Jurisprudence : Cass. crim., 18-10-1995, n° 94-80.607, ACTION PUBLIQUE ETEINTE ET REJET ET CASSATION PARTIELLE



Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 18 Octobre 1995
ACTION PUBLIQUE ETEINTE ET REJET ET CASSATION PARTIELLE
N° de pourvoi 94-80.607
Président M. Le Gunehec

Demandeur Procureur général près la cour d'appel de Colmar
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Le Foyer de Costil.
Avocats la SCP Vier et Barthélemy, la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, M. Capron, ... ... Ancel et Couturier-Heller.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ACTION PUBLIQUE ETEINTE ET REJET ET CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par le Procureur Général près la cour d'appel de Colmar X, prévenu Y, partie civile contre l'arrêt de ladite cour d'appel du 25 novembre 1993 qui, dans les poursuites exercées contre X et Z, a relaxé les deux prévenus du chef d'homicides involontaires et incendie involontaire de forêt domaniale, a relaxé Z du chef de contraventions aux arrêtés du préfet du Bas-Rhin des 22 octobre 1971 et 22 janvier 1975, a condamné X, pour ces infractions, à 2 amendes de 250 francs et a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Attendu que les contraventions reprochées au prévenu, commises avant le 18 mai 1995, entrent dans les prévisions de l'article 1er de la loi du 3 août 1995, que, dès lors, elles sont amnistiées ;
Attendu cependant qu'aux termes de l'article 21 de ladite loi, l'amnistie ne préjudicie pas aux droits des tiers ; que l'arrêt contient des dispositions civiles et qu'il convient par suite d'examiner les pourvois ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réponse ;
I Sur le pourvoi du procureur général
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de la loi en ses articles 319 du Code pénal, 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs
" en ce que la cour d'appel ayant déclaré Z non coupable de la contravention aux arrêtés préfectoraux dont il était prévenu, a prononcé la relaxe de l'intéressé du chef d'homicides involontaires, au seul motif que l'intéressé "n'ayant commis aucune contravention, les faits d'homicides involontaires commis sur les personnes de A, B et C ne peuvent lui être imputés en aucune manière" ;
" alors qu'il lui appartenait de rechercher si, indépendamment d'une inobservation des règlements, il n'avait pas commis les fautes d'imprudence, d'inattention, de négligence et de maladresse visées dans la prévention et qui auraient été susceptibles d'avoir causé la mort de A, B et C " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les motifs dont elle a déduit qu'aucune faute en relation de causalité avec le décès des victimes n'était imputable au prévenu Z, et a ainsi justifié la relaxe de ce dernier, sans encourir le grief formulé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 319 du Code pénal, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs ;
" en ce que la Cour a déclaré X coupable de contravention à l'arrêté préfectoral du 22 janvier 1975 et l'a relaxé du délit d'homicides involontaires qui lui était reproché au seul motif qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la contravention commise par l'intéressé et la mort de A, B et C ;
" alors qu'il lui appartenait de rechercher si, X, indépendamment d'une inobservation des règlements n'avait pas commis les fautes d'imprudence, inattention, négligence et maladresse visées dans la prévention et qui auraient été susceptibles de causer la mort de ces trois personnes " ;
Et sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 319 du Code pénal, 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, contrariété de motifs
" en ce que la Cour a décidé qu'il n'existait pas de lien de cause à effet entre la contravention de violation de l'arrêté préfectoral commise par X et les "faits d'homicides involontaires qui lui sont reprochés" ;
" alors qu'elle a estimé, d'une part, que X "en entreprenant des travaux sur la conduite du pipe line et en omettant de faire la déclaration prescrite par la réglementation a pris le risque de percer la conduite et qu'il doit ainsi assumer la responsabilité de sa crevaison" et que, d'autre part, elle a tenu pour acquises les conclusions d'un expert selon lesquelles "dès l'instant que l'oléoduc avait été percé imprudemment, l'explosion était inévitable" " ;
