La lettre juridique n°790 du 11 juillet 2019 : Propriété intellectuelle

[Textes] Directive sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique : le droit voisin des éditeurs de presse (articles 15 et 16)

Réf. : Directive 2019/790 du 17 avril 2019, sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les Directives 96/9/CE et 2001/29/CE (N° Lexbase : L3222LQE)

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par Bérénice Ferrand, Doctorante au CEIPI (Membre du Laboratoire de recherche du CEIPI-EA4375)

le 11 Juillet 2019

L'émergence du numérique est à l'origine d'une crise durable dont souffre particulièrement la presse. Le chiffre d'affaires global de ce secteur pâtit de deux évolutions simultanées : la croissance du marché publicitaire dont il ne bénéficie plus et le succès grandissant de la diffusion numérique qui génère très peu de revenus.

Les acteurs de la presse ont assisté, impuissants, à une évolution des modes de consommation de l'information et à une captation de la valeur par les plateformes des GAFAM. La publicité sur internet représente en 2017 les plus importants investissements des annonceurs, devant la télévision. Cependant, les éditeurs ne captent que 13 % de la valeur totale créée par le marché français des agrégateurs de contenus sur internet [1], largement phagocytée par les plateformes.

Les utilisateurs se sont habitués à une consultation rapide et gratuite de l'information, favorisée par l'offre des GAFAM. Un tel mode de consommation entraîne la paupérisation des métiers de la presse et des risques associés à la collecte des données personnelles des utilisateurs. L'apparente gratuité de l'information réifie l'utilisateur sous forme de données. En d'autres termes, «si c'est gratuit, c'est vous le produit» [2].

La presse n'est pas un secteur économique comme les autres. Souvent présentée comme «un chien de garde de la démocratie» [3], les valeurs qu'elle porte doivent être protégées et son indépendance et son pluralisme confortés. Alors même que le numérique permet la diffusion de l'information à grande échelle, la valeur créée par les journalistes et les éditeurs de presse se trouve captée par les plateformes et les agrégateurs de contenus.

La réponse européenne aux difficultés rencontrées par la presse a été apportée par la Directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique, adoptée par le Parlement européen le 26 mars 2019. La France a anticipé l'adoption de la Directive en mettant en discussion une proposition de loi de septembre 2018, actuellement en deuxième lecture au Sénat et dont l'adoption est prévue pour l'été 2020. Son objectif est de transposer la Directive en favorisant un partage de la valeur (I) et en créant un droit voisin soucieux de la liberté de la presse (II).

I - Un partage de la valeur au profit des éditeurs de presse

La transformation numérique des modes de consommation de l'information nécessite de repenser le partage de la valeur au profit des éditeurs de presse, qui ne disposent que de droits limités liés à leur qualité de cessionnaire de droits d'auteur (A), en tenant compte des tentatives de réponses nationales infructueuses (B).

A - Les droits limités des éditeurs de presse

Les éditeurs de presse ne bénéficiant pas de droits voisins, ils ne disposent que de faibles moyens juridiques pour protéger leurs droits. S’ils sont souvent titulaires ab initio de droit d’auteur sur une publication appréhendée comme œuvre collective, voire cessionnaires de droits d'auteur [4] en vertu d’un contrat conclu avec l’auteur d’un article, leurs droits se voient limités par les conditions propres à ces deux régimes.

Aussi l’éditeur dispose-t-il, en fonction du contrat passé avec le journaliste rédacteur, d'un droit d'auteur article par article, sous réserve de démontrer une chaîne de droit cohérente. Il doit ainsi rapporter la preuve d'une cession de droits à son profit par tous les auteurs concernés. S’il existe un principe de cession automatique des droits d’exploitation des œuvres des journalistes salariés au profit de l’employeur [5], tous les journalistes ne sont pas salariés. A défaut, la cession d'une œuvre à un éditeur de presse est soumise à un accord exprès et préalable du journaliste auteur, exprimé à titre individuel ou dans un accord collectif, sans préjudice de l'exercice de son droit moral. Une telle situation génère des contentieux nombreux et coûteux contre les plateformes et les agrégateurs.

Si les publications de presse sont classiquement considérées comme des œuvres collectives [6], cette qualification ne permet pas à l'éditeur de presse d'exercer librement ses droits. L'éditeur d'une œuvre collective est investi des droits d'auteur ab initio. Cependant, la titularité des droits sur l'œuvre collective ne confère pas le droit d'exploiter séparément les contributions individuelles composant l'œuvre. Seule une cession des droits au cas par cas permet à l'éditeur de presse de lutter contre une utilisation illicite des contributions composant la publication. Elle est cependant inadaptée aux nouveaux usages numériques, étant limitée quant à son périmètre et à sa durée.

