Le Quotidien du 16 septembre 2020 : Contrats et obligations

[Brèves] Requalification en clause pénale d’une clause définissant les conséquences d’une résiliation anticipée du contrat et qualifiée par les parties de clause de dédit

Réf. : CA Paris, 3 juillet 2020, n° 18/03877 (N° Lexbase : A49573QN)

Lecture: 6 min

N4438BYZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Requalification en clause pénale d’une clause définissant les conséquences d’une résiliation anticipée du contrat et qualifiée par les parties de clause de dédit. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/60231064-breves-requalification-en-clause-penale-d-une-clause-definissant-les-consequences-d-une-resiliation
Copier

par Manon Rouanne

le 09 Septembre 2020

► Dans un contrat de location financière, la clause qualifiée par les parties de clause de dédit et prévoyant, en cas de résiliation anticipée du contrat, le paiement, par le locataire, d’une part, d’une indemnité dont le montant est égal à la somme des loyers non échus qui auraient été dus si le contrat avait été exécuté jusqu’à son terme et, d’autre part, d’une pénalité égale à 10 % de cette indemnité, doit revêtir la qualification de clause pénale soumise au pouvoir modérateur du juge.

Faits. En l’espèce, deux sociétés ont conclu un contrat de location financière ayant pour objet la fourniture, par l’une d’elles, d’un copieur moyennant le paiement, par l’autre, d’un loyer trimestriel pendant vingt et un trimestres. Au sein de ce contrat, ont été insérées, par les parties, d'une part, une clause résolutoire offrant au bailleur le droit de résilier le contrat en cas d’inexécution, par son cocontractant, de ses obligations contractuelles après mise en demeure restée sans effet et, d'autre part, une clause qualifiée par les parties de clause de dédit et mettant à la charge du client, en cas de résiliation anticipée du contrat, le paiement d’une indemnité égale à la somme des loyers non échus qui auraient été dus si le contrat avant été exécuté jusqu’à son terme ; indemnité à laquelle s’ajoute une pénalité correspondant à 10 % de cette indemnité de rupture. La société cliente n’ayant pas honoré le paiement de plusieurs loyers échus, la société bailleresse a, après mise en demeure restée sans effet de régulariser la situation sous peine de mise en jeu de la clause résolutoire, assigné son cocontractant devant le tribunal de commerce.

Les premiers juges ont, après avoir prononcé la résiliation du contrat, condamné le locataire à payer le montant des loyers échus impayés et ordonné la restitution du matériel loué, requalifié la clause de dédit en clause pénale et, tout en ne remet pas en cause sa mise en œuvre, en ont, néanmoins, diminué le montant jugé manifestement excessif et rejeté le paiement de la pénalité supplémentaire de 10 % jugée également excessive.

Contestant la position adoptée par le tribunal, la société locataire a interjeté appel de ce jugement soutenant qu’elle était bien fondée à résilier le contrat aux torts de son cocontractant et à refuser de payer les loyers échus du fait du manquement de celui-ci à ses obligations contractuelles résultant de problèmes techniques apparus lors de l’utilisation du matériel et de la livraison d’un matériel non adapté à ses besoins constitutif d’un manquement à son obligation d’information et de conseil. Aussi, la société appelante s’est opposée au paiement de l’indemnité mise à sa charge par le jeu de la clause de dédit.

Alors que la question de la qualification juridique que doit revêtir une clause offrant au débiteur la faculté de résilier le contrat de manière anticipée moyennant, en contrepartie, une indemnité d’un montant égal à la somme qui aurait été due si le contrat avait été exécuté jusqu’à son terme, fait l’objet d’un contentieux important et est source de divergences jurisprudentielles (sur la qualification de clause de dédit, v. CA Douai, 11 juin 2020, n° 19/04807 N° Lexbase : A59283NU ; Cass. civ. 1, 6 mars 2001, n° 98-20.431 N° Lexbase : A4543ARP ; sur la qualification de cette clause de clause pénale, v. Cass. com., 25 septembre 2019, n° 18-14.427, F-D N° Lexbase : A0406ZQ4 ; sur ce sujet, v. G. Maire, Clause de résiliation anticipée et indemnité de rupture, Lexbase, Droit privé, juillet 2020, n° 832 N° Lexbase : N4107BYR), les juges du fond ont eu, dans cet arrêt, la tâche de qualifier la nature d’une clause qui, sans préciser la cause de la résiliation anticipée du contrat ni la partie qui doit en être à l’initiative, met à la charge du débiteur, dans cette hypothèse, l’obligation de payer une indemnité égale à la somme des loyers à échoir qui auraient été dus si le contrat n’avait pas été résilié avant son terme.

Décision. Après avoir confirmé la résiliation du contrat aux torts du locataire, faute pour ce dernier d’avoir apporté la preuve de l’inexécution, par le bailleur financier, de ses obligations contractuelles, et, dès lors, condamné l’appelant au paiement des loyers échus impayés et à la restitution du matériel loué, la cour d’appel a également requalifié la clause en cause en clause pénale. En effet, dans la mesure où le contrat a été résilié par le bailleur du fait de l’inexécution, par le locataire, de ses obligations contractuelles, l’obligation de payer l’indemnité prévue par la clause litigieuse mise à la charge de ce dernier apparaît comme étant une sanction forfaitaire en cas d’inexécution d’une obligation, de sorte que la clause doit revêtir la qualification de clause pénale. Aussi, les juges du fond, tout en jugeant que le paiement de l’indemnité supplémentaire de 10 % doit être écarté car étant manifestement excessif, décident, en revanche, que l’indemnité de résiliation anticipée n’est pas, en l’occurrence, excessive eu égard au montant des loyers de la location financière calculé en fonction du capital investi pour payer le prix du matériel loué, de son amortissement sur la durée totale de la location, des intérêts du capital investi durant la même durée et de la marge commerciale de l'opérateur financier.

Toutefois, dans la mesure où la clause ne précise pas qu’elle ne peut jouer que lorsque la résiliation du contrat est exercée par le créancier contre son débiteur défaillant (sur la clause conditionnant le paiement, par le débiteur, de l’indemnité de rupture anticipée du contrat à l’hypothèse de la résiliation du contrat par le créancier du fait de la défaillance de son cocontractant dans l’exécution de ses obligations contractuelles, v. CA Toulouse, 24 juin 2020, n° 18/00822 N° Lexbase : A44483PG), la solution adoptée par la cour d’appel aurait, peut-être, été différente si le débiteur avait été à l’origine de la résiliation ; l’indemnité, aurait pu, alors, apparaître comme étant la contrepartie d’un droit.

 

 

 

 

 

newsid:474438

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.