Jurisprudence : CJCE, 07-12-2000, aff. C-38/99, Commission des Communautés européennes c/ République française

CJCE, 07-12-2000, aff. C-38/99, Commission des Communautés européennes c/ République française

A1875AWD

Référence

CJCE, 07-12-2000, aff. C-38/99, Commission des Communautés européennes c/ République française. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008231-cjce-07122000-aff-c3899-commission-des-communautes-europeennes-c-republique-francaise
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Cour de justice des Communautés européennes

7 décembre 2000

Affaire n°C-38/99

Commission des Communautés européennes
c/
République française



61999J0038

Arrêt de la Cour (sixième chambre)
du 7 décembre 2000.

Commission des Communautés européennes contre République française.

Manquement d'Etat - Directive 79/409/CEE - Conservation des oiseaux sauvages - Périodes de chasse.

Affaire C-38/99.

Recueil de jurisprudence 2000 page 0000

1 Environnement - Conservation des oiseaux sauvages - Directive 79/409 - Obligation des États membres d'interdire la chasse durant certaines périodes de vulnérabilité particulière des oiseaux - Délimitation des périodes d'interdiction - Délimitation n'assurant la protection que de la majorité des oiseaux d'une espèce - Inadmissibilité

(Directive du Conseil 79/409, art. 7, § 4)

2 Environnement - Conservation des oiseaux sauvages - Directive 79/409 - Fixation des dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs et au gibier d'eau - Dates de clôture échelonnées en fonction des espèces d'oiseaux - Conditions d'admissibilité

(Directive du Conseil 79/409)

3 Environnement - Conservation des oiseaux sauvages - Directive 79/409 - Transposition sans action législative - Limites - Gestion d'un patrimoine commun - Nécessité d'une transposition exacte par les États membres

(Directive du Conseil 79/409)

1 L'article 7, paragraphe 4, de la directive 79/409, concernant la conservation des oiseaux sauvages, a pour objet notamment d'imposer une interdiction de chasser toute espèce d'oiseau sauvage pendant la période nidicole ou pendant les différents stades de reproduction et de dépendance ou encore, s'agissant d'espèces migratrices, pendant le trajet de retour vers leur lieu de nidification. Aussi, ledit article vise-t-il à assurer un régime complet de protection pendant les périodes au cours desquelles la survie des oiseaux sauvages est particulièrement menacée. Partant, la protection contre les activités de chasse ne saurait être limitée à la majorité des oiseaux d'une espèce donnée, définie d'après une moyenne des cycles reproductifs et des mouvements migratoires.

(voir point 23)

2 Les autorités nationales ne sont pas habilitées par la directive 79/409, concernant la conservation des oiseaux sauvages, à fixer des dates de clôture de la chasse échelonnées en fonction des espèces d'oiseaux migrateurs ou de gibier d'eau, sauf si l'État membre concerné peut rapporter la preuve, fondée sur des données scientifiques et techniques appropriées à chaque cas particulier, qu'un tel échelonnement n'empêche pas la protection complète des espèces d'oiseaux susceptibles d'être affectées par cet échelonnement.

(voir point 43)

3 La transposition en droit interne d'une directive n'exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de celle-ci dans une disposition légale ou réglementaire expresse et spécifique et peut se satisfaire d'un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d'une façon suffisamment claire et précise. Toutefois, l'exactitude de la transposition revêt une importance particulière s'agissant de la directive 79/409, concernant la conservation des oiseaux sauvages, dans la mesure où la gestion du patrimoine commun est confiée, pour leur territoire, aux États membres respectifs.

