Jurisprudence : Cass. crim., 22-12-1986, n° 85-91140, publié au bulletin, Rejet

Cass. crim., 22-12-1986, n° 85-91140, publié au bulletin, Rejet

A6784AAI

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Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 22 décembre 1986
Rejet
N° de pourvoi 85-91.140
De l'Orne d'... Pierre, ... Pierre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET des pourvois formé par de l'Orne d'... Pierre, ... Pierre contre un arrêt de la Cour d'appel de Lyon, 4e Chambre, en date du 24 janvier 1985, qui, sur renvoi après cassation, a, d'une part, condamné de l'Orne d'Allincourt pour fraude fiscale, omission d'écritures et passation d'écritures inexactes et complicité de ces délits à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende, ordonné l'affichage et la publication de la décision, d'autre part, déclaré Lerouley coupable de complicité de fraude fiscale, mais non d'omission d'écritures et de passation d'écritures inexactes, et prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les faits ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que des vérifications, effectuées à partir de 1973 par les services fiscaux, ont révélé des fraudes à l'impôt sur les sociétés, à l'impôt sur le revenu et à la taxe à la valeur ajoutée commises à l'occasion des activités d'un groupe de sociétés animé par ... Samuel dit Flatto ; que les fraudes provenaient de la dissimulation de plus-values ou de bénéfices grâce à la comptabilisation de commissions ou autres charges fictives ;
Que le principe était de tirer le profit d'opérations de construction ou de rénovation immobilière, non pas au stade final de celles-ci, c'est-à-dire de la commercialisation, mais dès la première phase par anticipation pour ensuite permettre l'évasion de capitaux en dissimulant ceux-ci pour les soustraire à tout prélèvement fiscal ;
Que le procédé le plus souvent employé consistait pour une société du groupe à acheter un immeuble et à le revendre dans un délai très bref, souvent le jour même, jusqu'à sept fois plus cher à une autre société du groupe constituée à cet effet et qui avait obtenu, à hauteur de 80 % du prix nominal, un prêt de la société auxiliaire hypothécaire (SAH) ; que la plus-value réalisée, immédiatement versée par le notaire à la société venderesse, était masquée par divers artifices comptables, parfois par la création d'une société en participation, qu'elle n'apparaissait dans aucune déclaration fiscale ;
Que de l'Orne d'Allincourt exerçait dans le groupe les fonctions de président-directeur général de la société d'études et de statistiques industrielles (SESI) et assumait à ce titre la direction de fait d'une filiale, la société de développement immobilier (SDI) ;
Que Lerouley, notaire à Paris, était amené à dresser, dans le cadre des opérations incriminées, plusieurs dizaines d'actes, d'achat et de revente, portant sur des ensembles immobiliers vendus à des sociétés de l'organisation Flatto et faisant l'objet de transferts de propriété au sein de cette organisation ;
En cet état ;
I - Sur le pourvoi de de l'Orne d'Allincourt
Sur le moyen unique de cassation proposé au nom de de l'Orne d'Allincourt et pris de la violation des articles 1741, 1743 et 1743 A du Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, et manque de base légale ;
" en ce que la Cour a déclaré le prévenu Pierre de l'Orne d'Allincourt pénalement responsable des infractions de fraude fiscale, passation d'écritures inexactes et omission de passation d'écritures commises dans les sociétés SESI et SDI ;
" aux motifs, d'une part, que les premiers juges ont suffisamment et exactement analysé le rôle joué et les responsabilités assumées par Pierre de l'Orne d'Allincourt dans le cadre de ses fonctions de président-directeur général de la SESI ; qu'ils ont notamment relevé, s'agissant de l'opération dite " Clichy-Roissy en France " que le prévenu, qui avait signé les trois conventions du 30 octobre 1970, du 15 et du 18 janvier 1971 permettant le montage financier de l'opération et plus encore la lettre du 18 janvier 1971, par laquelle SESI qu'il représentait, déchargeait la SCI " Clichy-Roissy en France " du paiement du prix de promesse de vente, " purement et simplement remplacé par les commissions " n'avait pu ignorer le caractère fictif de cette prétendue commission, et les dissimulations fiscales auxquelles elle avait servi de prétexte, dès lors qu'elle était contredite par les termes mêmes de la convention signée par lui le 15 janvier 1971 et prévoyant un prix