Jurisprudence : CA Limoges, 16-10-2013, n° 13/00515

CA Limoges, 16-10-2013, n° 13/00515

A0596KNE

Référence

CA Limoges, 16-10-2013, n° 13/00515. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/10714454-ca-limoges-16102013-n-1300515
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Abstract

Non seulement la conformation des locaux d'un cabinet d'avocats qui comportent deux entrées autorise au moins la répétition de l'apposition sur les vitrines des lettres adhésives portant le logo, le nom du cabinet et son numéro de site internet, mais au surplus cette répétition des mêmes mentions n'est pas de nature à être assimilée à une pratique commerciale contraire aux principes gouvernant la profession d'avocat, dès lors qu'elles ne vantent pas les qualités du cabinet ou de ses membres, ne font pas d'offres spéciales de service et qu'elles sont dépourvues du caractère habituellement "racoleur" des enseignes commerciales.



ARRÊT N° .
RG N° 13/00515
AFFAIRE
SELARL ARISTOTE
C/
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE LA CORRÈZE, M. X X X XXX X X X X X X X
AM/MCM
RECOURS CONTRE DÉCISION DU CONSEIL DE L'ORDRE
COUR D'APPEL DE LIMOGES AUDIENCE SOLENNELLE ---==oOo==---
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2013 ---===oOo===---
Le SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE TREIZE a été rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe

ENTRE
SELARL ARISTOTE
dont le siège social est BRIVE
représentée par Me Frédéric LONGEAGNE, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'une décision rendue le 11 SEPTEMBRE 2012 par le CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE CORRÈZE
ET
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE LA CORRÈZE
BRIVE CEDEX
Mme X X X XXX X X X X X X X
BRIVE CEDEX
représentés par Me Philippe PASTAUD, avocat au barreau de LIMOGES substituant Me Dominique VAL, avocat au barreau de la Corrèze.
INTIMÉES
EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC
représenté par Monsieur Jean-Michel ..., Avocat Général
---==oO§Oo==---
Le dossier de la procédure a été communiqué au Ministère Public le 3 juillet 2013 et visa de celui-ci a été donné le 8 juillet 2013.
L'affaire a été fixée à l'audience du 11 Septembre 2013, la cour étant composée de Monsieur Alain ..., Premier Président, Madame Martine ... et Monsieur Jean-Claude ..., Présidents, Monsieur Philippe ... et Monsieur Gérard ..., Conseillers, assistés de Madame Elysabeth ..., Greffier. En chambre du Conseil, Monsieur ... ... ... a été entendu en son rapport, Maître ... et Maître ..., avocats, ont été entendus en leur plaidoirie, Monsieur Jean-Michel ..., Avocat Général, en ses observations.
Puis Monsieur Alain ..., Premier Président a renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 16 Octobre 2013 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.
---==oO§Oo==---
LA COUR
---==oO§Oo==---

FAITS ET PROCÉDURE
La SELARL ARISTOTE, société d'avocats inscrits au barreau de la Corrèze, a apposé outre sa plaque traditionnelle et un bandeau au dessus de sa porte d'entrée portant la mention, 'ARISTOTE, SOCIÉTÉ D'AVOCATS' trois lettrages adhésifs de son logo 'ARISTOTE' sur les trois vitrines extérieures de son cabinet.

Sur les remarques d'un confrère estimant abusifs ces faits, le conseil de l'Ordre des avocats de la Corrèze a, par décision en date du 11 septembre 2012, constaté que si l'enseigne ARISTOTE ne peut pas être considérée comme excessive, en revanche la répétition sur les vitrines du cabinet peut être assimilée à une pratique commerciale et excède la nécessaire information du public.
Le conseil de l'ordre a, en conséquence, proposé d'impartir à la SELARL ARISTOTE de supprimer les mentions figurant sur ses vitrines et de fixer comme norme pour l'ensemble du barreau les points suivants
- apposition d'un logo, enseigne et mention avocat et cabinet d'avocats de taille raisonnable cf fronton ARISTOTE.
- pose d'une plaque professionnelle conforme au Règlement Intérieur National (RIN) et mentions qui y sont autorisées.