Et sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 319 du Code pénal, 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale
" en ce que la Cour, donnant suite à l'argumentation de la défense sur des éléments non soumis à l'instruction préparatoire, a relevé que des manquements divers, imputables à des tiers non poursuivis et non exactement identifiés, avaient été commis qui avaient concouru à la réalisation de l'accident mortel et qu'elle en a déduit implicitement qu'ils exonéraient X de sa responsabilité pénale à cet égard ;
" alors qu'il n'est pas nécessaire pour que la responsabilité pénale du prévenu soit engagée que sa faute ait été la cause exclusive du dommage survenu, en l'espèce la mort de A, B et C " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les articles 319 ancien et 221-6 nouveau du Code pénal, réprimant le délit d'homicide involontaire, n'exigent pas que la faute du prévenu en ait été la cause exclusive, directe ou immédiate ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X a fait exécuter par une entreprise de terrassement, sur une parcelle de terre lui appartenant située dans le périmètre protégé d'un pipe-line, des travaux au cours desquels la canalisation a été perforée par une pelleteuse ; que l'explosion des gaz qui se sont échappés a provoqué un incendie dans lequel ont péri plusieurs personnes ;
Attendu qu'après avoir déclaré X coupable de contravention à l'arrêté préfectoral du 22 janvier 1975, pour avoir entrepris ces travaux sans avoir préalablement effectué la déclaration prescrite par cette réglementation, prenant ainsi le risque de percer la conduite, les juges d'appel, pour relaxer le prévenu du chef d'homicides involontaires, énoncent que " divers manquements " qu'ils décrivent, imputables à des tiers, sont autant d'éléments qui échappent à la responsabilité de ce dernier " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a déduit l'absence de lien de causalité, entre l'inobservation des règlements retenue à la charge du prévenu et les décès constatés, de la seule existence de fautes concurrentes imputables à des tiers, a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
II. Sur le pourvoi de X
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6-1 et 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 et 802 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité soulevées par X ;
" alors que dans ses conclusions d'appel, X faisait valoir, au soutien de son exception de nullité tirée de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qu'en dépit de ses demandes présentées dès le début de l'information, ni le magistrat instructeur, ni les premiers juges n'avaient recherché les éventuelles responsabilités pénales des dirigeants de la société qui exploitait l'oléoduc sans autorisation ou des agents publics chargés de la surveillance de l'ouvrage, et réclamait à nouveau que soit ordonnée l'audition de ces diverses personnes ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces conclusions par lesquelles le prévenu entendait établir qu'avait été méconnu son droit à un procès équitable devant un tribunal impartial, et de statuer sur la demande d'auditions qu'il formait en vue de voir atténuer ou supprimer sa propre responsabilité pénale, la cour d'appel, qui n'a pas donné de motifs suffisants à sa décision, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que le demandeur ne saurait reprocher à la cour d'appel d'avoir rejeté les exceptions de nullité qu'il invoquait, tirées de la prétendue méconnaissance des prescriptions des articles 6-1 et 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Qu'en effet, l'exigence d'un procès équitable, au sens de ces textes, n'impose pas que l'accusation soit étendue à des personnes, autres que celle poursuivie, dont la responsabilité pourrait être engagée ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 11 de la loi du 29 mars 1958, 16 du décret no 59-645 du 16 mai 1959, R 26-15 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X coupable d'infractions aux arrêtés préfectoraux des 22 octobre 1971 et 22 janvier 1975 ;
