Le Quotidien du 30 juin 2020 : Procédure pénale

[Brèves] Constitution de partie civile aux fins d’obtenir réparation du préjudice : le mandataire ad hoc de sociétés placées en liquidation judiciaire n’est pas compétent

Réf. : Cass. crim., 24 juin 2020, n° 18-85.540, FS-P+B+I (N° Lexbase : A21113PU)

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[Brèves] Constitution de partie civile aux fins d’obtenir réparation du préjudice : le mandataire ad hoc de sociétés placées en liquidation judiciaire n’est pas compétent. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/58807484-cite-dans-la-rubrique-bprocedure-penale-b-titre-nbsp-iconstitution-de-partie-civile-aux-fins-drobten
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par Adélaïde Léon

le 16 Juillet 2020

► Seul le liquidateur judiciaire dispose de la faculté d’exercer l’action civile afin d’assurer la défense des intérêts patrimoniaux du débiteur placé en liquidation judiciaire ;

La constitution de partie civile du mandataire ad hoc aux fins d’obtenir réparation du dommage subi par le débiteur doit donc être déclarée irrecevable ;

Pour valablement motiver un jugement prononçant une peine d’amende la cour d’appel doit préciser les ressources et charges du prévenu sur lesquelles elle se fonde.

Résumé des faits. Une enquête préliminaire puis une information judiciaire ont été ouvertes concernant les activités d’un ensemble de sociétés de promotion immobilière. Dans le cadre de l’instruction, une expertise comptable a été ordonnée. Le rapport dressé au terme de cette expertise a mis en cause l’expert-comptable. Mis en examen, l’intéressé a saisi la chambre de l’instruction d’une requête tendant à obtenir l’annulation du rapport. Il a par la suite été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d’usage de faux et condamné à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d’amende. Les juges de première instance ont reçu les constitutions de partie civile notamment de sociétés civiles immobilières en liquidation judiciaire et condamné le prévenu à réparer leur préjudice.

L’intéressé, le procureur de la République et certaines parties civiles ont formé appel de cette décision.

En cause d’appel. La cour d’appel a refusé d’annuler le rapport d’expertise considérant que les circonstances n’étaient pas de nature à priver l’expert de son indépendance et son impartialité à l’égard du mis en examen dans le cadre de l’exercice de la mission d’expertise qui lui avait été confiée par le juge d’instruction. Elle a condamné l’intéressé à une peine d’emprisonnement de 18 mois intégralement assortie du sursis simple ainsi qu’au paiement d’une amende de 100 000 euros au motif que son action, répétée, avait été essentielle dans le schéma frauduleux mis en place par le gérant des sociétés contrôlées.

La cour d’appel a également refusé de faire droit aux demandes de l’intéressé tendant à voir déclarée irrecevable l’action civile des sociétés en liquidation judiciaire.

Moyens du pourvoi. L’intéressé a reproché aux juges du fond de n’avoir pas suffisamment justifié leur refus d’annuler le rapport d’expertise. Il a également fait grief à la cour d’appel de n’avoir pas motivé le choix du montant de l’amende au regard de ses ressources et ses charges contrevenant ainsi à l’article 132-20 du Code pénal (N° Lexbase : L5004K8T).

Le prévenu estime qu’en l’absence de tout jugement de clôture de liquidation judiciaire et de publication du jugement, la défense des droits propres des sociétés ne pouvait être exercée que par le liquidateur. L’action civile des sociétés représentées par leur mandataire ad hoc ne pouvait donc valablement être accueillie.

Décision. La Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le moyen concernant l’annulation du rapport d’expertise estimant que la chambre d’instruction a légalement justifié sa décision. Elle casse en revanche l’arrêt s’agissant de la motivation de la peine et des constitutions de partie civile.

Motivation de la peine au regard des ressources et charges du prévenu. La Haute juridiction casse l’arrêt d’appel au visa des articles 132-1 (N° Lexbase : L9834I3M), 132-20, alinéa 2, du Code pénal et 485 (N° Lexbase : L9916IQC), 512 (N° Lexbase : L7519LP8), 591 (N° Lexbase : L3975AZA) et 593 (N° Lexbase : L3977AZC) du Code de procédure pénale, estimant que la cour d’appel n’a pas valablement motivé le choix de la peine en ne précisant par les ressources et les charges sur lesquelles elle s’était fondée pour prononcer une peine qu’elle considérait adaptée aux capacités financières du prévenu.

Constitutions de partie civile du mandataire ad hoc. La Cour de cassation casse également l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 641-9, I du Code de commerce (N° Lexbase : L7329IZH) en ce qu’il reçoit les constitutions de partie civile du mandataire ad hoc des sociétés placées en liquidation judiciaire. Ce dernier n’était, conformément à ce texte, pas compétent pour solliciter la réparation du préjudice subi par les sociétés pour lesquelles il agissait.

La Cour de cassation précise que la suppression, par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT), de la mention figurant dans la version antérieure de l’article L. 641-9, I, du Code de commerce, selon laquelle le débiteur en liquidation judiciaire pouvait se constituer partie civile s’il limitait « son action à la poursuite de l’action publique sans solliciter de réparation civile », et le maintien du passage disposant que le débiteur peut se constituer partie civile « dans le but d’établir la culpabilité de l’auteur d’un crime » ne permettent d’interpréter que le débiteur peut désormais agir en réparation de son préjudice. Seul le liquidateur dispose de la faculté d’exercer l’action civile afin d’assurer la défense des intérêts patrimoniaux du débiteur.

Contexte. La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur la question de l’action civile du débiteur en liquidation judiciaire. Elle avait été ainsi amenée à rappeler que, ledit débiteur ne pouvant se constituer partie civile que dans le but d’établir la culpabilité de l’auteur de l’infraction dont il s’estime victime, il ne peut en revanche exercer une telle action aux fins d’obtenir la réparation de son préjudice (Cass. crim., 9 mars 2016, n° 14-86.631, FS-P+B N° Lexbase : A1670Q7Y, Cass. crim., 30 janvier 2019, n° 17-86.344, F-D N° Lexbase : A9695YUM).

La Haute juridiction vient ici préciser que le mandataire ad hoc de sociétés placées en liquidation judiciaire n’est pas non plus compétent pour exercer cette action.

Pour aller plus loin : 

Les actions en justice devant être exercées par le liquidateur, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase ([LVB=E3949EUS]).

P.-M. Le Corre, Précisions sur la constitution de partie civile d’un débiteur en liquidation judiciaire, Lexbase Affaires, n° 642 (N° Lexbase : N4037BY8).

 

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