Jurisprudence : CEDH, 10-07-2001, Req. 40472/98, Tricard c. France

CEDH, 10-07-2001, Req. 40472/98, Tricard c. France

A7607AWN

Référence

CEDH, 10-07-2001, Req. 40472/98, Tricard c. France. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1064526-cedh-10072001-req-4047298-tricard-c-france
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Cour européenne des droits de l'homme

10 juillet 2001

Requête n°40472/98

Tricard c. France



TROISIÈME SECTION

AFFAIRE TRICARD c. FRANCE

(Requête n° 40472/98)

ARRÊT

STRASBOURG

10 juillet 2001

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l'affaire Tricard c. France,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. L. Loucaides, président,

J.-P. Costa,

P. Kûris,

Mme F. Tulkens,

M. K. Jungwiert,

Mme H.S. Greve,

M. M. Ugrekhelidze, juges,

et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 11 juillet 2000 et 19 juin 2001,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (n° 40472/98) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, Jean-Hugues Tricard (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») le 13 janvier 1998 en vertu de l'ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me C. Girard-Reydet, avocate au barreau de Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme M. Dubrocard, sous-directrice des Droits de l'Homme à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères.

3. Le requérant se plaignait de ce que la computation du délai de son pourvoi, selon certaines dispositions qui ne tiennent pas compte du délai d'acheminement du courrier à la Polynésie française, l'avait privé de la possibilité d'assurer sa défense et de faire valoir ses droits devant la Cour de cassation.

4. La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d'entrée en vigueur du Protocole n° 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole n° 11).

5. La requête a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement.

6. Par une décision du 11 juillet 2000, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.

7. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

8. Le 8 janvier 1992, les officiers de police judiciaire de la gendarmerie de Papeete ouvrirent une information contre X des chefs de fraude fiscale, corruption et concussion. A la suite de la saisie de certains documents, une autre information était ouverte du chef d'abus de biens sociaux, recel et corruption et l'enquête révélait que l'unique source de financement d'un parti politique mis en cause provenait du requérant. Estimant que certaines personnes, autres que le requérant, étaient susceptibles d'être mises en examen des chefs de ces infractions, le procureur de la République de Papeete présenta une requête à la chambre d'accusation de la Cour de cassation aux fins de voir désigner la juridiction chargée de l'instruction. Par un arrêt du 4 janvier 1995, ladite chambre désignait la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris.

9. Le requérant fut mis en examen en avril 1995.

10. Le 20 octobre 1995, le requérant sollicitait l'annulation des pièces de la procédure d'instruction, aux motifs suivants : 1) la chambre criminelle de la Cour de cassation n'avait pas désigné la juridiction d'instruction dans le délai de huit jours suivant sa saisine, 2) il y avait violation de l'article 118 du code de procédure pénale du fait du caractère incomplet du dossier transmis par le juge d'instruction à son conseil, en ce qu'il ne contenait pas un procès-verbal d'audition du requérant, et 3) sa mise en examen était tardive, alors même que des charges sérieuses existaient contre lui dès son audition du 23 septembre 1992, sachant que deux de ses associés étaient d'ores et déjà inculpés et écroués à cette époque.

11. Par un arrêt du 29 janvier 1996, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris rejeta la requête du requérant, en estimant qu'il n'y avait pas lieu à annulation de la procédure. La lettre notifiant cet arrêt au requérant et datée du 30 janvier fut envoyée à son adresse à Tahiti et précisait que le délai pour former un recours était de cinq jours francs à compter de l'envoi de cette lettre ; elle arriva à Tahiti le 5 février et fut remise au requérant le 6 février.

12. Le 12 février 1996, le requérant forma un pourvoi en cassation contre cet arrêt par l'intermédiaire d'un avoué à la cour d'appel de Paris.

13. Le 2 septembre 1997, la Cour de cassation déclara le pourvoi irrecevable. Elle souligna qu'il résultait des articles 217 alinéa 3 et 568 alinéa 2 du code de procédure pénale, que le délai de pourvoi contre un arrêt de la chambre d'accusation courrait, tant que l'information n'était pas clôturée, du jour de la notification faite par lettre recommandée avec accusé de réception. Or, dans ces conditions, le pourvoi formé le 12 février contre l'arrêt du 29 janvier, lequel portait la notification par lettre recommandée du 30 janvier au requérant, était irrecevable comme tardif.