" 1o) alors que, l'article R 26-15 du Code pénal ne peut trouver application qu'autant qu'il a été contrevenu aux décrets et arrêtés de police légalement faits ; que le préfet du Bas-Rhin ne tenant d'aucune disposition légale ni réglementaire le pouvoir de soumettre à un régime général d'autorisation, ou même seulement de déclaration la réalisation par les propriétaires de travaux sur les terrains qui leur appartiennent, ces terrains seraient-ils implantés à proximité de conduites d'hydrocarbures ou de gaz, les arrêtés préfectoraux des 22 octobre 1971 et 22 janvier 1975, qui imposent aux propriétaires de soumettre à l'Administration et à l'exploitant de la conduite, les travaux qu'ils envisagent d'effectuer au voisinage de celle-ci, sont dépourvus de fondement légal, et leur violation éventuelle ne peut de ce fait être sanctionnée par application de l'article R 26-15 du Code pénal ;
" 2o) alors que, dans ses conclusions, X soutenait que la servitude prévue par l'article 11 de la loi du 29 mars 1958 et l'article 15 du décret du 16 mai 1959 n'ayant été transcrite ni au livre foncier ni même au cadastre, lesdits arrêtés préfectoraux lui étaient inopposables ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces conclusions, la cour d'appel n'a pas donné de motifs suffisants à son arrêt ;
" 3o) alors que, tout jugement en matière correctionnelle doit énoncer les faits dont le prévenu est jugé coupable et constater l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction retenue ; qu'en déclarant le prévenu coupable d'avoir contrevenu aux dispositions de l'arrêté du 22 janvier 1971 sans préciser ni la nature des travaux effectués en violation de cet arrêté, ni à quelle distance de la conduite ils se seraient situés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Sur la première branche du moyen ;
Attendu qu'il ne résulte ni des mentions de l'arrêt attaqué, ni des conclusions déposées par le prévenu X, que ce dernier ait présenté, avant toute défense au fond, l'exception d'illégalité des arrêtés préfectoraux des 22 octobre 1971 et 22 janvier 1975 visés au moyen ; qu'il est, dès lors, vainement fait grief à la cour d'appel de n'avoir pas statué sur cette exception qui était irrecevable par application de l'article 386 du Code de procédure pénale ;
Sur les 2e et 3e branches du moyen ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, contrairement à ce qui est allégué par le demandeur, les juges du second degré, qui n'avaient pas à répondre mieux qu'ils l'ont fait aux conclusions dont ils étaient saisis, ont caractérisé sans insuffisance la contravention aux prescriptions de l'arrêté préfectoral du 22 octobre 1971 dont ils ont déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche et fondé, en ses deux autres branches, sur des allégations inexactes, ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la Y et X, responsable du dommage limité à la crevaison du pipe-line ;
" alors qu'en vertu du décret du 10 novembre 1966 autorisant la construction et l'exploitation de l'oléoduc de la Sarre, le propriétaire de l'ouvrage est le bénéficiaire de l'autorisation ; que dès lors, en déclarant recevable l'action civile formée en sa qualité de propriétaire de l'ouvrage endommagé, par la Y, qui n'était pourtant, selon ses propres constatations, titulaire d'aucune autorisation d'exploiter celui-ci, et ne pouvait en conséquence invoquer aucun intérêt ou préjudice légitimes, la cour d'appel n'a donné aucune base légale à sa décision " ;
Attendu qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de la société Y, qui invoquait sa qualité de propriétaire des installations détériorées pour obtenir réparation du préjudice résultant du comportement fautif du prévenu X, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
III. Sur le pourvoi de la Société Y ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 1382 du Code civil, de l'article 11 de la loi du 29 mars 1958, du décret du 16 mai 1959, des articles 2, 3 et 4 de l'arrêt du préfet du Bas-Rhin du 22 janvier 1975, de l'article R 26 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que X n'est responsable que "du dommage limité à la seule crevaison du pipe-line" et a débouté la société Y, aux droits de la société Norsolor, de sa demande tendant à la condamnation de X à réparer du préjudice subi de son fait ;
" aux motifs que
" à la date de la catastrophe, aucune société autre que la société de l'oléoduc de la Sarre n'était en droit d'exploiter le pipe-line sur le tronçon Oberhoffen-sur-Moder-Folking sur lequel a eu lieu la catastrophe ; que cette société, à cette même date, n'ayant plus d'existence, l'exploitation du pipe-line n'était plus autorisée ;
