Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 29-06-2001, n° 193716

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera publiée au Recueil LEBON

N° 193716

COMMUNE DE MONS-EN-BAROEUL

M. Mahé, Rapporteur

M. Goulard, Commissaire du gouvernement

Séance du 1er juin 2001
Lecture du 29 juin 2001


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux,

(Section du contentieux, 9e et 10e sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9e sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier et 19 mai 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MONS-EN-BAROEUL, représentée par son maire en exercice dûment habilité à cet effet par une délibération du conseil municipal la COMMUNE DE MONS-EN-BAROEUL demande au Conseil d'Etat ;

1°) d'annuler l'arrêt en date du 13 novembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 16 novembre 1995 du tribunal administratif de Lille qui, sur déféré du préfet du Nord, a annulé la délibération de son conseil municipal en date du 2 décembre 1994 décidant la mise en place d'une allocation municipale d'habitation ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 72 ;

Vu le code des communes et le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion, ensemble la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi 1er décembre 1988 ;

Vu la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au du logement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mahé, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE MONS-EN-BAROEUL,

- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par délibération en date du 2 décembre 1994, le conseil municipal de Mons-en-Baroeul a décidé "d'adopter le principe de la mise en oeuvre" d'une allocation municipale d'habitation qui, selon les termes de cette délibération "prendrait la forme de secours ou de subventions individuelles, sous condition de domicile et de revenus et affectés en priorité à l'apurement des sommes dues aux divers organismes publics ou concessionnaires intervenant en matière d'habitation dans la commune" qu'afin de favoriser l'insertion sociale des bénéficiaires de l'allocation, dont le montant est fixé à 500 F par trimestre et par foyer, le conseil municipal décida de "subordonner son attribution à une participation personnelle à des activités d'intérêt général ou d'utilité publique contribution bénévole au fonctionnement d'une association d'intérêt général ... , intervention dans les travaux d'entretien des parties communes des immeubles collectifs H,L,M. ou du domaine communal ... , activités de formation ...», limitée à 15 heures par trimestre que, dans une première étape, le dispositif envisagé entendait seulement subordonner le versement de l'allocation à une simple déclaration de la part des bénéficiaires s'engageant à participer à de telles activités, mais que, dans une seconde étape, le conseil municipal prévoyait de négocier et signer avec tous les organismes et associations susceptibles d'accueillir les allocataires des conventions précisant les activités qui leur seraient proposées et les modalités de contrôle du dispositif ;

Considérant que la COMMUNE DE MONS-EN-BAROEUL se pourvoit contre l'arrêt du 13 novembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé le jugement du 16 novembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Lille a, sur le déféré du préfet du Nord, annulé sa délibération, au motif qu'aucun texte législatif ne donnait compétence aux communes pour conduire des actions d'insertion qui répondaient à un impératif d'intérêt national et ne présentaient pas le caractère d'affaires communales ;

Considérant que selon l'article L. 121-26 du code des communes en vigueur à la date de la délibération contestée et qui reprend des dispositions dont l'origine remonte à l'article 61 de la loi du 5 avril 1884 "Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune" que ce texte, qui figure présentement à l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, habilite le conseil municipal à statuer sur toutes les questions d'intérêt public communal, sous réserve qu'elles ne soient pas dévolues par la loi à l'Etat ou à d'autres personnes publiques et qu'il n'y ait pas d'empiètement sur les attributions conférées au maire ;

