Jurisprudence : Cass. crim., 24-01-1995, n° 93-84701, publié au bulletin

Cass. crim., 24-01-1995, n° 93-84701, publié au bulletin

A8418ABE

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Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 24 Janvier 1995
N° de pourvoi 93-84.701
Président M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.

Demandeur X
Rapporteur Mme ....
Avocat général M. Le Foyer de Costil.
Avocats la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par X, contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 24 septembre 1993, qui, pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, l'a condamné à 10 000 francs d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 53 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation ;
" aux motifs que la citation à comparaître mentionnant les articles 29, 31 et 33 de la loi sur la presse, l'article 31, même sans viser d'alinéa, était assez explicite pour que son simple visa ne fasse pas grief aux droits de la défense ;
" alors que l'article 29 de la loi sur la presse vise à la fois la diffamation et l'injure, l'article 31 de la même loi vise à la fois la diffamation envers un fonctionnaire et mentionne, en son alinéa 2, la diffamation concernant la vie privée et l'article 33 vise l'injure ; qu'en procédant dès lors à un cumul de visas prohibé par la loi, la citation qui n'a pas permis à la défense de connaître avec précision le texte applicable, doit être annulée " ;
Attendu que Y, maire de la commune de Z, a fait citer directement devant le tribunal correctionnel son adjoint, X, à la suite de sa mise en cause par celui-ci dans un article paru dans le journal intitulé La Lettre de l'adjoint n° 1, décembre 1992, retenu à raison des deux passages suivants
" Je pourrai ajouter qu'en cette mairie comme dans n'importe quelle république bananière, tout est à l'avenant. Mais les pots-de-vin, les dessous-de-table, les commissions cachées, les renvois d'ascenseur sont tellement difficiles à déceler. Qui se hasarderait à les dénoncer sans preuve ? "
" Mais démonstration est faite qu'il (le maire) n'hésite pas, pour de basses combines électorales ou la simple vanité de ses comparses, à dilapider les fonds publics il révèle ainsi sa vraie nature de tricheur à la petite semaine " ;
Attendu que la citation qualifie les faits incriminés dans le premier passage de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public temporaire ou permanent, en visant les articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 et retient pour le second passage le délit d'injure publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, en visant les articles 29, alinéa 2, et 33, alinéa 1er, de ladite loi ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la citation régulièrement soulevée par le prévenu et tirée de l'imprécision dans cet acte des textes relatifs au délit de diffamation, la cour d'appel retient, par motifs adoptés, que le visa global de l'article 31 de la loi précitée ne peut constituer une cause de nullité, dès lors que les faits incriminés dans le premier passage retenu, qualifiés de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, contiennent uniquement la critique d'actes liés aux fonctions du plaignant, et que le prévenu, qui ne pouvait avoir aucun doute sur la nature du délit, a pu utilement préparer sa défense ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués au moyen, lequel ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 29, 31, 37 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué après avoir relaxé le prévenu du chef d'injures publiques, l'a déclaré, pour ces mêmes faits, coupable de diffamation publique et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs, propres et adoptés des premiers juges, que si le propos "tricheur à la petite semaine" est de nature à constituer une injure, il apparaît en l'espèce indissociable du contexte général de la critique apportée aux modalités d'édition du "journal de Z en Cévennes spécial mi-mandat" et se rattache directement aux imputations diffamatoires incriminées et ne constitue que le commentaire définitif des faits imputés ; qu'il sera donc relaxé de ce chef de poursuite, les propos injurieux étant "absorbés" par les dires proprement diffamatoires ;
" alors qu'aux termes de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 les juges du fond ne peuvent apprécier les faits visés dans le titre de poursuite qu'au regard de la qualification attribuée dans la citation de sorte qu'est interdite toute rectification de l'erreur initiale de qualification, fût-ce par une prétendue indivisibilité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, saisie de deux extraits d'un article intitulé "la terre du maire-adjoint" visés dans la citation du chef de diffamation publique pour le premier et d'injure publique pour le second, ne pouvait, sans méconnaître la règle susvisée, relaxer le prévenu du chef d'injure publique pour les termes de "tricheur à la petite semaine", puis déclarer néanmoins que ces propos injurieux étaient absorbés par les dires proprement diffamatoires visés dans le premier extrait et condamner ensuite le prévenu du chef de diffamation publique pour les deux extraits ; que dès lors sa décision n'est pas légalement justifiée " ;
