Jurisprudence : Cass. crim., 27-11-1979, n° 78-93.150, Cassation Irrecevabilité

Cass. crim., 27-11-1979, n° 78-93.150, Cassation Irrecevabilité

A0092AAN

Référence

Cass. crim., 27-11-1979, n° 78-93.150, Cassation Irrecevabilité. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1013963-cass-crim-27111979-n-7893150-cassation-irrecevabilite
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La cour, joignant les pourvois en raison de la connexite ;

Vu les memoires produits, en demande et en defense ;

I.- sur les pourvois de X... et autres et de vladimir y... ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 414 du code penal et 593 du code de procedure penale, defaut de motifs et de reponse a conclusions, manque de base legale,

" en ce que l'arret attaque a declare les demandeurs coupables d'avoir, par violences, voies de fait, menaces ou manoeuvres frauduleuses, agi dans le but de porter atteinte au libre exercice de l'industrie et du travail " ;

" aux motifs que le caractere menacant des piquets de greve doit etre retenu des lors que l'attitude et les dispositions prises par leurs membres sont suffisamment impressionnantes pour faire redouter l'eventualite de violences a celui qui, en depit de la greve, voudrait exercer son droit de travailler ;

Qu'il resultait des constats d'huissiers et de temoignages que le comportement de certains membres du personnel, les dispositions prises et les moyens utilises par eux avaient eu pour objet, meme si le resultat escompte n'avait pas ete integralement atteint, de paralyser les centres de la sep, et qu'ils etaient de nature a impressionner les ouvriers non grevistes, et a les dissuader par crainte pour leur securite de gagner leur poste de travail ;

Que les demandeurs avaient pris part activement aux piquets de greve ;

Que certains avaient pose des obstacles, deux avaient pris part a une bousculade et deux avaient pris des photos de nature a eveiller chez les non-grevistes la crainte d'une identification pouvant etre ulterieurement exploitee ;

" alors que, d'une part, l'article 414 du code penal n'a pas pour objet la protection du travail en soi, mais la liberte des travailleurs de ne pas se joindre a une cessation concertee de travail ;

Que la cour d'appel qui affirme que les demandeurs avaient pour objet de paralyser les centres de la sep, mais ne constate aucunement qu'ils aient eu pour objet d'inciter les non-grevistes a se joindre a eux, ni qu'il y eut eu une relation de cause a effet entre leurs agissements et le maintien de la greve, n'a pas legalement justifie sa decision ;

" alors surtout que, dans leurs conclusions sur ce point delaissees, les demandeurs faisaient valoir que la greve declenchee depuis plusieurs jours par la majorite du personnel n'avait aucun besoin de moyens particuliers pour se maintenir, et que le but de la greve n'etait pas de porter atteinte au libre exercice du travail, mais d'amener a la reintegration d'un salarie licencie ;

" alors que, d'autre part, la cour d'appel, en bornant a relever la presence des demandeurs dans les piquets de greve, la mise d'obstacles materiels a l'entree, la prise de photos, et en constatant l'absence de violence grave, n'a aucunement caracterise les violences, voies de fait, menaces ou manoeuvres frauduleuses prevues par l'article 414 du code penal " ;

Attendu qu'il resulte des enonciations de l'arret attaque qu'a l'occasion de la greve declenchee par une partie du personnel de la societe europeenne de propulsion (sep), de nombreux grevistes se sont portes aux entrees de deux centres dependant de ladite societe, notamment le matin, a l'ouverture des ateliers, afin d'en interdire l'acces ;

Que, certains jours, les membres du personnel n'ont pu gagner leurs postes de travail ;

Que des incidents se sont produits, les grevistes ayant obstrue les entrees avec des obstacles divers (chaises, vehicules, grillages maintenus par des cables) et ayant forme entre eux des barrages en se placant en position de coude a coude, parfois sur plusieurs rangs ;

Qu'un certain nombre de travailleurs non grevistes ont du renoncer a gagner leurs postes ou, pour y parvenir, ont subi bousculades et bourrades ;

Que se fondant, tant sur des constats dresses par des huissiers a la requete des dirigeants de l'entreprise, que sur les temoignages recueillis au cours de l'information judiciaire, les juges relevent, a l'egard de chacune des personnes retenues dans les liens de la prevention, des faits precis etablissant leur participation personnelle aux actes incrimines ;

Attendu que, contrairement aux allegations du moyen, la cour d'appel a, sans insuffisance, repondu aux conclusions d'appel des demandeurs en enoncant qu'il avait ete ainsi " porte atteinte a la liberte des travailleurs de ne pas se joindre a une cessation concertee du travail " et qu'il etait demontre que les agissements des prevenus avaient pour but d'entraver le libre exercice du travail ;

Que la liceite de la greve n'etant pas mise en cause, elle n'avait pas a rechercher quel en etait l'objectif, et qu'en relevant que " le comportement de certains membres du personnel, ainsi que les dispositions prises et les moyens utilises par eux, ont incontestablement eu pour objet, meme si le resultat n'a pas ete integralement atteint, de paralyser le fonctionnement des deux centres de la sep " et que " ces dispositions, moyens et comportement, tels que decrits par les constats et par les temoins, constituaient, de la part de certains des prevenus, des agissements de nature a impressionner les ouvriers non grevistes et a les dissuader, par crainte pour leur securite, de gagner, ainsi qu'ils en avaient l'intention, leurs postes de travail ", elle a justifie sa decision ;