de 4 500 000 francs hors taxes, que sa mauvaise foi est donc par là même établie ; (qu'en ce qui concerne le montage juridique et financier de l'opération " La Fayette ") Pierre de l'Orne d'Allincourt ne saurait donc prétendre, comme il le soutient, avoir été abusé en l'espèce par les organes comptables de la société puisque ceux-ci avaient été laissés dans l'ignorance de la constitution de cette société en participation et qu'ils n'avaient pu l'être qu'avec l'assentiment, au moins tacite, du président-directeur général de la SESI, c'est-à-dire du prévenu, signataire des actes d'achat et de revente de l'immeuble immobilier et qui, en tant que tel, ne pouvait se désintéresser des suites fiscales d'une opération faisant ressortir dans la même journée une plus-value de 12 millions de francs, que là encore, la connaissance qu'il avait des mécanismes frauduleux et de leur finalité suffit à caractériser sa mauvaise foi ;
" que de même, les premiers juges ont relevé que le prévenu alors président de SESI et co-gérant, avec Jacquesson de la société civile " Grands Boulevards ", avait accepté que l'acte de vente notarié, dressé le 8 février 1971 par la SCI " Grands Boulevards " à la société OCEFI, d'un immeuble situé à Paris, ne fasse mention que d'un prix de 7 449 000 francs hors taxe, inférieur à 850 000 francs à celui prévu dans une convention sous seing privé du 30 octobre 1970, différence correspondant exactement au montant d'une prétendue commission sur négociation réglée par OCEFI ;
" qu'enfin, il ne peut contester que Pierre de l'Orne d'Allincourt, président-directeur général de SESI, qui détenait 40 % des parts de la SARL Testa-Ventilègne, par le biais de laquelle SESI avait acquis, courant avril-mai 1971, 3 500 des 4 000 parts de la SDI, exerçait la direction de fait de cette société ;
" que les premiers juges ont justement déduit de ces éléments que Pierre de l'Orne d'Allincourt avait connaissance de tous les éléments qui allaient permettre les fraudes fiscales et avaient concouru à leur réalisation, se rendant par là même coupable des faits de complicité visés à la prévention en ce qui concerne les fraudes relevées dans le cadre de la société SDI ;
" alors que, d'une part, les articles 1741, 1743 et 1743 A du Code général des impôts n'instituant aucune présomption de responsabilité pénale à l'encontre des dirigeants sociaux, mais exigeant, au contraire, que les parties poursuivantes rapportent la preuve du caractère intentionnel des agissements reprochés, la Cour en caractérisant la culpabilité du prévenu par le seul fait qu'il avait signé un certain nombre d'actes ayant permis la réalisation de la fraude - éléments matériels qui n'étaient pas contestés et résultaient de la qualité de dirigeant social du demandeur - n'a pas ainsi caractérisé à son encontre le caractère intentionnel de sa participation aux faits à lui reprochés ;
" aux motifs, d'autre part, qu'il est ainsi établi que pour limitée dans le temps qu'ait été, l'activité du prévenu à la tête de la SESI n'en a pas pour autant été symbolique, comme n'était pas symbolique son entrée en fonctions, le nombre d'actions qu'il détenait, 450 sur 536 au 1er décembre 1969 ;
" que les connaissances qu'il avait acquises en matière immobilière dans le cadre de ses fonctions antérieures à la société Orgec, ne le rendaient pas inapte, tant s'en faut, à l'exercice de ces fonctions ;
" qu'au demeurant, le soin et l'attention qu'il apportait, selon les déclarations de Lerouley à la barre de la Cour, à la lecture et à la signature des actes établissent qu'il avait pleine conscience de l'importance de leur contenu ;
" qu'enfin, l'analyse qu'il a faite, selon ses propres propos devant la Cour de l'opération " La Fayette " " il s'agissait d'une revente à soi-même, dans un but de revalorisation du bien ", atteste de sa parfaite connaissance du mécanisme mis en place et de ses conséquences ;
" que compte tenu des responsabilités qui étaient les siennes et qu'il n'a, pendant les vingt-deux mois où il est resté président-directeur général de la SESI, à aucun moment refusé d'exercer, il ne pouvait ignorer qu'en participant volontairement et de façon réfléchie aux actes analysés ci-dessus et en les couvrant de l'autorité que lui conféraient ses fonctions, il permettait la mise en place ou contribuait à la mise en place de mécanismes ayant abouti à la perpétration des infractions visées à la prévention puisque aussi bien les opérations mises sur pied n'avaient de raisons d'être financières qu'à travers l'évasion fiscale qu'elles présupposaient ;