La SELARL ARISTOTE a formé un recours contre cette décision devant la cour d'appel de Limoges par dépôt au greffe le 23 avril 2013 après une réclamation adressée au bâtonnier et restée sans réponse.
La SELARL requérante motive doublement son recours.
En la forme, elle estime que le principe général de la contradiction n'a pas été respecté puisque la décision a été rendue sans qu'elle puisse présenter ses observations et expliquer les raisons pour lesquelles, selon elle, l'article 10 du RIN avait été respecté, que même sur sa réclamation le bâtonnier est resté taisant.
Au fond elle soutient que la décision du Conseil de l'ordre est contraire aux décisions jurisprudentielles de la Cour de Cassation qui a posé le principe de la liberté dans la publicité personnelle de l'avocat en énonçant que les Ordres ne pouvaient poser des règles restrictives quant aux formes de publicité autorisées aux avocats, que la seule limite est la contravention à la délicatesse et à la dignité.
Par ailleurs la SELARL ARISTOTE soutient que la conformation de ses locaux situés dans un bâtiment comportant deux entrées explique la signalétique apposée permettant de situer clairement ses locaux.
Enfin elle invoque, en comparaison, la liberté des encarts dans les pages jaunes publiées par certaines avocats et verse au dossier des photographies d'autres cabinets d'avocats qui ont apposé de grands logos sur leurs locaux.
Le Conseil de L'Ordre de Corrèze soulève en premier lieu l'irrecevabilité du recours car celui-ci doit être formé en application de l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 dans le délai d'un mois a compter de la notification par lettre recommandée de la décision du conseil de l'Ordre, or cette décision lui a été notifiée par courrier du 28 janvier 2013 reçu le 4 février et le recours a été reçu au greffe de la Cour seulement le 23 avril alors que le délai est d'un mois.
Au fond le conseil de l'Ordre considère que si la liberté est la règle, l'excès réside dans la répétition à trois reprises de l'enseigne sur les fenêtres du cabinet en plus du fronton en lettres de grande dimension et la plaque professionnelle, ce qui est assimilable à une publicité commerciale et excède la simple information du public.
Il estime que les photographies versées aux débats en exemple d'autres cabinets ne revêtent aucun caractère répétitif et ne sont pas critiquables.
Le ministère public s'en est rapporté.

