Jurisprudence : Cass. crim., 12-09-2000, n° 00-80.175, inédit, Rejet

Cass. crim., 12-09-2000, n° 00-80.175, inédit, Rejet

A3574AUW

Référence

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COUR DE CASSATION
Chambre criminelle
Audience publique du 12 Septembre 2000
Pourvoi n° 00-80.175
POEDI Christiane
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze septembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de Mme le conseiller ..., les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par
- POEDI Christiane,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMEA, chambre correctionnelle, en date du 30 novembre 1999, qui, pour discrimination syndicale l'a condamnée à 500 000 francs CFP d'amende, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 225-1 ensemble les articles 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs,
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christiane Poedi coupable de discrimination à l'encontre de Claudette ... et l'a condamnée, en répression, à une amende de 200 000 francs CFP et, en outre, a ordonné la publication de la condamnation dans le quotidien "Les nouvelles calédoniennes" ;
"alors que sont nuls les arrêts rendus par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la Cour ; qu'au cas d'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que la Cour était composée, lors des débats et du délibéré, de Monsieur ..., président, et de MM ... et Grafmuller, conseillers ; que par ailleurs, les mentions de l'arrêt indiquent que lors du prononcé de celui-ci, la Cour était composée de Monsieur ..., président, et de MM ... et Stoltz, conseillers ; qu'il résulte de ces mentions que l'arrêt a été rendu par M. ... alors que ce dernier n'avait participé ni aux débats, ni au délibéré ; qu'ainsi, l'arrêt a été rendu sur une procédure irrégulière et doit être annulé" ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les débats de l'affaire ont eu lieu, sur le rapport de l'un d'entre eux, devant les mêmes magistrats qui ont participé au délibéré et que lors du prononcé de la décision, il a été fait usage de la faculté prévue par l'article 485 du Code de procédure pénale ;
Que, dès lors, le moyen manque en fait ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 et 225-1 du Code pénal, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme ... coupable de discrimination à l'encontre de Claudette ... et l'a condamnée, en répression, à une amende de 200 000 francs CFP et, en outre, a ordonné la publication de la condamnation dans le quotidien "Les nouvelles calédoniennes" ;
"aux motifs qu'il convient, en préalable, de rappeler que, même si le statut des pigistes est, par nature, précaire et que l'employeur peut, à fout moment, se passer de leurs services sans avoir à se justifier, c'est toujours sous la réserve que ce non-emploi ne trouve pas sa cause dans l'un des cas de discrimination énumérés par l'article 225-1 du Code pénal ; que cette réserve s'impose particulièrement en l'espèce puisque le dossier révèle que Claudette ... collaborait pour RFO Nouvelle-Calédonie depuis janvier 1996 et y a travaillé de manière régulière jusqu'en juin 1998, date à laquelle elle cumulait 441 jours de collaboration, total qui aurait été de nature à justifier sa titularisation sur la base des revendications syndicales de !'époque qui ont, d'ailleurs, été peu après suivies d'effet ; que le statut de quasititulaires de fait qu'avaient la majorité des pigistes à l'époque réduit d'autant la portée de l'argumentation sur la précarité de ce type de poste ; qu'en second lieu, l'argument tiré de l'accord de Nouméa et de la loi organique du 19 mars 1999 pour soutenir que la discrimination à l'égard des travailleurs d'origine non locale ne pouvait plus être poursuivie est totalement inopérant dans le cas d'espèce ; qu'en effet, si ces textes prévoient que la Nouvelle-Calédonie pourra prendre des mesures visant à restreindre l'accès à l'emploi au bénéfice des citoyens de Nouvelle-Calédonie ou en fonction de critères de résidence, aucun texte en ce sens n'a encore été pris par le congrès de Nouvelle-Calédonie ; qu'enfin, sur la