14. Le 15 janvier 1999, le tribunal correctionnel de Paris trouva le requérant coupable de recel d'abus de biens sociaux et de complicité de trafic d'influence.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

15. Les modalités du pourvoi formé contre un arrêt de la chambre d'accusation par une personne mise en examen, non détenue et alors que l'instruction est encore en cours sont régies par les articles 568 et 217 alinéa 3 du code de procédure pénale.

16. L'article 568 prévoit que les parties ont cinq jours francs après celui où la décision attaquée a été prononcée pour se pourvoir en cassation. Toutefois, le délai de pourvoi ne court qu'à compter de la date de signification, quel qu'en soit le mode, pour le prévenu qui n'a pas comparu dans les cas prévus aux articles 410 et 411 alinéa 4.

17. L'article 217 alinéa 3 dispose : « Les arrêts contre lesquels les parties peuvent former un pourvoi en cassation leur sont signifiés à la requête du procureur général dans les trois jours. Toutefois, ces arrêts sont notifiés par lettre recommandée aux parties tant que le juge d'instruction n'a pas clôturé son information ».

18. Ce dernier texte ne prévoit pas l'obligation de notifier par lettre recommandée avec accusé de réception ; pour cette raison le point de départ du délai de pourvoi en cassation court de la date de l'envoi de la lettre recommandée, ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, exposée dans la circulaire n° 86-15-F1 du 25 juin 1986.

19. Selon le Gouvernement, le choix de ce point de départ est légitimé par la nécessité d'authentifier cette date qui fait courir un délai de recours. En l'absence d'un accusé de réception signé de la main du destinataire, seule la mention de la date de l'envoi sur la grosse de la décision peut avoir une valeur probante.

20. En France métropolitaine où le courrier est acheminé en 24 heures, le délai de cinq jours francs est suffisant.

21. S'agissant d'un délai franc, ni le jour où la décision a été rendue ni celui de l'échéance ne sont pris en compte pour la computation de ce délai. Ce principe a été rappelé par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 7 février 1989 (Bulletin février 1989, n° 50) où celle-ci a jugé que « selon l'article 568 du code de procédure pénale, le ministère public et toutes les parties présentes ou représentées ont cinq jours francs après celui où la décision attaquée a été prononcée pour se pourvoir en cassation ; en l'espèce, la décision attaquée a été rendue le 29 juin 1988, en application du principe susmentionné, le pourvoi formé le 5 juillet est dès lors recevable ».

22. Conformément à l'article 801 du code de procédure pénale : « (...) le délai qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ».

23. Si la personne mise en examen n'est pas domiciliée en France métropolitaine, l'article 116 du code de procédure pénale prévoit : « A l'issue de la première comparution, la personne mise en examen doit déclarer au juge d'instruction son adresse personnelle. Elle peut toutefois lui substituer l'adresse d'un tiers chargé de recevoir les actes qui lui sont destinés, si elle produit l'accord de ce dernier. L'adresse déclarée doit être située, si l'information se déroule en métropole, dans un département métropolitain ou, si l'information se déroule dans un département d'outre-mer, dans ce département ».

24. Le Gouvernement soutient qu'il en résulte que, dans l'hypothèse où une personne domiciliée dans le territoire ou un département d'outre-mer est mise en examen par un magistrat instructeur exerçant dans une juridiction située en métropole, elle a l'obligation de déclarer une adresse en métropole. Les notifications seront nécessairement effectuées à l'intérieur du territoire métropolitain et aucune question liée à l'allongement du délai d'acheminement du courrier ne peut se poser. C'est pour cette raison que le droit interne n'a prévu aucune disposition particulière pour les personnes mises en examen non domiciliées en métropole.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

25. Le requérant se plaint de ce que la computation du délai de son pourvoi, selon certaines dispositions qui ne tiennent pas compte du délai d'acheminement du courrier à la Polynésie française, l'a privé de la possibilité d'assurer sa défense et de faire valoir ses droits devant la Cour de cassation. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention, qui dans sa partie pertinente se lit ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

