Le Quotidien du 3 juin 2021 : Procédure pénale

[Brèves] Requêtes en nullité durant l’instruction : la confrontation désormais considérée comme un interrogatoire permettant de faire courir le délai de six mois

Réf. : Cass. crim., 26 mai 2021, n° 20-86.011, F-P (N° Lexbase : A88464SG)

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par Maria Slimani, doctorante contractuelle et chargée de mission d’enseignement à la faculté de droit et science politique d’Aix-en-Provence

le 23 Juin 2021

Le délai de computation de six mois s’imposant aux mis en examen pour faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis ou notifiés avant leurs interrogatoires, court à compter de chaque interrogatoire et confrontation, à condition qu’ils aient pu en prendre connaissance antérieurement ;

La requête en nullité déposée par le mis en examen dans le délai de six mois suivant sa dernière confrontation est ainsi recevable, d’autant plus qu’il se trouvait également dans le délai de trois mois suivant la délivrance de l’avis de fin d’information (C. proc. pén., art. 175, al. 4).

Rappel des faits et de la procédure. Mis en examen et placé en détention provisoire en janvier 2014, le requérant a fait l’objet d’interrogatoires les 12 mai 2014 et 10 février 2015, ainsi que de confrontations les 12 décembre 2017 et 1er juillet 2020. Après s’être fait délivrer l’avis de fin d’information le 31 juillet 2020, le mis en examen a saisi la chambre de l’instruction le 25 septembre 2020 d’une requête en nullité fondée sur un courriel du 21 octobre 2014, lequel avait été porté à sa connaissance en 2017.  

Motifs de la chambre de l’instruction. La chambre de l’instruction a déclaré irrecevable la requête aux fins d’annulation de la procédure déposée par le mis en examen le 25 septembre 2020 car le délai de six mois, calculé à compter de la date de l’interrogatoire suivant l’acte litigieux, courait selon elle à partir de l’interrogatoire du 12 mai 2014 et non pas de la confrontation du 1er juillet 2020. Selon cette juridiction, la confrontation est insusceptible de constituer le point de départ du délai de six mois en ce que cet acte est différent de l’interrogatoire. Les juges du fond ont ainsi retenu que le délai était expiré lors du dépôt de la requête du mis en examen en septembre 2020.

Le mis en examen a formé un pourvoi en cassation.

Moyens au pourvoi. Le requérant soutenait que l’arrêt lui faisait grief en ce qu’il ne tenait pas compte du fait qu’il n’avait pu soulever la nullité de l’acte litigieux dans le délai de six mois suivant son interrogatoire du 12 mai 2014, faute d’avoir pu en prendre connaissance antérieurement.

Il faisait ensuite valoir qu’une confrontation au cours de laquelle un juge d’instruction interroge un mis en examen sur les derniers actes d’enquête portés à sa connaissance s’apparente à un interrogatoire lequel est susceptible de faire courir le délai de forclusion de six mois au sens de l’article 173-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5031K8T).

Enfin, le requérant soutenait que même si plus de six mois s’étaient écoulés depuis son dernier interrogatoire, il disposait de la faculté de déposer une requête en annulation puisqu’il se trouvait dans le délai légalement prévu à compter de l’envoi de l’avis d’information, sur le fondement des dispositions de l’alinéa 4 de l’article 175 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7482LPS).

Dès lors, le président de la chambre de l’instruction aurait excédé ses pouvoirs et méconnu les articles 173 (N° Lexbase : L7455LPS), 173-1, 175 et 593 (N° Lexbase : L3977AZC) du Code de procédure pénale ainsi que l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR).

Décision. La Chambre criminelle a prononcé l’annulation de l’ordonnance du président de la chambre de l’instruction en toutes ses dispositions, au visa de l’article 173-1 du Code de procédure pénale.

Elle précise en premier lieu que, si l’article 173-1 du Code de procédure pénale fait état d’une computation d’un délai de six mois suivant chaque interrogatoire, la ratio legis du texte permet également de prendre en compte les confrontations car elles constituent, en réalité, un interrogatoire pour la personne mise en examen.

La Haute cour a ensuite rappelé que le délai de forclusion ne courrait qu’à condition que le mis en examen ait eu connaissance des actes litigieux. Or, en l’espèce, il n’a pris connaissance du courriel qu’à l’occasion d’une procédure civile en 2017. Dès lors, le délai de six mois n’a pu courir à partir de l’interrogatoire du 12 mai 2014, d’autant plus que le courriel n’avait pas encore été rédigé à cette date. Il aurait en revanche été possible de faire courir le délai à compter de l’interrogatoire du 10 février 2015 si le mis en examen avait eu connaissance de l’acte. Or, en ayant pris connaissance du courriel en 2017, le délai de six mois ne pouvait courir qu’à compter de la confrontation du 1er juillet 2020. La nullité soulevée par le requérant n’était donc pas encore couverte par la forclusion au 25 septembre 2020.

Enfin, la Chambre criminelle a mis fin à tout débat en déclarant, qu’en tout état de cause, la requête en nullité avait été déposée dans le délai de trois mois suivant la délivrance de l’avis de fin d’information, ce qui permettait à l’intéressé d’invoquer toute cause de nullité non couverte par la forclusion.

En précisant l’application de l’article 173-1 du Code de procédure pénale, la Haute cour s’est rangée du côté de la réalité, de la pratique et du respect des droits de la défense.

Il reste intéressant de relever que si le requérant faisait valoir qu’il n’avait eu connaissance du courriel que postérieurement à l’avis de fin d’information, les faits ainsi que la décision de la Haute cour retiennent qu’il avait pris connaissance dudit courriel à l’occasion d’une procédure civile l’ayant opposé à un tiers en 2017, sans pour autant préciser ni le jour ni le mois. Seulement, la précision de cette date est primordiale dans la mesure où le mis en examen a fait l’objet d’une confrontation le 12 décembre 2017. En effet, s’il s’avère qu’il a eu connaissance du courriel avant cette confrontation, le délai de six mois aurait dû courir à compter du 12 décembre 2017, et non du 1er juillet 2020. Au vu de la décision de la Haute cour, le mis en examen aurait vraisemblablement eu connaissance de ce courriel postérieurement au 12 décembre 2017.

En outre, il est plausible d’envisager que la Haute cour a profité de cette décision pour étendre l’application de l’article 173-1 du Code de procédure pénale. En effet, la situation ne commandait pas un tel débat car « en tout état de cause », le requérant se trouvait dans le délai de trois mois suivant la délivrance de l’avis de fin d’information (C. proc. pén., art. 175, al. 4). Il était donc encadré par un double délai, puisque la particularité de l’espèce réside dans le fait que l’avis de fin d’information était intervenu dans le délai de six mois à compter de la dernière confrontation. Ainsi, les délais de l’article 173-1 et 175 du Code de procédure pénale se chevauchaient.

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