Jurisprudence : CJCE, 26-11-1998, aff. C-7/97, Oscar Bronner GmbH & Co. KG c/ Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG, Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft mbH & Co. KG et Mediaprint Anzeigengesellschaft mbH & Co. KG

CJCE, 26-11-1998, aff. C-7/97, Oscar Bronner GmbH & Co. KG c/ Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG, Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft mbH & Co. KG et Mediaprint Anzeigengesellschaft mbH & Co. KG

A1799AWK

Référence

CJCE, 26-11-1998, aff. C-7/97, Oscar Bronner GmbH & Co. KG c/ Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG, Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft mbH & Co. KG et Mediaprint Anzeigengesellschaft mbH & Co. KG. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008157-cjce-26111998-aff-c797-oscar-bronner-gmbh-co-kg-c-mediaprint-zeitungs-und-zeitschriftenverlag-gmbh-c
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Cour de justice des Communautés européennes

26 novembre 1998

Affaire n°C-7/97

Oscar Bronner GmbH & Co. KG
c/
Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG, Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft mbH & Co. KG et Mediaprint Anzeigengesellschaft mbH & Co. KG



61997J0007

Arrêt de la Cour (sixième chambre)
du 26 novembre 1998.

Oscar Bronner GmbH & Co. KG contre Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG, Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft mbH & Co. KG et Mediaprint Anzeigengesellschaft mbH & Co. KG.

Demande de décision préjudicielle: Oberlandesgericht Wien - Autriche.

Article 86 du traité CE - Abus de position dominante - Refus d'une entreprise de presse détenant une position dominante sur le territoire d'un Etat membre d'intégrer la distribution d'un quotidien concurrent d'une autre entreprise du même Etat membre dans son propre système de portage à domicile de journaux.

Affaire C-7/97.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-7791

1 Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Nécessité d'une décision préjudicielle et pertinence des questions soulevées - Appréciation par le juge national - Demande d'interprétation d'une disposition de droit communautaire de la concurrence dans un litige concernant l'application du droit national de la concurrence - Admissibilité

(Traité CE, art. 177)

2 Concurrence - Position dominante - Abus - Refus d'une entreprise en position dominante de fournir à une entreprise concurrente les services indispensables à l'exercice de ses activités - Système de portage à domicile de journaux - Existence d'autres modes de distribution - Absence d'abus

(Traité CE, art. 86)

1 Il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer.

De plus, l'article 177 du traité, basé sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, ne permet pas à celle-ci de censurer les motifs de l'ordonnance de renvoi. En conséquence, le rejet d'une demande formée par une juridiction nationale n'est possible que s'il apparaît, de manière manifeste, que l'interprétation du droit communautaire ou l'examen de la validité d'une règle communautaire, demandés par cette juridiction, n'ont aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal.

A cet égard, le fait qu'une juridiction nationale est saisie d'un litige concernant des pratiques restrictives en application du droit national de la concurrence ne doit pas l'empêcher d'interroger la Cour sur l'interprétation du droit communautaire en la matière, et notamment de l'article 86 du traité, par rapport à cette même situation, dès lors qu'elle estime qu'une situation de conflit entre le droit communautaire et le droit national est susceptible de se poser.

En effet, il n'est pas exclu qu'une même situation de fait puisse relever à la fois du droit communautaire et du droit national en matière de concurrence, même si ceux-ci considèrent les pratiques restrictives sous des aspects différents.

Dans le cadre d'une telle demande préjudicielle, les circonstances concernant l'applicabilité de l'article 86 du traité à la situation factuelle qui fait l'objet du litige au principal relèvent de l'appréciation de la juridiction nationale et sont sans pertinence aux fins de vérifier la recevabilité des questions posées à la Cour.

2 Le fait pour une entreprise de presse, qui détient une part très importante du marché des quotidiens dans un État membre et qui exploite l'unique système de portage à domicile de journaux à l'échelle nationale existant dans cet État membre, de refuser, contre une rémunération appropriée, l'accès audit système à l'éditeur d'un quotidien concurrent qui, en raison de la faiblesse du tirage de celui-ci, ne se trouve pas en mesure de créer et d'exploiter, dans des conditions économiquement raisonnables, seul ou en collaboration avec d'autres éditeurs, son propre système de portage à domicile ne constitue pas un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité.

