Jurisprudence : Cass. crim., 25-03-1998, n° 96-85.593, Cassation partielle sans renvoi

Cass. crim., 25-03-1998, n° 96-85.593, Cassation partielle sans renvoi

A5163AC9

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Criminelle
25 Mars 1998
Pourvoi N° 96-85.593
Société Au Bon Marché
CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI sur le pourvoi formé par la société Au Bon Marché, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'assises de Paris, du 30 octobre 1996, qui, après condamnation de Philippe ... pour assassinat, l'a déclarée civilement responsable de son préposé et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu que, le 15 juillet 1992 à 16 heures 30, Philippe ..., qui venait d'être avisé de son licenciement, s'est armé d'un pistolet qu'il conservait dans les locaux de l'entreprise et s'est rendu dans l'atelier où il travaillait ; qu'il y a séquestré pendant une heure trois cadres techniques de la société avant de tuer d'une balle dans la tête son supérieur hiérarchique auquel il reprochait d'être à l'origine de son licenciement ;
En cet état
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L 122-14-1 et L 122-14-2 du Code du travail, 1384 du Code civil, 2, 375, 427, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur les intérêts civils, a déclaré la société Au Bon Marché civilement responsable des agissements de Philippe ..., coupable d'homicide volontaire sur la personne de Claude ... ;
" aux motifs que le dossier de la procédure, les débats et les pièces versées ont permis de mettre en évidence les éléments suivants le jour des faits, aux environs de 16 heures 30, Jean-Pierre ..., cadre technique au magasin, indiquait verbalement à Philippe ... que ce dernier faisait l'objet d'une mesure de licenciement et qu'il devait se rendre à la direction du personnel aux fins d'y régler les formalités administratives ; qu'immédiatement après cette annonce, Philippe ... mettait en uvre le processus qui devait se conclure par la mort de Claude ... ; que, suite à ces faits, il prenait la fuite et ne se rendait évidemment pas à la direction du personnel ; qu'une lettre de licenciement, en date du 15 juillet 1992 jour de l'assassinat avait été préparée et ne fut jamais envoyée ; que le lendemain, 16 juillet, la direction du personnel adressait "en recommandé" une nouvelle lettre de licenciement au domicile déclaré de l'intéressé ; que ce courrier, destiné à informer le salarié d'une mesure de licenciement pour faute lourde, mentionne comme motif "assassinat de votre supérieur hiérarchique" ; qu'il est précisé en outre "en conséquence, nous mettons fin immédiatement à votre contrat de travail Vous cesserez de faire partie de notre personnel à première présentation de cette lettre par la poste" ; que la société Au Bon Marché reconnaissait donc, le lendemain des faits, que Philippe ... était toujours son préposé ; que la Cour suivra cette analyse (arrêt, pages 5 et 6) ;
" alors que, malgré son irrégularité formelle, le licenciement verbal a pour effet de rompre le contrat de travail dès sa notification au salarié et prive de toute portée l'envoi, postérieurement à cette notification, d'une lettre exposant d'autres motifs de rupture ; "qu'en l'espèce, pour estimer qu'à la date du 16 juillet 1992, lendemain de l'assassinat commis par Philippe ..., la société Au Bon Marché reconnaissait que le salarié était toujours son préposé, la cour d'assises s'est déterminée par la seule circonstance que l'employeur, qui avait préparé une première lettre de licenciement en date du 15 juillet, en avait adressé une seconde au domicile du salarié, le 16 juillet 1992, énonçant comme motif de rupture l'assassinat de Claude Mauger " ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant qu'avant ledit assassinat, Jean-Pierre ... avait, dans l'après-midi du 15 juillet 1992, notifié verbalement son licenciement à Philippe ..., ce dont il résultait nécessairement que le contrat de travail de l'intéressé était rompu, dès cette notification, et qu'ainsi l'auteur de l'homicide n'était plus le préposé de la demanderesse au moment des faits pénalement poursuivis, la cour d'assises a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L 122-14-1 et L 122-14-2 du Code du travail " ;
Attendu que, pour estimer qu'au moment des faits, Philippe ... était toujours le préposé de la société Au Bon Marché, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'assises n'encourt pas le grief allégué dès lors qu'il résulte de son appréciation souveraine des faits que, si Philippe ... a été avisé verbalement de son licenciement le 15 juillet 1992 à 16 heures 30, il n'est pas établi que cette mesure était d'application immédiate, avec dispense de préavis ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L 122-14-1 et L 122-14-2 du Code du travail, 1384 du Code civil, 2, 375, 427, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur les intérêts civils, a déclaré la société Au Bon Marché civilement responsable des agissements de Philippe ..., coupable d'homicide volontaire sur la personne de Claude ... ;
" aux motifs que s'agissant du point de savoir si le Bon Marché peut s'exonérer de la présomption de responsabilité prévue par l'article 1384, paragraphe 5, du Code civil, il résulte d'une jurisprudence devenue constante, que le commettant ne s'exonère de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions ; qu'il n'est pas contesté que Philippe ... ait agi sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; qu'il résulte, cependant, de l'examen des faits que ceux-ci ont exclusivement pour origine un conflit opposant deux hommes dans le cadre de leurs relations de travail, qu'ils se sont déroulés sur le lieu de travail, dans l'atelier même où le condamné se trouvait sous les ordres de la victime, et immédiatement après qu'une mesure de licenciement ait été annoncée ; qu'ainsi, l'assassinat pour lequel Philippe ... a été condamné n'a pas été commis en dehors des fonctions auxquelles il était employé ; que la responsabilité civile de la société anonyme Au Bon Marché sera donc retenue (arrêt, pages 6 et 7) ;