26. Le Gouvernement rappelle que selon la jurisprudence de la Cour, le droit d'accès à un tribunal ne revêt pas un caractère absolu et les Etats disposent d'une certaine marge d'appréciation pour définir les conditions de recevabilité des recours. Il souligne que, dans son arrêt Levages Prestations Services c. France (du 23 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V, § 46), la Cour avait admis que les conditions de recevabilité d'un pourvoi en cassation pouvaient être plus rigoureuses que pour un appel. Le choix de faire courir le délai du pourvoi à compter de l'envoi de la lettre recommandée répondrait à un souci d'authentifier le point de départ du délai et éviterait toute difficulté ultérieure de preuve, les textes législatifs n'ayant pas prévu de notification par lettre recommandée avec accusé de réception. En l'espèce, le requérant, qui transmit sa déclaration de pourvoi le 12 février 1996, alors que l'acte de notification portait la date du 30 janvier 1996, ne pouvait ignorer que son pourvoi serait formé hors délai. Enfin, selon le Gouvernement, le requérant aurait eu la possibilité, au moment où il avait effectué la déclaration de pourvoi, de formuler devant la Cour de cassation une demande en relevé de forclusion, en indiquant que le délai de pourvoi était déjà expiré. La Cour de cassation, en vertu d'un principe jurisprudentiel interprétable a contrario et autorisant implicitement une demande en relevé de forclusion, aurait peut-être fait droit à la demande. Or, le requérant, qui était assisté d'un avocat spécialisé, n'effectua aucune diligence à cet égard et le mémoire qu'il déposa à la Cour de cassation n'incluait pas une telle demande.

27. De plus, dans ses observations, le Gouvernement souligne qu'il résulterait du libellé de l'article 116 du code de procédure pénale que, dans la mesure où la juridiction se situe en métropole, la personne mise en examen doit déclarer une adresse en métropole où lui seront notifiés tous les actes et décisions relatifs à l'instruction. Dans l'hypothèse où une personne domiciliée dans un territoire ou un département d'outre-mer est mise en examen par un magistrat exerçant dans une juridiction située en métropole, elle a l'obligation de déclarer une adresse en métropole. Les notifications seront donc effectuées sur le territoire métropolitain et aucune question liée à l'allongement du délai d'acheminement du courrier ne peut se poser.

28. Le requérant soutient que le Gouvernement donne une interprétation très libre de cet article. Cet article prévoit en fait au bénéfice de la personne mise en examen et non résidant en France une simple possibilité de substitution d'adresse, mais ne fait aucunement obligation de déclarer une adresse en France métropolitaine. Le requérant n'a jamais été convoqué ni entendu par un juge d'instruction métropolitain ; sa seule et unique convocation par un tel juge eut lieu à Papeete et l'adresse qu'il a déclarée était tout naturellement celle de Papeete. Quant à l'argument du Gouvernement relatif au relevé de forclusion, le requérant souligne que la jurisprudence de la Cour de cassation citée par le Gouvernement est très insuffisante pour avoir un caractère de constance. Si la jurisprudence de la Cour de cassation était telle que le soutient le Gouvernement, celle-ci aurait pu relever d'office la forclusion. En outre, si le législateur avait vraiment voulu offrir la possibilité d'un relevé de forclusion, il l'aurait expressément prévu dans un texte. A cet égard, le requérant rappelle que le code de procédure pénale, dans sa partie contenant des dispositions spécifiques pour la Polynésie française, prévoit en son article 855 que « le délai de pourvoi prévu au premier alinéa de l'article 568 est porté à un mois si le demandeur en cassation réside hors de l'île où la juridiction qui a rendu la décision attaquée a son siège. »

29. La Cour rappelle qu'elle n'a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C'est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, qu'il incombe d'interpréter la législation interne. Le rôle de la Cour se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation. Cela est particulièrement vrai s'agissant de l'interprétation par les tribunaux des règles de nature procédurale telles que les délais régissant le dépôt des documents ou l'introduction de recours. La Cour estime par ailleurs que la réglementation relative aux formalités et aux délais à respecter pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Les intéressés doivent pouvoir s'attendre à ce que ces règles soient appliquées. Toutefois, les règles en question, ou l'application qui en est faite, ne devraient pas empêcher le justiciable d'utiliser une voie de recours disponible (arrêt Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, §§ 44-45).

30. La Cour note qu'en l'espèce, d'après les articles 568 et 217 alinéa 3 du code de procédure pénale, le délai du pourvoi en cassation est de cinq jours à compter de la signification qui est faite par lettre recommandée tant que le juge d'instruction n'a pas clôturé l'information.

31. La Cour ne méconnaît pas la légitimité du but de la computation du délai de pourvoi, mentionnée par le Gouvernement. Elle estime cependant que ce délai peut s'avérer insuffisant au cas où une procédure judiciaire se déroule en France métropolitaine, mais où une partie à cette procédure est domiciliée et habite effectivement hors de celle-ci, en l'occurrence en Polynésie française. A cet égard, la Cour note de surcroît que l'information ne s'est pas déroulée en métropole et que l'article 116 du code de procédure pénale, mentionné par le Gouvernement, n'oblige pas une telle partie à déclarer une adresse en métropole.