En effet, pour que l'existence d'un abus au sens de ladite disposition puisse être établie dans de telles circonstances, il faut non seulement que le refus du service que constitue le portage à domicile soit de nature à éliminer toute concurrence, sur le marché des quotidiens, de la part du demandeur du service et ne puisse être objectivement justifié, mais également que le service en lui-même soit indispensable à l'exercice de l'activité de celui-ci, en ce sens qu'il n'existe aucun substitut réel ou potentiel audit système de portage à domicile.

Tel n'est pas le cas lorsque, d'une part, d'autres modes de distribution de quotidiens, tels que la distribution par la voie postale et la vente dans les magasins et kiosques, même s'ils devaient être moins avantageux pour la distribution de certains d'entre eux, existent et sont utilisés par les éditeurs de ces quotidiens, et que, d'autre part, il n'y a pas d'obstacles techniques, réglementaires ou même économiques qui soient de nature à rendre impossible, ni même déraisonnablement difficile, pour tout autre éditeur de quotidiens, de créer, seul ou en collaboration avec d'autres éditeurs, son propre système de portage à domicile à l'échelle nationale et de l'utiliser pour la 7Ydistribution de ses propres quotidiens.

Dans l'affaire C-7/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par l'Oberlandesgericht Wien (Autriche) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Oscar Bronner GmbH & Co. KG

Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG,

Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft mbH & Co. KG,

Mediaprint Anzeigengesellschaft mbH & Co. KG,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 86 du traité CE,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, J. L. Murray, H. Ragnemalm, R. Schintgen (rapporteur) et K. M. Ioannou, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Oscar Bronner GmbH & Co. KG, par Me Christa Fries, avocat à Baden,

- pour Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG, Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft mbH & Co. KG et Mediaprint Anzeigengesellschaft mbH & Co. KG, par Me Stephan Ruggenthaler, avocat à Vienne,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Klaus Wiedner et Wouter Wils, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Oscar Bronner GmbH & Co. KG, de Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG, Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft mbH & Co. KG et Mediaprint Anzeigengesellschaft mbH & Co. KG, ainsi que de la Commission à l'audience du 10 février 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 28 mai 1998,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 1er juillet 1996, parvenue à la Cour le 15 janvier 1997, l'Oberlandesgericht Wien, siégeant en tant que Kartellgericht, a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 86 du même traité.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un recours introduit sur le fondement de l'article 35 du Bundesgesetz über Kartelle und andere Wettbewerbsbeschränkungen, du 19 octobre 1988 (BGBl 1988/600), tel que modifié en 1993 (BGBl 1993/693) et en 1995 (BGBl 1995/520, loi autrichienne sur la concurrence, ci-après le "Kartellgesetz"), par Oscar Bronner GmbH & Co. KG (ci-après "Oscar Bronner") à l'encontre de Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG, de Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft mbH & Co. KG, et de Mediaprint Anzeigengesellschaft mbH & Co. KG (ci-après ensemble "Mediaprint").

3 L'article 35, paragraphe 1, du Kartellgesetz dispose:

"Le Kartellgericht ordonne, sur demande, aux entreprises concernées de mettre fin à l'abus d'une position dominante. Cet abus peut notamment consister à:

1. imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables,

2. limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,

3. infliger un désavantage dans la concurrence à des partenaires contractuels en appliquant des conditions inégales à des prestations équivalentes,

4. subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires contractuels, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats."

4 Oscar Bronner a pour objet la rédaction et l'édition, ainsi que la fabrication et la distribution du quotidien "Der Standard". En 1994, "Der Standard" détenait sur le marché des quotidiens autrichiens une part de marché de 3,6 % en termes de tirage et de 6 % en termes de recettes publicitaires.

5 Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag GmbH & Co. KG édite les quotidiens "Neue Kronen Zeitung" et "Kurier". Elle assure la distribution ainsi que les activités publicitaires de ces deux journaux par l'intermédiaire de ses deux filiales, Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft mbH & Co. KG et Mediaprint Anzeigengesellschaft mbH & Co. KG, dont elle détient la totalité du capital.

6 En 1994, la "Neue Kronen Zeitung" et le "Kurier" détenaient ensemble, sur le marché autrichien des quotidiens, une part de marché de 46,8 % en termes de tirage et de 42 % en termes de recettes publicitaires. Le taux de diffusion des deux quotidiens était de 53,3 % pour les personnes de plus de 14 ans dans les ménages privés et de 71 % pour l'ensemble des lecteurs de quotidiens.

