La lettre juridique n°808 du 9 janvier 2020 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Focus] Loi de finances pour 2020 : commentaire des principales mesures concernant la taxe sur la valeur ajoutée

Réf. : Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019, de finances pour 2020 (N° Lexbase : L5870LUX)

Lecture: 26 min

N1745BYB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Focus] Loi de finances pour 2020 : commentaire des principales mesures concernant la taxe sur la valeur ajoutée. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/56028634-focus-loi-de-finances-pour-2020-commentaire-des-principales-mesures-concernant-la-taxe-sur-la-valeu
Copier

par Damien Falco, Maître de conférences à l’Université de Haute-Alsace

le 23 Janvier 2020

Dans sa décision en date du 27 décembre 2019 [1], le Conseil constitutionnel a déclaré la loi de finances pour 2020 [2] conforme à la Constitution malgré la censure de certaines dispositions. Publiée au Journal Officiel de la République Française du 29 décembre 2019, elle est entrée en vigueur le lendemain. Cette loi prévoit des mesures fiscales applicables notamment aux entreprises en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dont nous proposons ici d’étudier les grandes lignes.

I/ La transposition de la Directive « e-commerce » (LF pour 2020, art. 147).

Le secteur des ventes par correspondance a connu une véritable restructuration ces dernières années. Le passage des ventes par catalogue aux acquisitions en ligne a contribué à l’évolution du comportement des clients. Ces derniers ont peu à peu délaissé la vente traditionnelle pour effectuer leurs achats en ligne dans le cadre des ventes à distance. Tandis qu’à l’origine la majorité des transactions était effectuée par un nombre réduit d’opérateurs, le développement des échanges numériques a rendu ce secteur accessible à de nombreux acteurs. La simplification des transactions a également produit une multiplication des envois de colis. L’ensemble de ces éléments a rendu le secteur particulièrement propice à la fraude en ce qui concerne les ventes à distance intra-UE (A) et les importations (B). L’article 147 de la loi de finances transpose différentes dispositions des Directives UE 2017/2455 du 5 décembre 2017 (N° Lexbase : L7481LHK) et UE 2019/1995 du 21 novembre 2019 (N° Lexbase : L7260LT3) sur les ventes à distance pour tenter d’endiguer le phénomène. Ces mesures n’entreront en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2021.

A/ Les mesures concernant les ventes à distance intra-UE

Le régime actuel des ventes à distance - Les ventes à distance (VAD) effectuées à destination des particuliers situés dans un autre Etat membre de l’Union européenne font l’objet d’un régime d’imposition particulier. Ce régime ne concerne que les transactions intra-UE entre un vendeur assujetti et un particulier. Ces opérations sont taxables selon la TVA applicable dans le pays où est établi le vendeur, lorsque le montant cumulé du chiffre d’affaires annuel HT de l’année N-1 (ou à défaut, celui de l’année en cours) de l’entreprise, à destination d’un même pays, est inférieur à un seuil fixé par cet Etat. Le franchissement de ce seuil renverse le lieu de taxation. De la sorte, le bien devient taxable selon le taux de TVA du pays de destination de la marchandise. La fixation du seuil des VAD par les Etats revêt donc une importance particulière. L’article 34 de la Directive TVA oblige les Etats à prévoir un seuil compris dans une fourchette allant de 35 000 à 100 000 euros. La France, qui avait choisi la tranche haute, a réduit le seuil à 35 000 euros depuis 2016. Dès lors, deux situations se rencontrent lorsqu’une entreprise située dans un autre État membre effectue une vente en France : soit le total des ventes effectuées à destination de cet État est inférieur à ce seuil et la taxation a lieu au pays de départ des biens, soit le montant est supérieur et l’imposition s’effectue en France.