notion d'activité syndicale, les pièces du dossier établissent que Claudette ... était syndiquée à l'USOENC-CFDT et qu'elle a été impliquée très clairement dans la motion du 26 juin 1998 de ce syndicat dénonçant les abus de pouvoir et la ségrégation syndicale de Christiane Poedi ; que l'on doit donc considérer que Claudette ... avait bien une activité syndicale au sens de l'article 225-1 du Code pénal ; que la Cour estime au demeurant que, sauf à vider le texte d'une grande partie de sa portée, on doit admettre que, de même que la loi considère l'appartenance ou la non-appartenance en matière de discrimination ethnique, raciale ou religieuse, c'est autant la distinction à raison de l'activité syndicale que celle opérée en présence d'un refus d'une activité syndicale souhaitée qui constitue la discrimination ; qu'il convient, au regard de ces données, de
déterminer si les prévenus se sont rendus coupables de la discrimination reprochée ; que la mise à l'écart volontaire de Claudette ... n'est pas discutée par Christiane Poedi ; qu'au demeurant, les tableaux de service établis par la prévenue démontrent qu'après avoir été régulièrement employée en mai 1998, Claudette ... a soudainement vu ses prestations diminuer puis disparaître totalement à compter du 15 juin 1998 ; que ce n'est que par le biais de remplacements en l'absence de Christiane Poedi qu'elle a pu, en de rares occasions, faire quelques piges ; que l'argument des restrictions budgétaires doit être immédiatement écarté, l'examen des tableaux montrant que les vacations ont été effectuées par d'autres pigistes qu'au demeurant, Christiane Poedi n'évoque nullement ce moyen ; que la prévenue justifie la mise à l'écart de Claudette ... par des motifs d'ordre professionnel ou relationnels (D7) ; mais qu'hormis une absence accidentelle en mai 1998 sur laquelle Claudette ... s'est d'ailleurs expliquée auprès de sa hiérarchie et qui n'a donné lieu à aucune suite, force est de constater qu'aucun élément écrit ne vient conforter la thèse d'une insuffisance professionnelle ; que la logique d'une telle thèse eut voulu qu'à des avertissements verbaux succèdent des avertissements écrits avec une diminution progressive des piges ;
qu'au contraire, il ressort du dossier que Claudette ..., titulaire de la carte de presse depuis le 30 janvier 1992 et nantie d'une bonne expérience professionnelle, faisait l'objet de bonnes appréciations de la part de sa hiérarchie, Walles Kotra, à l'époque directeur (D8), estimant qu'elle faisait son travail sérieusement, Malia Lossa ..., responsable intérimaire radio, appréciant quant à elle qu'elle soit "très disponible et tous volontaire pour venir travailler même dans l'urgence" (D48) ; que cette insuffisance professionnelle ne pouvant être sérieusement retenue, on devrait considérer que la cause de cette mise à l'écart ne reposerait que sur une inimitié entre les deux journalistes et sur le seul bon vouloir de Christiane Poedi ; mais que divers éléments du dossier donnent un éclairage différent à l'attitude de la rédactrice adjointe ; que l'on doit en premier lieu relever que cette dernière est déléguée syndicale centrale du Syndicat USTKE, syndicat en complète opposition avec l'USOENC-CFDT auquel appartenait Claudette ... ; que l'existence d'une bipolarisation syndicale et de sérieuses tensions entre les deux syndicats est d'ailleurs soulignée par la hiérarchie ;
qu'ensuite, il convient de constater que la mise à l'écart de pigistes n'a jamais concerné que Claudette ..., mais a visé également Valérie ..., autre adhérente USOENC-CFDT, ainsi que Patrick ... ; que ce dernier a déclaré (D22) qu'alors qu'il était encore adhérent USTKE mais se trouvait en retard de paiement de sa cotisation, il avait eu, vers juin 1998, une explication téléphonique avec Christiane Poedi qui était sa déléguée syndicale à propos d'une diminution de son activité qu'il analysait comme une mise à l'écart ;
