Le Quotidien du 27 mars 2020 : Construction

[Brèves] Pas d’impropriété à la destination « automatique » en cas de dommages affectant le système de chauffage et de climatisation d’un ouvrage

Réf. : Pas d’impropriété à la destination « automatique » en cas de dommages affectant le système de chauffage et de climatisation d’un ouvrage Cass. civ. 3, 5 mars 2020, n° 19-11.879, F-D (N° Lexbase : A54053IZ)

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[Brèves] Pas d’impropriété à la destination « automatique » en cas de dommages affectant le système de chauffage et de climatisation d’un ouvrage. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/57345280-cite-dans-la-rubrique-bconstruction-b-titre-nbsp-ipas-drimpropriete-a-la-destination-automatique-en
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 25 Mars 2020

► Les dysfonctionnements affectant le système de chauffage et de climatisation ne sont pas automatiquement des dommages de nature décennale ;

► l’extension du champ d’application de la responsabilité décennale des constructeurs par le truchement de la notion de l’impropriété à destination n’est pas sans limite.

Voici l’essentiel à retenir de l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 5 mars 2020 (Cass. civ. 3, 5 mars 2020, n° 19-11.879, F-D N° Lexbase : A54053IZ).

Tout le monde le sait. Les juges ont tendance à apprécier souplement, pour ne pas dire largement, les conditions d’application de la responsabilité décennale des constructeurs pour y faire entrer de nombreux dommages. D’un côté, parce que la présomption de responsabilité posée à l’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ) accélère la réparation des dommages, forcément graves, subis par le maître d’ouvrage. De l’autre, parce que les assurances, obligatoirement souscrites par le maître d’ouvrage et le constructeur, permettent une prise en charge des travaux réparatoires.

Pour autant, il y a des conditions à remplir et, parmi elles, la démonstration du (fameux) critère de gravité décennale. L’article 1792 précité rend nécessaire la démonstration soit d’une atteinte à la solidité de l’ouvrage, soit d’une impropriété à sa destination. L’article 1792-2 du même code (N° Lexbase : L6349G9Z) permet aussi l’application de la responsabilité décennale en cas d’atteinte à la solidité de l’élément d’équipement indissociable. L’atteinte à la solidité, dont la caractérisation est objective, n’offre que de maigres possibilités d’interprétations extensives. L’impropriété à la destination, subjective (pour exemple, Cass. civ. 3, 14 mai 2013, n° 11-23.250, F-D N° Lexbase : A5015KD4), est bien plus prometteuse. C’est, en effet, par ce prisme que la jurisprudence étend le champ d’application de la responsabilité décennale. Comme si le critère de gravité justifiait, à lui-seul, l’application du régime. Les exemples sont nombreux et ont même pu donner lieu à des consécrations législatives : le défaut des règles parasismiques (Cass. civ. 3, 19 septembre 2019, n° 18-16.986, F-P+B+I N° Lexbase : A8472ZN4 ; notre commentaire, La non-conformité aux règles parasismiques n’est pas toujours un dommage de nature décennale, Lexbase, éd. priv., n° 798 N° Lexbase : N0643BYH), le défaut de performance énergétique (Cass. civ. 3, 8 octobre 2013, n° 11-23.250, F-D N° Lexbase : A5015KD4) ou, avant d’en faire un cas prétorien de gravité, l’atteinte à la sécurité des personnes (Cass. civ. 3, 16 décembre 2014, n° 13-16.305, F-D N° Lexbase : A2938M8C) et bien d’autres.

Alors, en présence de dysfonctionnements affectant le système de chauffage et de climatisation d’un ouvrage, il serait tentant de croire que le critère de gravité décennale est « forcément » rempli. Eh bien non, pas forcément comme le rappelle la Haute juridiction, dans la présente espèce. Cela fait plaisir à lire.

En l’espèce, une entreprise a fourni et installé une pompe à chaleur destinée à la climatisation et au chauffage de bureaux. Se plaignant de dysfonctionnements survenus dès la mise en route de l’installation, le maître d’ouvrage assigne en résolution du contrat et dommages et intérêts l’entreprise, laquelle appelle en garantie son assureur de responsabilité décennale.

La cour d’appel de Poitiers, dans un arrêt rendu le 20 novembre 2018, a rejeté les demandes formées à l’encontre de l’assureur de responsabilité civile décennale. L’entreprise forme un pourvoi en cassation. Les branches du moyen relatives à la qualification d’ouvrage et d’élément d’équipement dissociables ou non ne seront pas abordées pour être de classiques discussions. Il est, en revanche, exposé que les juges d’appel n’auraient pas dû exclure l’impropriété de l’immeuble à sa destination, après avoir constaté qu’en raison du dysfonctionnement du système de climatisation-chauffage, les occupants de l’immeuble sont soumis à des variations brusques et importantes de températures, à des brassages d’air important et à des arrêts de chauffage l’hiver entraînant leur mal être permanent.

La Haute juridiction rejette le pourvoi. Les dysfonctionnements affectant le système de chauffage et de climatisation étaient à l’origine d’un inconfort qui n’entraînait pas une impossibilité de travailler dans l’immeuble de sorte que les désordres n’étaient pas de nature décennale. Il y avait déjà eu des précédents en ce sens (Cass. civ. 3, 10 janvier 2012, n°11-11.172, F-D N° Lexbase : A7941IAD ; Cass. civ. 3, 10 novembre 2016, n° 15-24.781, F-D N° Lexbase : A9102SG9).

La solution eût, sans doute, été différente si l’ouvrage avait été affecté à l’habitation.

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