La lettre juridique n°801 du 7 novembre 2019 : Avocats/Formation

[Focus] L’enseignement clinique du droit : retour d’expérience après trois ans de fonctionnement de la clinique des droits de Clermont-Ferrand

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par Charles-André Dubreuil, Agrégé de droit public, Professeur à l’Université Clermont-Auvergne, Centre Michel de l’Hospital (EA 4232), Directeur de la Clinique des droits.

le 06 Novembre 2019


Mots-clefs : Université • Clinique juridique • Accès au droit • Aide juridique • Formation • Retour d'expérience •

Résumé : "Ce qui n’est pas non plus mis en lumière, car la pédagogie universitaire intéresse peu y compris dans les facultés de droit, est l’impact de cette nouvelle forme d’enseignement sur les pratiques pédagogiques. C’est de cela que l’on souhaiterait discuter dans les brefs développements qui suivent, sans ambition particulière si ce n’est de partager l’expérience acquise au cours de trois années de fonctionnement de la Clinique des droits de Clermont-Ferrand. Il n’est donc pas question de proposer une quelconque méthode transposable à d’autres cliniques juridiques ni de théoriser une méthode de l’enseignement clinique du droit. Tout juste, après avoir évoqué le contexte dans lequel s’inscrit cette étude, d’évoquer les modalités d’enseignement retenues ainsi que la réflexion menée sur les modalités d’évaluation et d’auto-évaluation des étudiants".


 

On a coutume de présenter l’enseignement délivré dans le cadre des cliniques juridiques universitaires comme l’équivalent de celui qui est offert en faculté de médecine où cohabitent un enseignement académique et une pratique clinique en milieu hospitalier. Il s’agit alors d’un moyen simple et rapide d’exprimer clairement ce que l’expression de «clinique juridique» ne permet pas immédiatement d’appréhender [1]

On conçoit bien, en effet, combien la mise en œuvre pratique de connaissances théoriques acquises tout au long du cursus universitaire est une exigence tant pour les étudiants que pour leurs futurs employeurs.

Les cliniques juridiques qui se développent partout en France sont ainsi un bon moyen de faire taire la rumeur selon laquelle les enseignements délivrés à l’Université par des théoriciens «hors sol» et «ignorants du droit tel qu’il s’applique» seraient totalement déconnectés de la pratique, ne formeraient pas les étudiants aux réalités professionnelles, etc.. Cette réputation a d’ailleurs été largement exagérée si l’on considère le nombre d’enseignements pratiques figurant dans les maquettes de Licence et de Master, la part des cours délivrés par des praticiens, l’importance grandissante des stages et de la formation professionnelle dans le cursus, le développement de techniques innovantes d’enseignement reposant sur des cas ou situations réels.

Ce que l’expression «clinique juridique» ne permet toutefois pas de mettre suffisamment en lumière est la vocation sociale des projets mis en œuvre par les étudiants et leurs enseignants, car dans un nombre important de cas -ce qui a d’ailleurs été le but recherché outre-Atlantique lorsque les premières cliniques juridiques sont apparues [2]- ces cliniques s’adressent principalement aux personnes les plus défavorisées qui, confrontées à des difficultés tant juridiques qu’administratives, se trouvent démunies et sans ressource. En ce sens, leur développement constitue une manière intéressante de lutter contre le non-recours au(x) droit(s) [3]. Et ce d’autant plus, on y reviendra, que l’aide apportée inclut bien souvent un accompagnement à moyen terme qui fait des cliniques juridiques non seulement un moyen de faciliter l’accès au droit [4], mais également un parfait moyen de mise en œuvre des droits.

Ce qui n’est pas non plus mis en lumière, car la pédagogie universitaire intéresse peu y compris dans les facultés de droit [5], est l’impact de cette nouvelle forme d’enseignement sur les pratiques pédagogiques. C’est de cela que l’on souhaiterait discuter dans les brefs développements qui suivent, sans ambition particulière si ce n’est de partager l’expérience acquise au cours de trois années de fonctionnement de la Clinique des droits de Clermont-Ferrand. Il n’est donc pas question de proposer une quelconque méthode transposable à d’autres cliniques juridiques ni de théoriser une méthode de l’enseignement clinique du droit. Tout juste, après avoir évoqué le contexte dans lequel s’inscrit cette étude, d’évoquer les modalités d’enseignement retenues ainsi que la réflexion menée sur les modalités d’évaluation et d’auto-évaluation des étudiants.

