Jurisprudence : Cass. crim., 14-10-1986, n° 85-96.369, Rejet

Cass. crim., 14-10-1986, n° 85-96.369, Rejet

A2598ABT

Référence

Cass. crim., 14-10-1986, n° 85-96.369, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1020789-cass-crim-14101986-n-8596369-rejet
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REJET du pourvoi formé par :

- X... Albert,

contre un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, Chambre correctionnelle, en date du 3 décembre 1985, qui, pour licenciement d'un salarié à raison de son appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, l'a condamné à 1 000 francs d'amende avec sursis et à l'affichage de la décision, ainsi qu'à des réparations civiles.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1134 du Code civil, 416-3° du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, dénaturation du certificat de travail du 12 mars 1982, défaut de réponse à conclusions, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'avoir licencié sans motif légitime Y... en raison de sa nationalité marocaine ;

" aux motifs contradictoires qu'" Albert X... a pris soin d'indiquer sur le certificat de travail un motif tenant à l'appartenance de Y... à une nation ", qu'il a interprété ce certificat devant les gendarmes enquêteurs en précisant qu'" il ne pouvait s'établir une bonne entente entre lui et les autres ouvriers de l'établissement, interprétation qui confirme bien la raison invoquée comme cause de la rupture du lien salarial dans le certificat délivré " et qu'il " ne saurait prétendre actuellement que le motif de la rupture résiderait dans le comportement du salarié " ;

" alors que, d'une part, l'arrêt attaqué donne ainsi deux interprétations différentes du certificat de travail, la première motivant le renvoi de Y... par l'appartenance à une nation, la seconde par l'absence de bonne entente avec le personnel ;

" alors que, d'autre part, il résulte des termes clairs et précis du certificat de travail que le seul motif de l'interruption de la période d'essai de Y... est la mésentente avec le personnel et que sa nationalité n'a été évoquée que pour donner une explication favorable à l'intéressé des réactions du personnel à son égard ;

" alors qu'enfin, X... soutenant dans ses conclusions d'appel que le motif réel de l'interruption de la période d'essai de Y... résidait dans le comportement inacceptable de ce dernier qui crachait dans les caves au mépris de toute hygiène et importunait ses collègues, en particulier du sexe féminin, la Cour aurait dû rechercher quel avait effectivement été son comportement durant les seuls cinq jours passés au service de X... et cela d'autant plus que les procès-verbaux d'enquête préliminaire figurant au dossier étaient fort révélateurs à cet égard " ;

Et sur le moyen additionnel pris de la violation des articles 416-3° du Code pénal, L. 122-4 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale et du principe de l'interprétation restrictive de la loi pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un employeur coupable d'avoir licencié, sans motif légitime et en raison de sa nationalité, un de ses salariés embauché à l'essai ;

" au motif que " l'article 416-3° du Code pénal dans des termes larges prévoit la répression non seulement du licenciement mais également du refus d'embauche, qu'il convient d'en retenir que dans ces conditions le mot licenciement employé par le législateur doit être considéré comme la rupture par l'employeur de toutes relations de travail, qu'elles soient définitives ou à l'essai " ;

" alors que le fait, pour l'employeur, de mettre fin à une période d'essai ne constitue pas un licenciement et que l'article 416-3° du Code pénal, comme tout texte de loi pénale, doit être interprété restrictivement " ;

Ces moyens étant réunis ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, le 5 mars 1982, X..., directeur d'une entreprise occupant un certain nombre de salariés, a congédié un ouvrier, Y... Abendi, qu'il avait engagé à l'essai quelques jours plus tôt ; qu'il lui a délivré un certificat de travail ainsi rédigé : " je soussigné X... Albert, président-directeur général des établissements X... Albert, déclare avoir eu comme employé en mes établissements M. Y... Abendi, depuis le 1er mars au 5 mars 1982. M. Y... Abendi a donné satisfaction dans son travail mais étant donné sa nationalité (Maroc), n'a pas été adopté par le personnel " ;

Attendu qu'à la suite de ce fait, des poursuites ont été engagées contre X... du chef de licenciement d'un salarié à raison de son appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; que, pour déclarer la prévention établie et accueillir les constitutions de parties civiles de l'Union départementale CGT de l'Aveyron et du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, la Cour d'appel relève que, contrairement à ce que soutient le prévenu, l'article 416-3° du Code pénal est applicable non seulement au licenciement pour motif de caractère raciste, mais également au refus d'embauche, et englobe toute rupture, par l'employeur, des relations de travail, qu'elles soient définitives ou à l'essai ; que si, dans ce dernier cas, la loi n'impose pas une motivation de la résiliation, il n'en demeure pas moins que X... a pris soin d'indiquer, dans le certificat, un motif précis et sans équivoque, tenant à la nationalité du salarié ; qu'un tel motif entre dans le champ d'application de l'article précité ;

Attendu que les juges ajoutent que le prévenu ne saurait actuellement prétendre que la rupture résulterait, en réalité, du comportement du salarié, alors qu'au cours de l'enquête de gendarmerie, il a interprété son propre certificat en précisant que Y..., de nationalité marocaine, s'exprimait mal en langue française et qu'il n'avait pu établir une bonne entente avec les autres ouvriers ; qu'ils en déduisent que X... a ainsi confirmé lui-même le motif de la rupture ;

Attendu que la Cour d'appel note enfin que l'attitude éventuelle du personnel ne saurait constituer le motif légitime de rupture, admis comme cause de justification par l'article 416 du Code pénal, dans sa rédaction antérieure à la loi du 25 juillet 1985, l'employeur possédant, de par ses prérogatives patronales, le droit de fixer les règles de conduite et de discipline au sein de l'entreprise ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, la Cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs énoncés aux moyens ;

Que, d'une part, et contrairement à ce qui est allégué, elle ne s'est nullement contredite en relevant que, dans le certificat de travail comme dans ses déclarations ultérieures, X... avait invoqué la nationalité marocaine de Y... et la mésentente qui en était résultée dans ses rapports avec ses camarades de travail et en déduisant de cet élément d'appréciation que la cause directe de la rupture était effectivement la nationalité du salarié ;

Que, d'autre part, ayant souverainement constaté que le prévenu ne pouvait valablement invoquer, a posteriori, d'autres motifs de congédiement, elle n'était pas tenue de rechercher quel avait été le comportement du salarié pendant la période d'essai ;

Qu'enfin, c'est sans erreur de droit que les juges ont estimé que les dispositions de l'article 416-3° du Code pénal en application desquelles ont été exercées les poursuites, prohibent toute discrimination fondée sur des considérations raciales ou de nationalité, non seulement à l'occasion du licenciement d'un salarié bénéficiaire d'un contrat de travail, mais également lors de son embauche, laquelle ne revêt un caractère définitif qu'à l'expiration de la période d'essai ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

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