Jurisprudence : CJCE, 05-10-2000, aff. C-337/98, Commission des Communautés européennes c/ République française

CJCE, 05-10-2000, aff. C-337/98, Commission des Communautés européennes c/ République française

A1751AWR

Référence

CJCE, 05-10-2000, aff. C-337/98, Commission des Communautés européennes c/ République française. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008109-cjce-05102000-aff-c33798-commission-des-communautes-europeennes-c-republique-francaise
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Cour de justice des Communautés européennes

5 octobre 2000

Affaire n°C-337/98

Commission des Communautés européennes
c/
République française



61998J0337

Arrêt de la Cour
du 5 octobre 2000.

Commission des Communautés européennes contre République française.

Manquement - Marchés publics dans le secteur des transports - Directive 93/38/CEE - Application dans le temps - Projet de métro léger du district urbain de l'agglomération rennaise - Marché attribué par procédure négociée sans mise en concurrence préalable.

Affaire C-337/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-8377

1 Rapprochement des législations - Procédures de passation des marchés publics dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications - Directive 93/38 - Effets de la directive sur les décisions du pouvoir adjudicateur adoptées avant l'expiration du délai de transposition - Absence

(Directive du Conseil 93/38)

2 Recours en manquement - Preuve du manquement - Charge incombant à la Commission - Présentation d'éléments faisant apparaître le manquement

(Traité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE))

1 Dans le domaine des marchés publics, le droit communautaire n'impose pas à un pouvoir adjudicateur d'un État membre d'intervenir, à la demande d'un particulier, dans des rapports juridiques existants, qui ont été établis pour une durée indéterminée ou pour plusieurs années, dès lors que ces rapports ont été établis avant l'expiration du délai de transposition de la directive en cause.

Ce principe général peut s'appliquer à toutes les phases d'une procédure d'adjudication d'un marché qui ont été accomplies avant la date d'expiration du délai de transposition d'une directive mais font partie d'une procédure qui a été achevée après cette date. En conséquence, la directive 93/38, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, n'est pas applicable à une décision d'un pouvoir adjudicateur de recourir à une procédure négociée sans mise en concurrence préalable pour l'adjudication d'un marché public, adoptée avant l'expiration du délai de transposition de ladite directive et faisant partie d'une procédure d'adjudication qui ne s'est conclue qu'après l'expiration du délai de transposition. (voir points 38-39, 41-42)

2 Il incombe à la Commission, dans le cadre d'une procédure en manquement en vertu de l'article 169 du traité (devenu article 226 CE), d'établir l'existence du manquement allégué et d'apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l'existence de ce manquement. (voir point 45)

Dans l'affaire C-337/98,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. M. Nolin, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par Mmes K. Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et A. Viéville-Bréville, chargé de mission à la même direction, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, à l'occasion de la décision du 22 novembre 1996 attribuant à la société Matra-Transport le contrat d'ensemblier du projet de métro léger du district urbain de l'agglomération rennaise, la République française a méconnu les obligations découlant de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), et en particulier de ses articles 4, paragraphe 2, et 20, paragraphe 2, sous c),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida et L. Sevón, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, J.-P. Puissochet, P. Jann, H. Ragnemalm, M. Wathelet et V. Skouris (rapporteur), juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 2 février 2000, au cours de laquelle la Commission a été représentée par M. M. Nolin et la République française par M. J.-F. Dobelle, directeur adjoint à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et Mme K. Rispal-Bellanger,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 23 mars 2000,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 septembre 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, à l'occasion de la décision du 22 novembre 1996 attribuant à la société Matra-Transport (ci-après "Matra") le contrat d'ensemblier du projet de métro léger du district urbain de l'agglomération rennaise, la République française a méconnu les obligations découlant de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), et en particulier de ses articles 4, paragraphe 2, et 20, paragraphe 2, sous c).

Cadre juridique

La réglementation communautaire

La directive 93/38

2 L'article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 93/38 prévoit:

"1. Pour passer leurs marchés de fournitures, de travaux et de services ou organiser leurs concours, les entités adjudicatrices appliquent les procédures qui sont adaptées aux dispositions de la présente directive.

2. Les entités adjudicatrices veillent à ce qu'il n'y ait pas de discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services."