Attendu qu'en relaxant X du chef d'injure publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, la cour d'appel, abstraction faite de motifs surabondants, n'a pas encouru les griefs allégués ;
Que, lorsque les expressions outrageantes ou appréciations injurieuses sont indivisibles d'une imputation diffamatoire, le délit d'injure est absorbé par celui de la diffamation et ne peut être relevé seul ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 23 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de diffamation publique commise envers un citoyen chargé d'un mandat public ;
" aux motifs qu'il est reproché à X d'avoir publié et diffusé dans l'agglomération de Z, essentiellement dans la journée du 11 décembre 1992, un journal intitulé La Lettre de l'adjoint n°1, décembre 1992 dans lequel il tenait les propos suivants "je pourrai ajouter qu'en cette mairie dénoncer sans preuve mais démonstration est faite tricheur à la petite semaine" ; que ces propos sont diffamatoires et qu'ils constituent le délit de diffamation publique commis envers un citoyen chargé d'un mandat public ;
" alors que le délit de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 suppose, pour être établi, que soient caractérisés tous les éléments constitutifs de l'infraction parmi lesquels figure la publicité définie à l'article 23 de la même loi ; qu'en se bornant à énoncer que le prévenu était poursuivi pour avoir publié et diffusé dans la journée du 11 décembre 1992 la lettre litigieuse, sans autrement préciser selon quelles modalités cette lettre avait été portée à la connaissance du public, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié le caractère public de la diffamation " ;
Attendu qu'en relevant que le prévenu était poursuivi pour avoir publié et diffusé l'écrit incriminé dans l'agglomération de Z, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer davantage sur un élément qui n'avait pas été contesté devant elle, n'a pas encouru les griefs allégués ;
Qu'en effet, la distribution d'un écrit ou d'un imprimé à diverses personnes qui ne sont pas liées entre elles par une communauté d'intérêts, suffit à constituer la publicité au sens de l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 4, 51, 51-1 du Code pénal, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à une peine de 10 000 francs d'amende et, en outre, a ordonné l'affichage du dispositif pour une durée limitée et sa publication dans la presse ;
" alors que les mesures complémentaires d'affichage et de publication ne peuvent être ordonnées qu'autant qu'elles sont prévues par la loi ; que la loi sur la presse n'ayant pas prévu, en cas de diffamation envers un fonctionnaire public, de telles peines complémentaires et celles-ci n'ayant pas été demandées à titre de réparation par la partie civile, la cassation est encourue " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juridictions répressives ne peuvent ordonner la publication et l'affichage de leurs décisions à titre de peines qu'en vertu d'une disposition formelle de la loi ;
Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable, la juridiction du second degré a notamment ordonné l'affichage et la publication de sa décision, à titre de peines complémentaires ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que ces mesures ne sont pas prescrites par la loi sur la liberté de la presse en cas de condamnation pour les faits retenus à l'encontre de l'intéressé, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du principe susénoncé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation de l'article 749 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé une mesure de contrainte par corps à l'encontre du prévenu ;
" alors que, d'une part, la contrainte par corps ne peut être prononcée pour délit de presse ;
" alors que, d'autre part, la même mesure ne peut davantage être prononcée au titre d'une condamnation à des dommages-intérêts au profit de la partie civile " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 749 du Code de procédure pénale, la contrainte par corps ne peut être prononcée pour une infraction ayant un caractère politique ; que les infractions à la loi sur la liberté de la presse sont assimilées, à cet égard, aux délits politiques ;
Qu'il suit de là que c'est à tort que la cour d'appel a prononcé la contrainte par corps contre le prévenu, condamné pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public ;
Que la cassation est, dès lors, également encourue de ce chef ;

Par ces motifs
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 24 septembre 1993, mais seulement par voie de retranchement, en ses dispositions relatives à l'affichage et à la publication de la décision, ainsi qu'à la contrainte par corps, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.

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