Jurisprudence : CEDH, 24-11-1997, Req. 138/1996/757/956, Werner c. Autriche

CEDH, 24-11-1997, Req. 138/1996/757/956, Werner c. Autriche

A7660AWM

Référence

CEDH, 24-11-1997, Req. 138/1996/757/956, Werner c. Autriche. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1064579-cedh-24111997-req-1381996757956-werner-c-autriche
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Cour européenne des droits de l'homme

24 novembre 1997

Requête n°138/1996/757/956

Werner c. Autriche



AFFAIRE WERNER c. AUTRICHE

(138/1996/757/956)


ARRET

STRASBOURG

24 novembre 1997

Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts et décisions 1997, édité par Carl Heymanns Verlag KG (Luxemburger Straße 449, D-50939 Cologne) qui se charge aussi de le diffuser, en collaboration, pour certains pays, avec les agents de vente dont la liste figure au verso.

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SOMMAIRE

Arrêt rendu par une chambre

Autriche – absence d'audience publique et de prononcé public de jugements par un tribunal et une cour d'appel dans une procédure portant sur une demande d'indemnité pour la détention subie (loi de 1969 sur l'indemnisation en matière pénale et article 82 du code de procédure pénale) – absence de communication des observations du procureur général dans ladite procédure devant la cour d'appel (article 35 § 2 du code de procédure pénale en vigueur à l'époque des faits)

I. Article 6 § 1 de la Convention

A. Exception préliminaire du Gouvernement (non-épuisement des voies de recours internes)

Question étroitement liée à celle du bien-fondé du grief.

Conclusion : jonction au fond (unanimité).

B. Bien-fondé du grief

1. Applicabilité

Rappel de la jurisprudence.

Requérant avait un droit à être indemnisé au titre de sa détention provisoire, dès lors que les conditions prévues par la loi étaient remplies – existence d'une contestation sur ce droit – issue de la procédure devant les juridictions pénales compétentes directement déterminante pour son droit – caractère civil du droit à réparation de l'intéressé.

Conclusion : applicabilité (unanimité).

2. Observation

Absence de débats publics et de prononcé public des jugements

Réserve de l'Autriche

Question non évoquée dans le mémoire du Gouvernement devant la Cour – se heurte donc à forclusion – non-lieu à un examen d'office.

ii. Absence de débats publics

Rappel de la jurisprudence.

En principe, droit à une audience publique – acquis qu'en pratique une telle procédure ne donne jamais lieu à des débats publics – on ne saurait dès lors reprocher à l'intéressé de



ne pas avoir fait une demande qui n'avait aucune chance d'aboutir – la protection de la vie privée de l'intéressé ne l'emporte pas sur le principe de la publicité prévue à l'article 6 § 1.

Conclusion : rejet de l'exception et violation (unanimité).

iii. Absence de prononcé public des jugements

Rappel de la jurisprudence.

Autorisation accordée aux tiers, s'ils justifient d'un intérêt légitime, d'obtenir une copie des jugements ne constitue pas un libre accès de chacun au texte intégral des jugements – en Autriche, cette possibilité n'existe que pour les arrêts de la Cour suprême, de la Cour administrative et de la Cour constitutionnelle – par ailleurs, absence de nécessité pour les juridictions compétentes de formuler des déclarations qui emporteraient violation de la présomption d'innocence.

Conclusion : violation (unanimité).

b) Procès équitable

Rappel de la jurisprudence.

Respect du principe de l'égalité des armes exigeait que le requérant obtînt communication des observations du procureur général et qu'il eût la possibilité de les commenter.

Conclusion : violation (huit voix contre une).

II. Article 50 de la Convention

A. Dommage matériel : absence de lien de causalité entre les violations dénoncées et le préjudice matériel allégué.

B. Frais et dépens : remboursement fixé en équité.

Conclusion : Etat défendeur tenu de payer au requérant une certaine somme pour frais et dépens (unanimité).

RÉFÉRENCES À LA JURISPRUDENCE DE LA COUR

8.12..1983, Pretto et autres c. Italie ; 8.12.1983, Axen c. Allemagne ; 22.2.1984, Sutter c. Suisse ; 21.2.1990, Håkansson et Sturesson c. Suède ; 26.3.1992, Editions Périscope c. France ; 23.6.1993, Ruiz-Mateos c. Espagne ; 24.6.1993, Schuler-Zgraggen c. Suisse ; 21.9.1993, Zumtobel c. Autriche ; 27.10.1993, Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas ; 26.9.1995, Diennet c. France ; 28.9.1995, Masson et Van Zon c. Pays-Bas ; 20.2.1996, Lobo Machado c. Portugal ; 20.2.1996, Vermeulen c. Belgique ; 23.10.1996, Ankerl c. Suisse ; 18.2.1997, Nideröst-Huber c. Suisse ; 28.5.1997, Pauger c. Autriche ; 29.5.1997, Georgiadis c. Grèce ; 24.11.1997, Szücs c. Autriche