3 Selon l'article 20, paragraphe 2, sous c), de la directive 93/38:

"Les entités adjudicatrices peuvent recourir à une procédure sans mise en concurrence préalable dans les cas suivants:

...

c) lorsque, en raison de leur spécificité technique, artistique ou pour des raisons tenant à la protection des droits d'exclusivité, l'exécution du marché ne peut être confiée qu'à un fournisseur, un entrepreneur ou à un prestataire de services déterminé".

4 L'article 45, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/38 dispose:

"1. Les États membres adoptent les mesures nécessaires pour se conformer à la présente directive et les appliquent au plus tard le 1er juillet 1994....

2....

3. La directive 90/531/CEE ne produit plus d'effets à partir de la date de mise en application de la présente directive par les États membres et cela sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les délais visés à l'article 37 de ladite directive."

La directive 90/531/CEE

5 Hormis quelques différences rédactionnelles, les dispositions de la directive 90/531/CEE du Conseil, du 17 septembre 1990, relative aux procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (JO L 297, p. 1), concernant le principe de non-discrimination entre fournisseurs ou entrepreneurs (article 4) et les cas de recours autorisé à une procédure sans mise en concurrence préalable (article 15) avaient le même contenu que les dispositions correspondantes de la directive 93/38, reproduites aux points 2 et 3 du présent arrêt.

6 L'article 37, paragraphes 1 et 2, de la directive 90/531 prévoit:

"1. Les États membres adoptent les mesures nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 1er juillet 1992. Ils en informent immédiatement la Commission.

2. Les États membres peuvent prévoir que les mesures visées au paragraphe 1 ne s'appliquent qu'à partir du 1er janvier 1993.

..."

La réglementation nationale

7 L'article 104, II, du code des marchés publics est libellé comme suit:

"Il peut être passé des marchés négociés sans mise en concurrence préalable lorsque l'exécution ne peut être réalisée que par un entrepreneur ou un fournisseur déterminé.

Il en est ainsi dans les cas suivants:

1_ Lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation nécessitant l'emploi d'un brevet d'invention, d'une licence ou de droits exclusifs détenus par un seul entrepreneur ou un seul fournisseur;

2_ Lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation qui, à cause des nécessités techniques, d'investissements préalables importants, d'installations spéciales ou de savoir-faire, ne peut être confiée qu'à un entrepreneur ou un fournisseur déterminé;

3_ Pour les prestations mentionnées à la dernière phrase de l'article 108.

Ces marchés sont dispensés de l'avis public à la concurrence prévu à l'article 38."

Antécédents du litige

8 Par délibération n° 89-18, du 26 octobre 1989, le comité syndical du Syndicat intercommunal des transports collectifs de l'agglomération rennaise (ci-après le "Sitcar") a décidé de:

"1_ confirmer les décisions antérieures de doter l'Agglomération d'un Transport Collectif en Site Propre...

2_ retenir, pour la première ligne, les principes directeurs du tracé de l'étude 'TAU', soit:

- la desserte de Villejean d'Ouest en Est; - la traversée du centre historique du Nord au Sud;

- le passage à la gare assurant la meilleure interconnexion des trois réseaux de transport urbain, interurbain et ferroviaire;

- la desserte des quartiers Alma-Châtillon et du Blosne dans sa partie la plus importante, le Sud-Est...

3_ opter pour la technologie de métro automatique léger VAL...

4_ solliciter de l'État le concours financier le plus élevé possible...

5_ établir tous les contacts utiles avec la Région et le Département sur les bases précédemment indiquées...

6_ autoriser le Bureau à procéder aux consultations nécessaires pour un examen lors d'une prochaine séance du Comité Syndical du contrat à intervenir pour les études d'Avant-Projet...

7_ décider d'étudier au plus tôt une modification de la clé de répartition actuelle de la contribution des communes au SITCAR..."

9 Par délibération n° 90-25, du 19 juillet 1990, le comité syndical du Sitcar a décidé de:

"1_ prendre acte que les études et la réalisation de la part 'système et équipements liés au système' donneront lieu à la conclusion d'un marché d'ensemblier avec la société Matra-Transport, dès que celle-ci sera en mesure de s'engager sur un prix d'objectif garanti,

2_ approuver le principe d'un marché d'assistance et d'études d'accompagnement des études d'avant-projet sommaire de la part 'Génie Civil et équipements non liés au système' à conclure avec ladite société et autoriser Monsieur le Président du Comité à le signer."