32. En l'espèce, la lettre recommandée notifiant au requérant l'arrêt et précisant que le délai pour former un recours était de cinq jours à compter de l'envoi de celle-ci, a bien été envoyée le 30 janvier 1996, départ de Paris, mais n'est arrivée à Tahiti que le 5 février et ne fut remise à son destinataire que le 6 février. Le requérant soutient que, dans son esprit, c'était à compter de cette date que le délai de cinq jours, prévu à l'article 568 alinéa 2 du code de procédure pénale commençait à courir pour former son pourvoi puisque ce n'était qu'à ce moment-là qu'il a été informé de la teneur de l'arrêt de la chambre d'accusation ; c'est pour cette raison qu'il a pris contact avec un avoué à la cour d'appel de Paris qui introduisit le pourvoi le 12 février. Toutefois, la Cour de cassation, se fondant sur les dispositions précitées du code de procédure pénale, déclara le pourvoi irrecevable comme tardif.

33. La Cour considère que, ainsi interprétée cette exigence procédurale a empêché le requérant de tenter d'obtenir l'annulation de certaines pièces de la procédure et ainsi de se défendre efficacement dans le cadre de l'instruction ouverte à sa charge. Elle a donc porté atteinte à la substance même du droit d'accès du requérant à un tribunal. Du reste, la Cour note que l'article 855 du code de procédure pénale, spécifique à la Polynésie française, prévoit un tout autre délai pour le pourvoi en cassation.

34. Il s'ensuit que le requérant a été privé de son droit d'accès à un tribunal et qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.

II. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

35. Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

36. L'ensemble des prétentions du requérant au titre de la satisfaction équitable s'élèvent à 1 000 000 francs français. Plus précisément, il allègue qu'entre sa garde à vue et sa mise en examen tardive en mai 1995, il n'a pas eu accès au dossier et n'a pas pu faire valoir ses moyens de défense ; de plus, la procédure pénale déclenchée à l'encontre de ses associés a conduit à la dissolution de sa société. Durant trois ans, il a perdu trois quarts de son chiffre d'affaires et il a souffert d'une véritable suspicion de la part de la communauté tahitienne qui l'a écarté des marchés qu'il aurait dû normalement obtenir. Si la Cour de cassation avait déclaré le pourvoi recevable, il aurait été indemnisé du préjudice subi et aurait évité le préjudice consécutif à la poursuite de la procédure. A cet égard, le requérant indique que ses notes d'honoraires et ses frais de déplacement pour les procédures internes s'élèvent à 363 128,98 francs. Enfin, comme les médias ont accordé une grande publicité à son affaire, sa réputation et son honneur ont été salis ; il évalue son préjudice moral à 100 000 francs.

37. Le Gouvernement soutient que le fait que le pourvoi du requérant a été déclaré irrecevable est sans lien direct avec les conséquences supposées de l'instruction et avec les affaires professionnelles de celui-ci. L'Etat français ne saurait être tenu pour responsable des articles parus dans la presse et il appartient au requérant, s'il estime son honneur bafoué, d'exercer les actions adéquates devant les juridictions nationales. Le Gouvernement estime que le constat de violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante.

38. En ce qui concerne le préjudice matériel allégué par le requérant, la Cour ne saurait spéculer sur ce qu'aurait été l'issue de la procédure si la Cour de cassation n'avait pas déclaré irrecevable le pourvoi. En revanche, elle considère que le requérant a subi un tort moral, causé par l'impossibilité de déposer son pourvoi à temps. Statuant en équité, comme le veut l'article 41 de la Convention, elle lui alloue 30 000 francs de ce chef.

39. Quant aux frais et dépens, la Cour note que la somme réclamée de 363 128,98 francs n'a pas été exposée pour faire constater et réparer la violation de la Convention, mais est afférente à l'ensemble des procédures sur le plan interne.

40. Statuant en équité, la Cour octroie au requérant 10 000 francs pour les frais et dépens encourus devant elle.

C. Intérêts moratoires

41. Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d'intérêt légal applicable en France à la date d'adoption du présent arrêt est de 4,26 % l'an.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l'UNANIMITÉ,

1. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

2. Dit

a) que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 30 000 (trente mille) francs français pour dommage moral et 10 000 (dix mille) francs français pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ;

b) que ces montants seront à majorer d'un intérêt simple de 4,26 % l'an à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement ;

3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 juillet 2001 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. DOLLE L. LOUCAIDES

Greffière Président

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