La lettre juridique n°821 du 23 avril 2020 : Covid-19

[Textes] Le droit pénal dans la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19

Réf. : Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT)

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[Textes] Le droit pénal dans la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57658983-cite-dans-la-rubrique-bcovid-19-b-titre-nbsp-ile-droit-penal-dans-la-loi-n-2020-290-du-23-mars-2020
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par Guillaume Beaussonie, Professeur à l’Université Toulouse 1-Capitole, IEJUC (EA 1919)

le 23 Avril 2020

Mots-clés : droit pénal • état d'urgence sanitaire • outrage • rebellion • violences • délit de risque causé à autrui • amende • récidive

Résumé : la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a été publiée au Journal officiel du 24 mars 2020 et prévoit de nouvelles dispositions pénales pour sanctionner la violation des différentes interdictions et obligations édictées à l’occasion de cette loi d’urgence, qu’elles soient nouvelles ou précisées dans ce cadre.

But : la vie. « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi » est-il écrit, avant tout le reste, au seuil de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, il n’était sans doute pas inutile de le rappeler à ceux qui avaient, peu de temps avant, hiérarchisé les vies et, par là même, relativisé nombre d’entre elles. Toutefois, aujourd’hui encore plus qu’hier, nul n’ignore que la cause d’une mort n’est pas inéluctablement liée à la faute d’autres êtres humains. Le potentiel du « droit à la vie » ainsi consacré se révèle alors, la Cour européenne des droits de l’Homme entretenant néanmoins, en la matière, des exigences raisonnables. Ce qui n’empêche que, sur ce fondement, les États (se) sont assujettis à de véritables obligations positives, notamment en ce qui concerne la santé publique. Dès lors, au-delà de l’évidence de la nécessité d’un combat contre la mort que propage une épidémie, un État ne saurait s’abstenir de se doter d’outils juridiques pour favoriser la lutte. La France a donc fait le choix de créer un état d’« urgence sanitaire » par l’entremise de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Moyen : l’urgence sanitaire. L’« état d’urgence sanitaire » résonne à nos oreilles, à la fois, comme une ritournelle et comme une improvisation : à peine étions-nous remis – mais le sommes-nous vraiment ? – de la pérennisation de l’état d’urgence antiterroriste opéré par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 (N° Lexbase : L2052LHH) et ancré dans le Code de la sécurité intérieure, que sont créées, de nouveau suivant le modèle de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 (N° Lexbase : L2849KRX), mais cette fois par insertion provisoire – jusqu’au 1er avril 2021 (art. 7 de la loi du 23 mars 2020) – dans le Code de la santé publique, de nouvelles mesures exceptionnelles, au sein desquelles se trouvent les quelques dispositions de droit pénal qui vont nous intéresser. Passée l’impression de déjà vu, il appert qu’à la succession entre provisoire et définitif caractéristique de la lutte antiterroriste a été, en l’occurrence, préférée une combinaison – originale – entre les deux, les règles étant limitées dans le temps, leur support n’ayant pas, quant à lui, vocation à s’éteindre.

Problème : le droit à la sûreté. Faut-il se réjouir ou, à l’inverse, regretter cette présence du droit pénal dans un tel dispositif d’urgence ?

Précisons-le : ce droit ne se trouve pas davantage mobilisé qu’il ne l’était dans l’état d’urgence antiterroriste, en ce sens qu’il s’agit, encore et toujours, de ne l’utiliser qu’en renfort d’un ensemble essentiellement administratif. Au surplus, là encore, les mesures concernées, aussi restrictives de liberté qu’elles soient, ne peuvent toujours que « faire l’objet, devant le juge administratif, des recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du Code de justice administrative » (nouvel art. L. 3131-18).

Cependant, on s’accordera à penser que, dans ce nouveau cadre, la principale mesure est celle qui oblige les Français à rester confinés. Cet effet résulte, en réalité, de l’addition de plusieurs obligations que le Premier ministre peut, en vertu de l'article L. 3135-5 du Code de la santé publique, imposer par décret règlementaire « aux seules fins de garantir la santé publique » :

« 1° Restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret ;

2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;

3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l’article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d’être affectées ;

4° Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1er, à leur domicile ou tout autre lieu d’hébergement adapté, des personnes affectées ;

5° Ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ;

6° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ;

7° Ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens [...] ;

8° Prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits [...] ;

9° En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire ;

10° En tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l’article L. 3131-12 du présent code ».

Peuvent s’ajouter à ces obligations, le cas échéant, d’autres mesures règlementaires, générales ou individuelles, qui poursuivent les mêmes fins mais qui sont, quant à elles, prescrites par le ministre de la santé (nouvel art. L. 3131-16 N° Lexbase : L5649LW7) ou par le préfet (nouvel art. L. 3131-17).

