Jurisprudence : Cass. crim., 18-01-1993, n° 92-80.153, Rejet



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Criminelle
18 Janvier 1993
Pourvoi N° 92-80.153
Z Jacques
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit janvier mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M le conseiller CULIE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M l'avocat général ROBERT ;

Statuant sur le pourvoi formé par
Z Jacques, contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 18 décembre 1991, qui, pour détournement d'objets donnés en gage, abus de biens sociaux et escroquerie, l'a condamné à la peine de 2 ans d'emprisonnement, dont 22 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, 100 000 francs d'amende, et a prononcé sur les réparations civiles au profit de la Caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel Centre-France ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 400 alinéa 5 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de détournement d'objet donné en nantissement ;
"aux motifs qu'en contrepartie de divers financements consentis par le Crédit Agricole, la société Moulinages de Viverols a émis cinq billets à ordre pour un montant de 50 927 francs en mobilisation de créances sur l'étranger "société anonyme Textinyl", ces créances étant nanties au profit du Crédit Agricole, bénéficiaire des billets ; que ces billets n'ont pas été honorés aux échéances prévues et, en outre, au lieu d'être transférés sur un compte ouvert par la société Moulinages de Viverols à l'agence du Crédit Agricole de cette localité, Viel a fait virer par la banque de la société Textinyl les sommes en cause sur un compte ouvert à la Société Générale de Givors le 26 octobre 1983 ; que le prévenu, après avoir déclaré ne plus se souvenir soit de l'existence même des billets à ordre, soit du fait qu'ils étaient nantis au profit du Crédit Agricole, a reconnu avoir, par ce moyen, privilégié ses salariés qu'il était autrement dans l'impossibilité de payer au détriment du Crédit Agricole Centre-France ; quelles que soient les explications fournies, le délit de détournement d'objets gagés est parfaitement constitué ;
"alors que, d'une part, les juges du fond doivent caractériser l'existence du contrat de gage ou de nantissement entre les parties ;
qu'en s'abstenant de le faire, en l'espèce, malgré les dénégations du prévenu qui contestait avoir signé des billets à ordre "nantis" au profit de la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"alors que, d'autre part, le détournement d'objet donné en gage doit avoir été opéré sciemment ; qu'en s'abstenant de caractériser la mauvaise foi du prévenu, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale" ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Jacques Z, en sa qualité de président de la SA "Moulinages de Viverols", a souscrit en mai et juin 1983 six billets à ordre d'un montant total de 50 927 francs, avec mention de nantissement au profit du "Crédit Agricole" ; qu'en demandant à ses créanciers, à l'échéance, de virer sur un compte autre que celui ouvert à cet établissement financier les sommes concernées, afin qu'il ne puisse les appréhender, Viel s'est bien rendu coupable du détournement de gage qui lui est reproché ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui établissent tant l'existence du contrat de nantissement que la mauvaise foi du prévenu, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen ;
D'où il suit que celui-ci doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 437-3° et 437-4° de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit d'abus de biens sociaux ;
"aux motifs que certains créanciers de la société Moulinages de Viverols avaient été réglés par la SA Moulinages de Saint-Romain, qui avait consenti à la première des avances de trésorerie, dont le prévenu ne conteste pas la matérialité, mais considère comme normal que la société mère, à savoir Moulinages de Saint-Romain, vienne soutenir sa filiale ; que toutefois, les deux sociétés n'avaient pas un objet identique ; que celui de Moulinages de Saint-Romain avait pour objet la location immobilière et la prospection commerciale, activité différente de celles de la société Moulinages de Viverols ;
"alors que, d'une part, le concours financier apporté par les dirigeants de droit ou de fait d'une société à une autre entreprise du même groupe dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ne saurait constituer en soi un abus de biens sociaux ;
