Jurisprudence : CJCE, 12-05-1998, aff. C-366/95, Landbrugsministeriet - EF-Direktoratet c/ Steff-Houlberg Export I/S, Nowaco A/S, Nowaco Holding A/S et SMC af 31/12-1989 A/S

CJCE, 12-05-1998, aff. C-366/95, Landbrugsministeriet - EF-Direktoratet c/ Steff-Houlberg Export I/S, Nowaco A/S, Nowaco Holding A/S et SMC af 31/12-1989 A/S

A1670AWR

Référence

CJCE, 12-05-1998, aff. C-366/95, Landbrugsministeriet - EF-Direktoratet c/ Steff-Houlberg Export I/S, Nowaco A/S, Nowaco Holding A/S et SMC af 31/12-1989 A/S. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008030-cjce-12051998-aff-c36695-landbrugsministeriet-efdirektoratet-c-steffhoulberg-export-is-nowaco-as-now
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Cour de justice des Communautés européennes

12 mai 1998

Affaire n°C-366/95

Landbrugsministeriet - EF-Direktoratet
c/
Steff-Houlberg Export I/S, Nowaco A/S, Nowaco Holding A/S et SMC af 31/12-1989 A/S



61995J0366

Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 12 mai 1998.

Landbrugsministeriet - EF-Direktoratet contre Steff-Houlberg Export I/S, Nowaco A/S, Nowaco Holding A/S et SMC af 31/12-1989 A/S.

Demande de décision préjudicielle: Højesteret - Danemark.

Aides communautaires indûment versées - Répétition - Application du droit national - Conditions et limites.

Affaire C-366/95.

Recueil de Jurisprudence 1998 page I-2661

Ressources propres des Communautés européennes - Aides communautaires indûment versées - Répétition - Application du droit national - Règle permettant la prise en compte de certains critères pour exclure la répétition - Admissibilité - Conditions

Le droit communautaire ne s'oppose pas, en principe, à ce qu'une réglementation nationale permette d'exclure la répétition d'aides communautaires indûment versées, en prenant en considération, à la condition que soit établie la bonne foi du bénéficiaire, des critères tels que le comportement négligent des autorités nationales et l'écoulement d'un laps de temps important depuis le versement des aides en cause, sous réserve toutefois que les conditions prévues soient les mêmes que pour la récupération de prestations financières purement nationales et que l'intérêt de la Communauté soit pleinement pris en considération. En revanche, la faute d'un tiers avec lequel le bénéficiaire de l'aide entretient des relations contractuelles constitue un risque commercial habituel et relève davantage de la sphère du bénéficiaire de l'aide que de celle de la Communauté.

En ce qui concerne, plus particulièrement, la condition tenant à la bonne foi du bénéficiaire de l'aide, et dans l'hypothèse où un exportateur rédige et dépose une déclaration en vue d'obtenir des restitutions à l'exportation qui s'avère inexacte, le seul fait de l'avoir établie ne saurait lui ôter la faculté d'invoquer sa bonne foi lorsque la déclaration se fonde exclusivement sur des informations fournies par un cocontractant et dont il n'a pas été en mesure de vérifier la véracité. De même, dans des circonstances où la mise en oeuvre d'un contrôle portant sur le procédé de fabrication ou les matières premières utilisées par un fournisseur tiers, afin de vérifier la qualité de la marchandise, constituerait une obligation disproportionnée par rapport au but poursuivi, le droit communautaire ne saurait soumettre la possibilité, pour l'exportateur, d'exciper de sa bonne foi, quant à la conformité de la marchandise avec la description qu'il en a faite, à l'exercice d'un tel contrôle, à moins qu'il n'y ait des raisons particulières de douter que le contenu de la déclaration corresponde à la réalité ou des circonstances particulières, telles que des prix anormalement bas ou l'importance de la marge bénéficiaire des entreprises exportatrices.

Dans l'affaire C-366/95,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Højesteret (Danemark) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Landbrugsministeriet - EF-Direktoratet

Steff-Houlberg Export I/S,

Nowaco A/S et Nowaco Holding A/S,

SMC af 31/12-1989 A/S,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de principes de droit communautaire applicables dans le cadre d'actions formées par les autorités nationales en vue de la répétition de restitutions à l'exportation indûment versées,

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, M. Wathelet, J. C. Moitinho de Almeida, P. Jann (rapporteur) et L. Sevón, juges,

avocat général: M. A. La Pergola,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le Landbrugsministeriet - EF-Direktoratet, par Mes Karsten Hagel-Sørensen et M. Gregers Larsen, avocats à Copenhague,

- pour Steff-Houlberg Export I/S, Nowaco A/S et Nowaco Holding A/S, ainsi que SMC af 31/12-1989 A/S, par Mes Martin Beck, avocat à Vejle, ainsi que Jon Stokholm et Henrik Christrup, avocats à Copenhague,

