Jurisprudence : CEDH, 23-10-1995, Req. 31/1994/478/560, Schmautzer c. Autriche

CEDH, 23-10-1995, Req. 31/1994/478/560, Schmautzer c. Autriche

A8407AWB

Référence

CEDH, 23-10-1995, Req. 31/1994/478/560, Schmautzer c. Autriche. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1065333-cedh-23101995-req-311994478560-schmautzer-c-autriche
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Cour européenne des droits de l'homme

23 octobre 1995

Requête n°31/1994/478/560

Schmautzer c. Autriche

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En l'affaire Schmautzer c. Autriche (1),

La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement A (2), en une chambre composée des juges dont le nom suit:

MM. R. Ryssdal, président, F. Matscher, L.-E. Pettiti, R. Macdonald, S.K. Martens, I. Foighel, J.M. Morenilla, Sir John Freeland, M. J. Makarczyk,

ainsi que de M. H. Petzold, greffier,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 28 avril et 28 septembre 1995,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date:

Notes du greffier

1. L'affaire porte le n° 31/1994/478/560. Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.

2. Le règlement A s'applique à toutes les affaires déférées à la Cour avant l'entrée en vigueur du Protocole n° 9 (P9) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole (P9). Il correspond au règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à plusieurs reprises depuis lors.

PROCEDURE

1.
L'affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l'Homme ("la Commission") le 9 septembre 1994, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 15523/89) dirigée contre la République d'Autriche et dont un ressortissant de cet Etat, M. Peter Schmautzer, avait saisi la Commission le 26 mai 1989 en vertu de l'article 25 (art. 25).

La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu'à la déclaration autrichienne reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.

2.
En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 par. 3 d) du règlement A, le requérant a exprimé le désir de participer à l'instance; le président l'a autorisé à assumer lui-même la défense de ses intérêts (article 30) et à employer l'allemand (article 27 par. 3).

3.
Le 24 septembre 1994, le président de la Cour a estimé qu'il y avait lieu de confier à une chambre unique, en vertu de l'article 21 par. 6 du règlement A et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, l'examen de la présente cause et des affaires Umlauft, Gradinger, Pramstaller, Palaoro et Pfarrmeier c. Autriche (1).

1. Affaires nos 32/1994/479/561, 33/1994/480/562, 35/1994/482/564, 36/1994/483/565 et 37/1994/484/566.

La chambre à constituer de la sorte comprenait de plein droit M. F. Matscher, juge élu de nationalité autrichienne (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement A). Le même jour, celui-ci a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir M. L.-E. Pettiti, M. R. Macdonald, M. S.K. Martens, M. I. Foighel, M. J.M. Morenilla, Sir John Freeland et M. J. Makarczyk, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement A) (art. 43).

4.
En sa qualité de président de la chambre (article 21 par. 5 du règlement A), M. Ryssdal a consulté, par l'intermédiaire du greffier, l'agent du gouvernement autrichien ("le Gouvernement"), le requérant et le délégué de la Commission au sujet de l'organisation de la procédure (articles 37 par. 1 et 38). Conformément à l'ordonnance rendue en conséquence, les mémoires du Gouvernement et du requérant sont parvenus au greffier les 20 et 30 janvier 1995. Le 3 février, la Commission a fourni au greffier divers documents qu'il avait demandés sur les instructions du président.

5.
Ainsi qu'en avait décidé celui-ci, les débats se sont déroulés en public le 26 avril 1995, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu:

- pour le Gouvernement

M. F. Cede, ambassadeur, chef du département de droit international, ministère fédéral des Affaires étrangères,

agent, Mmes I. Sieß, département constitutionnel, chancellerie fédérale,
E. Bertagnoli, département de droit international, ministère fédéral des Affaires étrangères,

conseillères;

- pour la Commission

M. A. Weitzel,

délégué;

- le requérant

Me P. Schmautzer, avocat.

La Cour a entendu en leurs déclarations M. Weitzel, Me Schmautzer et M. Cede, ainsi qu'en la réponse à la question qu'elle a posée.

EN FAIT

I.
Les circonstances de l'espèce

6.
Le 30 avril 1986, M. Peter Schmautzer fit l'objet d'un contrôle par la gendarmerie alors qu'il circulait au volant de son véhicule. Il ne portait pas sa ceinture de sécurité. Par une "décision pénale" (Straferkenntnis) du 1er juin 1987, la direction de Graz de la police fédérale (Bundespolizeidirektion) le condamna au paiement d'une amende de 300 schillings autrichiens (ATS), assortie d'une peine de vingt-quatre heures d'emprisonnement à défaut de paiement, pour non-respect de l'article III paras. 1 et 5, alinéa a), du troisième amendement à la loi sur les véhicules à moteur (Kraftfahrgesetz - paragraphe 10 ci-dessous).

