La lettre juridique n°827 du 11 juin 2020 : Procédure pénale

[Brèves] Destinataire de la demande de mise en liberté dans le cadre de la détention provisoire : l’habit ne fait pas le moine

Réf. : Cass. crim., 4 juin 2020, n° 20-81.736, P+B+I (N° Lexbase : A81683MH)

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[Brèves] Destinataire de la demande de mise en liberté dans le cadre de la détention provisoire : l’habit ne fait pas le moine. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/58451112-breves-destinataire-de-la-demande-de-mise-en-liberte-dans-le-cadre-de-la-detention-provisoire-l-hab
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par Adélaïde Léon

le 17 Juin 2020

► Il se déduit des articles 148 (N° Lexbase : L4989K8B), 148-4 (N° Lexbase : L3515AZ9) et 148-7 (N° Lexbase : L3518AZC) du Code de procédure pénale que le délai de vingt jours prévu par l’article 148, dernier alinéa, ne peut être considéré comme ayant été dépassé lorsque c’est en raison de mentions incomplètes quant à la juridiction destinataire que la demande de mise en liberté formée et signée par la personne mise en examen a été adressée au greffier de la juridiction saisie du dossier ;

En raison de l’effet dévolutif de l’appel formé contre l’ordonnance de rejet du JLD, il revient à la chambre de l’instruction d’examiner le bien-fondé de la détention provisoire et de statuer sur la nécessité ou non du maintien de cette mesure ; cette dernière ne peut donc fonder sa décision de mise en liberté sur le constat du dépassement du délai de vingt jours, faute pour elle d’avoir été saisie, dans les formes exigées par l’article 148-7, d’une demande directe de mise en liberté (Cass. crim., 4 juin 2020, n° 20-81.736, P+B+I N° Lexbase : A81683MH).

Résumé des faits. Un homme a été mis en examen le 18 septembre 2019, notamment des chefs de transport, détention, offre ou cession, acquisition sans autorisation administrative d’une substance ou plante classée comme stupéfiant, participation à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation d’un ou plusieurs délits punis de dix ans d’emprisonnement, puis placé en détention provisoire.

Le 28 janvier 2020, une demande de mise en liberté contenant un courrier manuscrit du mis en examen a été formalisée par le greffe de l’établissement pénitentiaire. Ce courrier désignait le juge d’instruction saisi du dossier comme destinataire de la demande. Il visait spécifiquement l’article 148-4 du Code de procédure pénale, précisait que le mis en examen n’avait toujours pas été entendu par le juge et sollicitait la comparution du mis en examen devant la chambre de l’instruction.

La demande a été transmise le jour même au greffe du juge d’instruction. Le magistrat instructeur a ensuite saisi le juge des libertés et de la détention lequel a rejeté la demande de mise en liberté par ordonnance du 3 février 2020.

Le 12 février 2020, le mis en examen a formé appel de cette ordonnance. Dans un mémoire déposé devant la chambre de l’instruction son avocat a soutenu que la demande de mise en liberté avait été transmise par erreur au juge d’instruction qui n’était pas compétent pour la traiter. Par voie de conséquence la demande avait été réceptionnée tardivement au greffe de la chambre laquelle ne s’était pas prononcée dans le délai légal de vingt jours prescrit par les articles 148 et 148-4 du Code de procédure pénale.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a ordonné la mise en liberté du mis en examen et son placement sous contrôle judiciaire. Elle concluait dans un premier temps que la demande avait été transmise par erreur au magistrat instructeur saisi du dossier lorsque le mis en examen entendait saisir la chambre de l’instruction. Les actes du juge d’instruction et du JLD, lesquels n’avaient pas été régulièrement saisis, étaient donc dénués d’existence légale.

Elle affirmait par ailleurs que la chambre de l’instruction était réputée avoir été saisie le 28 janvier 2020. Faute pour cette dernière d’avoir pu se prononcer dans le délai légal de vingt jours requis par les dispositions des articles 148 et 148-4, en cas de saisine fondée sur l’article 148-4, le mis en examen devait être remis en liberté.

Le procureur général près la cour d’appel de Paris a formé un pourvoi contre la décision de la chambre de l’instruction considérant que le requérant, en adressant sa demande au magistrat instructeur, avait valablement saisi ce dernier de sa demande et que la chambre de l’instruction chargée d’examiner l’appel de l’ordonnance du JLD aurait dû se borner à statuer sur la recevabilité et le bien-fondé de ce recours.

Décision. La Cour de cassation casse l’arrêt de la chambre de l’instruction.

S’agissant de la saisine de la demande de mise en liberté, la Cour constate que celle-ci a été adressée au juge d’instruction en charge du dossier et a ainsi régulièrement saisi ce magistrat. De ce fait, la juridiction d’appel ne pouvait considérer la chambre de l’instruction saisie et fonder sa décision de mise en liberté sur le défaut de respect du délai de vingt jours imparti à cette juridiction pour se prononcer.

Premier enseignement de cette décision, la mention dans le courrier de l’article 148-4 du Code de procédure pénale relatif à la saisine directe de la chambre de l’instruction et de la demande de comparution devant cette même juridiction n’ont pas d’influence sur la régularité de la saisine du juge d’instruction. Ce n’est donc pas le texte visé ni le corps de la demande mais le magistrat rendu destinataire de la demande qui détermine le régime de la saisine.

S’agissant du caractère dévolutif de l’appel formé contre l’ordonnance de rejet rendue par le juge des libertés, lui-même régulièrement saisi par le juge d’instruction, la Cour de cassation précise que la chambre de l’instruction aurait dû se borner à examiner le bien-fondé de la détention provisoire au regard des dispositions de l’article 144 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9485IEZ). En se prononçant sur la valeur juridique des décisions du magistrat instructeur et du juge des libertés et de la détention, la chambre de l’instruction a outrepassé les limites de sa saisine.

Contexte. Dans une précédente décision, la Cour avait rendu une décision similaire s’agissant d’un formulaire de demande de mise en liberté cochant à la fois, l’adresse du juge d’instruction, dont il précisait le nom et le lieu d’exercice, et celle de la chambre de l’instruction sans autre précision de lieu. La Haute juridiction avait alors jugé que la demande portant l’indication de deux juridictions mais ne faisant figurer que l’adresse de l’une d’elles contenait des mentions ambiguës et avait été valablement adressée à la juridiction nommément visée (Cass. crim., 8 août 2018, n° 18-83.518, N° Lexbase : A9486XZD). Dans cette même affaire, la demande portait la mention « 148-4 » laquelle n’avait donc d’ores et déjà pas suffit à la Cour pour considérer que la chambre de l’instruction devait être réputée saisie.

Pour aller plus loin : N. Catelan, ETUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, assignation à résidence et détention provisoire, Les demandes de mise en liberté, in, Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E4788Z99)

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