D'ou il suit que le moyen ne saurait etre accueilli ;

Mais sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 414 du code penal, 2, 423 et 593 du code de procedure penale, defaut de motifs et manque de base legale,

" en ce que l'arret attaque a declare recevable la constitution de partie civile de la sep ;

" aux motifs que la sep, a la suite des faits litigieux poursuivis sur le fondement de l'article 414 du code penal, avait assure le paiement des salaires des ouvriers empeches contre leur gre de se rendre sur les lieux de leur travail ;

Que ces paiements ainsi effectues sans contrepartie constituaient un prejudice personnel et direct trouvant sa source dans l'infraction poursuivie ;

" alors que l'article 414 du code penal n'ayant pas pour objet la protection du travail en soi, ni la protection de l'employeur, mais la protection des travailleurs contre des contraintes exercees pour les amener a se joindre a une cessation concertee de travail, seuls peuvent s'en prevaloir lesdits travailleurs, de sorte qu'en l'espece la sep devait etre declaree irrecevable en son action " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que, pour etre recevable devant la juridiction repressive, l'action civile doit avoir pour but la reparation d'un prejudice personnel resultant directement, pour la victime, de l'infraction poursuivie ;

Attendu que, pour rejeter l'exception d'irrecevabilite proposee par les prevenus contre la constitution de partie civile de la sep et pour accorder a cette derniere des reparations civiles, la cour d'appel enonce que l'employeur, qui a du verser les salaires des ouvriers non grevistes empeches de se rendre sur le lieu de leur travail a, du fait de ces paiements effectues sans contrepartie, subi un prejudice personnel et direct trouvant sa source dans l'infraction ;

Attendu cependant que le prejudice dont la reparation etait demandee n'etait, en l'espece, que la consequence indirecte de l'infraction retenue a la charge des prevenus, et n'etait pas de nature a ouvrir l'exercice de l'action civile a la sep devant la juridiction repressive ;

D'ou il suit que, ne repondant pas aux exigences des articles 2 et 3 du code de procedure penale, la constitution de partie civile de la sep etait irrecevable et aurait du etre declaree telle ;

Qu'ainsi, le moyen doit etre accueilli ;

Sur le pourvoi de la societe europeenne de propulsion :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 60, 61 et suivants, 414 du code penal, 593 du code de procedure penale, defaut et insuffisance de motifs,

" en ce que l'arret attaque a relaxe les sieurs Z... et A... des fins de la poursuite et a, en consequence, deboute la partie civile des demandes dirigees contre les deux prevenus ;

" aux motifs propres et adoptes des premiers juges que, contrairement aux critiques enoncees par la defense, il apparait que les constatations effectuees avec regularite et minutie par les huissiers, jointes aux declarations de plusieurs temoins, constituent des elements serieux d'appreciation ;

Qu'en ce qui concerne les piquets de greve, leur caractere menacant peut etre retenu des lors que les dispositions prises par les membres qui les composent sont suffisamment impressionnantes mais qu'en l'absence de tout acte d'agression ou de voie de fait, la cour, ainsi que l'avait d'ailleurs fait le tribunal, ne retiendrait que les propos et harangues prononces par les sieurs Z... et a... ;

Que les instructions donnees aux piquets de greve par ces derniers dont le role moderateur etait, en certaines circonstances, reconnu et l'absence de manifestations objectives d'agressivite ou de violence susceptibles de leur etre personnellement imputees, empechaient que soit caracterise a leur egard l'element materiel de delit d'entrave a la liberte du travail ;

" alors, d'une part, que l'arret attaque ne pouvait laisser sans reponse les conclusions faisant valoir que, loin de se limiter a des propos et harangues, les actes imputes aux prevenus par les documents verses aux debats faisaient ressortir, en ce qui concerne A..., qu'il avait notamment refuse de laisser entrer l'infirmiere et l'assistante sociale et, en ce qui concerne Z..., qu'il avait resiste au passage des camionnettes de ravitaillement, personnellement selectionne le personnel de securite, controle nominativement les entrees et tente d'empecher le directeur lui-meme de rejoindre son bureau ;

" alors, d'autre part, que, des l'instant ou il resulte de l'ensemble des constatations de l'arret et, notamment, des condamnations prononcees contre quinze autres personnes, que les evenements litigieux concernaient l'action collectivement menee au sein des piquets de greve qui, selon les termes memes de l'arret attaque, ont ete organises de facon a " faire impression " sur les personnes desireuses de gagner leur poste de travail, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de rechercher si, a titre d'auteur principal ou de complice, la responsabilite penale de Z... et A... ne se trouvait pas engagee, independamment des actes materiellement accomplis par eux, par le fait qu'ils avaient dirige et coordonne a tout moment l'action reprehensible des autres prevenus " ;

Attendu que l'irrecevabilite de la constitution de partie civile de la societe europeenne de propulsion resultant des motifs ci-dessus enonces, son pourvoi est, lui-meme, irrecevable ;

Qu'il n'y a pas lieu, en consequence, d'examiner le moyen de cassation souleve ;

Par ces motifs :

Declare irrecevable le pourvoi de la societe europeenne de propulsion ;

Casse et annule les arrets precites de la cour d'appel de bordeaux en date du 12 juillet 1978, dans leurs seules dispositions faisant droit a la demande de reparations civiles de ladite societe ;

Toutes autres dispositions etant expressement maintenues, et pour qu'il soit statue a nouveau, conformement a la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcee :

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de poitiers.

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