La lettre juridique n°479 du 29 mars 2012 : Procédure civile

[Questions à...] Consécration du RPVA et généralisation de la communication électronique en première instance - Questions à Maître Philippe Duprat, ancien Bâtonnier du barreau de Bordeaux

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[Questions à...] Consécration du RPVA et généralisation de la communication électronique en première instance - Questions à Maître Philippe Duprat, ancien Bâtonnier du barreau de Bordeaux. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/6099008-questions-a-consecration-du-rpva-et-generalisation-de-la-communication-electronique-en-premiere-ins
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 31 Mars 2012

Aux termes d'un arrêt rendu le 5 mars 2012, la cour d'appel de Bordeaux énonce, pour la première fois, que, en adhérant au Réseau privé virtuel avocats (RPVA) et en devenant attributaire d'une adresse personnelle dont le caractère spécifique résulte de l'identification par son nom et son prénom précédé d'un radical unique constitué par son numéro d'affiliation à la Caisse nationale du barreau français, un avocat doit être présumé avoir accepté de consentir à l'utilisation de la voie électronique pour la signification des jugements à son égard (CA Bordeaux, 5 mars 2012, n° 11/4968 N° Lexbase : A9217IDQ). La décision bordelaise a été saluée par toute la profession d'avocat et permet d'écarter les incertitudes qu'une ordonnance du 23 novembre 2011 d'un juge de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux avait pu faire naître. Lexbase Hebdo - édition professions a rencontré Maître Philippe Duprat, ancien Bâtonnier du barreau de Bordeaux, mandaté par l'Ordre pour intervenir volontairement à l'instance et défendre la généralisation du recours à la communication électronique dans le cadre des procédures civiles.
Lexbase : Dans quelles circonstances, l'Ordre des avocats au barreau de Bordeaux est-il intervenu à la procédure, l'affaire en cause opposant un assureur à une société civile immobilière (SCI) ?

Maître Philippe Duprat : Par déclaration en date du 26 juillet 2011, une SCI avait relevé appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 1er juin 2011, qui l'avait déboutée de ses demandes d'indemnisation de désordres survenus dans l'immeuble lui appartenant présentées à l'encontre d'une société d'assurances. Le 19 septembre 2011, la société d'assurances avait fait signifier des conclusions d'incident devant le conseiller de la mise en état, afin de voir déclarer l'appel irrecevable en raison du caractère tardif de la signification du jugement à partie, pour avoir été réalisée par acte d'huissier le 17 juin 2011 après avoir été précédée d'une signification entre avocats par voie électronique, le délai d'appel d'une durée d'un mois ayant expiré le 18 juillet 2011. Par ordonnance en date du 23 novembre 2011, le conseiller de la mise en état avait dit nulle la signification du jugement du 1er juin 2011 à l'avocat de la SCI et déclaré recevable l'appel de la SCI pour condamner la société d'assurance à payer à la SCI une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6906H7W).

Dès lors, la signification entre avocats d'une décision de première instance par voie électronique n'était pas valable, lorsqu'il n'était pas démontré que le contradicteur avait "expressément consenti à l'utilisation de la voie électronique pour la signification des jugements à avocats".

Appel ayant été interjeté par la société d'assurances, l'Ordre des avocats au barreau de Bordeaux justifiant d'un intérêt à agir, au sens de l'article 544 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6695H74), était autorisé à défendre les intérêts collectifs de la profession et à intervenir volontairement au soutien des prétentions de la société appelante. L'ordonnance du conseiller de la mise en état déférée à la cour traitant des principes de l'application des modalités de la communication électronique en matière de signification de jugements entre avocats, constituait un enjeu susceptible d'interférer non seulement sur la mise en oeuvre de la convention locale signée entre le barreau et le tribunal de grande instance de Bordeaux, mais également sur la convention nationale signée le 16 juin 2010 entre le Conseil national des barreaux et le ministère de la Justice.

Lexbase : Quels étaient les enjeux et les arguments développés par l'Ordre pour obtenir la validation de la signification ?

Maître Philippe Duprat : D'abord, la convention signée entre l'Ordre des avocats de Bordeaux et le tribunal de grande instance de Bordeaux s'inscrit dans le prolongement de la convention nationale conclue le 28 septembre 2007 entre le ministère de la Justice et le Conseil national des barreaux et elle s'y réfère expressément. Or, la convention nationale précise, en son article IV, les modalités fonctionnelles et techniques de la transmission par voie électronique : et ces modalités dépassent largement la simple gestion de la mise en état d'un dossier puisqu'elle indique que "le périmètre pris en considération pour la mise en oeuvre de la communication électronique concerne toutes les procédures civiles devant l'une des juridictions ordinaires du premier ou second degré telles que définies dans le préambule ou tout juge de ces juridictions", ainsi que "dans le respect des dispositions du Code de procédure civile toutes les étapes ou maillons de procédure pourront selon l'avancement des développements informatiques de part et d'autre faire l'objet de transmissions de données informatiques au moyen de fichiers structurés ou non, de message et de pièces jointes selon les cas".

Ensuite, l'article 748-3 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5854ICS) précise que les envois, remises et notifications mentionnés à l'article 748-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0378IG4) font l'objet d'un avis électronique de réception adressé par le destinataire qui indique la date et le cas échéant l'heure de celle-ci. Or, l'avis de réception transmis par le RPVA au conseil de la société d'assurances confirmait que l'acte de signification du jugement à avocat mentionné en pièce jointe avait bien été délivré au conseil de la SCI, le 16 juin 2011 à 9h53. A noter que la convention passée entre le barreau et le tribunal de grande instance dispose, également, que le courrier électronique est considéré comme reçu lorsque la partie à laquelle il est adressé peut y avoir accès et le récupérer.

Enfin, l'acte de signification du jugement régularisé par le conseil de la société d'assurances le 16 juin 2011 est parfaitement régulier, dès lors qu'il émane bien de ce conseil et a été transmis au tribunal de grande instance et au conseil de la SCI et que de surcroît il y figure en pièces jointes.

Lexbase : Quelle est la portée exacte de l'arrêt du 5 mars 2012 sur la pratique professionnelle des avocats ?

Maître Philippe Duprat : L'arrêt du 5 mars 2012 présente une double portée.

D'abord, il consacre la généralisation du recours à la communication électronique à tous les actes de la procédure. C'est l'entièreté du périmètre de l'article 748-1 du Code de procédure civile qui est, ici, couvert par la communication électronique.

Ensuite, il n'est pas nécessaire de recueillir l'accord exprès du destinataire des envois, remises et notifications, l'article 748-2 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0375IGY) n'ayant pas, ici, vocation à s'appliquer entre avocats postulants adhérents au RPVA. L'adhésion au système de communication électronique vaut consentement, le recours au système vaut signature ; et les conventions locale et nationale valent pour tous les actes de procédure civile en première instance, et pas uniquement pour la déclaration d'appel ou la constitution d'intimé.

Enfin, les juges d'appel relèvent que les accusés réception électroniques produits sont conformes aux dispositions de l'article 748-6 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8588IAC) qui prévoient que le procédé technique utilisé doit garantir notamment la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et celle de la réception par le destinataire.

La décision des juges bordelais a, ainsi, validé et sécurisé le système de transmission des actes par voie électronique, tel que prévu par les conventions locale et nationale. Si tel n'avait été le cas, un consentement exprès aurait été requis pour chaque acte de la procédure. Et, c'est l'architecture du système complet de la communication électronique entre avocats et tribunaux qui aurait été mise à mal.

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