Jurisprudence : Cass. crim., 02-04-1997, n° 95-85.564, Rejet



Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 2 Avril 1997
Rejet
N° de pourvoi 95-85.564
Président M. Blin, conseiller le plus ancien faisant fonction.

Demandeur ... Jean et autre
Rapporteur Mme ....
Avocat général M. Lucas.
Avocats la SCP Piwnica et Molinié, M. ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET du pourvoi formé par ... Jean, la Compagnie d'assurances UAP, partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, 6e chambre, en date du 22 septembre 1995, qui, pour homicide involontaire, a condamné le premier à 1 mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la suspension de son permis de conduire pour une durée de 8 mois, assortissant cette mesure d'un relèvement partiel, et a prononcé sur l'action civile.
LA COUR,
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par l'UAP
Attendu qu'aucun moyen n'est produit au soutien de ce pourvoi ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est formé par Jean ...
Vu les mémoires ampliatif et complémentaire produits, et le mémoire en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, développé dans le mémoire ampliatif pris de la violation des articles 221-6 du nouveau Code pénal, 319 de l'ancien Code pénal, 6,
1 et 6,
2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean ... coupable d'homicide involontaire ;
" aux motifs qu'il n'est pas contesté que Jean ..., au volant de sa Fiat, n'est pas resté maître de son véhicule qui a glissé sur la chaussée en raison de son humidité et qu'il n'a plus pu diriger puisqu'il s'est retrouvé en sens inverse de son sens de marche et a heurté un poteau EDF en ciment ; que le Pr Olivier ..., praticien hospitalier d'orthopédie, a été désigné par ordonnance de référé du 22 décembre 1993 pour déterminer les causes du décès de Jean-Claude ... ; qu'il conclut que Jean-Claude ... a présenté un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale à la suite de l'accident survenu le 10 juillet 1993 ; qu'à l'entrée de l'hôpital l'examen neurologique était normal ainsi que les radiographies de crâne ; que l'électroencéphalogramme a montré un tracé de commotion cérébrale diffus et que sa sortie avait été envisagée, si bien que les causes de son décès ne pouvaient être précisées avec certitude étant donné l'absence d'autopsie scientifique qui n'avait pu être réalisée puisque Jean-Claude ... avait été incinéré ; que, pour lui, il ne pouvait être affirmé que les causes du décès étaient en relation directe et certaine avec l'accident de la circulation dont il avait été victime le même jour, le décès pouvant être d'origine accidentelle mais aussi cardiaque, métabolique ou autre ; qu'il relevait que, dans son certificat du 15 juillet 1993, rédigé 5 jours après le décès de Jean-Claude ..., le Pr ... décrivait que les causes exactes de ce décès brutal n'ont pu être précisées, mais qu'il devait être considéré comme consécutif à l'accident survenu le matin du 10 juillet ; que le Pr Olivier ... note que l'examen clinique n'a retrouvé aucun signe de localisation et Jean-Claude ... était valide peu de temps avant son décès puisqu'il a été retrouvé mort dans une chambre adjacente ; qu'enfin il relève que les documents présentés ne permettent pas de mettre en évidence d'antécédents médicaux chirurgicaux susceptibles de constituer un état antérieur, c'est-à-dire d'avoir des interférences sur le décès de Jean-Claude ... ; qu'il ressort de l'ensemble du dossier que Jean-Claude ..., qui était passager avant droit de la Fiat conduite par Jean ..., a été heurté par le poteau en ciment d'EDF, comme le relève de manière spécifique les photos, celle-ci ayant été enfoncée sur plusieurs centimètres ; que le SAMU notera que Jean-Claude ... semblait atteint d'un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale ; que Jean ..., lui-même, a concédé que son ami respirait difficilement ; que la feuille d'examen, à l'entrée des urgences de l'hôpital, a relevé un éthylisme aigu (1,93 gramme par litre de sang) et un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale, des pupilles normales et symétriques et un examen neurologique normal ; qu'il a refusé de manger pour le déjeuner du 11 juillet 1993 et s'est contenté de boire deux verres d'eau vers 12 h 30 ; que les fiches de surveillance de soins infirmiers de 5 h 30 et de 13 h 30 relevaient qu'il était toujours neurosomnolent, mais bien conscient et qu'il répondait facilement aux stimulations et aux questions, mais qu'après avoir essayé de se lever il n'en avait pas eu la force et qu'il était relevé ainsi de la transpiration, le pouls et la tension artérielle restant normaux ;
que, vers 15 h 30, il a quitté sa chambre pour se rendre aux toilettes d'une chambre voisine, et c'est dans ce local qu'il a été découvert, décédé, par les infirmières de service ; que le Pr ... a indiqué dans son certificat que le décès devait être considéré comme consécutif à l'accident survenu le matin du 10 juillet ; que l'expert désigné, le Pr Olivier ..., a mis en évidence, pour sa part, que l'électroencéphalogramme avait montré un tracé de commotion cérébrale diffus, bénin ; qu'en l'absence d'état pathologique antérieur caractérisé, le traumatisme crânien ayant occasionné une perte de connaissance, la commotion cérébrale diffuse, l'état de fatigue de Jean-Claude ..., qui n'avait pas voulu prendre de déjeuner et qui était resté alité jusqu'à 14 heures, qui n'avait pas eu la force de se lever, démontrent que l'accident a entraîné dans les 12 heures qui ont suivi un état pathologique qui a juste précédé la mort ; qu'en conséquence il convient d'en déduire que la mort de Jean-Claude ... est, pour partie, la conséquence de ses blessures au moins, alors qu'il y avait un fond d'imprégnation alcoolique ;
