Jurisprudence : Cass. crim., 01-10-1996, n° 95-85.529, Rejet



Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 1er Octobre 1996
Rejet
N° de pourvoi 95-85.529
Président M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.

Demandeur ... Paul et autres
Rapporteur Mme Françoise ....
Avocat général M. Perfetti.
Avocat la SCP Lesourd et Baudin.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET du pourvoi formé par ... Paul, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de gérant des sociétés suivantes SARL Groupe Privé Barril (GPB), SARL Protection Conseils Sécurité (PCS), SARL Secrets, parties civiles, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 13 octobre 1995, qui, dans l'information ouverte contre personne non dénommée des chefs d'atteinte à l'intimité de la vie privée et d'atteinte au secret de la Défense nationale, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant partiellement irrecevable leur constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 2° et 6°, du Code de procédure pénale ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 216, 575 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la plainte des parties civiles pour divulgation et reproduction auprès du public de documents ou renseignements couverts par le secret de la Défense nationale, sans répondre aux articulations essentielles du mémoire déposé par les parties civiles le 5 septembre 1995 ;
" alors que la chambre d'accusation est tenue de répondre aux articulations essentielles des mémoires dont elle est saisie ; qu'en l'espèce il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la chambre d'accusation n'a répondu qu'au mémoire initial des parties civiles, déposé le 12 juin 1995, et a omis d'examiner leur mémoire supplétif du 5 septembre 1995 et d'y répondre, en sorte que les droits de la défense ont été violés " ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 2 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 413-10, 413-11 du Code pénal, 575 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la plainte des parties civiles des chefs de divulgation et reproduction auprès du public de documents ou renseignements couverts par le secret de la Défense nationale ;
" aux motifs que les parties civiles entretenaient la confusion entre la violation dénoncée du secret de la Défense nationale, qui ne pouvait que nuire à l'Etat, personne de droit public, et les man uvres (écoutes téléphoniques) dévoilées par le journal "Libération" qui ont pu causer un préjudice à la personne physique ou morale qui en avait été l'objet, notamment par atteinte à l'intimité de leur vie privée, et le cantonnement de la recevabilité de constitutions de parties civiles à ce seul délit ne saurait, à lui seul, empêcher le juge d'instruction d'exercer complètement sa mission puisqu'il devra notamment rechercher, examiner et analyser les moyens par lesquels l'intimité de la vie privée aurait été violée, et ainsi la limitation de l'action civile ne saurait contrevenir aux textes visés dans le mémoire, notamment les articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les articles 2 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
" alors, d'une part, que, en vertu de l'article 23 a du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le Pacte auront été violés disposera d'un recours utile alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ; qu'en vertu de l'article 23 b, l'Etat garantit que l'autorité compétente statuera sur les droits de la personne qui forme le recours ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes qu'un recours effectif suppose que le juge d'instruction, saisi d'une plainte avec constitution de partie civile, recevable en la forme, est tenu d'ouvrir une information sur tous les chefs visés dans la plainte, soit que les faits poursuivis aient été dénoncés comme connexes, soit qu'un seul fait soit susceptible de recevoir plusieurs qualifications pénales, et de rechercher si chacune des infractions dénoncées est ou non constituée ; qu'il en est notamment ainsi lorsque l'atteinte aux droits spécialement protégés par des instruments internationaux intégrés dans le droit positif français résulte d'autres infractions sans lesquelles la première n'aurait pu être commise, et en particulier de violations constituant des infractions de plus haute qualification pénale dans le droit de l'Etat ; qu'en déclarant d'emblée irrecevable la plainte avec constitution de partie civile du chef de divulgation de secret de la Défense nationale pour le motif qu'une telle violation ne pourrait nuire qu'à l'Etat cependant qu'en l'espèce l'atteinte à l'intimité de la vie privée dénoncée ne pouvait se produire sans la divulgation du secret de la Défense nationale, en sorte que les 2 infractions étaient indivisiblement liées, l'arrêt attaqué a arbitrairement méconnu les droits des parties civiles et violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, qu'en vertu de l'article 6,
1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial ; qu'en matière de divulgation de secret de la Défense nationale, une constitution de partie civile de la personne alléguant en avoir souffert est recevable dès lors qu'à la différence de plusieurs autres articles de cette Convention, l'article 6 n'ouvre pas aux autorités nationales la faculté d'ingérence dans l'exercice des droits qu'il garantit, sous certaines conditions et pour la poursuite de certaines finalités supérieures ; que, par suite, la poursuite de ce délit ne peut être réservée exclusivement à la puissance publique dans les cas où le secret divulgué met en cause une personne susceptible de subir un préjudice du fait de cette divulgation ; qu'en déclarant la plainte avec constitution de partie civile du chef de divulgation de secret de la Défense nationale irrecevable sans avoir procédé à la moindre investigation sérieuse, l'arrêt attaqué a méconnu les textes et porté atteinte aux droits de la défense " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que Paul ..., agissant en son nom personnel et au nom des sociétés GPB, PCS et Secrets dont il est le gérant, a porté plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée des chefs d'atteinte à l'intimité de la vie privée et d'atteinte au secret de la Défense nationale ; qu'il a exposé que l'article du journal " Libération ", paru le 25 janvier 1994, ayant trait à l'information judiciaire en cours, relative à des écoutes téléphoniques ordonnées par la cellule antiterroriste de l'Elysée, et au rapport établi par M. Paul ..., président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, mentionnait que ses conversations téléphoniques étaient " régulièrement surveillées par les services français, officiellement en raison de ses activités avec l'étranger " et reproduisait l'une d'elles, en précisant qu'il s'agissait d'une " transcription d'écoute de la DGSE réalisée par le GIC, figurant parmi les annexes du rapport Bouchet " ;
Attendu que le juge d'instruction, saisi de cette plainte, l'a déclarée irrecevable en ce qu'elle visait des faits d'atteinte au secret de la Défense nationale, et l'a déclarée recevable pour le surplus ;
Attendu qu'en confirmant cette décision, par les motifs partiellement reproduits aux moyens, la chambre d'accusation, qui a répondu aux articulations essentielles des 2 mémoires dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet les infractions prévues aux articles 75, 76 et 79, alinéa 6, anciens et 413-10 et 413-11 nouveaux du Code pénal ont pour objet exclusif la protection de l'intérêt général qui s'attache au secret de la Défense nationale qu'assure seul le ministère public ; que, par ailleurs, sur la prévention d'atteintes à la vie privée dénoncées par les parties civiles, celles-ci auront accès à un tribunal indépendant et impartial qui décidera de leurs contestations sur leurs droits de caractère civil ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.

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