Par ailleurs, l'arrêt «Reprobel» de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 12 novembre 2015 [7] a précisé que les éditeurs de presse ne disposaient d'aucun droit à compensation équitable en cas de reproduction d'un article. La CJUE a ainsi partiellement privé les éditeurs de presse de la protection offerte par le droit d'auteur, une position dont la Directive a pris le contrepied.

Si une telle décision a pu être justifiée par un rapport de force déséquilibré entre les journalistes, auteurs des articles, et les éditeurs de presse, fournisseurs des moyens de publication, l'entrée en jeu des plateformes bouleverse la recherche d'un équilibre. La captation de la valeur au profit des agrégateurs de contenus prive, en effet, les éditeurs de presse de leurs sources de revenus.

Plusieurs mécanismes permettent aux plateformes et aux agrégateurs de contenus de capter les revenus des éditeurs de presse. La première est la «curation» de contenus, soit la sélection, l'édition et le partage des contenus les plus pertinents sur internet pour une requête donnée. Elle consiste à établir une veille pour recenser tous les contenus relatifs à un même thème, pour ensuite sélectionner, reformuler et publier un nouveau contenu, et non pas un contenu nouveau. La curation parasite ainsi les contenus informationnels originaux publiés par les éditeurs de presse et leur occasionne une perte de revenu.

La seconde est l'insertion de liens hypertextes dirigeant l'utilisateur vers un article. Si la CJUE a longtemps considéré que cette pratique n'était pas constitutive d'un acte de communication au public [8], elle s’est depuis écartée de cette solution [9]. La CJUE estime ainsi que la notion de «communication au public [10] doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre la mise en ligne sur un site internet d’une photographie préalablement publiée, sans mesure de restriction empêchant son téléchargement et avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, sur un autre site internet» [11]. La Directive s’inscrit dans cette solution protectrice des droits de l’auteur, s’agissant des diffusions non autorisées de son œuvre. En tout état de cause, l’insertion d’hyperliens ne lèse théoriquement pas les éditeurs de presse qui bénéficient des visites de leurs sites internet via l'indexation de leurs contenus. Ils peuvent ainsi monétiser leurs contenus, sous forme d'abonnement ou de publicité.

Cependant, la technique du «snippet» agrège à ce lien hypertexte la description de la page web dans les résultats d'un moteur de recherche. Il s'agit souvent d'un résumé textuel. Or, des études statistiques ont montré que les utilisateurs se contentent majoritairement de lire ces résumés sans cliquer sur le lien hypertexte. L'utilisateur bénéficie donc de l'information résumée sans visiter le site internet dont elle est issue, ce qui prive l'éditeur de monétiser ses contenus. Une telle pratique constitue ainsi un acte préjudiciable aux éditeurs de presse sur le plan économique [12]. Pour pallier ces lacunes, des tentatives de réponses nationales ont été mises en œuvre.

B - Des tentatives de réponses nationales infructueuses

L'Allemagne et l'Espagne ont tenté d'instaurer un droit voisin des éditeurs de presse dans leurs droits nationaux respectifs.

L'Allemagne a adopté une loi entrée en vigueur le 7 mai 2013 [13], aux fins de créer un nouveau droit voisin au profit des éditeurs de presse, leur conférant le droit d'autoriser ou d'interdire la réutilisation de leurs contenus par les agrégateurs de contenus informationnels. Ce texte impose ainsi l'autorisation des éditeurs pour la reproduction de leurs publications, à l'exception des liens hypertextes et des très courts extraits. Le moteur de recherche Google a réagi en refusant de négocier les licences comprises entre 6 et 11 % de son chiffre d'affaires et en appliquant la loi stricto sensu. En cessant d'indexer les articles avec des extraits ou «snippets», les sites web allemands ont accusé une chute brutale des visites et donc de leurs revenus. Les éditeurs ont dû se résigner à octroyer à Google des licences gracieuses d'utilisation pour reprendre des extraits de leurs articles. Les éditeurs de presse allemands ont engagé une action civile devant le Landgericht de Berlin pour dénoncer un comportement abusif du moteur de recherche qui menaçait de ne plus référencer leurs articles en cas de demande de rémunération. L'arrêt rendu le 19 février 2016 [14] énonce que Google ne traite pas les éditeurs de manière abusive, même s'il détient 90 % du marché.

