Le Quotidien du 31 mars 2020 : Responsabilité

[Brèves] Irresponsabilité du vendeur et de l’installateur d’un matériel de menuiserie du fait de l'inexistence d’une obligation de conseil à l’égard de l’acheteur professionnel et de l'absence de lien de causalité entre le manquement contractuel et le préjudice allégué

Réf. : Cass. com., 11 mars 2020, n° 19-11.742, F-D (N° Lexbase : A77083IC)

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[Brèves] Irresponsabilité du vendeur et de l’installateur d’un matériel de menuiserie du fait de l'inexistence d’une obligation de conseil à l’égard de l’acheteur professionnel et de l'absence de lien de causalité entre le manquement contractuel et le préjudice allégué. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57345366-breves-irresponsabilite-du-vendeur-et-de-lrinstallateur-drun-materiel-de-menuiserie-du-fait-de-l-in
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par Manon Rouanne

le 25 Mars 2020

► D’une part, ne sont pas tenus, à l’égard de l’acheteur, d’une obligation d’information et d’une obligation de conseil relatives à l'inadéquation du système électrique existant à l'alimentation du nouveau matériel acquis, le vendeur et l’installateur d’un matériel destiné à l'aspiration et au traitement des poussières et copeaux de bois, dans la mesure où, en sa qualité d’acquéreur professionnel, il disposait, au regard de son activité de menuiserie, des aptitudes requises pour se faire une idée exacte des caractéristiques techniques et des conditions d'utilisation du bien acheté ayant, ainsi les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du système d'aspiration qui lui a été livré et, partant, l'inadéquation de son installation électrique préexistante à l'installation de ce matériel, de sorte qu’il doit être fait échec à l’engagement de la responsabilité contractuelle du vendeur et de l’installateur ;

et, d’autre part, nonobstant la position adoptée quant à l’existence d’un devoir de conseil pesant sur le vendeur et l’installateur, l’acheteur, tenu d'installer un système d'aspiration afin de se conformer à la législation en vigueur, aurait dû, en tout état de cause, adapter son installation électrique préexistante afin d'assurer le bon fonctionnement du système d'aspiration obligatoire, de sorte que le préjudice invoqué au titre du coût de la modification de l'installation électrique était dépourvu de lien de causalité avec la faute imputée au vendeur et à l’installateur et consistant le manquement à leur obligation de conseil.

Telle est la position adoptée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 11 mars 2020 (Cass. com., 11 mars 2020, n° 19-11.742, F-D N° Lexbase : A77083IC).

Dans les faits, une menuiserie, pour se conformer à la législation en vigueur sur le taux de poussière admissible, a commandé à une société, installateur professionnel, la pose d’un matériel fourni par une autre société et destiné à l’aspiration et au traitement des poussières et copeaux de bois. Avant l’exécution des travaux, un acompte a été versé par la menuiserie et, après l’achèvement des travaux, l’installateur a émis une facture correspondant au solde des travaux effectués. Alléguant d'une disjonction systématique du tableau électrique en raison d'un excès de puissance électrique du matériel installé, la menuiserie a refusé de payer la facture et a obtenu, en référé, la désignation d’un expert. Sur le fondement du rapport d’expertise, cette dernière a engagé, à l’encontre du vendeur et de l’installateur, une action en responsabilité civile contractuelle pour manquement à leurs obligations d’information et de conseil.

La cour d’appel (CA Nîmes, 6 décembre 2018, n° 17/02885 N° Lexbase : A9589YPT) a fait droit à la demande de l’acheteur en retenant que le vendeur et l’installateur ont manqué à leur obligation de conseil ayant pour conséquence l’engagement de leur responsabilité civile contractuelle.

