Jurisprudence : CE Contentieux,29-06-2001, n° 223663

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera publiée au Recueil LEBON

N° 223663

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

c/ M. et Mme Belmes

M. Jeanneney, Rapporteur

M. Austry, Commissaire du gouvernement

Séance du 28 mai 2001
Lecture du 29 juin 2001


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux,

(Section du contentieux, 3e et 8e sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3e sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours enregistrée le 28 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 16 mai 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 10 mars 1997 par lequel le tribunal administratif de Melun a déchargé les consorts Belmes de cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1998 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jeanneney, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Balat, avocat de M. Jean Belmes,

- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société en nom collectif de la ZAC des Berchères, dont toutes les parts sont détenues par des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés, a vendu en 1988 un terrain de 2821 m2 à la SCI "les Erables" que l'administration a estimé que le prix de vente de ce terrain avait été volontairement minoré pour dissimuler une distribution occulte, à raison de laquelle elle a imposé les époux Belmes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, pour la quote-part de leurs droits dans la SCI "les Erables" que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 mai 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a refusé d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris déchargeant les époux Belmes des suppléments d'impôt sur le revenu mis à leur charge au titre de 1988 ;

Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 109-1 du code général des impôts "sont considérés comme revenus distribués 1° tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ( ...)" qu'en vertu de l'article 110 du même code, pour l'application de ce texte, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, le cas échéant augmentés de l'écart entre le bénéfice fiscal et le bénéfice comptable avant impôt et diminués du montant de l'impôt qu'en outre, en vertu du c) l'article 111 du code général des impôts, les "rémunérations et avantages occultes" constituent de toute manière des revenus distribués, même si leur réintégration dans les résultats imposables de la société qui les a consentis ne suffit pas à rendre bénéficiaires ces résultats ;

Considérant en second lieu qu'en vertu des articles 8, 218 bis et 238 bis K du code général des impôts, les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont imposables à raison des bénéfices, déterminés selon les règles prévues pour l'impôt sur les sociétés, réalisés par les sociétés de personnes dont elles sont associées, dans la mesure des parts qu'elles détiennent ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le versement d'une rémunération ou d'un avantage occulte par une société de personnes dont des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés détiennent une part des droits sociaux correspond, dans la mesure de cette part, à une distribution de revenus imposable chez le bénéficiaire de cette rémunération dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le rehaussement correspondant des résultats de la société de personnes a ou non suffi à rendre bénéficiaires les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de ses associés que par suite la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant qu'une rémunération ou un avantage occulte versé par une société de personnes non passible de l'impôt sur les sociétés, alors même qu'elle aurait eu pour associés des sociétés passibles de cet impôt, ne peut avoir pour son bénéficiaire le caractère d'un revenu distribué que le ministre requérant est donc fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que la notification de redressement du 15 janvier 1991 énonçait avec précision les motifs pour lesquels le vérificateur estimait que la valeur vénale moyenne au m2 des terrains cédés par la société en nom collectif de la ZAC des Berchères à la SCI "les Erables" était de 420 F et non de 50 F que la réponse adressée le 5 avril 1991 aux observations des époux Belmes analysait suffisamment les motifs pour lesquels le vérificateur maintenait son redressement que le ministre est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a jugé qu'avaient été méconnues les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les époux Belmes devant le tribunal administratif de Melun ;

Sur la procédure d'imposition :

Considérant que les redressements notifiés à M. et Mme Belmes au titre des revenus de capitaux mobiliers procédaient seulement de la vérification de la comptabilité de la société en nom collectif de la ZAC des Berchères et correspondaient donc pour eux aux suites d'un contrôle sur pièces qu'elle n'avait donc pas à être précédée à leur égard d'un débat contradictoire et n'avait pas davantage à indiquer le montant des "droits, taxes et pénalités résultant des redressements" comme l'exige l'article L. 48 du livre des procédures fiscales pour les redressements procédant d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de la situation fiscale personnelle ;

Sur le bien fondé de l'impôt :

Considérant que l'administration établit par plusieurs éléments de comparaison pertinents que la valeur des terrains susmentionnés n'était pas inférieure à 420 F, même en tenant compte de leur situation particulière à proximité de l'autoroute, des conditions de leur desserte et de diverses autres servitudes et qu'en consentant un prix de 50 F, la société la ZAC des Berchères a délibérément consenti à la SCI acheteuse une libéralité, représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c que la circonstance que l'écart de prix ainsi consenti aurait pu constituer, non pas une libéralité, mais la rémunération d'une intermédiation en vue de l'obtention du contrat d'aménagement de la ZAC ne priverait pas en tout état de cause l'administration du droit de requalifier l'opération susdécrite comme dissimulant une "rémunération occulte" au sens du c) de l'article 111 précité du code général des impôts, dès lors que celle-ci n'a pas fait l'objet de la déclaration prévue à l'article 240 du code général des impôts ;

Sur les pénalités :

Considérant que pour justifier les pénalités de mauvaise foi dont les redressements ont été assortis, l'administration s'est bornée à invoquer l'ampleur de l'écart séparant le prix de cession du terrain et sa valeur vénale réelle qu'à défaut de tout élément démontrant l'implication personnelle des contribuables dans cette transaction, ceux ci sont fondés à demander la décharge de ces pénalités ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à verser aux époux Belmes la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :


Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 16 mai 2000 et le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 10 mars 1997 sont annulés.

Article 2 : Les époux Belmes sont déchargés des pénalités de mauvaise foi dont a été assorti le rehaussement de leur impôt sur le revenu au titre de l'année 1988.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande des époux Belmes devant le tribunal administratif de Melun est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et aux époux Belmes.

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