L'Espagne a adopté une loi entrée en vigueur le 1er janvier 2015 [15], introduisant une exception aux droits d'auteur pour la reprise d'extraits d'article de presse. Cette exception est assortie d'une compensation équitable et d'un mécanisme de gestion collective. La réaction immédiate de Google a été de refuser de verser la compensation et de fermer le service «Google News» en Espagne.

En France, un projet de loi [16] visant à instaurer un droit voisin a été discuté en 2012. Il n'a cependant jamais été adopté, en raison d'un accord commercial formé entre les éditeurs de presse et Google. Google a ainsi financé un fonds de 60 millions d'euros pour aider la presse dans sa mutation numérique. Une fois encore, la puissance commerciale et financière de Google est venue à bout des tentatives des éditeurs de presse de faire valoir leurs droits.

En Belgique, l'association belge qui protège les intérêts de la presse francophone a poursuivi en justice le moteur de recherche Google en 2006 pour violation du droit d'auteur du fait de la reprise d'articles par l'agrégateur d'information Google News. A la suite de la condamnation de Google par la Cour d'appel de Bruxelles en mai 2011, ce dernier a cessé de référencer la presse belge francophone. En décembre 2012, Google et les éditeurs de presse belge francophone ont trouvé un compromis, comprenant notamment l'achat par Google d'espaces publicitaires auprès des éditeurs.

Si ces tentatives de réponses nationales se sont avérées infructueuses, elles ont cependant permis de mettre en lumière la domination totale de Google dans les négociations avec les éditeurs de presse. Les réponses nationales non harmonisées et les éditeurs dispersés dans leur défense expliquent l'échec des négociations. Une riposte à l'échelle européenne était nécessaire. La Directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique tente à son tour de rétablir l'équilibre des forces en présence en créant un droit voisin des éditeurs de presse.

II - La création d’un droit voisin soucieux de la liberté de la presse

L'anticipation en France de l'adoption de la Directive a permis une discussion parallèle sur les dispositions du texte, portant notamment sur l'autorisation nécessaire des titulaires des droits voisins (A), sur l'adoption d'un système de gestion collective des droits voisins des éditeurs de presse (B) et sur la rémunération des titulaires des droits voisins (C).

A - L'autorisation nécessaire des titulaires des droits voisins

L'article 15 de la Directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique confère aux éditeurs de presse le droit d’autoriser la reproduction et la communication au public de leurs publications de presse sur internet par des prestataires de services de la société d'information, pendant les deux années suivant la première publication. La notion de prestataire de service de la société de l’information recouvre les agrégateurs de presse et autres services de veille à caractère informationnel, tels que les moteurs de recherche, les réseaux sociaux et les grandes plateformes.

Les éditeurs de blogs, dont les publications ne sont pas sous le contrôle d’un éditeur de presse, et les éditeurs de publications scientifiques ne sont pas bénéficiaires de ce droit voisin. De même, ne sont pas couvertes par ce droit voisin les utilisations privées ou non commerciales par des utilisateurs individuels. Enfin, sont exclus du champ d'application de l'article 15 de la Directive l’usage par les agrégateurs de lien hypertexte, l’utilisation de mots isolés ou de courts extraits et le rappel de simples faits rapportés dans les publications de presse.

L’usage des «snippets» est implicitement soumis à l'autorisation des éditeurs de presse, dès lors qu’il ne s’agit pas seulement de la reprise de mots isolés ou de très courts extraits d’une publication. La reproduction de photographies illustrant un court extrait entre dans le champ du droit voisin, dès lors que cette communication au public n'est pas réalisée par un lien hypertexte.

En résumé, la communication au public en ligne par les agrégateurs de contenus est soumise au droit voisin des éditeurs de presse, tant qu'elle n'est pas réalisée par l’usage de liens hypertextes, d’images ou d’extraits d’articles, sous réserve qu’il ne s’agisse pas de mots isolés ou de très courts extraits d’une publication de presse.

En son article 2, la Directive définit la publication de presse comme «une collection composée principalement d’œuvres littéraires de nature journalistique, mais qui peut également comprendre d’autres œuvres ou objets protégés, et qui constitue une unité au sein d’une publication périodique ou régulièrement actualisée sous un titre unique, telle qu’un journal ou un magazine généraliste ou spécialisé […] [qui] a pour but de fournir au grand public des informations liées à l’actualité ou d’autres sujets […] et [qui] est publiée sur tout support à l’initiative, sous la responsabilité éditoriale et sous le contrôle d’un fournisseur de services».