(voir point 53)

Dans l'affaire C-38/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. Stancanelli, membre du service juridique, et O. Couvert-Castéra, fonctionnaire national mis à la disposition dudit service, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par Mme K. Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. D. Colas, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en ne transposant pas correctement l'article 7 de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1), en ne communiquant pas toutes les mesures de transposition pour l'ensemble de son territoire et en ne mettant pas correctement en oeuvre ladite disposition, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. C. Gulmann (rapporteur), président de chambre, V. Skouris, J.-P. Puissochet, R. Schintgen et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, chef de division,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 29 juin 2000, au cours de laquelle la Commission a été représentée par R. Tricot, membre du service juridique, en qualité d'agent, et la République française par Mme K. Rispal-Bellanger et M. D. Colas,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 14 septembre 2000,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 10 février 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en ne transposant pas correctement l'article 7 de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1, ci-après la "directive oiseaux"), en ne communiquant pas toutes les mesures de transposition pour l'ensemble de son territoire et en ne mettant pas correctement en oeuvre ladite disposition, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

Le cadre réglementaire

2 Aux termes de l'article 2 de la directive oiseaux:

"Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles."

3 L'article 7 de la directive oiseaux dispose:

"1. En raison de leur niveau de population, de leur distribution géographique et de leur taux de reproductivité dans l'ensemble de la Communauté, les espèces énumérées à l'annexe II peuvent être l'objet d'actes de chasse dans le cadre de la législation nationale. Les États membres veillent à ce que la chasse de ces espèces ne compromette pas les efforts de conservation entrepris dans leur aire de distribution.

2. Les espèces énumérées à l'annexe II partie 1 peuvent être chassées dans la zone géographique maritime et terrestre d'application de la présente directive.

3. Les espèces énumérées à l'annexe II partie 2 peuvent être chassées seulement dans les États membres pour lesquels elles sont mentionnées.

4. Les États membres s'assurent que la pratique de la chasse, y compris le cas échéant la fauconnerie, telle qu'elle découle de l'application des mesures nationales en vigueur, respecte les principes d'une utilisation raisonnée et d'une régulation équilibrée du point de vue écologique des espèces d'oiseaux concernées, et que cette pratique soit compatible, en ce qui concerne la population de ces espèces, notamment des espèces migratrices, avec les dispositions découlant de l'article 2. Ils veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s'applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance. Lorsqu'il s'agit d'espèces migratrices, ils veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s'applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification. Les États membres transmettent à la Commission toutes les informations utiles concernant l'application pratique de leur législation de la chasse."

La procédure précontentieuse

4 Le 13 novembre 1997, la Commission a adressé au gouvernement français une lettre de mise en demeure pour inobservation de la directive oiseaux, et notamment de son article 7.

5 Dans cette lettre, la Commission considérait, en premier lieu, que le principe dit de "protection complète" des espèces, visé à l'article 7, paragraphe 4, deuxième et troisième phrases, de la directive oiseaux, n'avait fait l'objet d'aucune mesure de transposition par les autorités françaises et que, à supposer même qu'une telle mesure existât, elle n'avait pas été communiquée par ces dernières à la Commission.

6 En deuxième lieu, elle relevait que, compte tenu de l'absence de transposition dudit principe, la réglementation française permettait au ministre compétent de fixer de manière discrétionnaire une date d'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau, éventuellement incompatible avec l'interdiction de la chasse en période nidicole et de reproduction édictée par l'article 7, paragraphe 4, de la directive oiseaux. Ainsi, les arrêtés du 29 mai 1997 du ministre de l'Environnement (JORF du 30 mai 1997, p. 8303, ci-après les "arrêtés ministériels"), adoptés en vertu de l'article R. 224-6 du nouveau code rural, auraient fixé, pour 69 départements français de métropole, la date d'ouverture de la chasse au gibier d'eau avant celle de l'ouverture générale de la chasse, sans qu'il soit possible de déterminer les éléments scientifiques permettant aux autorités françaises d'arrêter ces dates dans le respect du principe de protection complète des espèces.

7 En troisième lieu, la Commission indiquait, d'une part, que les dates de clôture explicitement mentionnées dans la loi n° 94-591, du 15 juillet 1994, fixant les dates de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs (JORF du 16 juillet 1994, p. 10246), présentaient un caractère manifestement trop tardif pour un nombre important d'espèces d'oiseaux pouvant être l'objet d'actes de chasse, selon les informations disponibles dans la banque de données ORNIS, et, d'autre part, que la possibilité, ouverte à l'autorité administrative de déroger, au niveau départemental, aux dates de clôture explicitement mentionnées dans cette loi ne permettait pas d'assurer le respect des exigences de la directive oiseaux.

