Jurisprudence : CJCE, 04-03-1999, aff. C-87/97, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola c/ Käserei Champignon Hofmeister GmbH & Co. KG et Eduard Bracharz GmbH

CJCE, 04-03-1999, aff. C-87/97, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola c/ Käserei Champignon Hofmeister GmbH & Co. KG et Eduard Bracharz GmbH

A1758AWZ

Référence

CJCE, 04-03-1999, aff. C-87/97, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola c/ Käserei Champignon Hofmeister GmbH & Co. KG et Eduard Bracharz GmbH. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008116-cjce-04031999-aff-c8797-consorzio-per-la-tutela-del-formaggio-gorgonzola-c-kaserei-champignon-hofmei
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Cour de justice des Communautés européennes

4 mars 1999

Affaire n°C-87/97

Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola
c/
Käserei Champignon Hofmeister GmbH & Co. KG et Eduard Bracharz GmbH



61997J0087

Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 4 mars 1999.

Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola contre Käserei Champignon Hofmeister GmbH & Co. KG et Eduard Bracharz GmbH.

Demande de décision préjudicielle: Handelsgericht Wien - Autriche.

Articles 30 et 36 du traité CE - Règlement (CEE) nº 2081/92 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires.

Affaire C-87/97.

Recueil de Jurisprudence 1999 page I-1301

1 Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives - Mesures d'effet équivalent - Mesures nationales pour la protection des appellations d'origine enregistrées en vertu du règlement n° 2081/92 - Justification

(Traité CE, art. 30 et 36; règlement du Conseil n° 2081/92)

2 Agriculture - Législations uniformes - Protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires - Règlement n° 2081/92 - Protection des dénominations enregistrées - Évocation d'une dénomination enregistrée - Notion - Évocation de l'appellation d'origine protégée "Gorgonzola" par la dénomination "Cambozola"

(Règlement du Conseil n° 2081/92, art. 13, § 1, b))

3 Agriculture - Législations uniformes - Protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires - Règlement n° 2081/92 - Marque enregistrée préalablement à l'enregistrement d'une appellation d'origine - Poursuite de l'usage de la marque par son titulaire - Conditions - Marque "Cambozola" enregistrée préalablement à l'appellation d'origine "Gorgonzola" - Appréciation par le juge national - Critères

(Traité CE, art. 30 et 36; règlement du Conseil n° 2081/92, art. 14, § 2; directive du Conseil 89/104)

1 En l'état actuel du droit communautaire, le principe de la libre circulation des marchandises ne fait pas obstacle à ce qu'un État membre prenne les mesures qui lui incombent afin d'assurer la protection des appellations d'origine enregistrées en vertu du règlement n° 2081/92 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires.

En effet, si, comme la Cour l'a déjà jugé, les articles 30 et 36 du traité ne s'opposent pas à l'application des règles édictées par une convention bilatérale entre États membres relative à la protection des indications de provenance et des appellations d'origine, pourvu que les dénominations protégées n'aient pas acquis un caractère générique dans l'État d'origine, ils ne sauraient s'opposer, a fortiori, à ce que les États membres prennent les mesures nécessaires en application du règlement n° 2081/92.

2 L'article 13, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2081/92 relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires prévoit que les dénominations enregistrées sont protégées contre toute évocation, même si l'origine véritable du produit est indiquée.

A cet égard, la notion d'évocation recouvre une hypothèse dans laquelle le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d'une dénomination protégée, en sorte que le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l'esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l'appellation. Il peut y avoir évocation d'une appellation protégée en l'absence de tout risque de confusion entre les produits concernés, et alors même qu'aucune protection communautaire ne s'appliquerait aux éléments de la dénomination de référence reprise par le terme utilisé.

S'agissant d'un fromage à pâte molle et à moisissures bleues, dont l'apparence extérieure n'est pas sans analogie avec celle du fromage "Gorgonzola", il semble légitime de considérer qu'il y a évocation d'une dénomination protégée lorsque le terme utilisé pour le désigner se termine par les deux mêmes syllabes que cette dénomination et comporte le même nombre de syllabes que celle-ci, d'où il résulte une parenté phonétique et optique manifeste entre les deux termes. L'usage d'une dénomination telle que "Cambozola" peut, dès lors, être qualifié, au sens de la disposition précitée, d'évocation de l'appellation d'origine protégée "Gorgonzola", sans que la mention sur l'emballage de l'origine véritable du produit soit de nature à modifier cette qualification.