qu'en se contentant de se fonder sur la différence d'objet social entre les deux sociétés, sans préciser si le concours d'une société mère à sa filiale n'était pas dicté par un intérêt économique, social ou financier, apprécié au regard de l'ensemble du groupe, et sans préciser s'il était dépourvu de contrepartie ou rompait l'équilibre entre les engagements respectifs des sociétés concernées ou sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions d'appel du prévenu, s'il excédait les possibilités financières de celle qui en supportait la charge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"alors que, d'autre part, en s'abstenant de caractériser l'élément intentionnel du délit reproché au prévenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour qualifier d'abus de biens sociaux les avances de trésorerie et règlements de dettes consenties par la SA "Moulinages de Saint-Romain", dont Jacques Z était également président, au profit de sa filiale "Moulinages de Viverols", les juges relèvent notamment que si le concours financier apporté par une société à une autre société du même groupe dans laquelle les dirigeants sont intéressés ne constitue pas nécessairement un abus de biens sociaux, il apparaît toutefois en l'espèce, d'une part que les deux sociétés avaient des activités non complémentaires et, d'autre part, que l'aide financière accordée par la société "Moulinages de Saint-Romain" l'était sans contrepartie et dépassait les possibilités de cette entreprise qui, par la suite, a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ; qu'ils en concluent que les opérations incriminées étaient contraires à l'intérêt social et n'ont été perpétrées que dans l'intérêt personnel poursuivi par Jacques Z au travers de la société "Moulinages de Viverols" ;
Attendu que ces énonciations, déduites d'une appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, et imparfaitement reprises au moyen, caractérisent en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de biens sociaux retenu à la charge de Jacques Z ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
x Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit d'escroquerie au préjudice du Crédit Agricole ;
"aux motifs que la banque avait accordé un prêt à la SA Moulinages de Viverols pour l'achat de machines à la SA Moulinages de Saint-Romain ; que, préalablement, elle avait exigé la preuve du versement de la moitié du prix d'achat à la société venderesse ; que le prévenu avait établi une attestation certifiant que ladite société avait bien reçu les fonds ; que les manoeuvres frauduleuses ont consisté pour Viel à attribuer au matériel acheté une valeur sans commune mesure avec la réalité, pour persuader le Crédit Agricole que le nantissement pris pouvait valablement garantir sa créance et obtenir ainsi le prêt convoité ; que cette manoeuvre était de longue haleine puisque le matériel avait eu auparavant plusieurs acquéreurs successifs qui l'avaient acquis à différents prix ;
"alors que pour caractériser le délit d'escroquerie, il est nécessaire de constater l'existence de manoeuvres frauduleuses de même que leur caractère déterminant de la remise des fonds, la simple production d'un document, même mensonger, ne suffisant pas en soi à constituer l'escroquerie ;
que la cour d'appel, qui, pour retenir à l'encontre du prévenu le délit d'escroquerie, lui reproche d'avoir établi une attestation destinée au Crédit Agricole qui avait pour objet de certifier que la moitié du prix du matériel avait été réglé, se devait de préciser en quoi ce document avait un caractère mensonger et avait été accompagné d'un fait extérieur destiné à lui donner force et crédit eu égard à son objet qui concernait uniquement le règlement des machines et non leur valeur" ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des motifs non contraires du jugement que, pour obtenir du "Crédit Agricole" un prêt de 875 000 francs destiné à financer à concurrence de moitié l'achat de machines textiles d'occasion par la société "Moulinages de Viverols" à la société "Moulinages de Saint-Romain", Jacques Z a fourni à la banque une attestation certifiant faussement, au nom de la société venderesse, que celle-ci avait reçu paiement comptant de la somme de 875 000 francs représentant l'autre moitié du prix ;
que cette manoeuvre frauduleuse avait été précédée de "montages tortueux" consistant à majorer, par des ventes successives à des sociétés ayant leur siège en Italie ou au Lichtenstein, le prix des machines qui se trouvaient à l'origine en France, de façon à rendre opérant le nantissement offert en garantie ; qu'en p réalité, ce matériel s'est avéré sans valeur et a dû finalement être liquidé au prix de la ferraille ;
Attendu qu'en cet état, les juges du fond ont, sans insuffisance, caractérisé les manoeuvres frauduleuses déterminantes de la remise des fonds et justifié la prévention d'escroquerie dont ils ont déclaré Viel coupable ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

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