8 En quatrième lieu, les autorités françaises n'auraient jamais communiqué à la Commission les dates de la saison de chasse aux oiseaux migrateurs dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

9 En réponse à ladite lettre motivée, le gouvernement français s'est borné à envoyer à la Commission, le 17 juin 1998, une copie du "Rapport du Gouvernement au Parlement sur l'application de la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994", déposé au Parlement français le 16 juin 1998, en application de l'article 2 de cette même loi.

10 Par lettre du 5 août 1998, la Commission a émis un avis motivé par lequel elle constatait que, en ne transposant pas correctement l'article 7 de la directive oiseaux, en ne communiquant pas toutes les mesures de transposition pour l'ensemble de son territoire et en ne mettant pas correctement en oeuvre ladite disposition, la République française avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive. La Commission faisait valoir l'absence de transposition du principe de protection complète aussi bien dans la loi n° 94-591 que dans la loi n° 98-549, du 3 juillet 1998, relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs (JORF du 4 juillet 1998, p. 10208), remplaçant en partie la loi antérieure. Elle indiquait également que les dates d'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau étaient trop précoces tant sous l'empire de la loi n° 94-591 que sous celui de la loi n° 98-549. La Commission soutenait, en outre, que les dates de clôture de la chasse mentionnées dans ces deux lois étaient trop tardives. Au surplus, était relevée l'absence de communication des dispositions de transposition de la directive oiseaux pour les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. La Commission invitait la République française à prendre les mesures requises pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

11 Par lettre du 6 octobre 1998, le gouvernement français a rappelé que, dans le rapport du gouvernement au Parlement sur l'application de la loi n° 94-591, il soulignait, s'agissant des différentes propositions de loi relatives aux dates d'ouverture anticipée et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs, qu'elles contenaient des dispositions qui apparaissaient en contradiction avec les obligations fixées par la directive oiseaux et qu'il ne pouvait les accepter. Il a également indiqué que la réflexion sur le dossier de la chasse, entreprise tant au sein de l'Assemblée nationale qu'au niveau du gouvernement, devrait permettre d'aboutir, à terme, à une révision du texte de la loi n° 98-549 dans le sens d'une meilleure transposition en droit interne des principes énoncés par la directive oiseaux.

12 Toutefois, constatant que la République française n'avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer pleinement à ses obligations découlant de la directive oiseaux, et notamment de son article 7, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

Sur le fond

13 La Commission fait grief à la République française:

- en premier lieu, de ne pas avoir transposé le principe de protection complète;

- en deuxième lieu, d'avoir fixé des dates d'ouverture de la chasse trop précoces;

- en troisième lieu, d'avoir fixé des dates de clôture de la chasse trop tardives, et

- en quatrième lieu, de ne pas lui avoir communiqué les dispositions de transposition de la directive oiseaux relatives aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

14 Il convient d'examiner, d'abord, le deuxième grief, ensuite, le troisième, puis, le quatrième et, enfin, le premier.

Sur les dates d'ouverture de la chasse

15 L'article R. 224-6 du nouveau code rural dispose:

"Le ministre chargé de la chasse peut, par arrêté publié au moins vingt jours avant la date de sa prise d'effet, autoriser la chasse au gibier d'eau avant la date d'ouverture générale et jusqu'à celle-ci:

1_ En zone de chasse maritime;

2_ Sur les fleuves, rivières, canaux, réservoirs, lacs, étangs et dans les marais non asséchés, le tir au-dessus de la nappe d'eau étant seul autorisé".

16 Les arrêtés ministériels fixaient, pour 69 départements français de métropole, les dates d'ouverture de la chasse au gibier d'eau avant la date d'ouverture générale, lesquelles se situaient dans la période allant du 19 juillet au 31 août 1997.

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