Jurisprudence : Cass. crim., 24-10-2001, n° 00-88165, publié au bulletin, Rejet

Cass. crim., 24-10-2001, n° 00-88165, publié au bulletin, Rejet

A1030AXG

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Chambre criminelle
Audience publique du 24 octobre 2001
Pourvoi n° 00-88.165
Z Jean-Jacques
F-P+F N° 6739
MHJ24 octobre 2001
M. ... président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre octobre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M. le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ... ;

Statuant sur le pourvoi formé par
- Z Jean-Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 2 novembre 2000, qui, pour concussion, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 3 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 174 ancien, 111-4, 112-1 et 432-10 du Code pénal, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Jacques Z coupable d'avoir à Mayotte, courant 1993 et 1994, étant dépositaire de l'autorité publique ou chargé d'une mission de service public, en sa qualité de directeur de la Caisse de Prévoyance Sociale de Mayotte, reçu, exigé ou ordonné de percevoir à titre de droits la somme de 310 601,60 francs, représentant des traitements, salaires, gratifications ou indemnités, qu'il savait ne pas être due ou excéder ce qui lui était dû, avant de le condamner à la peine de deux années d'emprisonnement avec sursis et à la privation de tous les droits civils, civiques et de famille pendant trois ans, ainsi qu'à payer à la Caisse de Prévoyance Sociale de Mayotte la somme de 310 601,60 francs à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que c'est à juste titre et par des motifs pertinents que les premiers juges, après avoir rappelé que l'ancien article 174 du Code pénal sanctionnait la perception indue de "droits, taxes, contributions ou deniers, ou salaires ou traitements", et que l'article 432-10 du Code pénal réprimait le fait de "recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics" une somme indue ou excédant ce qui est dû, ont considéré que chacun de ces textes visait la perception indue de sommes d'argent, et que le nouveau texte adoptait une définition plus synthétique susceptible d'en réduire la portée dans un certain nombre de cas, mais n'excluait en rien, contrairement aux affirmations du prévenu, les "salaires et traitements" de la nouvelle incrimination, le terme "droits" incluant nécessairement les traitements et salaires, dès lors que la rémunération d'un salarié est un droit rémunatoire pour celui-ci ; que c'est très exactement que le tribunal en a déduit que le prévenu avait perçu des sommes excédant ce qui lui était dû au regard de cet article que de l'article 174 ancien du Code pénal ; que, par suite les dispositions de l'article 432-10 du Code pénal ne sont pas moins sévères que les dispositions anciennes de l'article 174 du Code pénal, contrairement à ce que soutient Jean-Jacques Z ;
"alors que les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ; que l'article 174 ancien du Code pénal visait "tous fonctionnaires ou officiers publics, tous percepteurs des droits, contributions, ou deniers publics, leur commis ou préposés, qui auront reçu, exigé ou ordonné de percevoir pour droits, taxes, contributions, ou deniers ou pour salaires ou traitements, ce qu'ils savaient n'être pas dû ou excéder ce qui était dû" ; que l'article 432-10 du Code pénal vise désormais "le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'elle sait ne pas être due" ; qu'ainsi, les "salaires ou traitements", dont l'attribution n'est pas réglementée par l'autorité publique, sont désormais exclus du champ d'application de cette incrimination ; qu'en décidant néanmoins le contraire, pour en déduire que Jean-Jacques Z s'était rendu coupable du délit de concussion en percevant des salaires ou traitements, la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Jacques Z, directeur de la Caisse de Prévoyance sociale de Mayotte, auquel avait été attribué un salaire correspondant à l'indice 129 de la Convention nationale des organismes de sécurité sociale, en application d'un avenant à son contrat, signé le 23 décembre 1993, après refus du préfet de Mayotte de le faire bénéficier de l'indice 155, comme il en avait fait la demande, a néanmoins perçu, de février 1993 à décembre 1994, à titre de salaire et indemnités, des sommes qu'il