Jurisprudence : Cass. crim., 04-11-1999, n° 99-81.279, Cassation partielle



Chambre criminelle
Audience publique du 4 Novembre 1999
Pourvoi n° 99-81.279
... Henri et autre
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 4 Novembre 1999
Cassation partielle
N° de pourvoi 99-81.279
Président M. Gomez

Demandeur ... Henri et autre
Rapporteur Mme ....
Avocat général M. Di Guardia.
Avocat la SCP Vincent et Ohl.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par ... Henri, ... Madeleine, épouse X, parties civiles, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 4 février 1999, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef d'homicide involontaire, vol, destruction de documents de nature à faciliter la recherche, la preuve d'un crime ou d'un délit, non-assistance à personne en danger, empoisonnement, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 3° du Code de procédure pénale ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 177, 575 alinéa 26° et 593 du Code de procédure pénale
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction de Nantes ;
" aux motifs que s'agissant des faits qualifiés de non-assistance à personne en danger, les plaignants font valoir qu'aucun des nombreux médecins intervenus auprès de leur fille n'a jugé utile de lui faire subir un dépistage du virus HIV ; qu'en effet, ayant été transfusée à plusieurs reprises et notamment avant le 1er août 1985, date à laquelle le dépistage a été rendu obligatoire pour les donneurs, soit à une époque critique, Catherine ... présentait donc un profil à risque ; que les médecins entendus par les enquêteurs sur ce point, ont déclaré que cette question se posait, au moment de leur audition, dans un contexte différent de ce qu'il était en 1984 et dans les années suivantes, car à cette époque il ne s'agissait pas d'une préoccupation réelle mais de l'apparition d'une maladie jusque-là inconnue, qu'ils n'en avaient jamais eu l'idée, que le traitement des séquelles orthopédiques majeures et la volonté de rendre à la patiente une meilleure autonomie fonctionnelle étaient toujours passés au premier plan, qu'ils n'avaient pas remarqué une dégradation de l'état de santé de l'intéressée ou un changement de son état physique pouvant faire penser à une contamination par le virus du SIDA, et que parmi leurs nombreux patients, Catherine ... est la seule qui ait présenté un SIDA transfusionnel et donc le seul cas où ils ont été confrontés à ce problème ; que sur ce point, il est permis de penser qu'il appartenait également à l'intéressée et à ses proches, s'ils avaient conscience de la gravité du risque encouru, de prendre l'initiative de faire procéder à ce test ; qu'au vu de la jurisprudence, si la loi ne fait aucune distinction selon la cause ou la nature du péril auquel la personne à secourir est exposée, elle exige que ce péril, de quelque événement qu'il résulte, soit imminent et constant et qu'il nécessite une intervention immédiate ; qu'en l'espèce, le caractère imminent de ce péril n'est pas établi, les délais médicalement constatés entre la contamination et le décès des personnes contaminées par transfusion étant de plusieurs années ; qu'en effet la loi ne prend pas en considération les circonstances ultérieures, pour apprécier la gravité du péril ou l'efficacité de l'intervention ; que, dans le cas présent, aucun de ces praticiens ne semble avoir eu personnellement conscience du péril auquel était exposée Catherine ... ; que cette sous-estimation du risque par l'ensemble du corps médical a été démontrée, notamment par les investigations en cours à Paris ; que dans cette matière, la volonté du législateur n'est pas de sanctionner les erreurs, mais de réprimer un manquement à un devoir d'humanité, caractérisé par un comportement intentionnel le refus volontaire de porter secours à une personne en péril (arrêt attaqué, page 6, alinéas 5 et 6, et page 7, alinéa 1) ;
" alors, d'une part, que les parties civiles avaient défini dans leur mémoire le péril imminent et constant encouru par Catherine ... comme ayant consisté, indépendamment de son décès, à être exposée à des affections "opportunistes" que des soins adaptés à son état (dont elle avait été privée) étaient en mesure de prévenir ; de sorte qu'en se bornant à relever généralement les délais médicalement constatés entre la contamination par le virus du SIDA et le décès des personnes contaminées pour exclure le caractère imminent du péril encouru par Catherine ..., la chambre d'accusation, qui n'a pas répondu aux articulations essentielles du mémoire des parties civiles lequel se référait spécialement à une attestation versée aux débats confirmant tout à la fois l'importance du traitement prophylactique de ces affections et l'introduction clinique de ces traitements dès 1990, a exposé son arrêt à la censure, faute pour celui-ci de satisfaire en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;