" que les autorisations accordées pour la construction de l'exploitation du pipe-line portaient sur du pétrole brut ; que, cependant, le décret de 1966 porte autorisation de la construction d'une conduite "destinée au transport d'hydrocarbures liquides" ; que le naphta, produit pétrolier ayant subi une opération de raffinage, ne peut en aucune façon être assimilé à du pétrole brut ;
" que les mesures de publicité et d'information telles qu'elles étaient prévues dans le plan de surveillance n'ont pas été effectives ; que ni les maires, ni les brigades de gendarmerie, ni la direction de la protection civile n'avaient été informés de la substitution du naphta au pétrole brut ; que les mesures d'intervention ne pouvaient être efficaces dès lors que les services publics qui devaient intervenir en cas d'accident ignoraient la nature du produit transporté et sa dangerosité ; que les plans de surveillance déposés dans les mairies n'étaient pas à jour ; qu'il est très vraisemblable que les brigades de gendarmerie ne possédaient pas non plus d'exemplaire à jour ; que la topographie, les caractéristiques dimensionnelles des conduites, la nature du produit transporté, l'insuffisance d'information des services publics d'intervention sont autant d'éléments qui échappent à la responsabilité des prévenus, mais que les sociétés propriétaire et exploitante ne pouvaient se dispenser de prendre en compte sans engager gravement leur responsabilité d'autant qu'ayant négligé de solliciter les autorisations requises par le décret de 1959, et s'étant soustraites ainsi à l'enquête d'utilité publique, elles empêchaient l'autorité publique d'exercer son contrôle sur les mesures de sécurité (arrêt p 14 à 19) ;
" que X, qui connaissait le tracé du pipe-line, en faisant prendre de la terre sur le talus recouvrant le pipe-line par le conducteur d'engin de l'entreprise Z, s'est rendu coupable d'une contravention à l'arrêté préfectoral du 22 octobre 1975 (arrêt p 12, pénultième alinéa) ; qu'en entreprenant ces travaux et en omettant de faire la déclaration prescrite par la réglementation, il a pris le risque de percer la conduite du pipe-line et qu'il doit ainsi assumer la responsabilité de sa crevaison ; qu'en revanche, en l'absence de lien direct entre la contravention commise par celui-ci et les faits qui l'ont suivis, "qui ont leur cause dans des circonstances développées ci-dessus", il ne saurait répondre des autres dommages ; que le préjudice soumis à réparation se limite à la seule crevaison de la conduite (arrêt p 20, alinéas 7 et 8) ;
" alors que, d'une part, dans ses conclusions déposées à l'audience du 15 avril 1993 et visées dans l'arrêt attaqué, la société Y faisait utilement valoir (p 18 à 22) que son préjudice comprenait, d'une part, les frais de remise en état du pipe-line et, d'autre part, les frais nécessités par le maintien de l'approvisionnement de l'usine D ; que ces deux chefs de préjudice sont directement la conséquence des travaux entrepris par X, dont la cour d'appel considère à juste titre qu'ils constituent une contravention à l'arrêté préfectoral du 22 octobre 1975 qui lui imposait de soumettre son projet au responsable du pipe-line et qu'il doit assumer la responsabilité de la crevaison qui en est résultée ; qu'en limitant cependant le préjudice soumis à réparation à cette seule crevaison et en excluant la réparation de l'ensemble des dommages subis par la société Y et qui en sont la suite directe, peu important qu'ils aient pu avoir d'autres causes dès lors qu'ils étaient la conséquence de la faute commise par X, en se bornant à renvoyer, quant à leur cause prétendue, à des motifs concernant les délits d'homicides par imprudence reprochés par ailleurs à X et non les dommages causés à l'ouvrage et leurs conséquences sur l'approvisionnement de l'usine de la société Y, la cour d'appel, refusant de tirer de ses conclusions les conséquences qui s'en évinçaient légalement, a privé sa décision de base légale et a violé, par refus d'application, l'article 1382 du Code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