10 Par lettre de son président-directeur général, du 9 juillet 1991, adressée au président du comité syndical du Sitcar, Matra a précisé que le prix garanti du projet de référence de mars 1991 s'élevait à 987 millions de FRF, valeur janvier 1991. Le président-directeur général de Matra a néanmoins indiqué que, à partir de ce prix, Matra avait recherché, à la demande du Sitcar, "des économies provenant à la fois d'apports complémentaires de Matra Transport et de propositions d'aménagements de programmes ne diminuant pas la qualité du service rendu". Sur cette base, le président-directeur général de Matra a proposé certaines modifications de données de programme au Sitcar et il a annoncé que, si ces données nouvelles étaient confirmées, la part "Système" du projet VAL pourrait être ramenée à un prix garanti de 953,2 millions de FRF hors taxes, valeur janvier 1991.

11 Par délibération n° 93-44, du 30 mars 1993, le conseil du district urbain de l'agglomération rennaise (ci-après le "conseil du district"), qui s'est substitué au Sitcar en 1992, a, d'une part, approuvé la prestation d'ensemblier proposée par Matra dans le cadre de la procédure négociée et, d'autre part, autorisé la société d'économie mixte des transports collectifs de l'agglomération rennaise (ci-après la "Semtcar") à signer le marché avec Matra conformément aux dispositions de la convention de mandat approuvée par le conseil du district par délibération du 15 janvier 1993.

12 Par jugement du 16 février 1994, le tribunal administratif de Rennes (France) a annulé la déclaration d'utilité publique, du 15 février 1993, relative au projet de métro léger du district urbain de l'agglomération rennaise (ci-après la "DUP"), ce qui a eu pour conséquence, notamment, que la subvention que l'État avait prévu d'allouer pour assurer le financement des travaux n'a pas pu être accordée.

13 Par délibération n° 95-233, du 22 septembre 1995, le conseil du district a décidé "le retrait de la délibération n° 93-44 en date du 30 mars 1993 approuvant le marché négocié avec Matra-Transport et autorisant sa signature par la SEMTCAR, cette délibération n'ayant pas fait l'objet du moindre début d'exécution et étant devenue sans objet". En outre, par délibération n° 95-234, du même jour, le conseil du district a décidé de "demander à la SEMTCAR de reprendre la mise au point de ce marché avec Matra-Transport dans le cadre de l'enveloppe financière prévisionnelle prévue pour l'opération et de la soumettre à nouveau au District pour approbation".

14 Enfin, par délibération n° 96-280, du 22 novembre 1996, le conseil du district a approuvé "les termes du projet de marché négocié, à conclure avec la Société Matra-Transport International relatif à la réalisation de la part Système et des équipements liés au Système", le montant total du marché étant "de 1 054 360 000 Frs H.T. exprimé en valeur novembre 1996 décomposé en une tranche ferme d'un montant de 1 050 490 000 Frs H.T. et une tranche conditionnelle d'un montant de 3 870 000 Frs H.T." Il a également autorisé "la SEMTCAR à signer le marché en application de l'article 7.4 de la convention de mandat du 23 février 1993".

Procédure précontentieuse

15 Saisie d'une plainte relative aux conditions d'attribution du projet de métro automatique léger du district urbain de l'agglomération rennaise à Matra, la Commission a, par lettre du 7 janvier 1997, demandé aux autorités françaises de lui communiquer diverses informations concernant la passation de ce marché, en leur prescrivant de justifier le recours à une procédure négociée sans mise en concurrence préalable, sur le fondement de l'article 104, II, du code des marchés publics, pour l'attribution de ce marché.

16 Les autorités françaises ont répondu à la Commission par une lettre du 17 février 1997, puis par deux notes complémentaires des 25 février et 4 mars 1997. Elles ont notamment fait valoir que le marché en cause avait été attribué par une délibération du comité syndical du Sitcar, du 26 octobre 1989, date à laquelle le pouvoir adjudicateur avait fait le choix de se doter d'un système de métro automatique de type VAL, fourni par Matra. Selon les autorités françaises, cette délibération valait adjudication du marché avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1993, de la directive 90/531 et a fortiori avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 1994, de la directive 93/38, et en particulier de ses articles 4, paragraphe 2, et 20, paragraphe 2, sous c). En outre, les autorités françaises ont indiqué, à titre subsidiaire, que Matra était la seule société capable de répondre aux besoins de la collectivité. Elles ont fait valoir, à cet égard, que cette société avait déjà réalisé des investissements préalables importants sur le site rennais et ont conclu qu'aucune règle communautaire n'avait été méconnue.

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