savait ne pas être dues s'élevant à 310 601,60 francs ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du prévenu qui soutenait que par suite de la suppression par l'article 432-10 du Code pénal des mots "salaires" et "traitements" figurant à l'article 174 ancien de ce Code, les sommes indûment perçues à ce titre étaient exclues du champ d'application du délit de concussion, les juges énoncent notamment que le terme "droits" visé à l'article 432-10 dudit Code, inclut nécessairement les traitements et salaires, "dès lors que la rémunération d'un salarié est un droit rémunératoire pour celui-ci" ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, entre dans les prévisions tant de l'article 174 ancien, que de l'article 432-10 du Code pénal, le fait pour l'agent contractuel d'une collectivité territoriale de percevoir, au-delà de ceux auxquels il sait avoir droit, des salaires et indemnités dont l'attribution et le montant sont arrêtés, conformément aux textes applicables, par l'autorité publique compétente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-10 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Jacques Z coupable d'avoir à Mayotte, courant 1993 et 1994, étant dépositaire de l'autorité publique ou chargé d'une mission de service public, en sa qualité de directeur de la Caisse de Prévoyance Sociale de Mayotte, reçu, exigé ou ordonné de percevoir à titre de droits la somme de 310 601,60 francs, représentant des traitements, salaires, gratifications ou indemnités, qu'il savait ne pas être due ou excéder ce qui lui était dû, avant de le condamner à la peine de deux années d'emprisonnement avec sursis et à la privation de tous les droits civils, civiques et de famille pendant trois ans, ainsi qu'à payer à la Caisse de Prévoyance Sociale de Mayotte la somme de 310 601,60 francs à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs que les bulletins de salaire de Jean-Jacques Z antérieurs à février 1993 ont été détruits ; que, cependant, l'instruction permet de relever qu'en vertu du contrat signé le 29 janvier 1992 avec effet au 1er septembre 1991, Jean-Jacques Z a eu droit à une rémunération mensuelle correspondant au coefficient 116 du barème des appointements par référence à la Convention collective nationale du travail des agents de direction des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales, avec une ancienneté de 12%, soit un salaire mensuel de 16 075,57 francs (représentant une augmentation de 17,42% en un an) ; qu'ayant sollicité, par lettre du 10 août 1993 adressée au préfet, le renouvellement de son contrat en demandant le bénéfice du coefficient 155 de la Convention collective nationale du 25 juin 1968 à compter du 1er septembre 1992, ainsi que le bénéfice de l'avenant à cette convention signée le 22 juin 1990 - qui lui attribuait le coefficient 525, soit une demande tendant à obtenir un salaire brut mensuel de 21 480,29 francs représentant une augmentation de 33,62% en deux ans - Jean-Jacques Z s'est vu refuser expressément le bénéfice de ces dispositions par lettre du préfet en date du 15 décembre 1993 ; que cette réponse lui proposait un avenant, avec effet du 1er septembre 1993, prorogeant pour deux ans le contrat de travail du 29 janvier 1992 et lui attribuant une rémunération mensuelle correspondant au coefficient nouveau 129 (de l'ancien barème des appointements) par référence à la Convention collective nationale du travail du 25 juin 1968 des agents de direction avec une majoration d'ancienneté de 24%) ; que ces dispositions portaient la rémunération mensuelle à 17 877,15 francs et cet avenant a été signé par Jean-Jacques Z le 23 décembre 1993 ; que c'est donc avec une particulière mauvaise foi, excluant toute absence d'élément intentionnel au sens des textes précités, qu'il soutient qu'il était en droit de prétendre à une rémunération supérieure, en produisant à cet effet, pour les besoins de la cause, pour la première fois devant la Cour, après plusieurs années d'instruction, une correspondance non signée qui lui aurait été adressée le 17 janvier 1992 par le préfet Coste, représentant le gouvernement, faisant état de ce qu'il était convenu que le niveau de rémunération à l'indice 155 serait atteint progressivement, et dont la Cour ne peut que suspecter la véracité et le caractère probant, comme l'a relevé le ministère public lors des débats ;