Considérant que la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion complétée par la loi du 29 juillet 1992 énonce dans son article 34 que le représentant de l'Etat dans le département et le président du conseil général conduisent ensemble l'action d'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires de cette prestation sociale "avec le concours des autres collectivités territoriales" que selon l'article 36 de la loi précitée, le conseil départemental d'insertion élabore et adopte le programme départemental lequel comporte le recensement des "actions d'insertion déjà prises en charge par l'Etat, les collectivités territoriales et les autres personnes morales de droit public ou privé" que l'article 42-5 de la loi prévoit que l'insertion proposée aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion peut prendre notamment la forme, d'activités d'intérêt général ainsi que d'actions permettant aux bénéficiaires de retrouver ou de développer leur autonomie sociale, moyennant un accompagnement social approprié, la participation à la vie ... sociale, notamment du quartier ou de la commune ...» ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le législateur n'a pas entendu interdire aux communes de créer, de leur propre initiative, des aides dont l'objectif est de favoriser l'insertion sociale de leurs bénéficiaires dès lors qu'elles répondent à un intérêt communal qu'ainsi, en jugeant qu'aucune disposition législative ne donnait compétence aux communes pour conduire des actions d'insertion et en concluant pour ce motif à l'illégalité de la délibération du conseil municipal de Mons-en-Baroeul, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit que, par suite, la commune requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à tort que, par son jugement du 16 novembre 1995, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du conseil municipal de Mons-en-Baroeul du 2 décembre 1994, au motif que la commune ne pouvait, en l'absence de texte législatif ou réglementaire le prévoyant, assortir le secours envisagé d'une contrepartie constituée par une participation à des activités d'intérêt général ou d'utilité publique ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le préfet du Nord devant le tribunal administratif de Lille ;

Considérant que les dispositions des articles 43-5 et 43-6 de la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion, issus de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1992, par lesquelles il est créé, en faveur des familles et des personnes éprouvant des difficultés particulières du fait d'une situation de précarité, un dispositif national d'aide et de prévention pour faire face à leurs dépenses d'électricité et de gaz, faisant l'objet d'une convention nationale entre l'Etat, Electricité de France et Gaz de France et, dans chaque département, de conventions entre les représentants de ces mêmes personnes morales et le cas échéant, des collectivités territoriales et autres organismes, ne font pas obstacle à ce qu'une commune puisse également instituer, de sa propre initiative, une aide municipale visant à réduire la charge de telles dépenses pour certains de ses administrés en difficulté ;

Considérant que la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, qui institue un plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, élaboré et mis en œuvre par l'Etat et le département en association avec les collectivités territoriales et les autres personnes morales concernées, ne réserve pas à l'Etat l'initiative des mesures permettant aux personnes éprouvant des difficultés particulières d'accéder à un logement décent ou de s'y maintenir que, par suite, le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que le conseil municipal de Mons-en-Baroeul n'était pas compétent pour créer l'allocation municipale d'habitation, en dehors du cadre créé par cette dernière loi ;

Considérant que si l'article 137 du code de la famille et de l'aide sociale permet au centre communal d'action sociale d'intervenir dans le domaine social sous forme de prestations non remboursables, cette disposition ne prive pas le conseil municipal de ses compétences en la matière ;

Considérant que si le préfet du Nord soutient que la condition de participation à des activités d'intérêt général ou d'utilité publique dans la limite de 15 heures par trimestre imposée aux bénéficiaires de l'allocation municipale d'habitation méconnaîtrait les dispositions du code du travail, un tel moyen n'est pas fondé dès lors que le montant de l'allocation ne constitue pas la contrepartie d'un travail fourni par les bénéficiaires aux organismes auprès desquels ils effectuent des activités bénévoles et répond à une finalité sociale d'insertion ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE MONS-EN-BAROEUL est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a, par son jugement du 16 novembre 1995, annulé la délibération du 2 décembre 1994 ;

Sur les conclusions de la COMMUNE DE MONS-EN-BAROEUL tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à la COMMUNE DE MONS-EN-BAROEUL la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :


Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 13 novembre 1997 et le jugement du tribunal administratif de Lille du 16 novembre 1995 sont annulés.

Article 2 : Le déféré présenté par le préfet du Nord devant le tribunal administratif de Lille est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à la COMMUNE DE MONS-EN-BAROEUL une somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MONS-EN-BAROEUL, au préfet du Nord et au ministre de l'intérieur.

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