" qu'il l'ignorait au demeurant, si peu, qu'il a reconnu, à la barre de la Cour, " avoir eu conscience d'avoir été abusé " en acceptant de rester dans ses fonctions de président-directeur général ; que dans ces conditions c'est à bon droit que les premiers juges l'ont déclaré coupable des opérations illicites commises en 1971 dans les sociétés SESI et SDI ;
" alors que, d'autre part, la Cour ne pouvait, sans entacher sa décision d'un défaut de motifs, s'abstenir de rechercher comme l'y invitaient les conclusions délaissées du demandeur, si, au moment des faits à lui reprochés, il avait la possibilité de percevoir et de comprendre le mécanisme de la fraude qui, selon les propres constatations des juges du fond, ne se réalisait pas au moment de son intervention mais bien postérieurement et grâce à des artifices comptables dont il n'avait pas connaissance, par le dégagement de profits occultes répartis en secret entre les membres de l'organisation dirigeante, dont Pierre de l'Orne d'Allincourt modeste rouage, était loin de faire partie, et qu'ainsi la Cour, en ne précisant à aucun moment sur quels éléments - indépendamment du seul fait matériel d'avoir signé certains actes en sa qualité de président-directeur général - elle s'est fondée pour retenir à la charge du prévenu une prétendue connaissance de la fraude réalisée à son insu et sans qu'il en tire aucun profit, n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué, tels que reproduits au moyen lui-même, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la Cour d'appel, qui n'avait pas à répondre autrement qu'elle l'a fait aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé sans insuffisance en tous leurs éléments constitutifs, notamment intentionnels, les délits de fraude fiscale et d'omission d'écritures et de passation d'écritures inexactes, et la complicité de tels délits dont de l'Orne d'Allincourt a été déclaré coupable ;
Que, dès lors, le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ne saurait être accueilli ;
II - Sur le pourvoi de Lerouley
Sur le premier moyen de cassation proposé au nom de Lerouley et pris de la violation des articles 59 et 60 du Code pénal, 1741, 1742 du Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Lerouley coupable de complicité de fraude fiscale et constatant l'extinction de l'action, a confirmé le jugement déféré en ses dispositions relatives à l'action fiscale et à la contrainte par corps ;
" aux motifs, d'une part, que, Lerouley, familier de l'organisation Flatto, ne peut prétendre avoir ignoré que tous les actes dressés par lui ou avec son concours l'étaient au profit d'une seule et même organisation et de son chef, Szyjewicz que les opérations qui sont apparues à de l'Orne d'Allincourt comme étant des reventes à soi-même ne pouvaient échapper en tant que telles à l'analyse du notaire expérimenté qu'était Lerouley qu'il ne pouvait de même ignorer, pour le constater dans ses actes, que la considérable majoration des prix de revente n'était destinée qu'à permettre l'octroi par la SAH de prêts dont le montant global était plus de deux fois supérieur à la valeur d'acquisition initiale ; que cette seule constatation eût dû le conduire à interroger personnellement le président du conseil d'administration de cet organisme que, cependant, Lerouley s'est abstenu de le faire que la connaissance qu'il avait du caractère excessif et habituel de ces opérations devait nécessairement le conduire à s'interroger sur les incidences fiscales des opérations de revente et à en conclure que le bénéfice risquait d'être extrêmement réduit, sinon nul, dans l'hypothèse d'un règlement normal des charges ; que donc la persistance de Flatto et de ses comparses à poursuivre des opérations fiscalement suicidaires ne pouvait s'expliquer que par l'évasion fiscale qui en était la raison d'être et que facilitait encore la promptitude inhabituelle du notaire à régler le solde de la plus-value réalisée aux principaux collaborateurs du chef de l'organisation ; que, cependant, Lerouley n'a pas cru devoir, comme il aurait dû le faire, refuser son concours à l'organisation Flatto bien que sachant que les actes d'achat et de revente pour l'établissement desquels ce concours était requis constituaient, compte tenu de leur simultanéité dans le temps et des majorations fictives des prix de revente, l'instrument nécessaire et obligé de la fraude qui sous-tendait les opérations réalisées ;