L’objectif de réduction de la fraude sur l’e-commerce - Le régime des ventes à distance est propice à différents types de fraude. La plus connue réside dans la technique suivante : une société établie dans un Etat disposant d’un faible taux de TVA réalise des ventes à destination d’un autre Etat membre de l’Union européenne. La fraude consiste à ne pas appliquer la TVA du pays de destination lorsque le seuil prévu par celui-ci est dépassé. Autrement dit, la société continue d’appliquer le taux du pays de départ des biens. Le détournement est assez simple à mettre en œuvre dans la mesure où l’application et le paiement de la TVA du pays de destination nécessitent une démarche volontaire de la part de l’entreprise. A défaut, l’administration fiscale est démunie pour vérifier le dépassement du seuil. Le droit de communication étant limité territorialement, la seule solution consiste à effectuer une demande d’assistance administrative internationale pour obtenir les informations requises. La difficulté de contrôler le respect de la réglementation a été confirmée par le rapport de la commission des finances de 2015 qui a précisé que le seuil des ventes à distance n’est « pratiquement pas contrôlé par les administrations fiscales des Etats membres » et conduit à des « fraudes énormes » [3]. Au final, seuls les vendeurs disposant des structures les plus importantes effectuent les démarches d’enregistrement [4]. Pour cette raison, une évolution de la réglementation s’est avérée indispensable.

L’harmonisation des seuils - A compter de 2021, le seuil à retenir pour déterminer le pays de taxation des biens sera fixé à 10 000 euros pour tous les Etats membres de l’Union européenne. De plus, le calcul du chiffre d’affaires permettant de déterminer si l’entreprise dépasse ce seuil devra être établi en tenant compte de l’ensemble des opérations réalisées dans l’Union européenne, et non plus Etat par Etat comme c’est le cas actuellement. Dès lors, l’imposition selon le taux du pays de destination a vocation à devenir le principe. Les Etats pourront ainsi cibler les contrôles sur les entreprises appliquant encore, malgré le nouveau seuil, le taux du pays d’origine. A noter que ce seuil sera commun avec celui applicable depuis le 1er janvier 2019 aux prestations de services de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision ainsi qu’aux services fournis par voie électronique à des personnes non assujetties à la TVA par des prestataires non établis dans l’Etat membre de consommation de ces services.

L’extension du guichet unique - Afin de permettre aux assujettis de déclarer et payer la TVA sur ces opérations, le système du guichet unique existant depuis le 1er janvier 2015 pour les prestations de services de télécommunications, de radiodiffusion et de télévision ainsi que pour des services fournis par voie électronique est étendu aux ventes à distance intra-UE de biens. La portée du dispositif doit cependant être relativisée dans la mesure où il ne s’agit pas d’un moyen de lutte contre la fraude. La commission des finances a déjà précisé en ce sens que « le principe de destination et le mini-guichet permettent de lutter contre l’optimisation fiscale, mais pas contre la fraude fiscale » [5]. En effet, le système restera purement déclaratif et dépendra de la bonne volonté des entreprises de s’enregistrer sur le mini-guichet.

B/ Les mesures concernant les importations

Un régime propice à la fraude - Le commerce électronique est également à l’origine d’une importante fraude en matière d’importation de biens. L’essor de l’économie numérique a augmenté significativement le nombre de livraisons de colis, limitant par là même les possibilités de contrôle des douanes. Le régime des importations diffère de celui des opérations intracommunautaires. Lorsqu’un opérateur situé en dehors de l’Union européenne effectue une vente à destination d’un Etat membre de l’Union, l’opération est soumise à la TVA et aux droits de douane de l’Etat de destination. Jusqu’à présent, la Direction générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI) était chargée d’assurer le recouvrement des droits au moment du dédouanement de la marchandise. L’assiette des taxes est la valeur déclarée en douane.

