Jurisprudence : CEDH, 31-03-1998, Req. 21/1997/805/1008, REINHARDT ET SLIMANE-KAÏD c/ France

CEDH, 31-03-1998, Req. 21/1997/805/1008, REINHARDT ET SLIMANE-KAÏD c/ France

A2965AUD

Référence

CEDH, 31-03-1998, Req. 21/1997/805/1008, REINHARDT ET SLIMANE-KAÏD c/ France. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008382-cedh-31031998-req-2119978051008-reinhardt-et-slimanekaid-c-france
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COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME



AFFAIRE REINHARDT ET SLIMANE-KAÏD c. FRANCE

(21/1997/805/1008 et 22/1997/806/1009)



ARRÊT

STRASBOURG


31 mars 1998



SOMMAIRE

Arrêt rendu par une grande chambre


France – durée d'une procédure pénale et équité de celle-ci devant la chambre criminelle de la Cour de cassation

I. Objet du litige

Délimité par la décision de la Commission sur la recevabilité.

II. Article 6 de la convention

A. Durée de la procédure

1. Période à considérer
En matière pénale : « délai raisonnable » débute dès l'instant où une personne se trouve « accusée » au sens de l'article 6 § 1 – rappel de la jurisprudence de la Cour.
Première requérante : huit ans, un mois et un peu plus d'une semaine.
Second requérant : huit ans, cinq mois et presque deux semaines.

2. Caractère raisonnable de la durée de la procédure
Rappel de la jurisprudence de la Cour.
Longueur de la procédure résulte pour l'essentiel d'un manque de célérité dans la conduite de l'information.

Conclusion : violation (unanimité).

B. Caractère équitable de la procédure en cassation

Cour recherche si, considérée dans sa globalité, la procédure devant la chambre criminelle de la Cour de cassation a revêtu un caractère « équitable ».

Communication avant l'audience du rapport et du projet d'arrêt du conseiller rapporteur à l'avocat général et non aux requérants – possibilité pour les conseils des requérants d'entendre à l'audience, le cas échéant, le volet dudit rapport consacré aux faits, à la procédure et aux moyens de cassation, mais confidentialité du volet contenant l'avis du conseiller rapporteur – dans le meilleur des cas, uniquement possible de connaître le sens dudit avis – déséquilibre ne s'accordant pas avec les exigences du procès équitable.

Absence de communication des conclusions de l'avocat général aux requérants pareillement sujette à caution.

Conclusion : violation (dix-neuf voix contre deux).

III. Article 50 de la convention

A. Dommage

Préjudices matériels : aucun lien de causalité établi – rejet (unanimité).
Dommage moral : suffisamment compensé par le constat de violation (vingt voix contre une).

B. Frais et dépens

Requérants ne chiffrent ni ne détaillent leurs demandes – rejet (unanimité).

  1. RÉFÉRENCES À LA JURISPRUDENCE DE LA COUR
15.7.1982, Eckle c. Allemagne ; 27.11.1991, Kemmache c. France (nos 1 et 2) ; 25.6.1997, Van Orshoven c. Belgique


En l'affaire Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France
,

La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée, conformément à l'article 51 de son règlement A, en une grande chambre composée des juges dont le nom suit :

MM.R. Bernhardt, président,
Thór Vilhjálmsson,
F. Gölcüklü,
F. Matscher,
L.-E. Pettiti,
B. Walsh,
C. Russo,
J. De Meyer,
I. Foighel,
R. Pekkanen,
J.M. Morenilla,
SirJohn Freeland,
MM.A.B. Baka,
L. Wildhaber,
G. Mifsud Bonnici,
J. Makarczyk,
D. Gotchev,
B. Repik,
U. Lôhmus,
M. Voicu,
V. Butkevych,

ainsi que de MM. H. Petzold, greffier,
et P.J. Mahoney, greffier adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 27 novembre 1997 et 26 février 1998,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCEDURE

1.  Les deux affaires ont été déférées à la Cour par la Commission européenne des Droits de l'Homme (« la Commission ») et par le gouvernement français (« le Gouvernement ») les 27 janvier et 14 mars 1997 respectivement, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les articles 32 § 1 et 47 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). A leur origine se trouvent deux requêtes (nos  23043/93 et 22921/93) dirigées contre la France et dont deux ressortissants de cet Etat, M. Mohamed Slimane-Kaïd et Mme Françoise Reinhardt, avaient saisi la Commission respectivement les 7 et 11 septembre 1993 en vertu de l'article 25. Initialement désignée par les lettres F. U.-R., Mme Reinhardt a consenti ultérieurement à la divulgation de son identité.
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 ainsi qu'à la déclaration française reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) et la requête du Gouvernement à l'article 48. Elles ont pour objet d'obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de ces causes révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences de l'article 6 de la Convention.

2.  En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 § 3 d) du règlement A, les requérants ont chacun exprimé le désir de participer à l'instance et ont désigné le même conseil (article 30).

3.  Le 21 février 1997, le président de la Cour a estimé qu'il y avait lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de constituer une chambre unique pour l'examen des deux affaires (article 21 § 7 du règlement A).

4.  La chambre à constituer comprenait de plein droit M. L.-E. Pettiti, juge élu de nationalité française (article 43 de la Convention), et M. R. Bernhardt, vice-président de la Cour (article 21 § 4 b) du règlement A ; le 21 février 1997, en présence du greffier, le président de la Cour, M. R. Ryssdal, a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. Thór Vilhjálmsson, F. Matscher, B. Walsh, I. Foighel, J.M. Morenilla, J. Makarczyk et D. Gotchev (articles 43 in fine de la Convention et 21 § 5 du règlement A).

