Jurisprudence : Cass. crim., 16-12-1997, n° 96-85.589, Cassation

Cass. crim., 16-12-1997, n° 96-85.589, Cassation

A1346ACT

Référence

Cass. crim., 16-12-1997, n° 96-85.589, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1049607-cass-crim-16121997-n-9685589-cassation
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BULLETIN N° 427
ARRêT DE LA COUR DE CASSATION
CHAMBRE CRIMINELLE
16 décembre 1997 Cassation
Pourvoi n°
96-85.589

Statuant sur le pourvoi formé par X..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 31 octobre 1996, qui, dans l'information suivie contre lui pour corruption de fonctionnaires et contre diverses autres personnes du chef, notamment, de trafic de stupéfiants, a rejeté sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 13 avril 1993, à la suite de l'ouverture d'une information contre personne non dénommée, pour trafic de stupéfiants, le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire au chef de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) aux fins de poursuivre les investigations et de procéder à toutes constatations, auditions, perquisitions, réquisitions et saisies qui s'avéreront nécessaires ;
Que, le 2 février 1994, Y..., gardien de la paix affecté à l'OCRTIS, a été informé de ce que X..., avocat, souhaitait le rencontrer pour obtenir des renseignements sur un certain Z... ; qu'il était alors précisé au policier que l'entrevue sollicitée pouvait présenter un intérêt pour l'OCRTIS ; que le rapport en date du 7 février 1994, par lequel Y... a rendu compte à sa hiérarchie des démarches dont il avait fait l'objet, a été annexé par un inspecteur de l'OCRTIS aux pièces d'exécution de la commission rogatoire précitée ;
Que, conformément aux instructions de sa hiérarchie, Y..., après avoir accepté, sur la proposition de l'avocat, de rencontrer celui-ci le 10 février 1994 dans un restaurant, s'est présenté à ce rendez-vous, muni d'un magnétophone dissimulé, destiné à enregistrer les propos de son interlocuteur, plusieurs policiers équipés d'appareils photographiques étant, par ailleurs, postés sur les lieux ; qu'au cours de la rencontre, le gardien de la paix a enregistré sa conversation avec X... tandis que les autres policiers photographiaient celui-ci ; que les photographies, ainsi qu'une transcription partielle de l'enregistrement ont été jointes au dossier ; qu'au vu, notamment, de ces éléments, le procureur de la République a saisi le juge d'instruction de réquisitions supplétives contre X... pour corruption de fonctionnaire ; que celui-ci a été mis en examen de ce chef ;
En cet état
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 80, 81, 105, 151, 152, 802 du Code de procédure pénale, 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête de X... en annulation de l'enregistrement et de la transcription de sa conversation avec le policier Y..., des clichés photographiques et de tous les actes subséquents qui y font directement ou indirectement référence ;
1° alors que la commission rogatoire, sur le fondement de laquelle les officiers de police judiciaire avaient agi, ne concernait que des faits de trafic de stupéfiants ; que, dès lors, en informant, au moyen de ces enregistrements et prises de clichés, sur des faits étrangers à cette commission rogatoire, postérieurs au réquisitoire introductif et susceptibles de revêtir la qualification distincte de corruption de fonctionnaire, lesquels n'entraient pas dans la saisine du magistrat instructeur, les fonctionnaires de police ont violé les textes susvisés ;
2° alors que, en procédant de leur propre chef et à l'insu de X..., à l'enregistrement de ses propos ainsi qu'à la prise de clichés photographiques le concernant, les officiers de police judiciaire ont usé de procédés déloyaux ayant eu pour résultat de compromettre l'exercice des droits de la défense " ;
Sur le moyen pris en sa première branche ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation de la procédure présentée par X... et prise de ce que les policiers, en cherchant à caractériser un éventuel délit de corruption, avaient excédé les limites de la commission rogatoire qui leur avait été délivrée, la chambre d'accusation énonce qu'au vu des éléments dont ils disposaient, " les policiers pouvaient légitimement penser que X... était impliqué dans le trafic de stupéfiants qu'ils avaient pour mission de caractériser " ; qu'elle relève que la retranscription d'écoutes téléphoniques régulièrement ordonnées par le juge d'instruction faisaient apparaître " l'existence de contacts fréquents " et suspects entre ce dernier et une personne mise en cause dans ce trafic ; qu'elle retient, en particulier, que les enquêteurs avaient appris que X... devait se rendre à Bangkok avec cette personne, laquelle avait préféré renoncer au voyage à la vue des policiers présents à l'aéroport ; qu'elle en déduit que " les actes d'instruction " critiqués ont bien été accomplis " dans le cadre " de l'exécution de la délégation du juge ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Mais sur le moyen pris en sa seconde branche ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'enregistrement effectué de manière clandestine, par un policier agissant dans l'exercice de ses fonctions, des propos qui lui sont tenus, fût-ce spontanément, par une personne suspecte, élude les règles de procédure et compromet les droits de la défense ; que la validité d'un tel procédé ne peut être admise ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de ce que les enquêteurs avaient utilisé un stratagème déloyal en procédant, à son insu, à l'enregistrement des propos tenus par lui au gardien de la paix Y..., la chambre d'accusation, qui relève, à bon droit, que le policier n'a fait que répondre à des sollicitations et qu'il n'a, en aucune manière, " participé de manière active à une provocation ", énonce, par ailleurs, que l'enregistrement ne nécessitait pas l'autorisation du juge d'instruction dès lors que le procédé d'interception utilisé n'entrait pas dans les prévisions des articles 100 et suivants du Code de procédure pénale et que les policiers tenaient des articles 81 et 152 de ce Code le droit d'effectuer tous les actes utiles à la manifestation de la vérité ; qu'elle relève qu'en toute hypothèse, les policiers " ont agi après avoir pris l'attache du magistrat instructeur " ; qu'elle ajoute que les propos enregistrés entre les intéressés ne présentaient aucun caractère privé et qu'ils étaient "étrangers à l'exercice des droits de la défense " ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, après avoir précédemment constaté que le policier agissait dans l'exercice de ses fonctions, et, alors que l'accord, au demeurant hypothétique, du magistrat instructeur n'était pas de nature à retirer au procédé son caractère illicite, la chambre d'accusation, qui aurait dû apprécier la validité de la transcription de l'enregistrement et des actes ou partie d'actes s'y référant au regard du principe ci-dessus énoncé, n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

PAR CES MOTIFS ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris en date du 31 octobre 1996, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi.
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris.
Président M. Milleville, conseiller doyen faisant fonction ;
Rapporteur M. .... - Avocat général M. Cotte. - Avocats la SCP Tiffreau et Thouin-Palat.

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