I - Le contexte : une clinique juridique en droit des étrangers et demandeurs d’asile.

Bien que les différents modèles de cliniques juridiques aient pu faire l’objet d’une classification tenant compte tant des domaines d’intervention que des modalités concrètes de mise en œuvre et de pédagogie, la Clinique des droits de l’Université Clermont-Auvergne s’est construite de manière «artisanale» sans référence particulière à un modèle déterminé. Il a, en effet, fallu tenir compte des spécificités locales tenant tant aux thématiques d’enseignement et de recherche des universitaires ayant initié le projet qu’au positionnement de la Maison de Justice et de droit (MJD), du Conseil départemental de l’accès au droit (CDAD) et du conseil de l’Ordre des avocats ainsi que des associations humanitaires partenaires.

Aussi, le schéma général qui a progressivement émergé est le suivant :

Après avoir suivi une formation théorique et pratique de 25 heures en droit des étrangers et droit d’asile ainsi qu’en droit de la nationalité, les étudiants cliniciens accueillent tous les vendredis après-midi dans les locaux de la Maison de Justice et du Droit des personnes rencontrant des difficultés administratives ou juridiques ayant trait de près ou de loin à leur séjour sur le territoire français (entrée et séjour sur le territoire, demande d’asile, logement, scolarisation, prestations sociales, etc.).

En présence d’un avocat dont la permanence est indemnisée par le CDAD et sous la supervision d’un universitaire, les étudiants réalisent un entretien d’une demi-heure en vue de déterminer les problématiques et difficultés auxquelles sont confrontées les personnes reçues et leur apporter une aide la plus efficace possible. Il s’agit, en effet, d’informer ces personnes de leurs droits, des règles applicables à leur situation, mais également de les orienter et de les accompagner dans leurs démarches ultérieures (notamment, rédaction de courriers et constitution de dossiers). En cas d’urgence ou si la situation implique d’initier une procédure judiciaire, l’avocat est en mesure de se saisir du dossier et, s’il l’accepte, d’être accompagné par les étudiants tout au long de la procédure.

Dans le cas inverse (ce qui représente l’immense majorité des situations), les étudiants disposent d’une quinzaine de jours, sous la supervision d’un universitaire, pour procéder aux recherches nécessaires et lui présenter le fruit de leur travail lors d’une réunion dite de «prérestitution» où la parole est totalement libre et la confrontation des points de vue encouragée. C’est lors d’un deuxième entretien que les cliniciens restituent les informations collectées, présentent les diverses démarches envisageables et proposent, le cas échéant, un accompagnement sur le plus long terme.

II - La théorie et la pratique

L’émergence des cliniques juridiques américaines est la conséquence d’une critique, formulée par certains universitaires, des modalités de l’enseignement académique des disciplines juridiques. Schématiquement, il a été reproché aux pédagogies traditionnelles de reposer à titre principal sur l’étude des Codes ou des décisions de justice en vue d’en dégager des règles et principes généraux (case method) [6]. Une telle méthode, également partagée en France dans l’apprentissage de disciplines telles que le droit administratif, a été remise en cause au motif qu’elle ne permettait non seulement pas aux étudiants d’apprécier correctement les règles ainsi dégagées de manière abstraite, mais surtout qu’elle ne leur permettait pas de développer leur esprit critique et leur aptitude à mettre en œuvre concrètement les acquis théoriques. Aussi l’idée des cliniques juridiques destinées à venir en aide aux personnes les plus démunies visait-elle à assurer aux étudiants en droit, de la même manière que ce qui est proposé aux étudiants en médecine, un enseignement pertinent et adapté du droit par le biais du traitement de cas réels.

Une telle approche, dont les prémisses sont partagées par la plupart des promoteurs des cliniques juridiques en France, soulève néanmoins des questions spécifiques que l’on ne peut traiter de la même manière qu’en Amérique du Nord.