" alors que, comme le faisait valoir le demandeur dans ses conclusions délaissées (pages 4 à 10), le fait que les sociétés marchands de biens et les SCI aient appartenu au même groupe ne pouvait, en supprimant toute crainte que l'un des contractants puisse abuser l'autre, que rassurer le notaire sur la majoration du prix figurant à l'acte de revente, et apparaissait très naturellement comme une division en deux phases juridiques et économiques des opérations immobilières, laquelle n'a rien d'exceptionnel au regard de la pratique immobilière ; que le fait que l'opération immobilière soit scindée en deux phases distinctes ne modifiait pas le montant total des impositions dues (TVA, impôts sur les sociétés) qui était seulement exigible en deux étapes au lieu d'une seule, lors de la vente finale de l'immeuble ; que, de plus, toujours dans ses conclusions délaissées, Lerouley faisait valoir que l'attribution par la SAH de prêts - décidée par son conseil d'administration présidé par le président-directeur général que la Cour reproche à Lerouley de n'avoir pas avisé -, loin d'inspirer quelques soupçons au notaire ne pouvait que lui garantir la normalité des opérations, compte tenu de la réputation d'honorabilité, de compétence et de sérieux de cette société ; qu'ainsi, la Cour, en s'abstenant de répondre à ces articulations essentielles des conclusions du demandeur, a privé de base légale sa décision " ;
" aux motifs, d'autre part, que cette connaissance qu'avait Lerouley du caractère frauduleux de l'organisation à laquelle il prêtait son concours, ressort encore de la précaution qu'il a parfois prise, notamment dans trois actes de revente dressés le 6 mai 1971, d'omettre de faire figurer à la rubrique " origines de propriété ", le prix stipulé dans l'acte d'achat du même jour passé entre la société SESI et la société Imprimerie Lamartine ; que cette omission n'avait à l'évidence d'autre raison d'être que de dissimuler aux tiers, et notamment au fisc, l'extravagante majoration constatée entre le prix d'achat et de revente qui devait d'ailleurs, comme il a déjà été indiqué et par un artifice comptable non imputable à Lerouley, être porté au passif du bilan de la SESI au 31 décembre 1971 ;
" alors que, comme le faisait valoir le demandeur dans ses conclusions délaissées, il avait, pour tous les actes visés par la prévention, scrupuleusement accompli les formalités de publicité foncière, c'est-à-dire qu'il communiquait au bureau des hypothèques une copie intégrale des actes tant d'achat par la société marchand de biens que de revente par cette même société à la société civile immobilière et ce, simultanément, dans les cas où achats et reventes avaient lieu le même jour ; qu'il n'a jamais été contesté que les actes diligentés par Me ... l'ont été dans un respect total au moins formel des obligations légales des notaires ; que, dès lors, en jugeant que la conscience de Me ... de la fraude résultait d'une omission de la mention d'un prix dont les éléments du dossier établissaient qu'il était de toute manière communiqué aux services fiscaux, la Cour, qui manifeste ainsi sa méconnaissance des formalités de la publicité foncière, a privé de base légale sa décision ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé au nom de Lerouley et pris de la violation des articles 59 et 60 du Code pénal, 1741 et 1742 du Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Me ... coupable de complicité de fraude fiscale ;
" aux motifs que, cependant, Lerouley n'a pas cru devoir, comme il aurait dû le faire, refuser son concours à l'organisation Flatto, bien que sachant que les actes d'achat et de revente pour l'établissement desquels ce concours était requis constituaient, compte tenu de leur simultanéité dans le temps et des majorations fictives des prix de revente, l'instrument nécessaire et obligé de la fraude qui sous-tendait les opérations réalisées ; que, ce faisant, il a fourni à l'organisation précitée les moyens d'une fraude qui, certes, ne devait être consommée que par le non-établissement des déclarations fiscales concernées et le non-règlement des taxes et impôts dus, mais que les agissements conscients de Lerouley ont préparés ; qu'il s'est donc bien rendu complice des fraudes fiscales visées à la prévention ; qu'au demeurant, et quoi qu'il en dise, son activité au service de l'organisation Flatto, constitutive de la complicité analysée ci-dessus, n'a pas été sans lui rapporter quelques profits immédiats puisque de 1 290 000 francs en 1970, le montant des produits bruts est passé à 2 185 000 francs en 1971 pour culminer à 3 928 000 francs en 1972 et décroître très rapidement après la perte de ce que les propres confrères de Lerouley ont appelé, dans leur rapport déjà cité de janvier 1975, une clientèle d'exception puisque aussi bien le notaire habituel de la SAH, Me Champetier ... ..., avait été soigneusement tenu à l'écart des opérations menées par Szyjewicz et ses comparses ;