En l'affaire Werner c. Autriche,

La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée conformément à l'article 43 de la Convention de sauvegarde des Droits et de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention ») et aux clauses pertinentes de son règlement B, en une chambre composée des juges dont le nom suit :

MM. R. Ryssdal, président,

F. Gölcüklü,

F. Matscher,

L.-E. Pettiti,

A. Spielmann,

N. Valticos,

Mme E. Palm,

MM. L. Wildhaber,

B. Repik,

ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 27 juin et 20 octobre 1997,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCéDURE

1. L'affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 28 octobre 1996, et par le gouvernement de la République d'Autriche (« le Gouvernement ») le 25 novembre 1996, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention. A son origine se trouve une requête (n° 21835/93) dirigée contre l'Autriche et dont un ressortissant de cet Etat, M. Johannes Werner, avait saisi la Commission le 16 mars 1993 en vertu de l'article 25.

La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 ainsi qu'à la déclaration autrichienne reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46), la requête du Gouvernement à l'article 48. Elles ont pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention.

2. Le requérant a exprimé le désir de participer à la procédure et a désigné son conseil (article 31 du règlement B), que le président a autorisé à employer l'allemand (article 28 § 3).

3. La chambre à constituer comprenait de plein droit M. F. Matscher, juge élu de nationalité autrichienne (article 43 de la Convention), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement B). Le 29 octobre 1996, celui-ci a décidé qu'aux fins d'une bonne administration de la justice, cette affaire ainsi que l'affaire Szücs c. Autriche seraient examinées par la même chambre (article 21 § 7). Le même jour, il a tiré au sort, en présence du greffier, le nom des sept autres membres, à savoir M. F. Gölcüklü, M. L.-E. Pettiti, M. A. Spielmann, M. N. Valticos, Mme E. Palm, M. L. Wildhaber et M. B. Repik (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement B).

4. En sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du règlement B), M. Ryssdal a consulté, par l'intermédiaire du greffier, l'agent du Gouvernement, l'avocat du requérant et le délégué de la Commission au sujet de l'organisation de la procédure (articles 39 § 1 et 40). Conformément à l'ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu les mémoires du Gouvernement et du requérant le 2 avril 1997.

Le 24 janvier 1997, la Commission avait produit divers documents de la procédure suivie devant elle ; le greffier l'y avait invitée sur les instructions du président.

5. Ainsi qu'en avait décidé ce dernier, les débats consacrés à cette affaire ainsi qu'à l'affaire Szücs se sont déroulés en public le 25 juin 1997, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu :

- pour le Gouvernement

M. F. Cede, ambassadeur, ministère fédéral

des Affaires étrangères, agent,

Mmes I. Gartner, procureur, département des affaires

criminelles et des grâces, ministère fédéral

de la Justice,

I. Siess, service constitutionnel,

chancellerie fédérale, conseillères ;

- pour la Commission

M. A. Weitzel, délégué ;

- pour le requérant

Me G. Bürstmayr, avocat au barreau de Munich, conseil ;

- pour M. Szücs

Me T. Schreiner, avocat au barreau d'Eisenstadt, conseil.

La Cour a entendu en leurs déclarations M. Weitzel, Me Bürstmayr, Me Schreiner, M. Cede et Mme Gartner.

EN FAIT

I. Les circonstances de l'espèce

6. Ressortissant autrichien né en 1963, M. Johannes Werner réside à Vienne.

A. La détention provisoire

7. Le 15 mai 1991, la police arrêta M. et Mme Hauser (paragraphe 25 ci-dessous), soupçonnés d'avoir frauduleusement utilisé la carte de crédit d'une tierce personne lors d'achats effectués dans différents magasins de Vienne pour une valeur d'environ 200 000 schillings autrichiens (ATS). Le 17 mai, ils furent placés en détention provisoire.

8. Le 1er juillet 1991, la police arrêta également le requérant, soupçonné d'avoir été le complice des époux Hauser en falsifiant la signature sur la carte de crédit. Le 3 juillet, il fut placé en détention provisoire.

9. Le 8 juillet 1991, les époux Hauser furent remis en liberté, et, le 19 juillet, l'intéressé.

B. L'arrêt des poursuites

10. Le 24 février 1992, le juge d'instruction près le tribunal régional (Landesgericht) de Vienne décida d'abandonner les poursuites à la suite des conclusions d'un expert en graphologie, d'après lesquelles il était peu probable que les signatures figurant sur les reçus de la carte de crédit volée fussent de la main de M. Werner, ainsi qu'au fait que les témoins cités par le procureur n'avaient pas de souvenirs assez précis.