" 1° alors que, s'il est vrai que l'article 319 de l'ancien Code pénal n'exige pas pour recevoir application qu'un lien de causalité direct immédiat existe entre la faute du prévenu et le décès de la victime, encore faut-il que l'existence de ce lien de causalité soit certain et que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que les motifs susénoncés de l'arrêt ne caractérisent pas l'existence d'un lien de causalité certaine entre la faute de conduite relevée à l'encontre de Jean ... et le décès de Jean-Claude ... en sorte que la cassation est encourue ;
" 2° alors que, tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de la culpabilité incombe à la partie poursuivante ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la Cour, le demandeur faisait valoir que les causes du décès de Jean-Claude ... étaient demeurées inconnues par le fait de la famille de la victime qui s'était opposée à l'autopsie jugée nécessaire par le Dr ..., neurochirurgien, et avait fait incinérer le corps, privant ainsi définitivement la justice d'une mesure d'instruction ; que cette circonstance devait amener le juge répressif à faire bénéficier le prévenu du doute qui résultait de l'insuffisance et du caractère aléatoire des preuves figurant au dossier, et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef péremptoire des conclusions du demandeur, tout en constatant que l'expert Olivier ..., désigné par le juge des référés, concluait dans le même sens, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3° alors que le prévenu faisait également valoir, dans ses conclusions, qu'il résultait des conclusions du rapport de l'expert nommé par le juge des référés que les causes du décès ne peuvent être précisées avec certitude, le décès pouvant être d'origine accidentelle, mais aussi cardiaque, métabolique ou autre (conclusions p 6 et 7) ; qu'il en résulte que la cour d'appel, qui est entrée en voie de condamnation en retenant des motifs qui n'établissent pas la certitude de l'existence d'un lien entre l'accident et le décès sans répondre aux conclusions du prévenu qui, s'appuyant sur un rapport d'expertise judiciaire, démontrait que ce lien n'était pas établi, a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Claude ..., passager d'un véhicule accidenté, est décédé quelques heures après son admission à l'hôpital ; que son corps a été incinéré avant qu'une autopsie ait pu être judiciairement ordonnée ;
Que le conducteur du véhicule, Jean ..., poursuivi pour homicide involontaire, reprenant les conclusions d'une expertise réalisée à la requête de son assureur, soutenait qu'à défaut d'autopsie le lien de causalité entre l'accident et le décès ne pouvait être établi avec certitude ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation et déclarer le délit constitué, la juridiction du second degré retient que l'accident, imputable au prévenu dont elle caractérise le défaut de maîtrise, a entraîné chez la victime, indemne de tout état préexistant, l'apparition d'un état pathologique qui a contribué, au moins pour partie, à son décès ;
Qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, et d'où résulte l'existence d'un lien de causalité certain entre l'accident et le décès de la victime, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Sur le moyen complémentaire de cassation, pris de la violation des articles 112-1, 121-3, dans sa rédaction résultant de la loi n° 96-393 du 13 mai 1996, et 221-6 du nouveau Code pénal, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean ... coupable d'homicide involontaire ;
" alors que, selon la loi n° 96-393 du 13 mai 1996, il n'y a pas de délit d'imprudence si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; qu'en l'état de ce nouveau texte, qui modifie l'incrimination dans un sens favorable au prévenu puisque le délit d'homicide involontaire suppose, dorénavant, la constatation selon laquelle l'auteur des faits n'a pas accompli de diligence normale, l'arrêt attaqué encourt l'annulation afin de permettre à la juridiction de renvoi d'examiner la situation du prévenu au regard de la loi nouvelle " ;
Attendu que l'entrée en vigueur de l'article 121-3, alinéa 3, du Code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 13 mai 1996, ne saurait donner ouverture à l'annulation de l'arrêt attaqué que propose le demandeur ;
Qu'en effet tout manquement par le conducteur d'un véhicule à ses obligations de prudence et de sécurité est nécessairement incompatible avec les diligences normales que lui impose le Code de la route et caractérise, à sa charge, la faute définie par la loi précitée ;
Que, tel étant le cas du défaut de maîtrise retenu à la charge du prévenu, le moyen, inopérant, ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.

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