1 - Le statut de l’enseignant-clinicien 

Cette approche soulève d’abord la question du statut de l’enseignants-chercheur en droit ou, du moins, de la conception que l’on s’en fait. Car il n’existe pas en France de statut d’enseignant-clinicien tel qu’il peut en exister dans d’autres pays, où l’on voit des praticiens accéder à l’Université en qualité d’enseignant et prendre en charge les activités d’enseignement clinique. Les universitaires français qui s'y consacrent le font donc en partageant le même statut et les mêmes conditions de travail que leurs collègues. Les liens entre l’enseignement et la recherche en droit, d’une part, et la pratique juridique, d’autre part, étant encore très problématiques aujourd’hui au sein de la communauté universitaire, on a ainsi pu craindre que la professionnalisation des études juridiques ne remette en cause le statut de l’enseignant-chercheur [7]. Et les mêmes de s’inquiéter du fait que «transformer les facultés de droit en écoles conduira, à terme, à faire disparaître le droit de l'Université» [8] et remettra en cause son originalité qui est d’associer en son sein activités d’enseignement et recherche.

Cette crainte semble, si ce n’est infondée, du moins largement exagérée. Car la pratique du droit au sein des cliniques juridiques est un atout considérable non seulement pour les étudiants, mais également pour les enseignants qui les encadrent et qui peuvent ainsi enrichir et diversifier leur propre enseignement ainsi que leur recherche. Plutôt que de constituer une menace pour la recherche en droit, on pourrait donc voir dans la pratique qu’autorisent les cliniques juridiques un moyen de la développer et de la rendre plus attractive. Car l’enseignement du droit partage avec l’enseignement de la médecine un point commun qui est de porter sur une discipline qui n’a de sens que parce qu’elle est appliquée à des situations humaines [9].

Il n’en demeure pas moins qu’en l’absence de prise en compte de la spécificité de l’enseignement clinique du droit, notamment pour ce qui concerne la charge de travail supplémentaire qu’il implique -charge qui n’est d’ailleurs que rarement et partiellement compensée, puisqu’elle est difficilement incluse dans le service des enseignants-chercheurs- il est peu probable que l’on incite beaucoup d’universitaires à se lancer dans l’aventure. De manière volontairement provocatrice, on pourrait même avancer l’idée selon laquelle ce ne sont plus les cliniques juridiques qui menacent le statut d’enseignant-chercheur, mais bien plutôt une conception dépassée du rôle de ce dernier qui empêche les cliniques de se développer. On touche alors du doigt les limites intrinsèques du modèle de clinique universitaire qui tente de se développer dans un cadre qui n’est absolument pas adapté. Preuve en est, même si les choses semblent être en voie d’amélioration, la grande difficulté à intégrer les cliniques juridiques au sein des maquettes, qui côtoieraient ainsi des enseignements jugés plus «nobles». Pour les étudiants et leurs enseignants, l’enseignement clinique est aujourd’hui bien souvent purement bénévole.

2 - Les méthodes d’enseignement clinique du droit

Les cliniques juridiques sont fréquemment présentées comme permettant de tester et de mettre en œuvre des méthodes innovantes d’enseignement. Elles sont d’ailleurs régulièrement lauréates de prix et remportent fréquemment des appels à projets visant à valoriser l’innovation pédagogique.

Si l’on partage cette appréciation, il convient toutefois de lui conférer une juste portée.

Car, d’une part, l’innovation pédagogique est loin d’être l’apanage du seul enseignement clinique : nombreux sont, en effet, les enseignants-chercheurs qui s’y investissent avec d’excellents résultats et dont le partage d’expérience enrichit les trop rares échanges existant entre juristes sur ce point.

D’autre part, l’appellation clinique juridique est parfois utilisée pour désigner des modalités d’enseignement du droit consistant à traiter des cas pratiques sans que les méthodes pédagogiques se distinguent véritablement de celles qui sont mises en œuvre dans les écoles professionnelles ou lors de stages et qui permettent d’acquérir des savoirs professionnels autrement appelés «soft skills».