C. La demande d'indemnité pour la détention subie

11. Entre-temps, le 4 février 1992, le parquet (Staatsanwaltschaft) avait demandé au tribunal régional de dire que le requérant et les époux Hauser n'avaient pas droit au versement d'une indemnité pour la détention subie, conformément à l'article 2 § 1 b) de la loi de 1969 sur l'indemnisation en matière pénale (Strafrechtliches Entschädigungsgesetz, « loi de 1969 » – paragraphe 19 ci-dessous), au motif que les soupçons à leur égard n'avaient pas été dissipés.

12. Le 21 avril 1992, le juge d'instruction entendit l'intéressé et les époux Hauser et les informa de la démarche du parquet.

13. Ceux-ci sollicitèrent de l'Etat un dédommagement pour le préjudice matériel causé par leur maintien en détention.

14. Le 3 juin 1992, la chambre du conseil (Ratskammer) du tribunal régional de Vienne, siégeant à huis clos, rejeta leurs demandes d'indemnité, au motif que, contrairement aux exigences de l'article 2 § 1 b) de la loi de 1969, les soupçons à leur égard n'avaient pas été dissipés. Aucun représentant du parquet n'assista aux délibérations.

15. Le 15 juin 1992, M. Werner et les époux Hauser interjetèrent appel de cette décision auprès de la cour d'appel (Oberlandesgericht) de Vienne. Ils demandèrent à la cour d'appel de recueillir de nouvelles preuves et notamment d'entendre des témoins.

16. Le 2 septembre 1992, le parquet général (Oberstaatsanwaltschaft) soumit ses observations écrites. Il demanda à la cour d'appel de débouter les demandeurs et de ne pas recueillir de nouvelles preuves, étant donné que les déclarations des témoins n'étaient pas susceptibles d'innocenter les premiers. Ces observations ne furent pas communiquées au requérant et aux époux Hauser.

17. Le 29 octobre 1992, la cour d'appel de Vienne, siégeant à huis clos, débouta les demandeurs.

Elle statua en ces termes :

« Il y a d'abord lieu de répondre aux demandeurs que leur thèse selon laquelle les soupçons ne doivent pas être entièrement dissipés pour que puisse être accordée une indemnité sur le fondement de l'article 2 § 1 b) de la loi sur l'indemnisation en matière pénale se trouve contredite par la jurisprudence constante des tribunaux autrichiens. Uniforme, celle-ci prévoit en effet que les soupçons doivent être dissipés à un degré tel qu'il soit prouvé que l'intéressé n'est pas punissable et ne peut être poursuivi pour le comportement à l'origine de sa détention. Si cela demeure seulement incertain, les soupçons ne sont pas dissipés au sens de l'article 2 § 1 b) de la loi. Le reproche des demandeurs selon lequel cette jurisprudence opère un renversement de la charge de la preuve ne correspond pas à la réalité car des preuves concluantes doivent être produites pour que puisse être admise la dissipation des soupçons.

A cet égard, il ne se justifie pas d'ouvrir aux demandeurs, comme ils l'exigent, la possibilité de prouver leur innocence dans le cadre d'une nouvelle instruction, car les preuves offertes ne sauraient être considérées comme propres à conduire audit résultat. Dès lors en effet que les soupçons pesant sur les demandeurs reposent essentiellement sur les observations des témoins en date du 16 mars 1991 et que, de surcroît, il n'est pas possible de déterminer à quel moment les autres faits ont eu lieu, on ne peut escompter des résultats concluants d'une nouvelle instruction où seraient produits, pour les 18 et 19 mars, le relevé des heures et des itinéraires du demandeur Johannes Werner, ainsi que les disques de son tachygraphe, car les faits incriminés peuvent avoir eu lieu pendant les pauses effectuées au cours des trajets, ou encore avant ou après ceux-ci, d'autant que les relevés horaires soumis par l'intéressé présentent des trous. Les témoins cités ont déjà été entendus par la police et ont déjà été confrontés aux demandeurs en l'espèce. Si les poursuites ont été abandonnées, c'est essentiellement en raison du fait qu'avec le temps la mémoire desdits témoins est devenue hésitante. Toutefois, si elle s'est montrée à ce point défaillante qu'elle ne pouvait plus être considérée comme suffisante pour établir la culpabilité, elle ne saurait non plus constituer, dans la présente procédure, une base suffisante pour une indemnisation.

Les demandeurs ne contestent pas que l'enquête de la police avait fait naître contre eux des soupçons concrets. Dès lors que ceux-ci n'ont pu être dissipés par la suite mais que, compte tenu des doutes subsistants, ils n'ont simplement pas suffi pour prononcer un verdict de culpabilité, les conditions auxquelles, en vertu de l'article 2 § 1 b) de la loi sur l'indemnisation en matière pénale, il y a lieu de satisfaire pour pouvoir prétendre à une indemnité ne sont pas remplies. Les demandes ne peuvent donc être accueillies. »

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