Or, à l’instar ce qui avait logiquement été décidé pour les autres états d’urgence, le législateur a de nouveau considéré qu’il était opportun que l’irrespect de l’ensemble des obligations consacrées de la sorte constitue une infraction en vertu de l’article L. 3136-1 de ce même code. Plus exactement, il a instauré un système répressif progressif relativement original avec, en guise de paroxysme, un délit puni de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, de la peine complémentaire de travail d’intérêt général et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule.

Rappelons que la violation des mesures prises dans le cadre des autres états d’urgence est également punie de peines délictuelles, la particularité du présent dispositif résidant alors, outre dans la lourdeur des restrictions de liberté ainsi sanctionnées, l’imprécision des obligations concernées et l’existence de paliers répressifs tributaires du nombre de violations constatées – de la contravention de 4ème classe au délit susmentionné –, dans la facilité à commettre une infraction – le seul fait de se trouver en dehors de son domicile représentant, semble-t-il, un indice laissant penser que l’infraction a été commise. Le droit à la sûreté est mis à l’épreuve une fois de plus, le droit pénal flirtant encore avec les frontières de sa légitimité, ce que seul un enjeu vital est de nature à justifier.

En conséquence, nul doute que de prochains recours permettront d’apprécier la conformité de ce dispositif avec les engagements internationaux de la France ou avec le bloc de constitutionnalité (certaines questions ont déjà été posées en ce sens à des juridictions. V. par ex. TJ, Bobigny, 3 avril 2020, n° parquet 20093000007). Les circonstances « particulières » ou « exceptionnelles », néanmoins, risquent de rendre ces contrôles bien peu opératoires.

Ce qui ne signifie pas que, sur son principe, la création d’un tel système répressif était contestable. C’est, en revanche, dans les modalités adoptées qu’il y a sans aucun doute des choses à redire.

La création d’un droit pénal d’urgence sanitaire. Au départ, c’est-à-dire à compter de l’annonce faite par le président de la République le 12 mars et des premières mesures consécutivement prises dans les jours qui ont suivi, notamment par le ministre des Solidarités et de la Santé, seul le droit commun de l’article R. 610-5 du Code pénal (N° Lexbase : L0961AB9) autorisait la répression pénale de ceux qui ne les respectaient pas. La sanction n’était guère dissuasive, puisqu’elle se limitait alors à l’amende prévue pour les contraventions de la 1ère classe, c’est-à-dire 38 euros.

Le durcissement du confinement, à compter du 16 mars, provoqua l’adoption, par le Premier ministre, du décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 portant création d’une contravention réprimant la violation des mesures destinées à prévenir et limiter les conséquences des menaces sanitaires graves sur la santé de la population (N° Lexbase : L5116LWE). Comme l’avait annoncé un peu prématurément le ministre de l’Intérieur, ce texte créa une contravention de la 4ème classe en cas de violation des interdictions ou de manquement aux obligations édictées par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 (N° Lexbase : L5030LW9), ainsi qu’en cas de méconnaissance des mesures prises sur son fondement, précisant que la procédure de l’amende forfaitaire lui était applicable. Le montant de l’amende forfaitaire et celui de l’amende forfaitaire majorée s’élevaient respectivement à 135 et à 375 euros.

À ce stade, il n’était pas concevable qu’une personne récalcitrante aux mesures de confinement fasse, pour cette seule raison, l’objet d’une garde à vue et d’une comparution immédiate. Tout au plus pouvait-elle être redevable de plusieurs amendes, leur cumul étant parfaitement concevable (C. pén., art. 132-7 N° Lexbase : L2045AMP) – mais pas la récidive, qui ne concerne que les contraventions de la 5ème classe (C. pén., art. 132-11 N° Lexbase : L2087AMA). Le « problème » ne se posait pas, néanmoins, pour ceux qui commettaient, à l’encontre des autorités de contrôle, un outrage (C. pén., art. 433-5, al. 2 N° Lexbase : L1223LDN), une rébellion (C. pén., art. 433-6 N° Lexbase : L2033AMA et 433-7 N° Lexbase : L1222LDM) ou des violences, même psychologiques (C. pén., art. 222-14-3 N° Lexbase : L7208IMW), générales ou spécifiques (ex. : C. pén., art. 222-15 N° Lexbase : L8730HWA qui incrimine l’administration de substances nuisibles), ces infractions demeurant bien évidemment des délits accessibles, en tant que tels, aux procédures susmentionnées.