La proposition de loi française de 2018 [17] s'était saisie des dispositions de la Directive aux fins d'anticiper l'obligation de transposition qui s'impose aux Etats membres de l'Union européenne.

Le futur article L. 218-1, I du Code de la propriété intellectuelle reprend cette définition. En son troisième point, l'article précité définit l'éditeur de presse comme «la personne physique ou morale qui édite une publication de presse ou un service de presse en ligne». Le futur article L. 218-2 requiert l'autorisation de l'éditeur de presse «avant toute reproduction ou communication au public de ses publications de presse sous forme numérique par un service de communication au public en ligne».

La proposition de loi de 2018 a le mérite d'apporter des précisions par rapport à la Directive, s'agissant du champ d'application et de l'identité des débiteurs appelés à contribuer aux droits voisins. Les droits voisins s'appliqueraient ainsi aux publications de presse, dont la définition précitée insiste sur la nature journalistique du travail et sur la fourniture d'informations en lien avec l'actualité. Enfin, les débiteurs de la rémunération sont les «services de communication au public en ligne», soit les moteurs de recherche, les réseaux sociaux et les plateformes.

B - Un système de gestion collective des droits voisins des éditeurs de presse

Les éditeurs de presse n'ont actuellement pas les moyens juridiques d'assurer la protection de leurs droits. La Directive et la proposition de loi de transposition française tentent de leur conférer une véritable capacité juridique. Cependant, les tentatives infructueuses de réponses nationales ont montré que le droit seul n'est pas toujours suffisant pour lutter contre le quasi-monopole d'accès à l'information qu'ont les plateformes. Si les plateformes refusent la négociation, il est difficile pour les éditeurs de presse de se priver de leurs services. Aussi importe-t-il autant d'instaurer un nouveau droit que d'en assurer l'effectivité.

L’instauration d'un système de gestion collective des droits voisins permet de créer les conditions d'un rapport de force plus équilibré entre éditeurs de presse et plateformes. Le regroupement des éditeurs de presse au sein de sociétés de gestion collective leur conférera davantage de poids dans la négociation de licences avec les opérateurs en ligne.

Le considérant 60 de la Directive permet aux Etats membres de prévoir un système de gestion collective des droits pour compenser le dommage qui leur est causé par une exception ou une limitation. L’article 3 de la proposition de loi française vise à créer un tel système. Le futur article L. 218-3 ouvre la possibilité pour les éditeurs de presse de concéder leurs droits et d'en confier la gestion à un ou plusieurs organismes de gestion collective. S'agissant d'une adaptation aux droits voisins des éditeurs de presse d'un mécanisme de gestion collective, ces organismes de gestion seraient régis par les mêmes règles que les sociétés existantes.

Une mesure inhabituelle a été envisagée, puis écartée par la proposition de loi : la soumission des organismes de gestion collective à un agrément du ministre en charge de la Culture. Les critères d'octroi auraient été la diversité des associés, la qualification professionnelle des dirigeants et les moyens humains et matériels mis en œuvre.

C - La rémunération des titulaires des droits voisins

Le considérant 60 de la Directive laisse aux Etats membres la liberté «de déterminer la manière dont les éditeurs doivent justifier leurs demandes de compensation ou de rémunération, et de fixer les conditions du partage de cette compensation ou de cette rémunération entre les auteurs et les éditeurs conformément à leurs systèmes nationaux».

La proposition de loi française s’est saisie de cette question. Le futur article L. 218-5 énonce que la rémunération des éditeurs de presse est assise sur les recettes de l'exploitation, un mode de rémunération en vigueur dans l'industrie de la musique. Elle peut toutefois être évaluée forfaitairement, dans les cas prévus à l'article L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3387ADS). Etant donné la difficulté d'évaluation de la valeur des liens hypertextes, les quatre premiers cas prévus par cet article pourraient trouver à s'appliquer [18] :
«1° La base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée ;
2° Les moyens de contrôler l'application de la participation font défaut ;
3° Les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à atteindre ;
4° La nature ou les conditions de l'exploitation rendent impossible l'application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l'auteur ne constitue pas l'un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l'œuvre, soit que l'utilisation de l'œuvre ne présente qu'un caractère accessoire par rapport à l'objet exploité
[...]».