" alors que, comme le faisait valoir le demandeur dans ses conclusions délaissées, la complicité, pour être punissable, supposant la connaissance par le complice que le moyen qu'il fournit doit servir à la commission de l'infraction, Me ... - dont les actes notariés, s'ils ont été la condition nécessaire de la fraude, ont été aussi la condition nécessaire de la découverte de celle-ci du fait des formalités de publicité foncière - n'aurait pu ignorer, s'il avait eu connaissance des évasions fiscales réalisées bien postérieurement à ses interventions, que l'entreprise de fraude ne pouvait manquer d'être décelée par les services fiscaux ; que, comme le faisait toujours valoir le demandeur, il ne pouvait raisonnablement être admis - sauf à envisager une forme de suicide professionnel permettant de douter de sa santé mentale - qu'il aurait uniquement pour percevoir ses honoraires de notaire, dérisoires en comparaison des sommes considérables que l'entreprise de fraude a procurées à ses principaux auteurs, accepter de prêter sciemment son concours à la fraude dont l'ampleur même entraînait obligatoirement la découverte ne serait-ce que grâce aux documents qu'il remettait lui-même ponctuellement aux services fiscaux, s'exposant ainsi volontairement aux conséquences pénales et fiscales de l'opération ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef essentiel de l'argumentation du demandeur, la Cour a privé de base légale sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que pour déclarer Lerouley coupable de complicité de fraude fiscale, la Cour d'appel relève notamment que les opérations incriminées, qu'il s'agisse d'achats effectués par des marchands de biens ou d'achats en vue de la construction, auraient dû, dans le cadre d'opérations régulières, être soumises au paiement de la TVA soit au taux normal dans la première hypothèse, soit sur la base d'un taux réduit dans la seconde ; que s'ajoutait à ces taxes en tout état de cause, l'impôt sur les sociétés, au taux de 50 %, dû sur le bénéfice réalisé par la société venderesse ; que le règlement des taxes et impôts ôtant tout intérêt financier auxdites opérations leur paiement était systématiquement éludé ; que le bénéfice était réparti entre les comparses de Szyjewicz grâce aux versements effectués par Lerouley avec une célérité exemplaire ;
Que les juges soulignent que la connaissance que Lerouley avait du caractère excessif des majorations de prix devait nécessairement le conduire, en familier de la pratique et de la réglementation fiscale, à s'interroger sur les incidences fiscales des opérations de revente et à en conclure que le bénéfice risquait d'être extrêmement réduit sinon nul dans l'hypothèse d'un règlement normal des charges ; que la persistance de Flatto et de ses comparses à poursuivre des opérations financièrement suicidaires ne pouvait s'expliquer que par l'évasion fiscale qui en était la raison d'être et que facilitait encore la promptitude inhabituelle du notaire à régler le solde de la plus-value réalisée aux principaux collaborateurs du chef de l'organisation ;
Que les juges ajoutent que cette connaissance, qu'avait Lerouley du caractère frauduleux de l'organisation à laquelle il prêtait son concours, ressort encore de la précaution qu'il a prise, dans trois actes de revente dressés le 6 mai 1971, d'omettre de faire figurer à la rubrique " origines de propriété " le prix stipulé dans l'acte d'achat du même jour, passé entre la société SESI et la société Imprimerie Lamartine ; que cette omission n'avait à l'évidence d'autre raison d'être que de dissimuler aux tiers, et en particulier au fisc, la majoration de 12 millions de francs constatée entre le prix d'achat et le prix de revente ;