Or, la plus-value pédagogique de l’enseignement clinique du droit dépasse largement les seuls atouts de la professionnalisation des études de droit [10], c’est-à-dire la seule acquisition de compétences professionnelles, aussi indispensables qu’elles paraissent être par ailleurs [11]. Comme le relèvent la plupart des auteurs qui se sont penchés sur la question, il vise à acérer l’esprit critique des étudiants en leur permettant de dévoiler les soubassements idéologiques des règles qu’ils appliquent, d’affermir leur personnalité, de se sensibiliser aux questions éthiques [12]. Il permet aux étudiants de faire la part des choses entre l’enseignement académique qu’ils reçoivent -qui n’est, lui non plus, pas neutre- et la réalité du contexte d’application des règles de droit ; ce qui implique de comprendre leurs finalités et leurs limites et d’intégrer le fait que, confronté à un cas donné, il n’existe pas en soi de bonne ou de mauvaise solution, mais des solutions plus ou moins satisfaisantes selon la situation concrète qu’il s’agit de traiter [13].

Dans le cadre de la clinique des droits de Clermont-Ferrand, la discipline du droit des étrangers et du droit d’asile se prête particulièrement bien à cet apprentissage. Il n’est pas nécessaire de longuement rappeler combien les textes adoptés à l’envi depuis 30 ans sont pétris d’idéologie et manifestent tous un positionnement politique très marqué.

Aussi, les étudiants et leurs enseignants essaient de traduire cette démarche critique de plusieurs manières.

En premier lieu, les étudiants sont les garants, tout au long de leur «clinicat», du respect de la charte de déontologie régissant les relations entre les différents intervenants et qui rappelle, en substance, les principes de déontologie, de confidentialité et de gratuité inhérents à la Clinique des droits. Ils sont ensuite en charge de l’organisation de conférences-débats ou autres manifestations visant à échanger et débattre avec des partenaires fort divers de questions d’actualité touchant aux phénomènes migratoires. L’année 2020 sera, également, pour eux l’occasion d’organiser un colloque consacré au rôle social des cliniques juridiques. Plus généralement, les permanences d’accueil -ainsi que les réunions de travail intermédiaires- sont organisées de manière à laisser un temps d’échange et de parole à chacun afin d’évoquer les situations traitées et de comprendre les raisons ayant conduit les personnes accompagnées à solliciter l’aide des étudiants. Elles permettent, également, aux étudiants d’échanger avec l’avocat présent et d’ainsi confronter leur appréciation des cas qu’il convient d’étudier.

En second lieu, les enseignants doivent parfois adapter la manière d’enseigner leur discipline dès l’instant où il n’est pas question de professer une vérité désincarnée -ce que la plupart d’entre eux ont déjà intégré- mais de questionner les connaissances transmises afin de permettre aux étudiants de se forger une opinion critique de celles-ci. Les méthodes pédagogiques sont ici aussi nombreuses qu’il y a d’enseignants, qui passent par la simulation, l’étude de cas concrets, la mise en situation, l’autoformation en ligne, etc.. Ce faisant, l’enseignement académique est nécessairement enrichi par les interventions de différents acteurs de terrains ou de praticiens.

Au sein de la Clinique des droits, la formation académique préalable à la participation aux permanences hebdomadaires est, de ce fait, particulièrement diversifiée. Elle repose, en premier lieu, sur un enseignement traditionnel d’une dizaine d’heures en droit des étrangers et droit d’asile qui a été jugé indispensable dans la mesure où cette discipline n’est enseignée, pour partie, que dans un seul Master.

Elle repose, en deuxième lieu, sur l’intervention de différents acteurs présents localement : avocats spécialisés lors de séances pratiques ; représentants des administrations compétentes (par ex., OFII) ; représentants d’associations ; étudiants cliniciens dans le cadre de séances de cas pratiques élaborées à partir de cas réels traités par eux.

Elle repose, en troisième lieu, sur un voyage d’études organisé tous les ans à la Cour nationale du droit d’asile, à l’occasion duquel les étudiants sont reçus par un juge et peuvent assister aux audiences, ce qui ne manque pas de les bouleverser parfois, alors même qu’ils sont rompus à l’accueil de personnes en difficultés lors des permanences.

