Jurisprudence : CJCE, 02-04-1998, aff. C-367/95, Commission des Communautés européennes c/ Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink' s France SARL

CJCE, 02-04-1998, aff. C-367/95, Commission des Communautés européennes c/ Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink' s France SARL

A4980AWD

Référence

CJCE, 02-04-1998, aff. C-367/95, Commission des Communautés européennes c/ Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink' s France SARL. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1010915-cjce-02041998-aff-c36795-commission-des-communautes-europeennes-c-chambre-syndicale-nationale-des-en
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Cour de justice des Communautés européennes

2 avril 1998

Affaire n°C-367/95

Commission des Communautés européennes
c/
Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink' s France SARL



61995J0367

Arrêt de la Cour
du 2 avril 1998.

Commission des Communautés européennes contre Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink' s France SARL.

Pourvoi - Aides d'État - Plainte d'un concurrent - Obligations de la Commission relatives à l'examen d'une plainte et à la motivation du rejet de celle-ci.

Affaire C-367/95P.

Recueil de Jurisprudence 1998 page I-1719

1 Aides accordées par les États - Projets d'aides - Examen par la Commission - Phase préliminaire et phase contradictoire - Compatibilité d'une aide avec le marché commun - Difficultés d'appréciation - Obligation de la Commission d'ouvrir la procédure contradictoire

(Traité CE, art. 93, § 2 et 3)

2 Recours en annulation - Personnes physiques ou morales - Actes les concernant directement et individuellement - Décision de la Commission adressée à un État membre et constatant la compatibilité d'un aide étatique avec le marché commun - Recours des intéressés au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité - Recevabilité

(Traité CE, art. 93, § 2 et 3, et 173, al. 4)

3 Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Acte attaquable par l'auteur d'une plainte dénonçant une aide d'État - Lettre de la Commission communiquant au plaignant le refus de la Commission d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité - Exclusion

(Traité CE, art. 93, § 2, et 173)

4 Aides accordées par les États - Examen des plaintes - Obligations de la Commission - Organisation éventuelle d'un débat contradictoire avec le plaignant, dès la phase préliminaire - Absence - Examen d'office des éléments non expressément invoqués par le plaignant - Appréciation

(Traité CE, art. 93 et 190)

5 Aides accordées par les États - Examen des plaintes - Obligations de la Commission - Motivation - Portée

(Traité CE, article 93, § 2, et 190)

1 La procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité revêt un caractère indispensable dès que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. La Commission ne peut s'en tenir à la phase préliminaire de l'article 93, paragraphe 3, pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d'acquérir la conviction, au terme d'un premier examen, que cette aide est compatible avec le traité. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n'a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, la Commission a le devoir de s'entourer de tous les avis nécessaires et d'ouvrir, à cet effet, la procédure de l'article 93, paragraphe 2.

2 Lorsque, sans ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité, la Commission constate, sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu'une aide étatique est compatible avec le marché commun, les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l'octroi de l'aide, notamment les entreprises concurrentes et les organisations professionnelles, qui, en tant qu'intéressées, bénéficient de garanties de procédure lorsqu'est mise en oeuvre la procédure de l'article 93, paragraphe 2, doivent être admises à intenter un recours en annulation contre la décision opérant cette constatation.

3 Les décisions adoptées par la Commission dans le domaine des aides d'État ont pour destinataires les États membres concernés. Le traité et la législation communautaire n'ayant pas défini le régime procédural des plaintes dénonçant l'existence des aides d'État, cela vaut également lorsque ces décisions concernent des mesures étatiques dénoncées dans des plaintes comme des aides d'État contraires au traité et qu'il en résulte que la Commission refuse d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, parce qu'elle estime soit que les mesures dénoncées ne constituent pas des aides d'État au sens de l'article 92 du traité, soit qu'elles sont compatibles avec le marché commun. Si la Commission adopte de telles décisions et informe, conformément à son devoir de bonne administration, les plaignants de sa décision, c'est la décision adressée à l'État membre qui doit, le cas échéant, faire l'objet d'un recours en annulation de la part du plaignant et non pas la lettre adressée à celui-ci l'informant de la décision.