- pour le gouvernement allemand, par M. Ernst Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement français, par MM. Claude Chavance, secrétaire des affaires étrangères à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et Frédéric Pascal, chargé de mission à la même direction, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Hans Peter Hartvig, conseiller juridique, et James Macdonald Flett, membre du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du Landbrugsministeriet - EF-Direktoratet, représenté par Me Karsten Hagel-Sørensen, de Steff-Houlberg Export I/S, représentée par Me Martin Beck, de Nowaco A/S et de Nowaco Holding A/S, représentées par Me Jon Stokholm, de SMC af 31/12-1989 A/S, représentée par Mes Henrik Christrup et Lotte Kelstrup, avocat à Copenhague, du gouvernement allemand, représenté par M. Bernd Kloke, Oberregierungsrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. Hans Peter Hartvig, à l'audience du 20 mars 1997,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 29 avril 1997,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 22 novembre 1995, parvenue à la Cour le 28 novembre suivant, le Højesteret a, en application de l'article 177 du traité CE, posé trois questions préjudicielles sur l'interprétation de principes de droit communautaire applicables dans le cadre d'actions formées par les autorités nationales en vue de la répétition de restitutions à l'exportation indûment versées.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant le Landbrugsministeriet - EF-Direktoratet (ci-après le "ministère") aux sociétés danoises Steff-Houlberg Export I/S, Nowaco A/S et Nowaco Holding A/S, ainsi que SMC af 31/12-1989 A/S (ci-après les "entreprises exportatrices"), au sujet d'un acte de recouvrement de restitutions à l'exportation indûment versées.

3 Les entreprises exportatrices ont acquis, durant un certain nombre d'années et jusqu'en 1989, des quantités importantes de "ground beef" auprès de l'établissement d'abattage Slagtergården Bindslev A/S (ci-après "Slagtergården") pour les exporter vers des pays arabes.

4 En vertu de la réglementation communautaire, en particulier de l'article 18 du règlement (CEE) n° 805/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 148, p. 24), de l'article 6 du règlement (CEE) n° 885/68 du Conseil, du 28 juin 1968, établissant, dans le secteur de la viande bovine, les règles générales concernant l'octroi des restitutions à l'exportation, et les critères de fixation de leur montant (JO L 156, p. 2), ainsi que du règlement (CEE) n° 1315/84 de la Commission, du 11 mai 1984, fixant les restitutions à l'exportation dans le secteur de la viande bovine (JO L 125, p. 38), les entreprises exportatrices ont perçu une somme d'environ 100 millions de DKR. Selon la réglementation applicable, le montant des restitutions dépendait de la proportion de viande bovine entrant dans la composition du produit, à savoir, en l'occurrence, 60 %.

5 En 1989, le ministère a été informé que, selon des analyses effectuées au Moyen-Orient, des produits de viande bovine originaires du Danemark et destinés à des pays musulmans contenaient de la viande de porc. Dès lors, l'administration des douanes danoise a procédé à des vérifications sur le site de production de Slagtergården. Les enquêtes ont révélé que la composition des produits fabriqués par Slagtergården différait considérablement de celle qui avait été indiquée aux acheteurs et aux autorités. Une partie de la viande donnant droit aux restitutions avait été remplacée par d'autres ingrédients n'y donnant pas droit. Ainsi, la teneur en viande bovine du produit pour lequel les entreprises exportatrices avaient demandé et reçu les restitutions à l'exportation n'était en réalité que de 28 %, au lieu de la teneur exigée de 60 %.

6 Le ministère a, par conséquent, procédé au recouvrement des restitutions. Parallèlement, des poursuites pénales ont été engagées contre le principal administrateur de Slagtergården.

7 Les entreprises exportatrices se sont opposées au remboursement réclamé par le ministère à leur encontre en faisant valoir que le comportement répréhensible de Slagtergården ne pouvait pas leur être imputé. En tant qu'entreprises commerciales, elles n'auraient aucun contact avec la marchandise et donc aucune possibilité de contrôle sur celle-ci. Les contrôles auraient toujours été exclusivement effectués par les autorités compétentes. En l'espèce, de graves lacunes dans le système de contrôle du ministère et de l'administration des douanes auraient été observées.

8 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que les différentes autorités nationales en cause au principal, malgré la constatation de certaines irrégularités dans les pratiques de Slagtergården, n'ont pas renforcé les contrôles à l'encontre de cette dernière. La défaillance de certains contrôles de la part d'autorités étatiques, entre autres au Danemark, a d'ailleurs été mise en exergue dans le rapport spécial n° 2/90 de la Cour des comptes, du 5 avril 1990, sur la gestion et le contrôle des restitutions à l'exportation (JO C 133, p. 1), à la suite duquel les contrôles semblent avoir été renforcés.

9 Par jugement du 25 juin 1992, l'Østre Landsret, saisi en première instance, a fait droit aux conclusions des entreprises exportatrices et a donc décidé qu'elles ne pouvaient être tenues, selon les règles internes, à rembourser les montants perçus. Cette juridiction a admis que les entreprises exportatrices étaient de bonne foi, que les restitutions indues tiraient leur origine de circonstances particulières à caractère exceptionnel et que, au vu des éléments recueillis en cours d'instance quant à l'organisation du système de contrôle des autorités et à l'exécution pratique de ce contrôle, l'autorité qui versait les restitutions était la plus indiquée pour supporter les risques.