Enfin, et en dernier lieu, cette formation repose sur l’apprentissage de la transmission du savoir à un public beaucoup plus jeune, puisque partenaire du projet «Educadroit» du Défenseur des droits, la Clinique des droits intervient auprès des élèves des écoles primaires de la ville pour évoquer avec eux des questions relatives au droit, à la Justice, à la démocratie, etc.. Ceci suppose, la réalisation d’un travail préparatoire permettant, notamment, de déterminer la meilleure manière d’initier un échange avec des enfants sur des questions parfois sensibles et de les faire réagir.

III - Evaluation et auto-évaluation des étudiants cliniciens

La mise en place tâtonnante et progressive de la Clinique des droits a conduit à obérer, du moins dans un premier temps, un aspect pourtant fondamental de cette nouvelle manière d’enseigner le droit qu’est l’évaluation des étudiants cliniciens.

Or, l’innovation pédagogique que permet l’enseignement clinique inclut nécessairement une réflexion sur la manière dont doivent être évalués les étudiants et sur la manière dont ils doivent être mis en mesure de s’autoévaluer, ce qui participe de l’apprentissage de l’autonomie et du développement de leur esprit critique. Elle doit donc porter à la fois sur l’acquisition de compétences professionnelles (ce qui constitue l’apport minimal de l’enseignement clinique), mais également sur la manière dont chaque étudiant est en mesure d’évaluer et de faire part de son d’expérience.

Pour ce qui concerne, d’abord, l’acquisition des compétences professionnelles, la Clinique des droits a bénéficié du soutien du programme "Learn’in Auvergne" qui, dans le cadre du projet "I-site", a lancé un appel à projets en vue de valoriser les projets pédagogiques innovants. Dans ce cadre, une réflexion a été menée visant à déterminer les compétences professionnelles à l’acquisition desquelles contribue la Clinique, mais, également, à déterminer la manière dont cette acquisition peut être évaluée.

A l’issue de ce travail, on a retenu une modalité mixte d’évaluation de l’acquisition des compétences professionnelles par les étudiants, qui allie évaluation par les encadrants et auto-évaluation par les étudiants.

L’évaluation par les encadrants -universitaires et praticiens- n’a rien d’originale et s’aligne sur celle qui est prévue à l’issue d’un stage. Il s’agit de porter une appréciation qualitative sur l’acquisition, par chaque étudiant, de compétences professionnelles qui ont été préalablement répertoriées.

En revanche, l’auto-évaluation est beaucoup plus originale en ce qu’elle conduit l’étudiant à devoir apprécier la réalité et la progressivité de son apprentissage et de porter un jugement le plus objectif possible sur son implication et sur la qualité de son travail.

Elle repose sur un questionnaire élaboré en collaboration avec l’équipe du pôle d’ingénierie pédagogique de l’Université. Il dresse une liste de compétences susceptibles de répondre aux futures exigences des employeurs (notamment pour des avocats, magistrats, juristes en entreprise, associations ou collectivités publiques).

Sans entrer dans le détail, ces compétences sont réparties en plusieurs rubriques : direction d’un entretien ; recherche documentaire ; qualité rédactionnelle ; travail en équipe ; respect des règles déontologiques. Pour chacune d’entre elles, quatre paliers sont proposés aux étudiants pour s’autoévaluer :

Palier 1 : débutant ou élémentaire ("je ne me sens ni apte, ni à l'aise ou j'ai besoin d'aide pour le faire")

Palier 2 : intermédiaire ou "niveau de survie" ("je me sens apte, mais pas à l'aise, j'apprécie recevoir de l'aide")

Palier 3 : compétent ou indépendant ou autonome ("je me sens apte et à l'aise, je n'ai pas besoin d'aide")

Palier 4 : expert/maîtrise ou expérimenté ("je me sens apte, à l'aise et en mesure de conseiller autrui sur cette compétence").

Ce questionnaire devra être rempli par les étudiants à trois reprises : après leur formation et avant la première permanence ; à l’issue de leur participation à la Clinique des droits ; un an après avoir quitté la Clinique, afin de faire apparaître la réalité de l’apprentissage au regard des exigences des milieux professionnels. Parallèlement, il est envisagé de soumettre ce même questionnaire à des étudiants n’ayant pas participé à la Clinique, mais ayant réalisé un stage obligatoire au cours de leur Master, afin de mettre en lumière les qualités respectives de ces deux modes de professionnalisation des études du droit.