4 L'obligation pour la Commission de motiver la décision par laquelle elle rejette une plainte dénonçant une aide d'État ne saurait suffire à fonder une obligation pour la Commission d'engager un débat contradictoire avec le plaignant dans le cadre de la phase préliminaire visée à l'article 93, paragraphe 3, du traité. En effet, dès lors que, dans cette phase, la Commission n'a pas l'obligation d'entendre les plaignants et que, lors de la phase d'examen visée à l'article 93, paragraphe 2, du traité, la Commission doit seulement mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations, le fait d'imposer à la Commission d'engager, dans le cadre de la phase préliminaire, un tel débat pourrait conduire à des discordances entre le régime procédural prévu par l'article 93, paragraphe 3, et celui prévu par l'article 93, paragraphe 2.

En outre, il n'existe pas non plus d'obligation pour la Commission d'examiner d'office les griefs que n'aurait pas manqué de soulever le plaignant s'il avait pu prendre connaissance des éléments que la Commission a recueillis dans le cadre de son enquête. En effet, ce critère, qui oblige la Commission à se mettre à la place du plaignant, n'est pas apte à délimiter l'obligation d'instruction qui incombe à la Commission.

Toutefois, cette constatation n'implique pas que la Commission n'a pas l'obligation, le cas échéant, d'instruire une plainte en allant au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant. En effet, la Commission est tenue, dans l'intérêt d'une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d'État, de procéder à un examen diligent et impartial de la plainte, ce qui peut rendre nécessaire qu'elle procède à l'examen des éléments qui n'ont pas été expressément invoqués par le plaignant.

5 La motivation exigée par l'article 190 du traité doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. L'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée.

S'agissant plus particulièrement d'une décision de la Commission qui conclut à l'inexistence d'une aide d'État dénoncée par un plaignant, la Commission est en tout état de cause tenue d'exposer de manière suffisante au plaignant les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués dans la plainte n'ont pas suffi à démontrer l'existence d'une aide d'État. Toutefois, la Commission n'est pas tenue de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires.

Dans l'affaire C-367/95 P,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, Jean-Paul Keppenne et Michel Nolin, membres du même service, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

soutenue par

République française, représentée par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Jean-Marc Belorgey, chargé de mission à la même direction, en qualité d'agents,

partie intervenante en première instance,

République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. Ernst Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, et Bernd Kloke, Regierungsrat au même ministère, en qualité d'agents,

Royaume d'Espagne, représenté par Mme Gloria Calvo Díaz, abogado del Estado, du service juridique de l'État, en qualité d'agent,

Royaume des Pays-Bas, représenté par M. Marc Fierstra, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

parties intervenantes,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (quatrième chambre élargie) du 28 septembre 1995, Sytraval et Brink' s France/Commission (T-95/94, Rec. p. II-2651), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

les autres parties à la procédure étant:

Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink' s France SARL,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann (rapporteur), H. Ragnemalm et M. Wathelet, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn, J. L. Murray, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. C. O. Lenz,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 27 mai 1997,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 28 novembre 1995, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 28 septembre 1995, Sytraval et Brink' s France/Commission (T-95/94, Rec. p. II-2651, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a annulé la décision du 31 décembre 1993 de la Commission (ci-après la "décision litigieuse"), qui a rejeté la demande de la Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et de Brink' s France SARL visant à voir constater que la République française avait enfreint les articles 92 et 93 du traité CE en octroyant des aides à l'entreprise Sécuripost SA (ci-après "Sécuripost").

2 La République française, partie intervenante en première instance au soutien des conclusions de la Commission, a présenté un mémoire en réponse. La Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink' s France SARL (ci-après "les plaignantes") n'ont pas présenté d'observations devant la Cour.