7.
Le requérant interjeta appel de cette décision auprès du gouvernement du Land (Amt der Landesregierung) de Styrie, qui confirma cette dernière le 2 février 1988, mais réduisit l'amende à 200 ATS et la peine subsidiaire à quatorze heures d'emprisonnement.

8.
Le 6 avril 1988, l'intéressé saisit la Cour constitutionnelle (Verfassungsgerichtshof). Il dénonçait une atteinte au principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi et alléguait que sa condamnation à une peine subsidiaire par une autorité administrative qui n'est pas un tribunal "indépendant et impartial" violait les articles 5 et 6 (art. 5, art. 6) de la Convention. Il fit également valoir que l'obligation du port de la ceinture de sécurité constituait une ingérence dans sa vie privée, contraire à l'article 8 (art. 8) de la Convention.

Le 27 février 1989, à l'issue d'un examen à huis clos, la Cour constitutionnelle décida de ne pas retenir le recours (article 144 par. 2 de la Constitution fédérale - Bundes-Verfassungsgesetz - paragraphe 12 ci-dessous): eu égard à sa jurisprudence relative à l'article 6 (art. 6) de la Convention, il était dénué de chances suffisantes de succès; de plus, l'affaire n'échappait pas à la compétence de la Cour administrative (Verwaltungsgerichtshof).

En outre et à la demande de M. Schmautzer, elle résolut de déférer la requête à la Cour administrative.

9.
Le 20 septembre 1989, celle-ci suspendit la procédure engagée devant elle, car le recours du requérant ne correspondait pas aux exigences de fond et de forme requises à l'article 34 par. 2 de la loi sur la Cour administrative (Verwaltungsgerichtshofsgesetz - paragraphe 14 ci-dessous).

II. Le droit interne pertinent

A. La législation sur la circulation routière

10. L'article III de la loi de 1976 dans sa version de 1984 portant amendement de la loi de 1967 sur les véhicules à moteur (Kraftfahrgesetz) est ainsi libellé:

"1. Lorsque le siège d'un véhicule à moteur est équipé d'une ceinture de sécurité conformément aux exigences de la loi sur les véhicules à moteur, le conducteur ainsi que les passagers qui occupent un tel siège sont dans l'obligation de porter la ceinture de sécurité conformément à usage (bestimmungsgemäß). (...)

(...)

5. Toute personne ne se soumettant pas à l'obligation prévue au paragraphe 1, première phrase,

a) en tant que conducteur d'un véhicule à moteur ou

b) en tant que passager d'un véhicule à moteur

commet (...) une contravention administrative passible, par référé pénal (Organstrafverfügung) en application de l'article 50 de la loi administrative pénale de 1950, d'une amende de 100 ATS. En cas de refus de paiement de l'amende (...), l'autorité peut infliger une amende allant jusqu'à 300 ATS, assortie, à défaut de paiement, d'une peine allant jusqu'à 24 heures d'emprisonnement.

(...)"

B. Le droit procédural

11. L'article 90 par. 1 de la Constitution fédérale (Bundes-Verfassungsgesetz) dispose:

"En matière civile et pénale, les débats devant la juridiction du fond sont oraux et publics. Les exceptions sont prévues par la loi."

1. Le recours devant la Cour constitutionnelle

12. Aux termes de l'article 144 par. 1 de la Constitution fédérale, la Cour constitutionnelle recherche, sur requête (Beschwerde), si un acte administratif (Bescheid) a porté atteinte à un droit garanti par la Constitution, ou a appliqué un règlement (Verordnung) contraire à la loi, une loi contraire à la Constitution ou un traité international incompatible avec le droit autrichien.

Le paragraphe 2 de l'article 144 prévoit:

"Jusqu'à l'audience, la Cour constitutionnelle peut, au moyen d'une décision (Beschluß), refuser l'examen d'un recours s'il ne présente pas suffisamment de chances de succès ou si l'on ne peut attendre de l'arrêt qu'il résolve une question de droit constitutionnel. La Cour ne peut refuser l'examen d'une affaire que l'article 133 soustrait à la compétence de la Cour administrative."

2. Le recours devant la Cour administrative

13. Selon l'article 130 par. 1 de la Constitution fédérale, la Cour administrative connaît notamment des requêtes qui allèguent l'illégalité d'un acte administratif.

14. Aux termes de l'article 34 par. 2 de la loi sur la Cour administrative (Verwaltungsgerichtshofsgesetz):

"Les requêtes qui ne se heurtent à aucune des circonstances décrites au paragraphe 1, mais qui n'ont pas respecté les conditions de forme et de contenu (paras. 23, 24, 28 et 29), doivent être ajournées sous fixation d'un bref délai pour permettre de remédier aux vices (Behebung der Mängel); le non-respect du délai équivaut à un retrait."