En premier lieu, pour caractériser ce manquement, les juges du fond ont retenu, d’une part, que, dès lors que la puissance d'un ventilateur d'aspiration était supérieure à la puissance de la plupart des machines-outils d'une menuiserie, lors de l'installation d'une aspiration dans une menuiserie, la question de la compatibilité de l'alimentation électrique devait être systématiquement posée et, d’autre part, que le vendeur et l’installateur étaient tenus, non seulement d'informer l'acheteur, mais aussi de le conseiller en cas d’insuffisance de l’alimentation existante, de sorte qu’en s’étant abstenus d’informer ce dernier quant à l'inadéquation du système électrique existant à l'alimentation du nouveau matériel, ils ont manqué à leur obligation contractuelle de nature à engager leur responsabilité.

En second lieu, la juridiction du second degré a condamné le vendeur et l’installateur à réparer le préjudice subi par l’acheteur consistant dans le coût de la modification de son installation électrique en caractérisant un lien de causalité entre le manquement contractuel imputé et le préjudice allégué en retenant que, s’il est certain que la menuiserie devait investir dans un système d'aspiration, elle devait intégrer l'ensemble des dépenses générées par cet investissement et, pour ce faire, être alertée sur l'inadéquation de son système électrique afin d'intégrer cette dépense dans son budget.

Contestant tant l’existence, à leur charge, d’une obligation de conseil à l’égard de l’acheteur professionnel que la caractérisation d’un lien de causalité entre le manquement à cette obligation et le préjudice correspondant au coût de la modification de son installation électrique, le vendeur et l’installateur ont, alors, formé un pourvoi en cassation.

Comme moyens au pourvoi, les demandeurs, ont, dans un premier temps, affirmé que l'obligation de conseil du vendeur et de l'installateur n'existe que dans la mesure où la compétence de cet acquéreur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques des biens vendus, de sorte que la cour d’appel, en ayant retenu leur responsabilité sans rechercher si, en sa qualité d'acquéreur professionnel, la menuiserie ne disposait pas, au regard de son activité, des aptitudes requises pour se faire une idée exacte des caractéristiques techniques et des conditions d'utilisation du bien acheté, a violé l’article 1147 ancien du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT).

Dans un second temps, les demandeurs ont soulevé, devant la Haute juridiction que, même s’ils étaient tenus d’une telle obligation de conseil à l’égard de l’acheteur, il devait être fait échec à l’engagement de leur responsabilité du fait de l’absence de lien de causalité entre leur manquement contractuel et le préjudice résultant du coût de la modification de l'alimentation électrique car, s'il était certain que la menuiserie devait investir dans un système d'aspiration, elle devait intégrer l'ensemble des dépenses générées par cet investissement.

Rejoignant l’argumentaire développé par les demandeurs au pourvoi, qu’il s’agisse du moyen démontrant l’inexistence d’une obligation de conseil à l’égard de l’acquéreur professionnel que de celui tendant à prouver l’absence de lien de causalité entre le manquement à cette obligation et le préjudice subi, la Cour de cassation rejette l’engagement de la responsabilité contractuelle de ces derniers en cassant l’arrêt rendu par les juges du fond. La Haute juridiction affirme, en effet, d’une part, qu’en s’étant abstenus de rechercher si, en sa qualité d’acheteur professionnel, la menuiserie ne disposait pas, au regard de son activité, des moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du système d'aspiration qui lui a été livré et, partant, l'inadéquation de son installation électrique préexistante à l'installation de ce matériel, ce qui aurait dispensé le vendeur et l'installateur de toute obligation de conseil, les juges du fond ont violé l’article 1147 ancien du Code civil. D’autre part, le juge du droit appuie les demandeurs en rejetant l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice car, tenu d'installer un système d'aspiration afin de se conformer à la législation en vigueur, l’acheteur aurait dû, en tout état de cause, adapter son installation électrique préexistante afin d'assurer le bon fonctionnement du système d'aspiration obligatoire, de sorte que le coût de la modification de l'installation électrique ne constitue pas un préjudice résultant du manquement contractuel allégué.

 

 

 

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