Réf. : Cass. com., 22 janvier 2020, n° 18-21.647, F-P+B (N° Lexbase : A58963CD)
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par Vincent Téchené
le 18 Février 2020
► La clause du contrat de prêt dont le remboursement est garanti par un nantissement de compte, qui permet à l'organisme prêteur de «séquestrer» les fonds figurant sur les comptes de l'emprunteur, aboutit à l'autoriser, alors même qu'il n'existe encore aucune mensualité impayée, ni même aucune créance exigible en raison du différé prévu pour les remboursements, à prélever sur les comptes une partie du capital prêté par voie de compensation et opère comme une résiliation unilatérale du contrat de prêt en contrariété avec les dispositions de l'article L. 622-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L7287IZW) ;
► Dès lors, le blocage opéré par la banque créancière en application de cette clause aboutit à vider de son sens «le potentiel» de la procédure de redressement judiciaire, ce qui justifie l'intervention du juge des référés afin de prendre les mesures propres à faire cesser un trouble manifestement illicite et à prévenir un dommage imminent, ce dommage imminent n'étant autre que la liquidation judiciaire à venir en cas d'impossibilité pour l'entreprise de fonctionner faute de fonds disponibles.
Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 22 janvier 2020 (Cass. com., 22 janvier 2020, n° 18-21.647, F-P+B N° Lexbase : A58963CD).
L’affaire. Une banque a consenti à une société un prêt garanti par un nantissement sur les comptes bancaires dont cette société était titulaire dans ses livres. L’emprunteuse ayant été mise en redressement judiciaire, l’administrateur a demandé à la banque de procéder au virement vers une autre banque des sommes figurant sur les comptes bancaires de la débitrice. Se prévalant du nantissement, la banque a refusé de faire droit à cette demande, a déclaré sa créance et isolé au crédit d'un sous-compte «fonds bloqués» les fonds figurant sur les comptes de la débitrice. C’est dans ces circonstances qu’un arrêt d’appel (CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 21 juin 2018, n° 17/18226 N° Lexbase : A7662XUC) a enjoint à la banque de libérer, sous astreinte, les sommes constituant les soldes créditeurs des comptes ouverts dans ses livres au nom de la débitrice et d'exécuter sans délai les ordres de virement qu’elle lui adressera au profit de l’autre banque. La banque prêteuse a donc formé un pourvoi en cassation
La décision. La Cour de cassation approuve en tous points la cour d’appel. Elle rappelle que les règles relatives aux procédures collectives sont d'ordre public. En outre, selon l'article 2287 du Code civil (N° Lexbase : L1115HI7), les dispositions relatives aux sûretés ne font pas obstacle à l'application des règles prévues en matière d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Par ailleurs, l'article 2360 du même code (N° Lexbase : L1187HIS) concerne l'assiette de la garantie que pourra faire valoir le créancier dans le cadre de sa déclaration de créance. Ainsi, reprenant la solution précitée telle qu’elle ressort de l’arrêt d’appel, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E9999ETI).
Précisions. L’article L. 622-13 du Code de commerce, applicable au redressement judiciaire par renvoi de l’article L. 631-14, I, du même code (N° Lexbase : L7317IZZ), prévoit qu’aucune résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde -ou de redressement. La même règle est prévue pour la liquidation à l’article L. 641-11-1 (N° Lexbase : L3298IC7). La jurisprudence y a logiquement assimilé les clauses de résiliation de plein droit fondées sur l'état de cessation des paiements, puisque le constat d'un tel état conduit à l'ouverture de la procédure (Cass. com., 2 mars 1993, n° 90-21.849, publié N° Lexbase : A5481ABM). Par ailleurs, allant plus loin, la Haute juridiction retient également qu'est interdite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d'un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire (Cass. com., 14 janvier 2014, n° 12-22.909, F-P+B N° Lexbase : A7900KTR ; lire les obs. de P.-M. Le Corre, N° Lexbase : N0818BUT).
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