5. En sa qualité de président de la chambre (article 21 § 6 du règlement A), M. Bernhardt a consulté, par l'intermédiaire du greffier, l'agent du Gouvernement, l'avocat des requérants et le délégué de la Commission au sujet de l'organisation de la procédure (articles 37 § 1 et 38). Conformément à l'ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu les mémoires des requérants le 24 juillet 1997 et ceux du Gouvernement le 25 juillet 1997. Le 14 août 1997, le secrétaire de la Commission a informé le greffier que le délégué n'entendait pas répondre par écrit.

6.  Le 25 avril 1997, la chambre a décidé de se dessaisir en faveur d'une grande chambre (article 51 du règlement A). Etaient de plein droit membres de celle-ci, M. Ryssdal, président de la Cour, et M. Bernhardt, vice-président, les membres de la chambre originaire ainsi que les quatre suppléants de celle-ci, M. M. Voicu, Sir John Freeland, M. L. Wildhaber et M. F. Gölcüklü (article 51 § 2 a) et b)). Le 28 avril 1997, le président a tiré au sort en présence du greffier le nom des sept juges supplémentaires appelés à compléter la grande chambre, à savoir MM. C. Russo, J. De Meyer, R. Pekkanen, A.B. Baka, G. Mifsud Bonnici, B. Repik et U. L ôhmus (article 51 § 2 c)). Par la suite, M. Ryssdal, emp êché, a été remplacé à la présidence de ladite grande chambre par M. Bernhardt (articles 21 § 6 et 51 § 6), et M. V. Butkevych a été appelé à compléter celle-ci.

7.  Ainsi qu'en avait décidé le président, les débats se sont déroulés en public le 25 novembre 1997, au Palais des Droits de l'Homme à Strasbourg. La Cour avait tenu auparavant une réunion préparatoire, au cours de laquelle elle avait décidé de joindre les causes (article 37 § 4 du règlement A).

Ont comparu :
  • pour le Gouvernement

  • MM. M. Perrin de Brichambaut, directeur des affaires juridiques
  • ministère des Affaires étrangères,agent,
  • -P. Dintilhac, avocat général à la Cour de cassation,
    Mme M. Dubrocard, magistrat détaché à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères,

    M. G. Bitti, membre du bureau des droits de l'homme
    service des affaires européennes
    internationales du ministère de la Justice,conseillers ;

    1. pour la Commission

    M.J.-C. Soyer,délégué ;

  • pour les requérants
MeF. Tissot, avocat à la cour d'appel de Versailles,conseil.


La Cour a entendu en leurs déclarations, M. Soyer,

EN FAIT

I LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

8.  M. Slimane-Kaïd était président-directeur général des sociétés anonymes (S.A.) PROVEX et SERVEC qui se consacraient notamment, la première, à l'acquisition de matériel pour son exportation et, la seconde, à la carrosserie industrielle. 
Le 26 janvier 1982, il avait en outre créé avec Mme Reinhardt une société à responsabilité limitée (S.A.R.L.) dénommée URKA dont le siège social était situé au domicile personnel de cette dernière et dont l'activité principale était la location et la vente de tout matériel, en France ou à l'étranger ; le 1er juillet 1982, il avait succédé à Mme Reinhardt dans les fonctions de gérant.

A.La genèse de l'affaire

9.  Deux protocoles d'accord commercial prévoyaient d'une part la vente par la société IVECO de véhicules automobiles industriels à la S.A. PROVEX et, d'autre part, la mise en dépôt carrosserie de « châssis-cabines » au nom de la première chez le carrossier désigné soit par la seconde soit par la S.A. SERVEC. Il était prévu qu'à l'échéance du dépôt et après règlement, la société IVECO remettrait à ses cocontractantes les feuilles des mines des véhicules concernés ainsi que les certificats de ventes y relatifs.

10.  Les faits exposés dans le présent paragraphe et le suivant ressortent des pièces de la procédure interne dont dispose la Cour.
Le 28 avril 1984, deux cent quatre-vingt-sept véhicules de la société IVECO furent déposés dans les locaux de la S.A. SERVEC. L'échéance des dépôts de ceux-ci était fixée aux 5 juin, 5 juillet, 5 août et 5 septembre 1984 ; à ces dates, les S.A. PROVEX et SERVEC devaient manifester leur intention d'acquérir lesdits véhicules et se faire consécutivement remettre les feuilles des mines de chacun et les certificats de ventes spécifiques à la société IVECO.
A la demande de cette dernière, un constat d'huissier fut dressé dans les locaux de la S.A. SERVEC le 11 mai 1984. Une expertise judiciaire eut lieu le 25 juillet 1984 et une saisie conservatoire fut effectuée le 28 août 1984. Il en ressort que cent cinquante-cinq des véhicules faisaient défaut à la première de ces dates, cent quatre-vingt-dix-huit à la deuxième et deux cent onze à la troisième. La société IVECO n'obtint la restitution que de quarante-trois véhicules ; les autres avaient été immatriculés et vendus.

11.  Le 27 juillet 1984, le responsable de la société IVECO porta à la connaissance du service régional de police judiciaire (SRPJ) de Versailles certains de ces faits. Une enquête fut menée par l'inspecteur principal Renaud qui, dans son rapport du 24 septembre 1984, constata que les feuilles des mines et certificats de ventes remis par la S.A. PROVEX à la préfecture aux fins d'immatriculation de cent seize véhicules IVECO étaient des faux, fit état d'« éventuelles infractions à la législation sur les sociétés commerciales et les banqueroutes commises au sein des S.A. SERVEC/PROVEX » et conclut à la nécessité d'ouvrir une information.

B. L'information

  1. La première information
  2. L'inculpation de M. Slimane-Kaïd d'abus de confiance et délivrance de documents administratifs à l'aide de faux renseignements, certificats et attestations
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