3 Pour permettre le maintien de l'utilisation d'une marque enregistrée antérieurement à l'enregistrement d'une appellation d'origine conformément au règlement n° 2081/92 et comportant l'évocation de celle-ci, l'article 14, paragraphe 2, dudit règlement pose comme conditions que la marque doit avoir été enregistrée de bonne foi et qu'elle ne doit pas encourir les motifs de nullité ou de déchéance prévus par les dispositions pertinentes de la première directive 89/104 sur les marques.

S'agissant de la marque "Cambozola" enregistrée préalablement à l'enregistrement de l'appellation d'origine protégée "Gorgonzola", il appartient à la juridiction nationale de déterminer si les conditions précitées sont remplies, en se fondant notamment sur l'état du droit en vigueur au moment de l'enregistrement de la marque pour apprécier si celui-ci a pu avoir lieu de bonne foi, notion devant être envisagée en tenant compte de l'ensemble de la législation, nationale et internationale, applicable au moment où la demande d'enregistrement de la marque a été déposée, et en ne caractérisant pas une dénomination telle que "Cambozola" comme constitutive par elle-même d'une tromperie du consommateur.

Dans l'affaire C-87/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Handelsgericht Wien (Autriche) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola

Käserei Champignon Hofmeister GmbH & Co. KG,

Eduard Bracharz GmbH,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 30 et 36 du traité CE,

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. J.-P. Puissochet (rapporteur), président de chambre, P. Jann, C. Gulmann, D. A. O. Edward et L. Sevón, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola, par Mes Günther Frosch et Peter Klein, avocats à Vienne,

- pour Käserei Champignon Hofmeister GmbH & Co. KG et Eduard Bracharz GmbH, par Me Christian Hauer, avocat à Vienne,

- pour le gouvernement autrichien, par Mme Christine Stix-Hackl, Gesandte au ministère fédéral des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement hellénique, par M. Ioannis-Konstantinos Chalkias, conseiller juridique adjoint auprès du Conseil juridique de l'État, et Mme Ioanna Galani-Maragkoudaki, conseiller juridique spécial adjoint au service spécial du contentieux communautaire du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement français, par Mme Kareen Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Frédéric Pascal, attaché d'administration centrale à la même direction, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement italien, par M. le professeur Umberto Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de M. Ivo M. Braguglia, avvocato dello Stato,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. José Luis Iglesias Buhigues, conseiller juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Bertrand Wägenbaur, avocat à Hambourg,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola, représenté par Mes Günther Frosch et Peter Klein, de Käserei Champignon Hofmeister GmbH & Co. KG et Eduard Bracharz GmbH, représentées par Me Christian Hauer, du gouvernement hellénique, représenté par M. Ioannis-Konstantinos Chalkias et Mme Ioanna Galani-Maragkoudaki, du gouvernement français, représenté par Mme Christina Vasak, secrétaire adjoint des affaires étrangères à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement italien, représenté par M. Ivo M. Braguglia, et de la Commission, représentée par M. José Luis Iglesias Buhigues, assisté de Me Bertrand Wägenbaur, à l'audience du 24 septembre 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 17 décembre 1998,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 18 juillet 1996, parvenue à la Cour le 27 février 1997, le Handelsgericht Wien a posé à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 30 et 36 du même traité.

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant le Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola à Käserei Champignon Hofmeister GmbH & Co. KG (ci-après "Käserei Champignon") et à Eduard Bracharz GmbH (ci-après "Eduard Bracharz") au sujet d'une demande tendant à ce que la commercialisation d'un fromage à moisissures sous la dénomination "Cambozola" soit interdite en Autriche et à ce que la marque déposée correspondante fasse l'objet d'une radiation.

3 Le Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola a initialement fondé sa demande sur des dispositions du droit international ainsi que sur la législation autrichienne.

