'elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l'expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi.

3. En l'espèce, aux termes de l'article R. 4126-44 du code de la santé publique🏛, applicable aux requêtes d'appel formées devant les chambres disciplinaires nationales des ordres des professions médicales, notamment celle de l'ordre des sages-femmes : " Le délai d'appel est de trente jours à compter de la notification de la décision. / Les délais supplémentaires de distance s'ajoutent au délai prévu à l'alinéa précédent, conformément aux dispositions des articles 643 et 644 du code de procédure civile🏛🏛. / Le défaut de mention, dans la notification de la décision de la chambre disciplinaire de première instance, du délai d'appel de trente jours emporte application du délai de deux mois. () ". Aux termes de l'article R. 4126-45 du même code🏛 : " L'appel doit être déposé ou adressé par voie postale au greffe de la chambre disciplinaire nationale. / () ". Aux termes de l'article 643 du code de procédure civile : " Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais () d'appel () sont augmentés de : / 1. Un mois pour les personnes qui demeurent () en Polynésie française () ".

4. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant les juges du fond que la décision de la chambre disciplinaire de première instance du secteur I de l'ordre des sages-femmes a été notifiée à Mme B le 5 février 2021, le courrier procédant à cette notification comportant les mentions prévues à l'article R. 4126-44 du code de la santé publique et citées au point précédent. Si l'appel formé par Mme B contre cette décision, qui a été adressé par voie postale, n'a été enregistré au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des sages-femmes que le 16 avril 2021, il n'est pas contesté qu'il a été expédié le 31 mars 2021 depuis la Polynésie française, où réside Mme B, soit avant l'expiration du délai d'appel imparti de trente jours, augmenté du délai de distance d'un mois, résultant des dispositions citées au point 3. Par suite, Mme D n'est pas fondée à soutenir que l'appel de Mme B était tardif et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision qu'elle attaque, qui a fait droit à cet appel.

Sur les autres moyens :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4152-6 du code de la santé publique🏛 : " La chambre disciplinaire nationale comprend quatre membres titulaires et quatre membres suppléants élus, en nombre égal, par le conseil national parmi, d'une part, les membres du conseil national, et, d'autre part, parmi les membres et anciens membres des conseils de l'ordre. / La chambre siège en formation d'au moins trois membres ". En vertu du premier alinéa du II de l'article L. 4122-3 du même code🏛 : " () Elle est présidée par un membre du Conseil d'Etat, en activité ou honoraire, ayant au moins le rang de conseiller d'Etat, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat pour une durée de six ans renouvelable. Un ou plusieurs présidents suppléants sont désignés dans les mêmes conditions. () / V- Les décisions de la chambre disciplinaire nationale sont rendues en formation collégiale () ". Ni ces dispositions, ni aucune autre n'interdit à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des sages-femmes de siéger en nombre pair et aucune règle générale de procédure n'impose à ses membres d'être en nombre impair. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait irrégulière au motif qu'elle a été rendue, en l'espèce, par une formation de jugement qui ne comptait pas un nombre impair de membres doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 14 du code de déontologie des sages-femmes adopté par la délibération du 10 juillet 1997 de la commission permanente de l'assemblée de la Polynésie française : " La sage-femme doit s'interdire dans les investigations ou les actes qu'elle pratique comme dans les traitements qu'elle prescrit de faire courir à sa patiente ou à l'enfant un risque injustifié ".

7. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des sages-femmes a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que le 29 mai 2018, Mme D, d'une part, a effectué, dans le cadre de la prise en charge d'une patiente hospitalisée en raison d'une grossesse pathologique, l'enregistrement du rythme cardial fœtal, d'autre part, a mis fin à cet enregistrement au bout de quarante-cinq minutes alors qu'il avait fait apparaître une tachycardie fœtale potentiellement synonyme de souffrance fœtale, enfin, n'en a immédiatement alerté, ni le médecin, ni aucun autre professionnel de la maternité, Mme B n'étant prévenue que deux heures plus tard par une autre professionnelle et non par Mme D. En en déduisant que Mme D avait, ce faisant, méconnu ses obligations déontologiques résultant de l'article 14 du code de déontologie des sages-femmes cité au point 6, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des sages-femmes n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 4124-6 du code de la santé publique🏛 : " Les peines disciplinaires () sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'interdiction temporaire avec ou sans sursis ou l'interdiction permanente d'exercer une, plusieurs ou la totalité des fonctions () de sage-femme () ; / 4° L'interdiction temporaire d'exercer avec ou sans sursis ; cette interdiction ne pouvant excéder trois années ; / 5° La radiation du tableau de l'ordre. / Les deux premières de ces peines comportent, en outre, la privation du droit de faire partie d'un conseil, d'une section des assurances sociales de la chambre de première instance ou de la section des assurances sociales du Conseil national, d'une chambre disciplinaire de première instance ou de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre pendant une durée de trois ans ; les suivantes, la privation de ce droit à titre définitif () ". Eu égard au manquement retenu à l'encontre de Mme D, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des sages-femmes, en prononçant la sanction du blâme, ne lui a pas infligé une sanction hors de proportion avec la faute reprochée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme D doit être rejeté, y compris, en tout état de cause, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D la somme que demande Mme B au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme D est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A D et à Mme C B.

Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des sages-femmes.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 avril 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Rémy Schwartz, M. Jacques-Henri Stahl, M. Pierre Collin, présidents adjoints de la section du contentieux ; Mme Isabelle de Silva, M. Nicolas Boulouis, Mme Maud Vialettes, M. Bertrand Dacosta, Mme Gaëlle Dumortier, M. Olivier Japiot, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Anne Egerszegi, M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre et Mme Thalia Breton, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 13 mai 2024.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

La rapporteure :

Signé : Mme Thalia Breton

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie VellaVI52NJR9

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