La lettre juridique n°789 du 4 juillet 2019 : Avocats/Procédure

[Jurisprudence] Jeu de lois entre vérité et sincérité (à propos de la subornation de témoins par avocat)

Réf. : Cass. crim., 12 juin 2019, n° 18-83.844, F-P+B+I (N° Lexbase : A0795ZE8)

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par Nicolas Catelan, Maître de conférences à l'Université Aix-Marseille

le 15 Février 2021


Mots-clefs : jurisprudence • subornation • avocat • vérité • mensonge • contradictoire • défense

Résumé : "Le fait d'exercer des pressions sur une personne pour l'inciter à déclarer autre chose que ce qu'elle pense être la vérité caractérise le délit de subornation".


 

Sincère, vérité et subornation. S’il est parfois reproché à la Cour de cassation d’être le chantre des amphigouris, la définition de la subornation de témoin formulée par la Chambre criminelle le 12 juin 2019 [1] devrait contenter les partisans d’une loi pénale clairement interprétée et donc, enfin prévisible. L’article 434-15 du Code pénal (N° Lexbase : L7972ALT) incrimine le «fait d'user de promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou artifices au cours d'une procédure ou en vue d'une demande ou défense en justice afin de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation». Le texte contient ainsi deux acceptions de la subornation de témoin : il s’agit soit d’inciter autrui à mentir à la justice, soit de le forcer à ne rien dire. L’article 434-15 entretient dès lors un rapport certain avec la vérité puisqu’il s’agit ici d’incriminer le comportement de celui qui provoque un mensonge ou empêche une vérité de sourdre. Quid juris si un individu force un de ses congénères à changer de version au motif qu’il serait convaincu que ce dernier ment ? Sans être parfaitement nouvelle, la question a permis à la Cour de cassation de prendre position quant à la notion de mensonge provoqué.

En l’espèce l’avocat d’un individu mis en examen du chef d’association de malfaiteurs eut une initiative aussi malheureuse que maladroite. Il se rendit en effet à plusieurs reprises au magasin d’un individu en vue de l'inciter à revenir sur les accusations proférées à l'encontre de son client. Il fut poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de subornation de témoin et y fut condamné. En appel la culpabilité fut confirmée car «dès l'instant où M. Z ne pouvait avoir connaissance de la vérité objective, s'il est établi qu'il a incité M. Y à dire autre chose que ce qu'il voulait dire comme correspondant à la vérité, il est donc bien susceptible d'avoir commis une subornation». Les juges ajoutèrent : «il est clairement établi par l'ensemble des éléments du dossier qu'en revenant avec insistance au magasin de M. Y, M. Z cherchait à obtenir une évolution des déclarations du premier lors de la confrontation avec M. Y, qui avait été placé en détention provisoire». Ils en conclurent qu'il s'agissait d'obtenir un témoignage différent non pas au regard de la vérité mais au regard du seul intérêt du client de l’avocat en faisant complètement fi de ce que pouvait être la vérité, et que cette situation correspondait à la notion de déclaration mensongère.

L’avocat se pourvut en cassation et excipa à cette fin trois moyens. Les deux premiers moyens peuvent être ainsi résumés. Il reprochait tout d’abord aux conseillers du second degré une violation du principe d’interprétation stricte de la loi pénale tel que formulé à l’article 111-4 du Code pénal (N° Lexbase : L2255AMH). Concrètement, selon lui, la cour d’appel aurait dû, pour le retenir dans les liens de la prévention, caractériser que la déposition recherchée était mensongère, c'est-à-dire sciemment contraire à la vérité des faits qui étaient survenus. Par ricochet, aurait dû être constaté que les déclarations dont il aurait cherché à obtenir la modification étaient conformes à la vérité des faits qui étaient survenus ou, à tout le moins, sincères. L’argument était d’autant plus solide qu’une décision rendue en première instance quant au client du prévenu semblait corroborer le fait que la version du tiers s’éloignait de la vérité désormais consacrée par la justice. Le second moyen était quant à lui structuré autour de l’élément moral de la subornation de témoin. Selon le prévenu, viser un objectif de vérité en insistant auprès d’un témoin devrait permettre d’échapper à la responsabilité pénale faute d’intention coupable.