Le droit international et la législation nationale

4 L'article 3 de la convention internationale sur l'emploi des appellations d'origine et dénominations de fromages, signée à Stresa le 1er juin 1951 (ci-après la "convention de Stresa"), réserve à titre exclusif les appellations d'origine qui font l'objet d'une réglementation nationale "aux fromages fabriqués ou affinés dans les régions traditionnelles, en vertu d'usages locaux, loyaux et constants". L'article 1er de cette même convention prohibe l'emploi de désignations de fromages contraires à ce principe. Telle que complétée par le protocole qui lui est joint, elle désigne l'appellation "Gorgonzola (Italie)" comme appellation d'origine.

5 La convention de Stresa a été applicable sur le territoire autrichien à partir du 11 juillet 1955 et a cessé d'y produire ses effets à compter du 9 février 1996, à la suite de sa dénonciation par note du gouvernement autrichien du 30 novembre 1994.

6 L'article 2 de l'accord entre le gouvernement autrichien et le gouvernement italien relatif aux appellations géographiques d'origine et aux dénominations de certains produits, signé à Rome le 1er février 1952, prohibe l'importation et la vente de tous produits portant sur eux-mêmes ou sur leur conditionnement immédiat, ou dans les marques, les appellations et les dénominations contenues dans l'annexe qui seraient de nature à tromper le public sur l'origine, l'espèce, le caractère ou les qualités spéciales de ces produits ou marchandises. Le protocole additionnel audit accord, signé à Vienne le 17 décembre 1969, a étendu la protection prévue par l'accord à l'appellation "Gorgonzola", mais seulement pour le cas où la convention de Stresa serait abrogée ou modifiée.

7 L'article 2 du Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb (loi autrichienne contre la concurrence déloyale) proscrit la tromperie, en particulier sur les qualités, l'origine et le mode de production de marchandises et l'article 9 de cette loi prohibe l'utilisation abusive de dénominations d'entreprise.

Le droit communautaire

8 En vertu de l'article 2 et du titre A de l'annexe du règlement (CE) n° 1107/96 de la Commission, du 12 juin 1996, relatif à l'enregistrement des indications géographiques et des appellations d'origine au titre de la procédure prévue à l'article 17 du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil (JO L 148, p. 1), l'appellation "Gorgonzola" constitue une appellation d'origine protégée au niveau communautaire à compter du 21 juin 1996. Les articles 13 et 14 du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 208, p. 1), fixent les conditions auxquelles est soumise la poursuite de l'usage d'une marque éventuellement incompatible avec une appellation d'origine qui a fait l'objet d'une demande d'enregistrement postérieure à l'enregistrement de la marque.

9 Aux termes de l'article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2081/92:

"1. Les dénominations enregistrées sont protégées contre toute:

a) utilisation commerciale directe ou indirecte d'une dénomination enregistrée pour des produits non couverts par l'enregistrement, dans la mesure où ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou dans la mesure où cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée;

b) usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d'une expression telle que 'genre', 'type', 'méthode', 'façon', 'imitation' ou d'une expression similaire;

c) autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l'origine, la nature ou les qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l'emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que l'utilisation pour le conditionnement d'un récipient de nature à créer une impression erronée sur l'origine;

d) autre pratique susceptible d'induire le public en erreur quant à la véritable origine du produit.

...

2. Toutefois, les États membres peuvent maintenir les mesures nationales autorisant l'utilisation des expressions visées au paragraphe 1 point b) pendant une période limitée à cinq ans au maximum après la date de publication du présent règlement, à condition que:

- les produits aient été commercialisés légalement sous cette expression durant au moins cinq ans avant la date de publication du présent règlement,

- l'étiquetage fasse clairement apparaître l'origine véritable du produit.

Cependant, cette exception ne peut conduire à commercialiser librement les produits sur le territoire d'un État membre pour lequel ces expressions étaient interdites."

10 Aux termes de l'article 14, paragraphe 2, du même règlement:

"Dans le respect du droit communautaire, l'usage d'une marque correspondant à l'une des situations visées à l'article 13, enregistrée de bonne foi avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement de l'appellation d'origine ou de l'indication géographique, peut se poursuivre nonobstant l'enregistrement d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique, lorsque la marque n'encourt pas les motifs de nullité ou de déchéance prévus respectivement par la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 septembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, à son article 3, paragraphe 1 points c) et g) et à son article 12 paragraphe 2 point b)."

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