Les envois de faibles valeurs - Dès 1983, un régime spécifique consistant à exonérer de taxes les livraisons de faibles valeurs a été mis en place [6]. A l’origine, le seuil de la franchise de TVA pour ces échanges était fixé à 22 écus. Il a été modifié par une Directive de 1988 [7] qui instauré une fourchette comprise entre 10 à 22 écus. Ces montants, désormais convertis en euros, sont toujours applicables même si l’article 23 de la Directive précise que les importations dont la valeur n’excède pas 10 euros sont admises en exonération mais que les Etats peuvent porter ce seuil à 22 euros et exclure de l’exonération les biens importés dans le cadre d’une vente par correspondance. Concernant les droits de douane, le seuil a été fixé à 150 euros. La France a retenu le seuil de 22 euros pour la TVA et applique l’exclusion des biens importés via le système des ventes par correspondance. Si le dispositif a été instauré à une période où le commerce électronique n’existait pas, l’essor de ce secteur pose désormais des difficultés pour les entreprises européennes. En effet, un bien importé ayant une faible valeur est exonéré de TVA alors qu’il est soumis à cet impôt s’il provient d’un Etat européen. Ce système a conduit certains Etats à mettre en place des mesures dérogatoires destinées à exclure du régime certains produits ou secteurs. Malgré cela, les opérateurs parviennent à détourner la réglementation à leur profit.

La technique de la sous-déclaration des colis - Face au développement des échanges transfrontaliers, les moyens actuels sont insuffisants pour assurer un contrôle effectif de l’ensemble des colis. La difficulté tient au fait que le calcul et le paiement de la TVA reposent seulement sur la valeur déclarée lors du dédouanement. Ainsi, les vendeurs, désireux de ne pas voir leurs produits taxés, avaient pris l’habitude de sous-évaluer leurs envois. L’objectif était de placer la valeur des colis en dessous des seuils d’imposition pour pratiquer des prix HT plus attractifs. Le rapport de 2015 précise que cette pratique est « extrêmement courante » [8]. La DGDDI fait face à une difficulté matérielle dans la mesure où elle est dans l’incapacité de contrôler si chaque livraison correspond effectivement à la valeur déclarée [9].

L’extension du guichet unique à certaines importations - Afin de faciliter la collecte de la TVA, la loi de finances pour 2020 a créé une nouvelle opération imposable pour les envois de faible valeur (vente à distance de biens importés de moins de 150 euros) en provenance des pays tiers ou des territoires tiers à l’Union européenne et a mise en place un guichet unique pour déclarer ces opérations et être exonéré de la TVA due au titre de l’importation de ces biens.

Les plates-formes en ligne : redevables et solidaires de la TVA - La loi de finances prévoit également que les plates-formes électroniques sont redevables de la TVA lorsque celles-ci facilitent les ventes à distance de biens importés de moins de 150 euros ou qu’elles facilitent les livraisons domestiques ou les ventes à distance intracommunautaires de biens réalisées par leur intermédiaire par un vendeur non établi dans l’Union européenne. En parallèle, il est prévu de rendre redevable de la TVA à l’importation l’interface qui facilite des ventes de biens importés en provenance de pays tiers à destination de consommateurs situés en France, à la place de la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d’importation. Un guichet électronique est également créé permettant de déclarer dans un seul Etat membre l’ensemble des ventes à distance de biens importés contenus dans des envois ne dépassant pas une valeur de 150 euros, dont le lieu d’imposition est situé dans l’Etat membre de consommation. En contrepartie de l’utilisation de ce système déclaratif et de paiement, une exonération de la TVA due à l’importation est instituée. Il convient de préciser que ces mesures s’ajoutent à celles relatives à la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 (N° Lexbase : L5827LMR) qui prévoit déjà une solidarité en paiement de la TVA par les plateformes dans certains cas. Cette disposition, qui entre en vigueur dès le 1er janvier 2020, interroge. La solidarité en paiement en matière de TVA semble traduire les lacunes de l’administration dans sa mission relative au contrôle fiscal. C’est lorsque cette dernière n’est plus en mesure de contrôler les transactions qu’elle délègue ce travail aux entreprises. Or, il est évident que ce n’est pas le rôle des entreprises de s’assurer que les autres opérateurs d’un circuit économique remplissent leurs obligations en matière de TVA. Et ce n’est certainement pas à elles d’en supporter le poids en cas de défaillance.

Un droit de communication pour les entrepôts de stockage de biens importés - L’article 148 de la loi de finances intègre une nouvelle obligation pour les exploitants d’entrepôts ou de plateformes logistiques où sont stockés les biens importés destinés à être vendus en France ou dans un autre Etat membre de l’Union européenne. Elle leur impose de tenir à la disposition de l’administration ou de lui communiquer sur demande les informations relatives à l’origine des biens stockés et l’identité des propriétaires des biens. La loi de finances prévoit également la publication d’une liste noire des plateformes en ligne qui ne seraient pas coopératives.