" alors, d'autre part, que les parties civiles faisaient valoir que l'information s'était attachée à déterminer la responsabilité du chef de la contamination et du non-rappel de Catherine ... dans le seul cadre hospitalier, alors que la direction générale de la santé et la haute administration sanitaire étaient informées de l'étendue des contaminations transfusionnelles dès la fin 1984 ; qu'elles rappelaient encore que, devançant l'obligation réglementaire, le centre régional de transfusion sanguine de Nantes avait, dès le 7 juillet 1985, mis en place un test de dépistage du virus du SIDA réalisé systématiquement avant toute livraison de produits sanguins ; qu'elles rappelaient enfin les risques considérablement augmentés de contamination de Catherine ... compte tenu du nombre et de la nature des produits reçus ; de sorte qu'en se limitant à des considérations générales et imprécises sur la "sous-estimation du risque par l'ensemble du corps médical" ou sur l'état des connaissances et les préoccupations "en 1984 et dans les années suivantes" des médecins intervenus auprès de Catherine ... dans le cadre strictement hospitalier sans répondre aux articulations essentielles du mémoire des parties civiles propres à établir qu'existaient à tout le moins des charges suffisantes à l'encontre des médecins responsables du centre régional de transfusion sanguine de Nantes d'avoir eu conscience du péril grave et imminent encouru par Catherine ..., polytransfusée avant la date du 7 juillet 1985, et de s'être rendus coupables, en omettant de procéder ou faire procéder à son rappel et de l'inciter à se soumettre à un test de dépistage, du délit de non-assistance à personne en danger, la chambre d'accusation a encore exposé sa décision à la censure faute pour celle-ci de satisfaire aux conditions essentielles de son existence légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé les faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis l'infraction reprochée ;
Attendu que le moyen proposé, qui revient à discuter la valeur des motifs de fait et de droit retenus par les juges, ne contient aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son seul pourvoi contre l'arrêt de la chambre d'accusation, en l'absence de recours du ministère public ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 319 ancien du Code pénal, 221-6 du Code pénal, 6, 8, 575 alinéa 2, 3° et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction de Nantes ;
" aux motifs que les faits qualifiés d'homicide involontaire apparaissent couverts par la prescription triennale, puisque si l'origine transfusionnelle de la contamination de Catherine ... ne fait pas de doute, cette contamination a certainement été provoquée par les soins prodigués en urgence au Mans puis à Tours au mois de novembre 1983, soit au cours de l 'intervention chirurgicale de reconstruction du fémur pratiquée à Nantes au mois de mai 1984 (arrêt attaqué, page 6, alinéa 4) ;
" alors que la prescription de l'action publique ne court que du jour où l'infraction objet de la poursuite est constituée dans tous ses éléments ; que le délit d'homicide involontaire n'est caractérisé qu'au jour du décès de la victime, élément constitutif de l'infraction prévue et réprimée par l'article 319 du Code pénal ancien, de sorte qu'en fixant le point de départ de la prescription du délit d'homicide involontaire de Catherine ... à la date des transfusions qui en étaient la cause, la chambre d'accusation a méconnu les textes et principes susrappelés " ;
Vu les articles 319, ancien et 221-6 du Code pénal, 6 et 8 du Code de procédure pénale ;
Attendu que la prescription de l'action publique ne court que du jour où l'infraction, objet de la poursuite, est constituée dans tous ses éléments ; que le délit d'homicide involontaire n'est caractérisé qu'au jour du décès de la victime, élément constitutif de l'infraction prévue et réprimée tant par l'article 319 ancien du Code pénal que par l'article 221-6 dudit Code ;
Attendu que, pour déclarer éteinte l'action publique, l'arrêt attaqué constate que la prescription triennale des faits qualifiés d'homicide involontaire sur la personne de Catherine ..., décédée le 30 novembre 1991, dénoncés par la plainte avec constitution de partie civile déposée par ses parents le 12 octobre 1993, était acquise, dès lors que la contamination, d'origine transfusionnelle, de la victime par le virus du SIDA était la conséquence de soins prodigués en 1983 ou d'une opération pratiquée en 1984 ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a méconnu les textes susvisés et le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes en date du 4 février 1999, mais en ses seules dispositions ayant déclaré prescrites les poursuites du chef d'homicide involontaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Angers.

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