Le Quotidien du 17 septembre 2021 : Procédure pénale

[Brèves] Lutte contre les conditions indignes de détention : modalités d’application du nouveau recours judiciaire

Réf. : Décret n° 2021-1194, du 15 septembre 2021, relatif au recours prévu à l'article 803-8 du Code de procédure pénale et visant à garantir le droit au respect de la dignité en détention (N° Lexbase : L8943L7D)

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par Adélaïde Léon

le 22 Septembre 2021

► La loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention avait créé un article 803-8 du Code de procédure pénale instituant une procédure visant à faire reconnaître et cesser l’existence de conditions indignes de détention affectant tant les détenus provisoires que les personnes condamnées. Les modalités d’application de ce nouvel article devaient être précisées par décret en Conseil d’État. C’est désormais chose faite avec le décret n° 2021-1194, du 15 septembre 2021, relatif au recours prévu à l'article 803-8 du Code de procédure pénale et visant à garantir le droit au respect de la dignité en détention.

On notera notamment les précisions suivantes :

Magistrats compétents pour connaître du recours formé sur le fondement de l’article 803-8.

  • s’agissant d’une personne placée en détention provisoire ou sous écrou extraditionnel : le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal judiciaire compétent pour connaître de la procédure concernant cette personne ou du tribunal judiciaire situé au siège de la cour d'appel compétente pour connaître de cette procédure ;
  • s’agissant d’une personne condamnée : le juge de l’application des peines (JAP) du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé l'établissement pénitentiaire où cette personne est incarcérée ou, en matière de terrorisme, du tribunal judiciaire de Paris.

Modalités de saisine.

La requête devra faire l’objet d’une déclaration par le requérant ou par son avocat. Le texte précise les mentions et signatures devant y figurer.

Selon la situation du requérant la déclaration, devra être faite :

  • s’il est placé en détention provisoire :

- auprès du greffe du juge d’instruction si une information est en cours ;

- auprès du secrétariat du procureur de la République si le tribunal correctionnel est saisi ;

- auprès du secrétariat du procureur général si la chambre des appels correctionnels ou la cour d’assises est saisie ou si un pourvoi est en cours ;

  • s’il est placé sous écrou extraditionnel : auprès du secrétariat du procureur général ;

Dans ces deux configurations, le destinataire de la requête la transmet par tout moyen, le jour même ou le premier jour ouvrable suivant, avec ses éventuelles observations portant notamment sur la recevabilité de la requête, au juge des libertés et de la détention ;

  • si le requérant est condamné : la déclaration devra être réalisée auprès du greffe du juge de l’application des peines.

La déclaration peut également être faite au moyen d’une LRAR ou auprès du chef de l’établissement pénitentiaire par le biais d’un formulaire.

Recevabilité de la requête.

Le juge devra statuer dans un délai de dix jours à compter de la réception de la requête par ordonnance motivée conformément à l’article 803-8, alinéas 2 et 3 du I du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0665L4E).

  • requête jugée irrecevable : l’ordonnance est notifiée sans délai au requérant ;
  • requête jugée recevable : l’ordonnance de recevabilité est communiquée sans délai au chef d’établissement pénitentiaire qui devra, dans un délai d’au moins trois jours ouvrables et d’au plus dix jours, transmettre au juge ses observations écrites et toute pièce permettant d’apprécier les conditions de détention du requérant. L’ordonnance et une copie de ces observations sont également adressées au requérant ou à son avocat qui est invité à produire sans délai ses éventuelles observations.

Vérifications des conditions de détention.

Pour vérifier si les conditions de détention portent ou non atteinte à la dignité du requérant, le juge peut :

  • se déplacer sur les lieux de détention ;
  • ordonner une expertise ;
  • requérir un huissier de justice de procéder à toute constatation utile, à des photographies, des prises de vue et de son au sein de l’établissement pénitentiaire ;
  • procéder à l’audition de codétenus du requérant, de personnels pénitentiaires ou du chef de l'établissement pénitentiaire ;
  • procéder à l’audition du requérant ;
  • consulter tout rapport décrivant les conditions de détention mises en cause et issu de la visite d'un organisme national ou international indépendant.

Décision sur le bien-fondé de la requête.

L’ordonnance motivée sur le bien-fondé de la requête doit être rendue dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle l’ordonnance de recevabilité de la requête a été rendue.

Le juge se prononce au vu de la requête, des observations de l’intéressé ou de son avocat, de l’administration pénitentiaire et de l’avis écrit du juge d’instruction, du procureur de la République ou du procureur général.