15. L'article 39 par. 1 dispose notamment qu'au terme de la procédure préliminaire (Vorverfahren), la Cour administrative doit tenir une audience lorsque le plaignant en fait la demande.

Le paragraphe 2 est ainsi libellé:

"Nonobstant la demande introduite par une partie conformément au paragraphe 1, la Cour administrative peut décider de ne pas tenir d'audience lorsque:

1. la procédure doit être suspendue (article 33) ou le recours rejeté (article 34);

2. la décision attaquée doit être annulée pour illégalité en raison de l'incompétence de l'autorité défenderesse (article 42 par. 2, alinéa 2);

3. la décision attaquée doit être annulée pour illégalité en raison de l'inobservation de règles de procédure (article 42 par. 2, alinéa 3);

4. selon la jurisprudence constante de la Cour administrative, la décision attaquée doit être annulée en raison de l'illégalité de son contenu;

5. ni l'autorité défenderesse ni d'autres comparants n'ont présenté de mémoire en réponse et que la décision attaquée doit être annulée;

6. il ressort des mémoires des parties à la procédure devant la Cour administrative ainsi que des pièces soumises à celle-ci et relatives à la procédure administrative antérieure qu'une audience n'est pas susceptible de contribuer à clarifier davantage l'affaire."

Du paragraphe 2 de l'article 39, les points 1 à 3 étaient en vigueur en 1958; les points 4 et 5 ont été ajoutés en 1964 et le point 6 en 1982.

16. L'article 41 par. 1 de la loi sur la Cour administrative est ainsi libellé:

"Dans la mesure où elle ne relève aucune illégalité résultant de l'incompétence de l'autorité défenderesse ou de violations de règles de procédure (article 42 par. 2, alinéas 2 et 3) (...), la Cour administrative examine la décision attaquée en se fondant sur les faits constatés par ladite autorité et sous l'angle des griefs soulevés (...). Si elle estime que des motifs, non encore révélés à l'une des parties, peuvent être déterminants pour statuer [sur l'un de ces griefs] (...), elle entend les parties à ce sujet et, au besoin, suspend la procédure."

17. L'article 42 par. 1 de la même loi prévoit que, sauf disposition contraire, la Cour administrative soit rejette la demande pour manque de fondement, soit annule la décision attaquée.

Aux termes du paragraphe 2 du même article:

"La Cour administrative annule la décision attaquée, si celle-ci est illégale

1. par son contenu, [ou]

2. en raison de l'incompétence de l'autorité défenderesse, [ou]

3. à cause d'un vice de procédure résultant:

a) de ce que l'autorité défenderesse a tenu pour établis des faits qui, sur un point essentiel, se trouvent démentis par le dossier, ou

b) de ce qu'il échet de les compléter sur un tel point, ou

c) de ce que l'autorité défenderesse a méconnu des règles de procédure dont le respect aurait pu l'amener à prendre une décision différente."

18. Si la Cour administrative annule la décision incriminée, "l'administration est tenue (...) en utilisant les moyens légaux à sa disposition, d'assurer sans délai, dans le cas d'espèce, la situation juridique correspondant à l'opinion (Rechtsanschauung) exprimée par la Cour administrative" (article 63 par. 1).

19. Dans un arrêt du 14 octobre 1987 (G 181/86), la Cour constitutionnelle a considéré:

"De ce qu'il s'est avéré nécessaire d'étendre la réserve à l'article 5 (art. 5) de la Convention aux garanties procédurales de l'article 6 (art. 6) de celle-ci, en raison du lien entre ces deux dispositions (art. 5, art. 6), il suit qu'à l'inverse le contrôle réduit (die (bloß) nachprüfende Kontrolle) exercé par la Cour administrative ou la Cour constitutionnelle ne suffit pas pour les sanctions pénales au sens de la Convention non couvertes par la réserve."

3. Les "chambres administratives indépendantes"

20. L'article 129 de la Constitution fédérale a institué dans les Länder, avec effet au 1er janvier 1991, des juridictions administratives appelées "chambres administratives indépendantes" (Unabhängige Verwaltungssenate). Elles connaissent notamment, en fait comme en droit, des contraventions administratives (Verwaltungsübertretungen).

III. La réserve de l'Autriche à l'article 5 (art. 5) de la Convention

21. L'instrument de ratification de la Convention, déposé par le gouvernement autrichien le 3 septembre 1958, contient notamment une réserve ainsi libellée:

"Les dispositions de l'article 5 (art. 5) de la Convention seront appliquées sans préjudice des dispositions des lois de procédure administrative, BGBl. [Journal officiel fédéral] n° 172/1950, concernant les mesures de privation de liberté qui resteront soumises au contrôle postérieur de la Cour administrative ou de la Cour constitutionnelle, prévu par la Constitution fédérale autrichienne."

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