II/ La transposition des mesures relatives aux « quick fixes » (LF pour 2020, art. 34)

Un objectif de simplification - Les « quick fixes » ont pour objectif, dans l’attente de l’adoption d’un régime définitif de TVA, d’harmoniser et de simplifier certaines règles de taxation des échanges intra-UE. A ce titre, l’article 34 de la loi de finances pour 2020 transpose en droit interne la Directive UE 2018/1910 du 4 décembre 2018 (N° Lexbase : L2818LNP). Cette transposition se traduit pour une modification des conditions d’exonération des livraisons intra-UE, une simplification du régime des stocks sous contrat de dépôt et une harmonisation du régime des ventes en chaîne. Ces mesures s’appliquent aux livraisons de meubles corporels dont le fait générateur de la TVA intervient à compter du 1er janvier 2020.

La modification des conditions d’exonération des livraisons intra-UE - Deux conditions sont ajoutées à l’article 262 ter du CGI (N° Lexbase : L5503HWQ) : d’une part, le destinataire d’un bien doit être identifié à la TVA dans un autre Etat membre que celui du départ ou de l’expédition du bien et le destinataire du bien doit avoir communiqué au fournisseur son numéro d’identification à la TVA ; d’autre part, le fournisseur doit déposer l’état récapitulatif (déclaration d’échange de biens) avec toutes les mentions obligatoires. Jusqu’à présent, ces conditions étaient seulement des conditions formelles. Ainsi, en cas de non-respect, les Etats pouvaient seulement infliger des amendes ou des sanctions administratives. Désormais, ces conditions deviennent des conditions de fonds pour l’application du régime d’exonération des livraisons intra-UE.

L’harmonisation des règles relatives aux ventes en chaîne - Les ventes en chaîne concernent des livraisons successives d’un même bien entre plusieurs opérateurs établis dans différents Etats membres et faisant l’objet d’un transport intra-UE unique. Il s’agit du cas dans lequel un vendeur A, établi en France, vend un bien à un opérateur B, situé en Espagne, et que ce dernier revend le même bien à un opérateur C, situé en Belgique. Etant précisé que dans cette situation le vendeur A livre directement le bien à l’opérateur C. La question était ici de savoir à quelle opération devait être imputée l’expédition ou le transport et, par conséquent, l’exonération de la livraison intra-UE. Par principe, la livraison exonérée est celle effectuée à destination de l’opérateur intermédiaire (B situé en Espagne dans l’exemple ci-dessus). Par dérogation, la livraison exonérée est celle effectuée par l’opérateur intermédiaire quand ce dernier a communiqué son numéro d’identification à la TVA à son fournisseur.

La simplification du régime des stocks sous contrat de dépôt - Désormais, un régime de stocks sous contrat de dépôt existe lorsque des conditions fixées à l’article 256 III bis du CGI (N° Lexbase : L0374IWR) sont remplies. Il s’agit du cas dans lequel un fournisseur transfère des biens à un acquéreur connu sans lui en transférer immédiatement la propriété. L'acquéreur a le droit de prélever les biens du stock du fournisseur à sa convenance, conduisant à l’existence d’une livraison de biens qui fait l’objet d’une réglementation particulière. Pour remédier aux difficultés rencontrées dans la pratique, des mesures de simplification ont été adoptées dans le cadre de la Directive UE/2018/1910 du 4 décembre 2018, désormais transposées en droit interne par le biais de l’article 34 de la loi de finances.