Pour rejeter le pourvoi, la Cour affirme que «le fait d'exercer des pressions sur une personne pour l'inciter à déclarer autre chose que ce qu'elle pense être la vérité caractérise le délit de subornation». Au demeurant, aussi logique que soit la réponse apportée par la Cour de cassation sur le plan du droit pénal de fond, elle ne manque d’interroger quant à la quête de vérité autour de laquelle semble construit le processus pénal. En se référant à ce que le témoin «pense être la vérité», la Cour fait manifestement de la sincérité le pivot du délit de subornation. Or, si cette sincérité permet de simplifier par ellipse (I) la consommation de l’infraction, il en résulte une éclipse (II) de la vérité objective dans l'espace de la justice répressive.

I - L’ellipse de la sincérité

Le détour par la sincérité pour qualifier le mensonge recherché est un procédé elliptique car est occulté le lien entre la version du témoin et la réalité des faits. Cette subjectivation de la subornation apparaît lors de l’analyse de son élément moral. Si l’intention se retrouve ainsi abrégée (B) par la non-recherche de la vérité, la matérialité de l’infraction n’en ressort pas pour autant renforcée. La Cour a en effet eu à rappeler que la subornation s’entend également de la modification d’un témoignage quand bien même la loi ne viserait pas expressément une telle situation (A).

A - Une matérialité complétée

Modification d’un témoignage. Depuis la loi n° 49-106 du 28 juillet 1949 la subornation de témoin est un délit autonome et non une (pâle) complicité du délit de faux-témoignage. Le Code pénal de 1992 a, quant à lui, étendu le texte au cas de celui qui force autrui à se taire. Si la jurisprudence a su au cours des années préciser le sens de ces deux modalités, restait un cas limite pouvant prêter à confusion. L’article 434-15 ne concerne a priori que le témoin [2] n’ayant pas encore livré sa version des faits. Les termes mêmes de la loi mentionnent en effet des actes litigieux qui tendent exclusivement «à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation». N’est pas stricto sensu abordé le cas de celui qui force [3] un témoin à modifier sa déposition. Très tôt toutefois, et déjà sous l’empire de l’ancien texte, la Cour de cassation n’a pas hésité à considérer que le texte s’appliquait au cas de la subornation en vue de modifier un témoignage [4]. Cela ne doit pas étonner : matériellement la nouvelle déposition est «faite» ou «délivrée» de sorte qu’il s’agit davantage d’une nouvelle attestation contredisant la déclaration initiale, plutôt que sa modification ou sa rétractation [5]. L’esprit et la lettre du texte expliquent ainsi cette extension qui franchit les fourches caudines de l’interprétation téléologique de la loi pénale. Cette perspective fut récemment rappelée par la Chambre criminelle : «dès lors qu'ayant constaté que les attestations initiales étaient sincères, les témoignages en sens contraire sciemment sollicités par les dirigeants de la société, dans le dessein d'en faire état en justice, ne pouvaient qu'être mensongers» [6]. L’application en juin 2019 aux agissements destinés à ce que le témoin amende sa version des faits est donc cohérente au regard de la structure du texte et de la jurisprudence antérieure.

