Le Quotidien du 10 décembre 2019 : Peines

[Brèves] Droits des détenus : la France doublement condamnée pour violences commises sur un détenu au moment de son transfert et défaut d’enquête effective

Réf. : CEDH, 5 décembre 2019, Req. 71670/14, J.M. c/ France (N° Lexbase : A9855Z4R)

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par June Perot

le 18 Décembre 2019

► La Cour européenne des droits de l’Homme a doublement condamné la France pour traitements inhumains et dégradants de la part des surveillants pénitentiaires et défaut d’enquête effective ;

elle estime en l’espèce que le requérant a bien subi des violences au cours de son transfert qui a duré 4 heures et durant lequel il était uniquement vêtu d’un tee-shirt et d’un drap pour cacher sa nudité ; elle relève par ailleurs que la crédibilité des témoignages des surveillants aurait dû être minutieusement vérifiée au cours de l’instruction, estimant de la sorte que le requérant n’a pas bénéficié d’une enquête effective.

C’est ainsi que statue la Cour européenne des droits de l’Homme dans un arrêt de chambre rendu le 5 décembre 2019 (CEDH, 5 décembre 2019, Req. 71670/14, J.M. c/ France N° Lexbase : A9855Z4R).

Résumé de l'affaire. Les faits de l’espèce concernaient un ressortissant français détenu qui, souhaitant être transféré vers un établissement pénitentiaire plus proche de sa famille, s’était scarifié le bras. Le médecin avait alors conseillé un transfert vers un autre centre. A la suite de divers incidents, c’est au cours d’un dernier transfert que celui-ci avait été victime de violences de la part du personnel pénitentiaire. Une enquête de flagrance avait alors été diligentée par le procureur et confiée à la gendarmerie nationale. L’enquête préliminaire se conclut par un classement sans suite au motif que les investigations n’avaient pas permis de caractériser l’infraction. A l’issue d’une enquête administrative interne diligentée le même jour, l’enquêteur conclut à la faute disciplinaire d’un surveillant responsable du transfert, du fait de la tenue du requérant, vêtu seulement d’un tee-shirt et d’un drap. Le surveillant fut condamné à une exclusion temporaire de ses fonctions. L’enquête de l’inspection générale des services pénitentiaires estima que, concernant les conditions du transfert, le surveillant aurait dû attendre l’ouverture du vestiaire et la remise de vêtements avant le départ pour l’autre centre.

L’intéressé a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour actes de torture et de barbarie commis avec usage d’une arme par personnes dépositaires de l’autorité publique. Une information judiciaire fut alors ouverte. Le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, considérant que l’information n’avait pas permis de caractériser l’infraction dénoncée. L’intéressé a interjeté appel et la chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance de non-lieu. La Cour de cassation a par ailleurs rejeté le pourvoi (Cass. crim., 6 mai 2014, n° 13-81.522, F-D N° Lexbase : A9311MK3).

C’est dans ces conditions que l’intéressé a saisi la CEDH.

Violences infligées au détenu. Sur ce point, la Cour conclut à une violation de l’article 3 dans son volet matériel (N° Lexbase : L7558AIR). Outre les souffrances physiques supportées, la Cour considère que le traitement auquel le requérant a été soumis a engendré peur, angoisse et souffrance mentale. Elle observe d’ailleurs que le requérant se trouvait également dans un état de détresse psychique et était donc particulièrement vulnérable, ce qui pose la question de la nécessité de l’usage de la force à l’encontre de ce détenu. Elle énonce par ailleurs qu’il ne fait aucun doute «qu’un tel traitement a provoqué chez le requérant des sentiments d’arbitraire, d’infériorité, d’humiliation et d’angoisse. Ce traitement constitue un grave manque de respect pour sa dignité humaine. La circonstance qu’il n’avait pas pour but d’humilier ou de rabaisser le requérant n’exclut pas qu’il soit qualifié de dégradant et tombe ainsi également sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 3» (§ 99).

Défaut d’enquête effective. La Cour examine ensuite l’article 3 sous son angle procédural et conclut également à une violation. Elle prend bonne note de la célérité avec laquelle plusieurs enquêtes indépendantes ont été menées le jour-même. Toutefois, l’enquête n’a pas permis d’identifier et punir les responsables des violences constatées.

De l’avis de la Cour, le juge d’instruction, comme la chambre d’instruction, semblent avoir appliqué des critères différents lors de l’évaluation des témoignages, celui du requérant étant considéré comme subjectif, à l’inverse de ceux des surveillants. La crédibilité de ces derniers aurait dû être minutieusement vérifiée. D’autre part, certaines mesures nécessaires pour tenter d’éclaircir les faits n’ont pas été ordonnées. Ainsi, il n’a pas été ordonné d’expertise médicale et technique, afin de chercher à établir l’origine de la marque de strangulation constatée.

La Cour estime que le requérant n’a pas bénéficié d’une enquête effective et conclut à la violation du volet procédural de l’article 3.

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