que la prévenue lui avait clairement répondu que n'étant pas à jour de ses cotisations, il ne devait pas s'attendre à ce qu'elle lui "donne du boulot" ; qu'il avait d'ailleurs été exclu de toute pige radio à partir de juillet 1998 ; que cette conversation a été surprise par une autre journaliste, Nathalie ..., qui en a confirmé la teneur (D20) ; qu'à l'inverse, un jeune pigiste de 22 ans, non titulaire de la carte de presse et sans aucune expérience professionnelle, a été recruté personnellement par Christiane Poedi en mars 1998 ; que, sympathisant USTKE, il en est devenu adhérent en mai 1998 ; que l'examen des tableaux de service montre sans discussion que dès juin, il avait rattrapé les autres en nombre de vacations puis, avec des moyennes de l'ordre de 6 à 7 jours de travail par semaine, a eu un statut de quasi permanent ; que Christiane Poedi a formulé sur ces différents éléments, des dénégations ou explications qui sont insuffisantes et ne peuvent emporter la conviction ; qu'il en ressort que, même si l'attitude de la prévenue peut s'expliquer par une conjugaison de facteurs, il est patent que l'activité syndicale concurrente de Claude ... ou sa non-appartenance au syndicat USTKE a joué un rôle prépondérant et que l'exclusion de Claudette ... s'analyse en une discrimination prohibée par la loi" ;
"alors que, premièrement, aux termes d'un principe constant, la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article 225-1 du Code pénal incrimine seulement le fait d'opérer une discrimination en raison d'une activité syndicale ; qu'au cas d'espèce, en condamnant Christiane Poedi, alors qu'il était constant que Claudette ... n'exerçait aucune activité syndicale, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
"alors que, deuxièmement, les juges du fond doivent, sous peine de censure, caractériser tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'au cas d'espèce, en retenant Christiane Poedi dans les liens de la prévention sans caractériser en quoi, à l'époque des faits, Claudette ... exerçait une activité syndicale, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"et alors que, troisièmement et en toute hypothèse, les juges du fond ne sauraient, pour caractériser les éléments constitutifs de l'infraction, prendre en compte des faits postérieurs à la commission de cette infraction ; qu'au cas d'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué (arrêt, p 5, 8) que c'est à partir du 15 juin 1998 que Christiane Poedi a cessé de faire appel à Claudette ... ; que, dès lors, c'est à cette époque que les juges du fond devaient rechercher si, oui ou non, Claudette ... exerçait une activité syndicale ; qu'en énonçant néanmoins, pour caractériser cette activité, que Claudette ... était syndiquée et qu'elle avait été impliquée très clairement dans la motion du 26 juin 1998 de ce syndicat dénonçant les abus de pouvoir et la ségrégation syndicale de Christiane Poedi, fait postérieur à la commission de l'infraction, les juges du fond ont, en tout état de cause, privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Attendu que Christiane Poedi, rédactrice en chef adjointe de Radiofrance Outre-mer, est poursuivie pour avoir de mai à septembre 1998 pratiqué une discrimination entre des personnes physiques à raison de leur origine ou de leur activité syndicale en refusant d'employer ou en licenciant Claudette ..., journaliste, au motif que celle-ci n'était pas d'origine calédonienne et n'appartenait pas au syndicat USTKE ;
Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de cette infraction, les juges relèvent notamment que Claudette ... exerçait une activité syndicale au sens de l'article 225-1 du Code pénal au moment des faits et que cette activité, en opposition avec celle exercée par la rédactrice en chef de la station, était à l'origine de sa mise à l'écart par cette dernière ;
Attendu qu'en cet état la cour d'appel, qui a répondu sans insuffisance aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'ou il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire M. ... conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, Mme ... conseiller rapporteur, Mme ... conseiller de la chambre ;
Avocat général M. Di Guardia ;
Greffier de chambre Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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