MOTIFS
I - sur la recevabilité du recours de la SELARL ARISTOTE
Attendu qu'en application de l'article 15 du décret du 27 novembre 1991 lorsqu'un avocat s'estimant lésé par une décision du conseil de l'ordre entend déférer celle-ci à la cour d'appel il doit préalablement saisir de sa réclamation le bâtonnier par lettre recommandée avec accusé de réception dans le délai de deux mois à compter de la date de notification ou de publication de la décision ; que le conseil de l'ordre doit notifier sa décision à l'avocat par lettre recommandée avec accusé de réception dans le délai d'un mois de la réception de la réclamation, qu'en cas de rejet de la réclamation ou de non réponse, l'avocat peut déférer dans le mois la décision à la cour ;
Attendu qu'au cas d'espèce, à la suite de la notification de la décision du 11 septembre 2012 qui lui a été faite régulièrement le 4 février 2013 seulement, la SELARL ARISTOTE a notifié au bâtonnier sa réclamation le 4 mars 2013, celui-ci disposant d'un délai de un mois pour y répondre soit jusqu'au 4 avril 2013 ;
Attendu qu'à défaut de réponse du bâtonnier équivalent à un rejet de la réclamation comme l'indique le dernier alinéa de l'article 15, un nouveau délai de un mois a couru pour saisir la cour d'appel, soit jusqu'au 4 mai ;
Que dès lors que le recours a été déposé au greffe de la cour le 23 avril 2013, celui-ci est parfaitement recevable ;
II - sur le non respect du contradictoire
Attendu que le juge doit en toutes circonstances faire respecter le principe de la contradiction, que ce principe est respecté dès lors que, comme en l'espèce, une procédure spéciale est prévue par un texte pour faire ses observations ou réclamation et qu'il a été respecté par les parties même s'il n'a pas été répondu par le Conseil de l'Ordre à la réclamation, cette hypothèse étant expressément prévue par le texte ;
Que la demande de la SELARL ARISTOTE sera donc sur ce point rejetée ;
III - sur le fond
Attendu qu'aux termes de l'article 10-1 du règlement Intérieur National des barreaux la publicité est permise à l'avocat si elle procure une information au public et si sa mise en oeuvre respecte les principes essentiels de la profession, que le Conseil de l'Ordre ne peut proposer des règles restrictives des formes de publicité autorisées que dans la limite de son pouvoir de veiller au respect par les avocats et sociétés d'avocats des principes essentiels de la profession tels que la dignité ou la délicatesse ;
Qu'en ce qui concerne les plaques elles doivent avoir un aspect et des dimensions raisonnables signalant l'entrée de l'immeuble, l'implantation du cabinet et ne pas porter d'autres mentions que celles indiquées à l'article 1er alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971, relatives aux titres de l'avocat, universitaires, distinctions de spécialisation etc...
Attendu qu'au cas d'espèce la cour constate, notamment au vu du constat d'huissier du 17 avril 2013 et des photographies qui y sont jointes que la plaque apposée à l'entrée principale des locaux du cabinet est de dimension raisonnable, porte des mentions qui ne sont pas contraires à l'article 1er de la loi de 1971 susvisée, s'agissant des noms des avocats et du numéro de téléphone du cabinet ;
Attendu que la cour constate également que les lettres adhésives collées sur les trois vitrines de la façade sont de taille inférieure à celle de l'enseigne ARISTOTE située en haut de la façade et que le Conseil de l'Ordre a admis comme régulière ;
Attendu enfin que l'ensemble de ces plaques et lettres adhésives ne portent aucune mention autres que celles autorisées par la loi et ne sont pas par leur aspect contraires ni à l'honneur et à la dignité de la profession d'avocat ni à la délicatesse et au respect dus aux autres membres de la profession ; qu'elles ne comportent aucune offre de service et sont d'un aspect esthétique, sobre et de bon goût, respectueux de la dignité de la fonction d'avocat ;
Attendu finalement qu'est reprochée à la SELARL ARISTOTE une répétition de ses affichages qui serait selon le Conseil de l'ordre assimilée à une pratique commerciale et excéder la nécessaire information du public ;
Mais attendu que non seulement la conformation des locaux du cabinet qui comportent deux entrées autorise au moins la répétition de l'apposition sur les vitrines des lettres adhésives portant le logo, le nom du cabinet et son numéro de site internet, mais au surplus cette répétition des mêmes mentions n'est pas de nature à être assimilée à une pratique commerciale contraire aux principes gouvernant la profession d'avocat dès lors qu'elles ne vantent ni les qualités du cabinet ou de ses membres, ne font pas d'offres spéciales de service et qu'elles sont dépourvues du caractère habituellement ' racoleur' des enseignes commerciales ;
Attendu que dès lors il convient d'annuler la décision du Conseil de l'Ordre des avocats de la Corrèze et de condamner celui-ci aux dépens de l'instance ;
---==oO§Oo==--- PAR CES MOTIFS ---==oO§Oo==--- LA COUR
Statuant en audience solennelle par arrêt contradictoire mis à disposition du public au greffe, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les articles 15 du décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat et 10-1 du Règlement Intérieur National des barreaux ;
En la forme
Déclare recevable le recours de la SELARL ARISTOTE contre la décision du Conseil de l'Ordre des avocats de la Corrèze du 11 septembre 2012 ;
Rejette sa demande d'annulation de la décision pour non respect du contradictoire ; Au fond
Annule la décision du Conseil de l'Ordre des avocats de la Corrèze du 11 septembre 2012 en ce qu'elle a
- d'une part, considéré que les lettrages adhésifs apposés sur les vitrines sur lesquels figure le nom du cabinet ARISTOTE, devaient être considérés comme excédant l'information du public en raison de leur répétition et ne présentaient ni un aspect ni des dimensions raisonnables ;
- d'autre part et par voie de conséquence, imparti à la SELARL ARISTOTE de procéder à la suppression des mentions figurant sur ses vitrines extérieures,
Condamne le Conseil de l'Ordre des avocats de la Corrèze aux dépens.
LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT,
Elysabeth .... Alain ....

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