Au-delà, dans le contexte d’une invocation constante bien que pas toujours maîtrisée du principe de précaution, il n’était pas étonnant que certains magistrats plus soucieux d’efficacité que de rigueur chercheraient une qualification apte à sanctionner directement tous ceux qui, consciemment et volontairement, ne respecteraient pas les exigences du confinement. Aussi, sans grande imagination, mobilisèrent-ils le délit de risque causé à autrui (C. pén., art. 223-1 N° Lexbase : L3399IQX) que la jurisprudence a, en effet, déjà pu appliquer à des situations sanitaires (ex. : Cass. crim., 19 avril 2017, n° 16-80.695, F-P+B+I N° Lexbase : A9920U9B, à propos de l’exposition risquée à l’amiante des salariés d’une entreprise de construction). Toutefois, cette infraction, située à la frontière de ce qu’autorise le droit à la sûreté, puisqu’il s’agit de réprimer celui qui n’a fait que causer un risque, obéit à des conditions strictes qui ne sauraient être réunies en cas de simple violation du confinement. Non que la constitution de ce délit soit inenvisageable, par exemple en ce qui concerne une personne qui connaîtrait sa contamination et qui, malgré cela, ne respecterait pas ses obligations et entrerait en contact avec d’autres personnes. En l’absence de contamination de ces dernières, il y aurait déjà risque causé à autrui (en cas de contamination, il y aurait violences). Indépendamment de cette hypothèse, celui qui violerait de façon manifestement délibérée cette obligation particulière de sécurité sanitaire imposée par le règlement (1ère condition) n’exposerait pas inéluctablement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente (2nde condition). À la rigueur, seules certaines personnes morales qui, sauf autorisation, obligeraient leurs salariés à demeurer en contact avec trop de personnes potentiellement contaminées pourraient être légitimement condamnées à ce titre.

Ce besoin d’un délit approprié a donc poussé le Gouvernement à présenter, durant le processus ayant conduit à l’adoption de la loi du 23 mars 2020, un amendement afin que le texte, non seulement, consolide la contravention de 4ème classe préalablement créée, mais surtout, en fasse le premier palier d’un dispositif pouvant conduire à correctionnaliser l’irrespect des obligations imposées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. L’article L. 3136-1 du Code de la santé publique a finalement accueilli ce nouvel ensemble original.

Le contenu du droit pénal sanitaire. Ainsi, l’article L. 3136-1 dispose-t-il aujourd’hui, d’abord, que « le fait de ne pas respecter les mesures prescrites par l’autorité requérante prévues aux articles L. 3131-8 et L. 3131-9 est puni de six mois d’emprisonnement et de 10 000 Euros d’amende » et qu’il en va de même pour « le fait de ne pas respecter les réquisitions prévues aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 ». La nouveauté ne réside que dans que la seconde phrase, qui a pour objet d’assurer l’effectivité du pouvoir de réquisition « de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens » reconnu au Premier ministre, au ministre de la Santé et au préfet dans le cadre de l’état d’urgence. Classiquement, lorsqu’il ne s’agit que de limiter l’exercice de la propriété, fût-ce celle de la force de travail de certaines personnes, le législateur a moins de scrupules à sortir du domaine des contraventions pour sanctionner les mauvaises volontés.

Ensuite et surtout, le texte précise que « la violation des autres interdictions ou obligations édictées en application des articles L. 3131-1 (texte qui fondait déjà les prérogatives du ministre de la Santé et des préfets « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie ») et L. 3131-15 à L. 3131-17 (textes propres à l’état d’urgence sanitaire) est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe », « cette contravention [pouvant] faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale ».

Et il ajoute que « si cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe » et que si ces violations « sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général, selon les modalités prévues à l’article 131-8 du ode pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code, et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule » (le Gouvernement s’étant inspiré, pour ces peines complémentaires, de l’article L. 221-2 du Code de la route N° Lexbase : L2539LBN). En complément, le décret n° 2020-357 du 28 mars 2020 (N° Lexbase : L5914LWX) a procédé « à la forfaitisation de la contravention de la 5e classe réprimant la violation des mesures édictées en cas de menace sanitaire grave et de déclaration de l’état d’urgence sanitaire », de sorte que, en la matière, le montant de l’amende forfaitaire et celui de l’amende forfaitaire majorée s’élèvent respectivement à 200 et à 450 euros (C. proc. pén., art. R. 48-1 N° Lexbase : L7756LQC, R. 49 N° Lexbase : L5977LWB et R. 49-7 N° Lexbase : L5979LWD).