"alors que Jean-Jacques Z soutenait devant la cour d'appel que son droit à une rémunération correspondant à l'indice 155 résultait de la lettre du préfet du 15 décembre 1993, selon laquelle "le niveau de rémunération souhaité (coefficient 155) ne pourra être atteint que progressivement" ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer que le droit de Jean-Jacques Z a atteindre une rémunération correspondant à ce coefficient ne pouvait être établi par une lettre non signée du 17 janvier 1992, dépourvue selon elle de caractère probant, sans répondre aux conclusions de Jean-Jacques Z faisant valoir que ce droit résultait de la lettre du 15 décembre 1993, incluse dans le champ contractuel, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-10 du Code pénal, 1134 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a condamné Jean-Jacques Z à payer la somme de 310 601,60 francs à la Caisse de Prévoyance Sociale de Mayotte, à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs propres que la référence au document intitulé "avenant au contrat de travail en date du 29 janvier 1992" approuvé et signé par Jean-Jacques Z le 23 décembre 1993 (D 38/12), sans s'arrêter aux calculs faits par le prévenu dans ses écritures, qui sont inopérants, permet de déduire que les avantages suivants, perçus par Jean-Jacques Z de février 1993 à décembre 1994, n'étaient pas dus ou excédaient ce qui lui étaient dus, à savoir l'indice de correction du département de la Réunion, l'indemnité de séjour, la prime de vacances, la prime de fin d'année et l'indemnité de logement ; qu'en ce qui concerne cette indemnité, il convient de souligner qu'elle était également injustifiée en raison du fait que Jean-Jacques Z occupait un logement de fonction entièrement équipé ; que pour l'année 1993, le coefficient 116 applicable à la rémunération autorisait Jean-Jacques Z à percevoir un salaire brut de 16 075,57 francs ; que, pour l'année 1994, le coefficient 129 correspondait à un salaire brut mensuel de 17 877,15 francs ; qu'à l'instar du tribunal, la Cour considère que les bulletins de salaires et ordres de paiement (pièces D 38-1 à 38-36) se rapportant à la période considérée, ainsi que les tableaux figurant dans le rapport d'expertise permettant de calculer les sommes indûment perçues de février 1993 à décembre 1994, qui s'élèvent à 310 601,60 francs ;
"et aux motifs adoptés des premiers juges que sur le décompte des sommes perçues indûment, les pièces produites révèlent que Jean-Jacques Z, contractuel de la collectivité, n'était pas un agent de direction relevant de la Convention collective nationale des organismes de sécurité sociale, convention d'ailleurs non applicables à Mayotte ; que l'autorité de tutelle, a accepté, à compter du 1er septembre 1988, le principe du calcul de la rémunération par référence à un coefficient de cette convention au lieu et place de la référence à la grille des fonctionnaires de l'Etat ; qu'il y a lieu de souligner que cette référence n'avait donné à Jean-Jacques Z ni la qualité de fonctionnaire, ni les avantages afférents ; que la demande formée par Jean-Jacques Z dans son courrier du 10 août 1993 aux fins de se voir appliquer l'avenant du 22 juin 1990 et l'indice 155 a été refusée par M. ... (courrier du 15 décembre 1993) ;
1°)"alors que la lettre du préfet du 15 décembre 1993 ne refusait nullement à Jean-Jacques Z l'application de l'avenant du 22 juin 1990 à la Convention collective nationale des organismes de sécurité sociale ; qu'en affirmant néanmoins que, par cette lettre, Jean-Jacques Z s'était vu refuser de "se voir appliquer l'avenant du 22 juin 1990", la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ;
2°)"alors qu'en s'abstenant de rechercher s'il résultait du contrat de travail que les parties avaient décidé de faire une application volontaire de la Convention collective nationale des organismes de sécurité sociale, bien que celle-ci n'ait pas été applicable de plein droit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré M. ... président, M. ... conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Roger, Dulin, Mme Thin conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel conseillers référendaires ;
Avocat général Mme Commaret ;
Greffier de chambre M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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