Le Quotidien du 15 janvier 2020 : Peines

[Brèves] Demande de réhabilitation : les juges doivent apprécier le comportement du condamné pendant le délai de mise à l’épreuve et non la nature des faits !

Réf. : Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 19-80.839, F-P+B+I (N° Lexbase : A5583Z9N)

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par June Perot

le 23 Janvier 2020

► Il se déduit des articles 785 (N° Lexbase : L4247AZC) à 793 du Code de procédure pénale qu'il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'une demande en réhabilitation judiciaire qui répond aux conditions requises par les articles 786 (N° Lexbase : L3407IQA) à 789, d'apprécier, au regard de la nature et de la gravité de l'ensemble des condamnations concernées par la demande, si le comportement du requérant pendant le délai d'épreuve doit conduire au prononcé de la mesure sollicitée afin de permettre l'effacement de condamnations dont le maintien ne serait plus nécessaire et proportionné.

C’est ainsi que se prononce la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt relatif à une demande de réhabilitation (Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 19-80.839, F-P+B+I N° Lexbase : A5583Z9N).

Résumé des faits. Un homme avait été condamné par le tribunal correctionnel à deux mois d’emprisonnement avec sursis pour outrage. Il a alors sollicité, par requête, sa réhabilitation judiciaire.

Pour mémoire, la réhabilitation judiciaire a pour objet, comme la réhabilitation légale prévue aux articles 133-12 (N° Lexbase : L2172AME) à 133-17 du Code pénal (cf. l’Ouvrage « Droit pénal général » [dir. J.-B. Perrier], C. Tzutzuiano, L'extinction des peines et l'effacement des condamnations N° Lexbase : E2927GAN), de rendre après un certain délai d'épreuve, les droits qu'elle avait perdus, à une personne qui, ayant subi une ou plusieurs condamnations pénales, ne peut bénéficier de la réhabilitation de droit ou souhaite en anticiper l'acquisition.

En cause d’appel. Pour rejeter la requête, l'arrêt, après avoir relevé que les conditions de l'article 786 du Code de procédure pénale sont réunies, énonce que, lors de l'enquête ordonnée par le procureur de la République, l'intéressé a précisé que sa démarche est motivée par son projet d'entrer dans la magistrature, mais que, compte tenu de la nature des infractions d'outrages envers personne dépositaire de l'autorité publique et personne chargée d'une mission de service public, il n'apparaît pas opportun de faire droit à la demande.

Nature de l’infraction versus nature de la condamnation. Reprenant la solution de principe susvisée, la Haute juridiction prononce la cassation de l’arrêt. Elle considère en effet qu’en se déterminant ainsi, en considération de la seule nature des faits ayant occasionné la condamnation prononcée contre le demandeur et sans apprécier, au vu des pièces produites par celui-ci avec sa requête et des éléments recueillis par le procureur de la République en application de l'article 791 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4253AZK), le comportement de l'intéressé pendant le délai d'épreuve, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés et méconnu le principe ci-dessus énoncé.

Dans cette même affaire, une QPC avait été soumise à la Chambre criminelle en 2019, aux termes de laquelle était contestée la constitutionnalité des articles 785 à 798-1 du Code de procédure pénale. Le demandeur faisait valoir l’absence de garanties égales suffisantes et adéquates permettant d’obtenir une réhabilitation judiciaire. Notons que le Conseil constitutionnel avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur l’article 786, alinéa 3 (Cons. const., décision n° 2015-501 QPC, du 27 novembre 2015 N° Lexbase : A9180NXB) mais seulement en ce qui concerne l'impossibilité, pour la personne condamnée à titre de peine principale à une interdiction définitive du territoire français, de former une demande en réhabilitation. Dans sa décision du 7 août 2019, la Chambre criminelle a toutefois refusé de renvoyer la QPC (Cass. crim., 7 août 2019, n° 19-80.839, FS-D+B+I N° Lexbase : A1595ZLN). La solution énoncée dans l’arrêt du 7 janvier 2020 reprend donc, en substance, les termes de la décision de la Cour de cassation du 7 août 2019 : « Et attendu que la question ne présente pas un caractère sérieux, dès lors qu'il entre dans l'office du juge saisi d'une demande de réhabilitation, après avoir vérifié que sont satisfaites les conditions fixées par les articles 785 à 789 du Code de procédure pénale, d'apprécier, au regard de la nature et de la gravité de l'ensemble des condamnations concernées par la demande, si le comportement du demandeur pendant le délai d'épreuve doit conduire au prononcé de la mesure sollicitée afin de permettre l'effacement de condamnations dont le maintien ne serait plus nécessaire et proportionné, ce qui exclut tout risque d'arbitraire ».

L’exigence d’une bonne conduite. Lorsqu’il souhaite obtenir une réhabilitation, le requérant doit faire montre d’une bonne conduite depuis sa condamnation et, notamment, n’avoir subi aucune condamnation de nature criminelle ou correctionnelle dans le délai d’épreuve. Cette exigence de bonne conduite justifie la réduction de ce délai par rapport à celui imposé dans le cadre de la réhabilitation légale pour l’obtention de laquelle l’écoulement du délai suffit pour qu’elle soit acquise. Dans l’appréciation de cette conduite, la chambre de l’instruction est tenue d’apprécier le comportement du demandeur. Cette appréciation, dès lors qu'elle n'est ni sans contradiction ni insuffisante, échappe au contrôle de la Cour de cassation (Cass. crim., 6 novembre 1947, Bull. crim. 1947, n° 217). Selon la Cour de cassation, les juges doivent s'attacher aux gages d'amendement donnés par le condamné, et ne sauraient se borner à rejeter la demande en se fondant sur la gravité des faits ayant entraîné la condamnation (Cass. crim., 11 décembre 1952, Bull. crim. 1952, n° 302 ; Cass. crim., 12 février 1963, n° 62-90.725, publié au bulletin N° Lexbase : A1194CHP ; Cass. crim., 16 octobre 1974, n° 73-91.238, publié au bulletin N° Lexbase : A7600CHX ; Cass. crim., 10 décembre 1975, n° 74-91.203, publié au bulletin N° Lexbase : A9741CGU).

Actualité de la réhabilitation. Il est à noter que la Cour de cassation, par un arrêt du 11 décembre 2019 (Cass. crim., 11 décembre 2019, n° 19-80.031, F-P+B+I N° Lexbase : A7841Z7K) a décidé de renvoyer la QPC portant sur les articles 785 et 786, alinéa 1er (N° Lexbase : L3407IQA) du Code de procédure pénale qui subordonnent la recevabilité de la demande en réhabilitation à des exigences de délais cumulées, qui deviennent incompatibles entre elles lorsque la demande concerne un condamné à mort dont la peine a été exécutée.

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