" alors que, d'autre part, en considérant qu'à la date du sinistre, l'exploitation du pipe-line n'était plus autorisée, tout en constatant (p 18 alinéa 5) que l'autorisation de mise en service avait été renouvelée par décision en date du 15 septembre 1988 délivrée à la société E, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ; qu'en tout état de cause, la substitution d'une entreprise différente au bénéficiaire désigné dans le décret d'autorisation était sans conséquence sur les obligations mises à la charge de X tant par l'article 16 du décret no 57645 du 16 mai 1959, qui lui imposait de s'abstenir de tout acte de nature à nuire au bon fonctionnement, à l'entretien et à la conservation de l'ouvrage traversant sa propriété et dont ni l'existence, ni les caractéristiques n'étaient affectées par les conditions dans lesquelles la société E avait succédé à la société de l'Oléoduc de la Sarre, que par l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 22 janvier 1975 dont les dispositions s'appliquent à tous les travaux effectués au voisinage de pipe-lines à hydrocarbures, quelles que soient les conditions juridiques de leur exploitation ; qu'en se déterminant ainsi par des motifs contradictoires et inopérants, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision " ;
" alors que, de troisième part, sur "la nature du produit transporté", en affirmant que l'autorisation accordée en vue de la construction et de l'exploitation du pipe-line allant d'Oberhoffen-sur-Moder à Klarenthal via Folkling, sur lequel selon ses propres énonciations (p 15, dernier alinéa) a eu lieu l'accident, ne s'appliquait qu'à du pétrole brut, tout en constatant cependant que le décret du 10 novembre 1966 par lequel avait été délivrée cette autorisation indiquait que la conduite était "destinée au transport d'hydrocarbures liquides", la cour d'appel s'est derechef déterminée par des motifs contradictoires et a méconnu l'article 1er du décret susmentionné du 10 novembre 1966 ; qu'en estimant ensuite que le transport du naphta, dont elle constatait néanmoins qu'il est un "produit pétrolier" et donc un hydrocarbure, n'avait pas été autorisé, la cour d'appel a, en outre, méconnu les dispositions de ce décret qui autorisent le transport d'hydrocarbures liquides ; qu'elle n'a pas répondu au chef péremptoire des conclusions de la société Y qui démontrait utilement que le pétrole brut n'est pas un produit moins dangereux que le naphta ; qu'en tout état de cause, à supposer que le transport du naphta n'eût pas été régulièrement autorisé, cette circonstance eût été sans conséquences sur les obligations qui incombaient à X par l'effet des dispositions du décret du 16 mai 1959 et de l'arrêt préfectoral du 22 janvier 1975, lesquelles étaient totalement indépendantes de la nature du produit transporté ; qu'elle ne peut donc avoir aucun effet sur l'imputabilité à X des conséquences des infractions qu'il a commises en manquant à ces obligations ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a derechef privé de motifs sa décision ;
" alors que, de quatrième part, les prétendus manquements à ses obligations de surveillance et d'information reprochés par la cour d'appel à la société E ne peuvent avoir davantage d'effets sur l'imputabilité à X des conséquences des infractions qu'il a commises ; que la cour d'appel n'a, en effet, nullement constaté que les dommages subis par l'ouvrage et leurs conséquences directes, notamment l'impossibilité d'assurer un approvisionnement normal de l'usine desservie par le pipe-line, auraient trouvé leur cause exclusive dans les fautes imputées à la société E ; que celles-ci sont donc sans rapport avec les dommages subis par cette dernière, consécutifs aux agissements de X ; que la cour d'appel s'est de nouveau fondée sur des considérations inopérantes et n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors qu'enfin, aux termes de l'article 11-VIII de la loi no 58-336 du 29 mars 1958, introduit par l'article 51 de la loi no 87-565 du 22 juillet 1987, seul le représentant de l'Etat peut ordonner après mise en demeure, l'arrêt temporaire d'un pipe-line lorsque celui-ci est exploité en méconnaissance des conditions qu'imposent ledit article 11 de la loi du 29 mars 1958 et le décret no 59-645 du 16 mai 1959 pris pour son application ; qu'il en résulte qu'un particulier ne peut opposer directement au propriétaire ou à l'exploitant d'un tel ouvrage de prétendus manquements à ces obligations ; qu'en conséquence, c'est au prix d'une violation des dispositions susmentionnées que la cour d'appel a considéré que X pouvait se prévaloir des fautes reprochées à la société E " ;