Si la requête est jugée fondée, le juge :

  • précise les conditions de détentions contraires à la dignité ;
  • fixe un délai compris entre dix jours et un mois pour permettre à l’administration pénitentiaire d’y mettre fin par tout moyen.

Mise en œuvre par l’administration pénitentiaire.

L’administration pénitentiaire prend toute mesure qui lui paraît appropriée pour mettre fin aux conditions de détention en cause.

Elle peut notamment proposer à l’intéresser un transfèrement dans un autre établissement pénitentiaire. Le décret apporte deux précisions importantes à cet égard :

  • lorsque la personne est incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté, le transfert proposé ne doit pas porter une atteinte excessive au droit au respect de sa vie familiale, eu égard au lieu de résidence de la famille ;
  • lorsque la personne est placée en détention provisoire, le transfèrement ne peut être décidé qu’avec l’accord du magistrat saisi du dossier de la procédure.

Issue du délai imparti à l’administration.

Avant l’expiration du délai d’un mois donné à l’administration pénitentiaire, celle-ci adresse un rapport d’information au juge sur les mesures prises ou proposées au détenu. Copie de ce rapport est adressée par tout moyen à l’avocat du requérant ou à ce dernier s’il n’est pas assisté.

À la réception du rapport, le juge peut procéder à des vérifications afin de constater qu’il a été mis fin aux conditions de détention en cause. Par ailleurs, dix jours au plus tard après l’expiration du délai imparti à l’administration pour agir, le juge, après avoir recueilli les observations et avis de l’article R. 249-25, prend l’une des décisions suivantes :

  • il n’y a plus lieu à statuer sur le fond de la requête car il a été mis fin aux conditions de détention ;
  • ordonne l’une des décisions des 1° à 3° du II de l'article 803-8 :

- 1° transfèrement ;

- 2° mise en liberté immédiate, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique ;

- 3° mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de détention à domicile sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d'une libération sous contrainte). L’article R. 249-34 définit les conditions dans lesquelles le JAP peut faire application de ce point y compris si l’octroi des mesures concernées relève normalement de la compétence du tribunal de l’application de peines.

Toutefois, le juge peut refuser de rendre l'une de ces décisions au motif que la personne s'est opposée à un transfèrement qui lui a été proposé sauf s'il s'agit d'un condamné et si ce transfèrement aurait causé, eu égard au lieu de résidence de sa famille, une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et de sa vie familiale.

S’il envisage d’ordonner le transfèrement, le juge ne peut le faire que dans l’un des établissements proposés par l’administration pénitentiaire.

Audition du requérant.

Lorsque le requérant a demandé à être entendu et que sa requête a été déclarée recevable, le juge informe l’intéressé et son avocat, par tout moyen, de la date et du lieu de l’audition. Cette audition doit intervenir avant le prononcé sur le bien-fondé ou, si la requête a été jugée fondée mais que l’administration n’a pas mis fin aux conditions en cause à l’issue du délai qui lui était imparti, avant que le juge ne prenne une des décisions du II de l’article 803-8 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0665L4E).

Voies de recours.

Le présent décret prévoit qu’il peut être fait appel des décisions précitées dans un délai de dix jours à compter de leur notification. L’appel peut être formé par le détenu, son avocat ou le procureur de la République soit par déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée soit par déclaration auprès du chef d'établissement.

  • si le juge n’a pas statué dans les délais impartis, les juridictions d’appel compétentes peuvent également être directement saisies par le détenu ou son avocat ;
  • si une personne condamnée estime que la mesure de transfert dont elle fait l’objet porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie familiale, l’intéressée peut faire un appel lequel présente un caractère suspensif.

Les décisions des juridictions d’appels devront être motivées.

Autres dispositions.

Le décret précise par ailleurs les règles applicables :

  • aux personnes faisant l’objet de plusieurs titres de détention et notamment :

- la répartition des compétences entre le JLD et le JAP dans le cas d’un individu incarcéré à la fois placé en détention provisoire et en exécution d’une peine ;

- le JLD compétent lorsque la personne placée en détention provisoire fait l’objet de plusieurs mandats de dépôt délivrés par des JLD de tribunaux judiciaires différents ;

  • aux mineurs ;
  • dans le cas de l’existence d’une procédure administrative parallèle.

Pour aller plus loin :

  • v. N. Catelan, ÉTUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, assignation à résidence et détention provisoire, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E5051Z3H) ;
  • v. A. Léon, Conditions indignes de détention : la loi du 8 avril 2021 crée un recours devant le juge judiciaire, Lexbase Pénal, avril 2021 (N° Lexbase : N7158BYR).

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