En vertu du nouveau texte, un régime de stocks sous contrat de dépôt existe lorsque des conditions sont remplies :

- les biens sont expédiés par un assujetti vers un autre Etat membre afin que ces biens y soient livrés, à un stade ultérieur et après leur arrivée, à un autre assujetti qui a le droit de devenir propriétaire de ces biens en vertu d'un accord existant entre eux ;

- l'assujetti expéditeur n'est pas établi ou ne dispose pas d'un établissement stable dans l'Etat membre vers lequel les biens sont expédiés ou transportés ;

- l'assujetti auquel les biens sont destinés est identifié à la TVA dans l'Etat membre vers lequel les biens sont expédiés et il a communiqué à l’expéditeur son identité et le numéro d'identification à la TVA ;

- le vendeur inscrit le transfert des biens dans un registre prévu à cet effet et indique l'identité et le numéro d'identification à la TVA de l’acquéreur.

Lorsque ces conditions sont remplies, le transfert des biens vers le stock ne sera pas assimilé à une livraison en France si les biens sont livrés à l'acquéreur dans un délai de douze mois suivant leur arrivée sur le territoire de l’autre Etat membre. Si ce délai est respecté, il y aura alors lieu de constater, lors du transfert du pouvoir de disposer des biens comme un propriétaire, une livraison intra-UE exonérée en France et une acquisition intra-UE taxable dans l'Etat d'arrivée des biens.

III/ L’obligation progressive du recours à la facturation électronique

La mesure et sa finalité - L'article 153 de la loi rend la facturation électronique obligatoire dans le cadre des relations B2B pour la période située entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2025, selon un calendrier et des modalités fixés par décret. Surtout, les données figurant sur ces factures électroniques devront, par ailleurs, être systématiquement transmises à l'administration fiscale pour leur exploitation à des fins de collecte et de contrôle de la TVA. Les modalités concrètes de ce dispositif doivent encore être précisées dans le cadre d’un rapport qui devrait être remis au Parlement en 2020. Le projet de l’administration consiste à mettre en place un système de déclaration électronique des échanges. A ce titre, l’utilisation des données figurant sur les factures peut conduire à deux solutions de lutte contre la fraude.

La déclaration électronique des achats - La première solution consiste à créer un système de déclaration électronique des achats. La mise en place d’un tel dispositif a été encouragée par certains auteurs [10]. Il favoriserait la lutte contre la fraude en permettant « d’être prévenu dès qu’un micro-assujetti réalise une livraison disproportionnée (ou inhabituelle) alors que sa surface (en chiffre d’affaires, personnel ou bilan) n’offre pas de garantie sérieuse de représentation » [11]. Le mécanisme conduit donc à détecter les sociétés en sommeil qui, soudainement, réalisent un montant de ventes important. À notre sens, le système reste toutefois limité à la lutte contre les fraudes carrousels.

Une tentative avortée - Rappelons que ce dispositif avait été introduit par un amendement des députés [12] dans le projet de loi de finances pour 2017 [13]. Sa mise en œuvre était initialement prévue pour les transactions intervenant à compter du 1er janvier 2018. La déclaration devait obligatoirement être effectuée dans les vingt-quatre heures suivant l’inscription de l’opération en comptabilité. Il était prévu de rendre cette procédure obligatoire pour toutes les opérations dont le montant était supérieur à 863 000 euros ou dont le montant total des achats auprès d’un même fournisseur ou prestataire dépassait ce montant sur une période de trois mois. Le non-respect de cette obligation était assorti d’une sanction spécifique. Ainsi, pour chaque achat non signalé, une amende équivalente à 1 % du montant supérieur à 863 000 euros était prévue. Cependant, le système de déclaration électronique des achats a été déclarée inconstitutionnel. S’il ne sanctionne pas le mécanisme en lui-même, le Conseil constitutionnel estime « qu’en prévoyant une amende proportionnelle non plafonnée, pour un manquement à une telle obligation de signalement, alors même que la personne sanctionnée ne pouvait savoir que son cocontractant ne reverserait pas la taxe sur la valeur ajoutée, le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu’il a entendu réprimer » [14]. En conséquence, l’ensemble de la mesure a été censuré.