L’effet aggravant reconnu à la « réitération » – pas au sens restreint et inutile donné à cette notion par l’article 132-16-7 du Code pénal (N° Lexbase : L3755HG8) qui la réserve, au demeurant, aux crimes et aux délits – d’une contravention perturbe tant parce que, en principe, il n’a pour cause qu’une récidive au sens strict, ce qui est incompatible avec les contraventions des quatre premières classes (C. pén., art. 132-11 N° Lexbase : L2087AMA) et avec les amendes forfaitaires (C. proc. pén., art. 529 N° Lexbase : L3923IRQ), que parce qu’il oblige, en l’occurrence, à mobiliser un fichier qui n’a pas cette destination. Il s’agit effectivement d’une utilisation ad hoc du fichier ADOC (Accès au DOssier des Contraventions) qui n’a été créé que pour conserver et gérer, en temps réel, les données issues de l’utilisation des radars et des procès-verbaux électroniques en matière de violation du code de la route, et qui ne concerne que les contraventions des quatre premières classes (v. arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé N° Lexbase : O6233AX7). Pour le reste, la preuve de l’infraction devra aussi inclure celle des contraventions antérieures ou, comme le dit de façon un peu obscure le texte, celle de leurs « verbalisations » dans le délai défini. Le Code de procédure pénale ne fait qu’une référence à ce vocable – le Code de la route n’en fait guère plus ! –, qui renvoie au fait de dresser un procès-verbal, l’existence de ce document étant bien sûr, avec ou sans fichier, de nature à faciliter la démonstration de la répétition.

Par ailleurs, les délais prévus ne paraissent pas prendre en considération la possibilité de contester la contravention et le temps consécutivement nécessaire pour agir et réagir à un tel recours (C. proc. pén., art. 530 et s. N° Lexbase : L7597IMC), ce d’autant que l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5740LWI) a doublé les délais concernés pour le temps de l’état d’urgence sanitaire.

Pour être original, un tel procédé n’est pourtant pas absolument inédit, l’article L. 2242-6 du Code des transports (N° Lexbase : L2748K7W) prévoyant déjà depuis 2001, en matière de police du transport ferroviaire, qu’« est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende le fait de voyager, de manière habituelle, dans tout moyen de transport public de personnes payant sans être muni d’un titre de transport valable » (al. 1), le texte précisant à cet égard que « l’habitude est caractérisée dès lors que la personne concernée a fait l’objet, sur une période inférieure ou égale à douze mois, de plus de cinq contraventions pour avoir voyagé sans titre de transport ou munie d’un titre de transport non valable ou non complété, qui n’ont pas donné lieu à une transaction en application de l’article 529-3 du code de procédure pénale » (al. 2).

L’article L. 3136-1 du Code de la santé publique souffre néanmoins de la comparaison, le texte du Code des transports étant de toute évidence plus précis, tant dans les termes qu’il emploie, que dans l’encadrement qu’il prévoit.

Enfin, l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique dispose, in fine, que « les agents mentionnés aux articles L. 511-1, L. 521-1, L. 531-1 et L. 532-1 du code de la sécurité intérieure (agents de police municipale, gardes champêtres, agents de la ville de Paris chargés d’un service de police et agents de surveillance de Paris placés sous l’autorité du préfet de police) peuvent constater par procès-verbaux [ces contraventions] lorsqu’elles sont commises respectivement sur le territoire communal, sur le territoire pour lequel ils sont assermentés ou sur le territoire de la Ville de Paris et qu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête » et, suivant une recommandation du Conseil d’État, que « l’application de sanctions pénales ne fait pas obstacle à l’exécution d’office, par l’autorité administrative, des mesures prescrites en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 du présent code ».

Cette ultime précision semble encourager les autorités administratives compétentes à sanctionner elles-mêmes, nonobstant une éventuelle procédure pénale, l’irrespect des obligations de confinement. Le problème est que, au-delà du fondement, les textes ne prévoient aucune sanction propre à cette police administrative spéciale qui, partant, s’avère plus affirmée qu’elle n’est concrétisée.

Conclusion. Ces dispositions pénales, qui seront rendues sans objet à la fin de l’état d’urgence sanitaire et que leur fondement légal unique préserve de la plupart des difficultés qui pourraient se poser en matière d’application dans le temps, étaient nécessaires en considération de la situation. L’idée d’une application graduée de la répression paraissait tout aussi légitime. Tout au plus peut-on regretter que le travail du législateur, même réalisé dans un temps très bref, n’ait pas bénéficié davantage des expériences précédentes, ce qui aurait permis de rédiger un texte plus clair et plus précis, bref un texte conforme aux exigences qu’impose, fût-ce dans une période exceptionnelle, l’indispensable principe de légalité.

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