7 Pour la distribution de ses quotidiens, Mediaprint a créé un système de portage à domicile à l'échelle nationale, qu'elle assure par l'intermédiaire de Mediaprint Zeitungsvertriebsgesellschaft mbH & Co. KG. Ce système consiste à livrer les journaux directement aux abonnés, et ce aux premières heures du matin.

8 Par son action engagée en application de l'article 35 du Kartellgesetz, Oscar Bronner vise à ce qu'il soit enjoint à Mediaprint de cesser d'abuser de sa position dominante en intégrant, en contrepartie d'un prix raisonnable, "Der Standard" dans son système de portage à domicile. A l'appui de cette demande, Oscar Bronner souligne que la livraison par voie postale, qui n'est généralement effectuée qu'en fin de matinée, ne constitue pas une solution de remplacement de portée équivalente pour le portage à domicile et que, en raison du faible nombre de ses abonnés, il n'est pas du tout rentable pour elle d'organiser son propre système de portage à domicile. Oscar Bronner fait également valoir que Mediaprint a commis une discrimination à son encontre en intégrant dans son système de portage à domicile le "Wirtschaftsblatt", un quotidien que Mediaprint n'édite pourtant pas.

9 En réponse à ces arguments, Mediaprint souligne que la constitution de son système de portage à domicile a nécessité un investissement administratif et financier important et que l'ouverture du système à l'ensemble des éditeurs de quotidiens autrichiens excéderait les limites naturelles de capacité de son système. Elle soutient également que le fait de détenir une position dominante ne saurait l'obliger à subventionner la concurrence en favorisant des sociétés qui sont en compétition avec elle. Elle ajoute que la situation du "Wirtschaftsblatt" n'est pas comparable à celle du "Der Standard", dans la mesure où l'éditeur du "Wirtschaftsblatt" aurait également confié au groupe Mediaprint l'impression et l'ensemble de la distribution, c'est-à-dire y compris la vente dans les kiosques, de sorte que le portage à domicile ne constituerait qu'une partie d'un ensemble de prestations.

10 Considérant que, si le comportement d'un opérateur relève de l'article 86 du traité, il y a aussi nécessairement exploitation abusive d'une position dominante au sens de l'article 35 du Kartellgesetz, qui a un contenu identique, puisque, en raison de la primauté de principe du droit communautaire, un comportement qui est incompatible avec ce dernier ne saurait davantage être toléré en droit national, le Kartellgericht a estimé qu'il devait au préalable résoudre la question de savoir si le comportement de Mediaprint viole l'article 86 du traité. Relevant ensuite que l'applicabilité de l'article 86 du traité est soumise à la condition que le commerce entre États membres est susceptible d'être affecté par le comportement abusif d'opérateurs économiques, le Kartellgericht a estimé que tel semble être le cas dans l'affaire au principal dans la mesure où le refus d'accès au système de portage à domicile de Mediaprint risquerait d'évincer totalement Oscar Bronner du marché des quotidiens et que Oscar Bronner, en tant qu'éditeur d'un quotidien autrichien également vendu à l'étranger, participerait aux échanges internationaux.

11 Dans ces conditions, le Kartellgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Convient-il d'interpréter l'article 86 du traité CE de telle sorte qu'il faille admettre l'existence d'un abus de position dominante, au sens d'une entrave abusive à l'accès au marché, lorsqu'une entreprise exerçant son activité dans l'édition, la fabrication et la distribution de quotidiens, et détenant, grâce à ses produits, une position prépondérante sur le marché autrichien des quotidiens (à savoir 46,8 % du tirage total, 42 % en termes de recettes de publication d'annonces et un taux de diffusion de 71 %, mesuré au nombre total de quotidiens), tout en exploitant l'unique réseau national en Autriche de portage à domicile pour abonnés, refuse de faire une offre ferme à une autre entreprise, dont l'objet est également d'éditer, fabriquer et distribuer un quotidien en Autriche, en vue d'intégrer ce quotidien dans ledit système de portage à domicile, étant également entendu que la faiblesse du tirage, et donc de la densité des abonnements, empêche l'entreprise souhaitant l'intégration dans le système de distribution, que ce soit seule ou en collaboration avec les autres sociétés offrant des quotidiens sur le marché, de constituer, en engageant des dépenses raisonnables, son propre système de portage à domicile tout en l'exploitant d'une manière rentable?

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