La déclaration électronique des transactions - La seconde solution consiste à créer un système de déclaration électronique de toutes les transactions. Ce système conduit les entreprises à signaler à l’administration, de manière instantanée, l’ensemble de leurs achats et de leurs ventes. Ainsi, il ouvre la voie à une transformation du modèle de gestion de la TVA en substituant au système déclaratif un dispositif de liquidation administrative sécurisée [15]. Autrement dit, ce mécanisme met en place un contrôle en temps réel des échanges susceptible d’aboutir à l’envoi d’une déclaration de TVA pré-remplie aux entreprises. De même, il facilite les recoupements entre les informations relatives à la vente transmises par le fournisseur et celles issues de la déclaration d’achat du client. Ce dispositif est déjà en place en Espagne puisque le 6 décembre 2016, le gouvernement espagnol a adopté un décret destiné à moderniser, améliorer et promouvoir les moyens électroniques concernant la gestion de la TVA [16]. Le texte prévoit notamment la mise en place, depuis le 1er juillet 2017, d’une déclaration électronique de certaines données relatives aux transactions. Son domaine est large puisqu’il concerne tant les informations relatives aux factures d’achats et de ventes que certains documents douaniers ou comptables [17]. Les informations doivent être communiquées dans les quatre jours suivant l’émission ou l’enregistrement de la facture. En comparaison avec le système de la déclaration électronique des achats, le procédé couvre un champ d’application plus large et permet de lutter contre divers types de fraude.

IV/ Les autres mesures concernant la TVA

Un nouveau système d’autoliquidation - L’article 170 de la loi de finances met en place un dispositif d’autoliquidation de la TVA pour les transferts de certificats de garantie d’origine et de garantie de capacité concernant l’électricité. Le système s’applique aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2020. Le système d’autoliquidation que nous qualifions de « sectoriel » [18] est propice à réduire la fraude dans la mesure où il s’applique à l’ensemble d’un secteur à risque [19]. Si la mesure porte atteinte au principe du paiement fractionné, il ne s’agit que d’une remise en cause temporaire [20]. Le système de l’autoliquidation sectorielle est effectif depuis le 1er janvier 2008 en vertu de l’article 199 de la Directive du 28 novembre 2006 qui vise les déchets neufs d’industrie, les matières de récupération ainsi que les travaux de construction portant sur des biens immeubles. Les enseignements liés à ce mécanisme s’étant avérés positifs, la Commission européenne a par la suite étendu la possibilité de recourir au dispositif dans d’autres domaines présentant un risque élevé de fraude [21] comme les téléphones portables, les circuits intégrés, les métaux précieux, les parfums ou encore les échanges CO2. L’instauration de l’autoliquidation dans le domaine des transferts de certificats de garantie d’origine et de garantie de capacité relatifs à l’électricité s’inscrit dans la continuité des mesures adoptées par les Etats membres de l’Union européenne.

Le recouvrement des importations par la DGFIP - L’article 181 de la loi de finances prévoit qu’à compter du 1er janvier 2022 la DGFIP deviendra compétente pour la gestion et le recouvrement de la TVA sur les importations, à la place de la DGDDI. Cela signifie que les assujettis devront déclarer, payer et déduire la TVA relative à leurs importations sur la déclaration déposée à la DGFIP mensuellement, trimestriellement ou annuellement. La DGFIP deviendra également compétente pour le contrôle de la TVA sur les importations. Cela aura pour conséquence de transférer la compétence juridictionnelle aux juridictions administratives et non plus judiciaires pour le contentieux.

Les évolutions concernant les taux de TVA - La loi de finances apporte des modifications relatives aux taux de TVA dans certains secteurs. Il en est ainsi des livres audio qui bénéficient désormais du taux de 5,5 % même lorsqu’ils ne reposent pas sur un support physique (art. 35). L’article 37 de la loi uniformise l’application du taux de 10 % à l'ensemble des activités, sites ou installations à caractère culturel, ludique, éducatif ou professionnel. L'article 30 prévoit également que les livraisons et les livraisons à soi-même de certains logements locatifs sociaux financés par des prêts aidés, ainsi qu'aux travaux réalisés dans ces logements seront soumis au taux de 5,5 % et non plus 10 %. L’article 31 de la loi met en place une exonération de TVA des soins dispensées aux personnes par les pharmaciens. Jusqu’à présent, les textes précisaient que les soins dispensés par les professions médicales et paramédicales étaient exonérés de TVA. Or, les pharmaciens n’étaient pas concernés par la mesure alors qu’ils peuvent effectuer des soins aux personnes comme les actes de vaccination. La loi corrige donc cette anomalie.