3 Par trois requêtes déposées au greffe de la Cour les 24 janvier, 22 et 26 février 1996, la République fédérale d'Allemagne, le royaume d'Espagne et le royaume des Pays-Bas ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par trois ordonnances du 5 mars 1996, la Cour a admis ces interventions.

Faits et procédure devant le Tribunal

4 Il ressort de l'arrêt attaqué que, jusqu'en 1987, la Poste française (ci-après la "Poste") a assuré, au moyen de ses services internes, le transport de ses fonds et valeurs. En 1986, la Poste a décidé d'exercer un certain nombre de ses activités par l'intermédiaire de sociétés à forme commerciale. C'est ainsi que, le 16 décembre 1986, la Société holding des filiales de la Poste (ci-après "Sofipost"), contrôlée à 99 % par la République française, a été constituée. Le 16 avril 1987, Sofipost a créé Sécuripost qu'elle contrôle à 99,92 %. Cette dernière a pour objet le transport de fonds sécurisé, le gardiennage et la protection, ainsi que la surveillance. La Poste a détaché plus de 220 fonctionnaires auprès de Sécuripost.

5 Par convention privée du 28 septembre 1987, la Poste a confié à Sécuripost les activités, dans les domaines précisés ci-dessus, qu'elle réalisait elle-même auparavant. Sécuripost devait ensuite élargir sa clientèle et ses activités. Le 30 septembre 1987, un accord-cadre a été conclu entre le ministre des Postes et Télécommunications et Sécuripost. Entre 1987 et 1989, Sofipost a concédé deux prêts-avances, respectivement d'un montant de 5 000 000 FF et de 15 000 000 FF, à Sécuripost et a réalisé une augmentation du capital de cette dernière.

6 Le 4 septembre 1989, plusieurs entreprises et associations d'entreprises françaises, parmi lesquelles les plaignantes, ont saisi la Commission de deux demandes d'ouverture de procédure en application des articles 85, 86 et 90 du traité CE, d'une part, et des articles 92 et 93 du même traité, d'autre part. Seule cette dernière demande fait l'objet de la présente affaire.

7 A la suite de cette plainte, la Commission a, par lettre du 14 mars 1990, demandé des explications au gouvernement français, qui y a répondu par lettre du 3 mai 1990.

8 Le 28 juin 1991, la Commission a informé les plaignantes que leur plainte "[soulevait] plusieurs questions de principe importantes, nécessitant, en l'occurrence, un examen approfondi de la part des services concernés de la Commission". Le 9 octobre 1991, elle a encore indiqué aux plaignantes que leur dossier "[paraissait] particulièrement complexe, nécessitant de nombreuses analyses techniques de la copieuse documentation produite tant par les plaignantes que par les autorités françaises...".

9 Le 5 février 1992, la Commission a adopté une décision dans laquelle elle exposait qu'il n'était pas possible de conclure à l'existence d'aides d'État au sens de l'article 92 du traité. Elle a notamment constaté que, sur la base des éléments d'appréciation dont elle disposait, l'opération ayant conduit à la création de Sécuripost était comparable à la réorganisation opérée par une entreprise décidant de mettre sur pied une filiale pour la gestion séparée d'une branche d'activité.

10 Les plaignantes ont introduit, le 13 avril 1992, un recours en annulation au titre de l'article 173 du traité CE à l'encontre de cette décision. Ce recours est toutefois devenu sans objet, la Commission ayant retiré, le 22 juin 1992, sa décision du 5 février 1992.

11 Le 24 juillet 1992, les plaignantes ont complété la plainte qu'elles avaient introduite auprès de la Commission. Le 21 janvier 1993, celle-ci les a informées qu'elle avait inscrit au registre des aides non notifiées les mesures prises par le gouvernement français à l'égard de Sécuripost.

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