Attendu que contrairement à ce qui est allégué à la première branche du moyen la demande de réparation, dirigée contre X, a été accueillie par la cour d'appel en ce qui concerne le préjudice découlant des contraventions à l'arrêté préfectoral du 22 janvier 1975 retenues à la charge de ce dernier ; que, dès lors, la partie civile est irrecevable à critiquer les motifs de l'arrêt attaqué qui n'ont trait qu'à l'imputation, à ce prévenu, des délits d'homicides involontaires qui lui sont reprochés et ne servent de soutien qu'à la disposition de la décision portant relaxe de ce chef de prévention ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 1382 du Code civil, des articles 2, 3 et 4 de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 22 janvier 1975, de l'article R 26 du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Z non coupable d'infractions aux arrêtés préfectoraux des 22 octobre 1971 et 22 janvier 1975 et l'a renvoyé sans peine des fins de la poursuite ;
" aux motifs que Z, qui n'est pas gérant de la SARL entreprise Z, mais qui ne conteste pas être au sein de cette entreprise le responsable des travaux de terrassement, ne doit pas voir engager sa responsabilité pénale, dès lors que le contrat passé avec X étant un contrat de location d'engin avec chauffeur, l'engin et le chauffeur étaient sous la responsabilité de celui-ci et que c'est en fonction des directives données par X, comme il est établi, que le conducteur d'engins est sorti du cadre strict de la tâche qui lui avait été confiée au départ (arrêt p 19, alinéa 6) ;
" alors que le tribunal de grande instance de Saverne avait retenu Z dans les liens de la prévention, aux motifs notamment qu'il "importait peu que le contrat ait été un contrat d'entreprise ou une location d'engin" et que "parfaitement averti de ses obligations, Z sollicité par X pour la location d'un engin aurait dû s'interroger et interroger son client sur la nature et l'emplacement des travaux projetés. Il aurait dû en tout état de cause faire les déclarations exigées par les arrêtés préfectoraux des 27 octobre 1971 et 22 janvier 1975, ce qui aurait eu pour effet d'empêcher X d'utiliser son engin au-delà de leur convention initiale" (jugement p 18, in fine) ; que la cour d'appel ne pouvait renvoyer Z des fins de la poursuite au seul motif qu'il n'avait conclu avec X qu'un contrat de location d'engin avec chauffeur sans réfuter les motifs précités du jugement selon lesquels peu importaient la nature et l'objet du contrat, dès lors qu'en tout état de cause Z devait faire les déclarations exigées par les arrêtés préfectoraux susmentionnés ; qu'en omettant de se prononcer sur ce point essentiel, la cour d'appel a privé de motifs sa décision et qu'en déclarant Z non coupable de l'infraction reprochée, elle a violé par refus d'application l'article R 26-15o du Code pénal et l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 22 janvier 1975 selon lequel toute personne que propose d'effectuer ou de faire effectuer des travaux de terrassement à moins de 15 mètres d'un pipe-line à hydrocarbures doit souscrire une déclaration préalable " ;
Attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à s'expliquer davantage sur les motifs de pur fait retenus par la décision critiquée qu'elle infirme sur ce point, expose sans insuffisance ni contradiction ceux pour lesquels elle estime que Z n'était pas pénalement responsable de l'inobservation des prescriptions des arrêtés préfectoraux, visée aux poursuites, et a ainsi justifié la relaxe de ce prévenu ;
Que, dès lors, le moyen, qui revient à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Par ces motifs
DÉCLARE l'action publique ETEINTE du chef des contraventions ;
I Sur les pourvois de X et de la société Y
Les REJETTE ;
II. Sur le pourvoi du procureur général près la cour d'appel de Colmar
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de COLMAR en date du 25 novembre 1993, mais en ses seules dispositions portant relaxe de X, prévenu d'homicides involontaires, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy.

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