" alors qu'agit nécessairement hors de ses fonctions le salarié qui, à l'aide d'une arme lui appartenant et non fournie par l'employeur, commet un meurtre hors du temps de travail, à un moment où il n'est plus sous l'autorité de son commettant ;
" que, pour estimer au contraire que l'assassinat pour lequel Philippe ... a été condamné n'a pas été commis en dehors des fonctions auxquelles il était employé, la cour d'assises s'est bornée à relever que les faits avaient pour origine un conflit opposant deux hommes dans le cadre de leurs relations de travail, et que l'homicide a été exécuté sur le lieu de travail ;
" qu'en se retranchant ainsi derrière les mobiles du salarié, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de la demanderesse, si, indépendamment de la date du licenciement, l'homicide n'avait pas été commis, en dehors de ses heures de travail, par Philippe ..., à l'aide d'une arme à feu nullement nécessaire à l'exercice de ses fonctions de peintre, de sorte que l'intéressé n'avait trouvé dans son emploi ni l'occasion ni les moyens de sa faute, la cour d'assises a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil " ;
Attendu que, pour déclarer la société Au Bon Marché civilement responsable de son préposé, la cour d'assises relève que les faits, qui ont exclusivement pour origine un conflit opposant les deux hommes dans le cadre de leurs relations de travail, se sont déroulés dans l'atelier où le condamné se trouvait sous les ordres de la victime et immédiatement après l'annonce de son licenciement ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations, qui établissent que le crime a été commis sur les lieux du travail et à l'occasion des fonctions que Philippe ... exerçait dans l'entreprise, la cour d'assises a donné une base légale à sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L 452-5 du Code de la sécurité sociale, 1384 du Code civil, 2, 375, 427, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
"en ce que l'arrêt attaqué qui, statuant sur les intérêts civils, a déclaré la société Au Bon Marché civilement responsable des agissements de Philippe ..., coupable d'homicide volontaire sur la personne de Claude ..., a condamné solidairement la demanderesse et Philippe ... à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise le montant des prestations servies au titre des frais funéraires, les arrérages échus des rentes primitives ainsi que les arrérages échus des rentes majorées et, au fur et à mesure de leur échéance, les arrérages à échoir des rentes allouées à Mme ..., à l'enfant X, à l'enfant Y et à l'enfant Z ;
" alors que, lorsque l'accident du travail est dû à la faute intentionnelle d'un simple préposé, et non de l'employeur lui-même, la caisse de sécurité sociale, garante de ce dernier pour les risques de l'entreprise, n'est admise à exercer son action en remboursement que contre l'auteur de l'accident, même si l'employeur a été déclaré civilement responsable de ses agissements envers la victime ;
" qu'en l'espèce, il résulte des propres motifs de l'arrêt attaqué que si Philippe ... a été déclaré coupable d'assassinat sur la personne de Claude ..., aucune faute intentionnelle n'a été retenue contre la société Au Bon Marché dont la responsabilité civile n'a été retenue que sur le seul fondement de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil, en qualité de civilement responsable des agissements de son préposé Jégado ;
" que, dès lors, en condamnant la demanderesse, solidairement avec Philippe ..., à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise le montant de ses débours, la cour d'assises a violé les textes susvisés" ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en application de l'article L 452-5 du Code de la sécurité sociale, lorsqu'un fait dommageable, pris en charge par les organismes sociaux au titre de la législation sur les accidents du travail, est dû à la faute intentionnelle d'un préposé, et non de l'employeur lui-même, la caisse de sécurité sociale, garante de ce dernier pour les risques de l'entreprise, n'est admise à exercer son action en remboursement que contre l'auteur de l'accident, même si l'employeur a été déclaré civilement responsable de ses agissements envers la victime ;
Attendu que l'arrêt attaqué a condamné la société Au Bon Marché à payer, solidairement avec Philippe ..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise le montant de ses débours, présents et futurs ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'assises a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit, ainsi que le permet l'article L 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, et de mettre fin au litige ;

Par ces motifs
CASSE ET ANNULE l'arrêt précité de la cour d'assises de Paris, en date du 30 octobre 1996, en ses seules dispositions ayant condamné la société Au Bon Marché, solidairement avec Philippe ..., à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise le montant de ses débours ;
DIT que cet organisme ne peut recouvrer ses prestations que contre Philippe ... ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.

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