Il est prévu que les journalistes professionnels et les autres auteurs des œuvres incorporées aux publications de presse, telles que des photographies, aient droit à une part appropriée et équitable de la rémunération. Cette part et ses modalités de répartition sont fixées par un accord d'entreprise ou, à défaut, par un accord collectif. Si aucun accord n'est trouvé dans un délai de six mois et en l'absence d'accord collectif applicable, l'une des parties à la négociation peut saisir une commission présidée par un représentant de l'Etat, composée pour moitié de représentants des organisations représentatives des journalistes et d'autres auteurs. Il est prévu que ce représentant soit nommé parmi les membres de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes, par arrêté du ministre chargé de la Communication.

La proposition de loi laisse une large marge de manœuvre aux éditeurs et aux plateformes pour négocier les critères de rémunération. Un moyen de mesure efficace pourrait être l'audience, via le nombre de «clics». Il présente cependant quelques inconvénients. En effet, de nombreux sites proposent des informations de faible qualité. A défaut d'être le fruit d'un travail d'investigation ou d'une approche éditoriale originale, ils sont conçus pour attirer les visites des utilisateurs et donc pour générer le plus de revenus publicitaires. L'esprit de la Directive, partagé par la proposition de loi française, est de privilégier la presse de qualité. Les négociations au sein des futurs organismes de gestion collective des droits voisins des éditeurs de presse devront tenir compte de cet objectif.

Par ailleurs, la liberté laissée aux Etats membres par la Directive et le caractère optionnel de l'adhésion à un organisme de gestion collective offrent aux éditeurs de presse la possibilité de céder leurs contenus à titre gratuit, dans l'espoir de s'assurer un référencement plus favorable et donc plus rémunérateur sur les plateformes. Une telle pratique serait constitutive d'un détournement de l'esprit de la Directive. Dans les négociations nationales à venir, les protagonistes devront garder à l'esprit que l'objectif poursuivi est celui «de donner à une presse libre, indépendante et de qualité les moyens de mener à bien ses missions essentielles pour la démocratie» [19].

 

[1] M. Laugier, avis n° 151 (2018-2019), fait au nom de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, déposé le 22 novembre 2018.

[2] R. Serra, Television delivers people, 1973.

[3] CEDH, gr. ch., 27 mars 1996, req. n° 17488/90 (N° Lexbase : A1234GBC) ; Rec. CEDH, p. 1996-II, § 39 ; Sudre e.a., Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, 5ème éd., PUF, 2009, coll. «Thémis-droit», p. 617.

[4] C. prop. intell., art L. 132-36 (N° Lexbase : L3115IQG).

[5] Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (N° Lexbase : L3432IET), dite loi «HADOPI», publiée au JORF n° 0135 le 13 juin 2009, page 9666, texte n° 2.

[6] C. prop. intell., art. L. 113-5 (N° Lexbase : L3341AD4).

[7] CJUE, 12 novembre 2015, aff. C-572/13, (N° Lexbase : A4809NWZ).

[8] CJUE, 13 février 2014, aff. C-466/12 (N° Lexbase : A1280ME7), JCP éd. E, 2014, act. 171 ; LEPI, 2014, n° 4, p. 1, note A. Lucas- Schloetter ; CJUE, 21 octobre 2014, aff. C-348/13 (N° Lexbase : A5546M48).

[9] CJUE, 7 août 2018, aff. C-161/17 (N° Lexbase : A0035X3P), Les MAJ IRPI, n° 1, octobre 2018, Communication au public en ligne et Cour de justice : nouvelle étape, K. Messang-Blansché, p. 3.

[10] Au sens de la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (N° Lexbase : L8089AU7), publiée au JOUE n° L 167 du 22 juin 2001 p. 10-19.

[11] CJUE, 7 août 2018, préc..

[12] L. Franceschini, rapport de la mission de réflexion sur la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse, juillet 2016.

[13] Urheberrechtsgesetz, 9 septembre 1965 (Federal Law Gazette I p. 1273), modifiée par l'article 1 de la loi du 1er septembre 2017 (Federal Law Gazette I p. 3346).

[14] Tribunal régional de Berlin (Landgericht), ch. com., 19 février 2016, Google c/ 41 éditeurs de presse, aff. 92 O 5/14 kart.

[15] Loi sur la propriété intellectuelle du 4 novembre 2014, art. 32.2, entrée en vigueur le 1er janvier 2015.

[16] Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel, 21 octobre 2014 ; loi n° 2015-195 du 20 février 2015 (N° Lexbase : L9840I7L), publiée au JORF du 22 février 2015.

[17] Sénat, proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, n° 705, 5 septembre 2018.

[18] D. Assouline, rapport n° 243 (2018-2019), fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 16 janvier 2019.

[19] Préc..

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