 

[1] Cons. const., décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019 (N° Lexbase : A3062Z9B).

[2] Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019, de finances pour 2020.

[3] Sénat, Rapport d’information n° 691 fait au nom de la commission des finances sur le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source (Michel Bouvard, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Philippe Dallier, Jacques Genest, Bernard Lalande, Albéric de Montgolfier), 17 septembre 2015, p. 21.

[4] Ibid., p. 22.

[5] Ibid., p. 26.

[6] Directive n° 83/181/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, déterminant le champ d’application de l’article 14 paragraphe 1 sous d) de la Directive 77/388/CEE en ce qui concerne l’exonération de la valeur ajoutée de certaines importations définitives de biens, JOCE L. 105 du 23 avril 1983, pp. 38-58.

[7] Directive n° 88/331/CEE, du 13 juin 1988, modifiant la Directive 83/181/CEE déterminant le champ d’application de l’article 14 paragraphe 1 point (d) de la Directive 77/338/CEE en ce qui concerne l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée de certaines importations définitives de biens, JOCE L. 151 du 16 juin 1988, pp. 79-81 (N° Lexbase : L9790AU7).

[8] Sénat, Rapport d’information n° 691 fait au nom de la commission des finances sur le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source (Michel Bouvard, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Philippe Dallier, Jacques Genest, Bernard Lalande, Albéric de Montgolfier), 17 septembre 2015, p. 30.

[9] Le contrôle des colis est marginal. Le rapport de la commission des finances de 2015 précise que seulement entre 1 et 5 % des colis font l’objet d’un contrôle (ibid., p. 21).

[10] V. par ex : Marc Wolf, Odile Courjon, Jean-Claude Bouchard, Une déclaration électronique des achats pour sauver le système TVA, FR 2014, n° 26, pp. 29-32 ; Marc Wolf, Eradiquer la ''fraude carrousel'' à la TVA, Droit fiscal 2014, n° 51, pp. 34-38.

[11] Marc Wolf, Lutte contre la fraude : un autre avenir pour la TVA, Revue européenne et internationale de droit fiscal 2015/3, p. 370.

[12] Amendement n° II-779 présenté par Mme Rabault, rapporteure générale au nom de la commission des finances, M. Dosière et M. Muet, Ass. nat., 11 novembre 2016.

[13] L. fin. rect. 2017 (projet), texte n° 865, 20 décembre 2016, art. 115 I.

[14] Cons. const., décision n° 2016-744 DC du 29 décembre 2016, cons. 92 (N° Lexbase : A9172SXY).

[15] Marc Wolf, Lutte contre la fraude : un autre avenir pour la TVA, précité, p. 371.

[16] Decreto 596/2016, de 2 diciembre, para la modernización, mejora e impulso de luso de medios electrónicos en la gestión del impuesto sobre el valor añadido, por el que se modifican el reglamento del impuesto y otras normas tributarias : BOE núm. 294, de 6 diciembre de 2016, páginas 85173-85187.

[17] https://www.ey.com/gl/en/services/tax/international-tax/alert--spain-to-require-maintenance-and-submission-of-vat-books-by-electronic-means.

[18] Par opposition à l’autoliquidation généralisée visant à appliquer le système à toutes les transactions d’un Etat.

[19] Le recours au dispositif se fonde sur les articles 199 et 395 de la Directive du 28 novembre 2006 (Directive n° 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, p. 40 et 64 N° Lexbase : L7664HTZ).

[20] Le dispositif est limité dans le temps. Malgré tout, il est susceptible d’être prolongé si le Conseil le décide.

[21] Commission des communautés européennes, « Proposition de Directive modifiant la Directive 2006/112/CE en ce qui concerne l’application facultative et temporaire de l’autoliquidation aux livraisons de certains biens et prestations de certains services présentant un risque de fraude », 29 septembre 2009, COM (2009) 511 final, 11 p.

newsid:471745

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.