Pour ce qui concerne, ensuite, l’évaluation non plus de l’acquisition de compétences professionnelles, mais de ce que l’on pourrait désigner par l’expression de «développement personnel du juriste», il est prévu -dès l’instant où l’on sera parvenu à inscrire de manière pérenne l’enseignement clinique dans les maquettes de Master ; ce qui est en bonne voie !- de demander aux étudiants la rédaction d’un rapport d’activité, ou journal de bord, leur permettant, d’une part, de faire état de leur expérience au sein de la Clinique des droits et, d’autre part, de traiter une thématique qu’ils auront choisie afin, en s’appuyant sur les cas qu’ils auront eu à traiter, de développer une analyse personnelle et critique des questions juridiques traitées.

Une telle évaluation mixte et «multicritères» doit assurer, c’est en tout cas le but recherché, la cohérence générale du projet mis en œuvre, autrement dit de faire correspondre les innovations pédagogiques permises par l’enseignement clinique avec le développement des compétences et de l’esprit critique des étudiants. Mais elle n’est pas suffisante pour y parvenir. Elle doit être complétée par une évaluation faite par les étudiants de l’enseignement qui leur est délivré et des modalités de fonctionnement de la clinique. C’est ici encore une difficulté qu’il convient de surmonter, propre au modèle traditionnel de l’enseignement du droit qui ne laisse qu’une place minime, mais grandissante, à l’évaluation officielle des enseignants par les étudiants.

 

[1] La page d’accueil du site internet du Réseau des cliniques juridiques francophones en donne la définition suivante : «les cliniques juridiques se consacrent à la formation des étudiants en droit par une expérience pratique de cette matière, sous la direction d’enseignants-chercheurs et de professionnels du droit, et généralement au service des populations défavorisées».

[2] Ce que le terme «dispensary» exprime bien.

[3] Sur cette question, V. par ex., Ph. Warin, Qu’est-ce que le non-recours aux droits sociaux ?,  La vie des idées, 1er juin 2010.

[4] Sur le rôle joué par les cliniques juridiques dans l’accès au droit, v., dans cette même édition, O. Fontibus, Les cliniques du droit, outil de formation universitaire et d’accès au droit : un encadrement nécessaire, Lexbase Professions, n° 295, 2019 (N° Lexbase : N0974BYQ).

[5] Cette appréciation sévère doit en réalité être nuancée. V., not., S. Babcock, Clinique juridique, enseignement du droit et accès à la Justice, 19/11/2014 ; S. Hennette-Vauchez et D. Roman, Pour un enseignement clinique du droit, LPA, 2006, n° 2019, p. 3. 

[6] V., en ce sens, S. Babcock, préc.

[7] H. Croze, Recherche juridique et professionnalisation des études de droit, D., 2005, p.908

[8] M. Grynbaum, cité in H. Croze, Ibid.

[9] Ibid et N. Olszak, La professionnalisation des études de droit. Pour le développement d'un enseignement clinique (au-delà de la création d'une filière «hospitalo-universitaire" en matière juridique), D., 2005, p. 1172.

[10] S. Hennette-Vauchez et D. Roman, Pour un enseignement clinique du droit, LPA, 2006, n° 2019, p.3 : selon les auteures : «l'Université doit être, au moins dans un premier temps, un lieu où l'on apprend aux étudiants à se servir de leur intelligence avant d'être un lieu où leur seraient dispensés des savoirs immédiatement pratiques et opératoires [...]. En d'autres termes, l'enseignement clinique n'a pas vocation à concurrencer l'enseignement traditionnel du droit, ni même à le marginaliser, mais bien à le compléter utilement». V., égal., Ch. Jamin, Cliniques du droit : innovation versus professionnalisation ?, D., 2014, p. 675.

[11] Selon S. Hennette-Vauchez et D. Roman, les cliniques juridiques permettant à «l'enseignement des aspects procéduraux et institutionnels, inhérents à chaque discipline juridique, (de bénéficier), à travers l'expérience clinique, d'un éclairage nouveau de nature à faciliter sa compréhension».

[12] N. Olszak, préc.

[13] S. Babcock, préc.

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