10 Le ministère a interjeté appel de cette décision devant le Højesteret. Ce dernier, eu égard aux principes retenus par la Cour dans l'arrêt du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a. (205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, ci-après l'"arrêt Deutsche Milchkontor"), a émis certains doutes quant à la portée, dans l'affaire dont il était saisi, des exigences du droit communautaire en matière de répétition d'aides communautaires indûment versées.

11 Il a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) a) Les principes de droit communautaire qui résultent de la jurisprudence de la Cour concernant la restitution d'aides indûment versées et suivant lesquels il y a lieu de tenir pleinement compte des intérêts de la Communauté s'opposent-ils à ce qu'en droit national, en tant que critères permettant d'exclure la répétition d'aides indûment versées, on prenne en considération

- la bonne foi des entreprises ayant perçu l'aide et, partant, la protection de la confiance légitime,

- la circonstance qu'il s'est écoulé de cinq à dix ans depuis le versement des montants perçus à titre d'aides, de sorte qu'un éventuel remboursement de ces montants doit être considéré comme une mesure particulièrement rigoureuse pour les destinataires de l'aide,

- le fait que le versement indu des montants octroyés à titre d'aide trouve sa cause dans des circonstances exceptionnelles en relation avec des agissements frauduleux caractérisés, à caractère délictueux, commis par un tiers,

- le fait que l'autorité de contrôle a - ce que n'ignoraient pas les entreprises exportatrices - opéré un contrôle journalier sur les lieux de production, sans découvrir la fraude et/ou intervenir pour faire cesser cette fraude,

- le fait que l'autorité prestataire était consciente, durant toute la période au cours de laquelle elle a effectué les versements, de ce que la valeur du système de contrôle dépendait de l'exactitude des informations fournies par l'entreprise précisément soumise au contrôle; qu'elle a néanmoins omis d'exiger la communication des recettes ou des pièces comptables détenues par le producteur en ce qui concerne l'achat des matières premières,

étant entendu que l'on admet par ailleurs que les mêmes critères s'appliquent en liaison avec la répétition d'aides d'origine purement nationale?

b) Cette question appelle-t-elle une réponse dans le même sens si le droit national prend également en considération l'absence, par ailleurs, de circonstances qui eussent dû amener les entreprises exportatrices à douter de ce que le produit ouvrait droit à des restitutions?

2) Les principes de droit communautaire résultant de la jurisprudence de la Cour, selon lesquels il y a lieu de pleinement tenir compte des intérêts de la Communauté, s'opposent-ils à ce qu'une entreprise exportatrice puisse être considérée comme ayant agi de bonne foi et soit, dès lors, exemptée de l'obligation de reverser une aide précédemment accordée, s'il est établi que les entreprises exportatrices ne se sont pas réservé, par voie d'accord avec le producteur, le droit d'effectuer leur propre contrôle en vue de s'assurer que les productions ont une composition conforme à la déclaration signée par l'exportateur, étant entendu

- que le producteur était agréé aux fins de l'exportation par l'administration qui fournissait la prestation,

- que les entreprises exportatrices étaient des entreprises commerciales n'ayant aucun contact avec la marchandise,

- que les entreprises exportatrices savaient que l'autorité de contrôle exerçait un contrôle journalier sur le lieu de production, et

- que le prix des produits finis de même nature et composition était uniforme chez les producteurs au Danemark et à l'étranger?

3) Un tiers (notamment celui qui perçoit l'aide) peut-il se prévaloir d'une éventuelle négligence dont aurait pu faire preuve l'autorité de contrôle, ce qui, sur la base d'une appréciation globale des faits de la cause, aurait pour effet d'exclure la répétition de restitutions déjà versées?"

12 Dans son ordonnance de renvoi, le Højesteret indique qu'il souhaite obtenir une clarification des circonstances dans lesquelles la prise en considération des intérêts de la Communauté, qui constitue l'un des éléments essentiels de l'arrêt Deutsche Milchkontor, s'oppose à ce que des règles nationales, qui prévoient, en principe, le remboursement de montants indûment perçus, permettent que soit rejetée une action en répétition de restitutions à l'exportation dans la mesure où les entreprises exportatrices ont, de bonne foi, remis des déclarations inexactes relatives à la composition du produit. En outre, la juridiction de renvoi demande si certains autres facteurs, en plus de la bonne foi des entreprises exportatrices comme condition de la confiance légitime, peuvent également être pris en considération à cet effet. Plus particulièrement, le juge national pose la question de l'incidence d'une éventuelle fraude de la part d'un tiers et de négligences dans le comportement des autorités nationales auxquelles les contrôles nécessaires incombent, ainsi que des motifs d'équité, notamment le laps de temps considérable qui s'est écoulé après le versement des restitutions en cause et l'effet de la répétition sur la situation financière du bénéficiaire de la restitution.

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