Que les juges relèvent encore que Lerouley n'a pas cru devoir refuser son concours à l'organisation Flatto bien que sachant que les actes d'achat et de revente, pour l'établissement desquels son office était requis, constituaient, compte tenu de leur simultanéité dans le temps et des majorations fictives de prix, l'instrument nécessaire et obligé de la fraude qui sous-tendait les opérations réalisées ; que ce faisant il a fourni à l'organisation précitée les moyens d'une fraude ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs qui constatent souverainement la réunion de tous les éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel de la complicité de fraude fiscale et alors qu'il n'importe que le complice ait accompli, après chaque intervention, les formalités de publicité foncière, dès lors qu'il avait déjà commis des actes de complicité et a persisté à en commettre, la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à de simples arguments de défense, a sans insuffisance donné une base légale à sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé au nom de Lerouley et pris de la violation des articles 59 et 60 du Code pénal, 1741, 1742 et 1745 du Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
" en ce que la Cour d'appel déclarant Lerouley coupable de complicité de fraude fiscale, mais le mettant hors de cause en ce qui concerne les faits de complicité d'omission d'écritures ou de passation d'écritures inexactes ou fictives, retenus par les premiers juges et prévus par l'article 1743 du Code général des impôts, a confirmé purement et simplement le jugement déféré en ses dispositions relatives à l'action fiscale et à la contrainte par corps fixées au minimum ;
" alors que, d'une part, les dispositions de l'article 1745 du Code général des impôts, aux termes duquel tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive prononcée en application des articles 1741 et 1742 du même Code, peuvent être solidairement tenus avec le redevable légal de l'impôt fraudé au paiement de cet impôt, ainsi qu'aux pénalités fiscales y afférentes, ne contiennent aucune dérogation au principe découlant de l'article 55 du Code pénal, selon lequel il ne peut y avoir condamnation solidaire que pour un même délit ou des délits connexes ; qu'il en découle en l'espèce, que si cette condamnation solidaire pouvait légalement être prononcée à l'encontre de Lerouley en ce qui concerne les infractions de complicité de fraude fiscale retenues à son encontre par la Cour, il n'en va pas de même en ce qui concerne les infractions d'omission de passation d'écritures ou de passation d'écritures inexactes et fictives pour lesquelles la Cour d'appel le met hors de cause, estimant qu'il n'y a pas de liens directs entre ceux-ci et les faits de complicité de fraude fiscale retenus à sa charge ; qu'ainsi, en confirmant purement et simplement le jugement déféré en ses dispositions relatives à l'action fiscale, lesquelles incluaient le prononcé de la solidarité prévue par l'article 1745 du Code général des impôts à l'encontre de Lerouley pour des infractions dont l'arrêt attaqué a jugé qu'il n'était pas responsable, la Cour a méconnu le principe ci-dessus rappelé et privé de base légale sa décision ;
" alors que, d'autre part, le prononcé de la solidarité prévue par l'article 1745 du Code général des impôts étant une simple faculté laissée à l'appréciation du juge, la Cour ne pouvait retenir cette solidarité à l'encontre de Lerouley sans répondre aux articulations précises de ses conclusions par lesquelles il demandait à en être dispensé, relevant notamment qu'il n'avait ni de près ni de loin participé aux opérations fiscales reprochées qui s'étaient déroulées ultérieurement et en dehors de lui, sans qu'il en ait tiré aucun profit personnel direct " ;
Attendu, d'une part, que pour confirmer les dispositions du jugement relatives à l'action fiscale et à la contrainte par corps, la Cour d'appel énonce que Lerouley ayant bien commis les faits de complicité de fraude fiscale retenus par les premiers juges, la gravité de ceux-ci, compte tenu de la profession de l'intéressé au moment de leur commission et du profit qu'il en a indirectement retiré, justifie qu'il soit fait application à son endroit de la solidarité prévue par l'article 1745 du Code général des impôts ;
Attendu, d'autre part, que les dispositions du jugement que la Cour d'appel a confirmées ne déclarent Lerouley solidairement tenu au paiement des impôts et des taxes éludés, ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes, que pour les fraudes fiscales commises dans le cadre des sociétés SESI, SDI, Barneaud, Sorges et Sicab, et au titre desquelles sa complicité a été retenue ;
Attendu qu'en cet état, et alors que les juges apprécient souverainement s'il y a lieu d'ordonner la solidarité, la Cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, donné une base légale à sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

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