Modifier un témoignage sincère. Cette cohérence contextuelle ne doit toutefois occulter les problèmes liés à la définition du mensonge, élément constitutif du délit de subornation de témoin. La loi pose en effet ici un critère dont l’usage peut rapidement apparaître des plus complexes. Mentir revient en effet à tenir des propos inexacts, faux : offrir un alibi factice, décrire des faits imaginaires, duper quant à l’attribution d’une infraction, décrire en termes élogieux un individu alors qu’on le sait déviant…[7] Cette fausseté tient évidemment au fait que ce qui est dit n’est pas vrai : le propos n’est pas conforme à la réalité (vérité objective ou matérielle). Reste alors à définir la réalité. Assez classiquement il s’agit de ce qui existe indépendamment du sujet, ce qui n'est pas le produit de la pensée. Si la réalité est adventice, sans que le sujet ait à la penser, se pose la question de savoir comment elle peut être appréhendée afin d’en livrer un témoignage. Il est en effet à craindre que parler d’une réalité… la fasse disparaître sitôt appréhendée puis pensée...[8] Le détour par la réalité pour définir la vérité, et en négatif le mensonge, s’apparenterait à une impasse [9]. Il convient alors de définir la vérité sans le prisme des choses qui existeraient par elles-mêmes en dehors de notre conscience [10]. L’inexactitude du mensonge pourrait être démontrée à la lumière d’un référentiel tenant lieu de vérité : le mensonge serait ainsi un rapport de contradiction entre une proposition et un ensemble servant de référence. Encore faut-il que ces propositions de référence soient connues du témoin suborné… Dès lors, la vérité, dans un sens plus subjectif, davantage conforme à ce que les hommes peuvent produire, pourrait plus modestement être perçue tel un accord de la pensée avec son objet, c'est-à-dire avec les phénomènes de l'expérience. La vérité est ainsi une parole conforme aux phénomènes qu’un individu expérimente. Un discours est donc vrai quand le locuteur relate ce qu’il a effectivement vu, perçu ou accompli : sans ajout ni retrait.

La jurisprudence estime ainsi qu’il y a subornation dès lors que le témoin est incité soit à tenir des propos faux, soit à relater des faits dont il ne connaît pas la véracité [11]. La première acception est certes plus perverse que la seconde, mais dans les deux cela revient à ne pas être sincère. La jurisprudence atteste que dans les deux configurations il y a mensonge susceptible de consommer une subornation en cas de pressions ou manœuvres. Cela va sans dire lorsque le témoin est forcé à tenir des propos qu’il sait être faux [12]. Mais il y a également mensonge lorsqu’une femme fait pression sur une amie afin qu’elle atteste en justice de griefs à l’endroit de son mari, griefs dont elle ignorait la véracité pour ne pas les avoir elle-même constatés [13] : la subornation est consommée «quelle que fût la réalité des griefs» relatés. Mentir consiste bien ici pour le témoin à relater des faits sans savoir précisément s’ils sont vrais.

Cette approche permet sans doute de comprendre pourquoi, avant l’arrêt rendu le 12 juin 2019, la Chambre criminelle a pu estimer que faire pression sur un témoin afin qu’il revienne sur une déclaration sincère rend mensonger le témoignage ainsi suborné [14]. Ce faisant la Cour de cassation opte pour un référentiel subjectif de vérité : un propos est mensonger quand il n’est pas conforme à l’expérience vécue par le témoin. Les pressions opérées sont-elles pour autant constitutives du délit de subornation si elles ont pour objet de ramener un témoin à la raison en l’invitant à revoir sa position et à se conformer à la réalité des faits ?

Provoquer un témoignage non sincère. La discussion en appel tendait à déplacer le débat sur le terrain de la distinction vérité objective (réalité) / vérité subjective (sincérité). Il ne saurait selon le prévenu y avoir subornation si les pressions ont pour effet de faire surgir la vérité objective en incitant un témoin à exprimer ses doutes ou à revenir sur ses propos. Le pourvoi en cassation a d’ailleurs tenté d’amener la Cour à intervenir dans ce débat. En reprochant aux juges du fond de n’avoir pas constaté que la version requise du témoin était fausse, le demandeur au pourvoi soutient qu’il n’a ici provoqué aucun mensonge. Pour la Cour de cassation, en sa décision sous commentaire, la chose est entendue : «le fait d'exercer des pressions sur une personne pour l'inciter à déclarer autre chose que ce qu'elle pense être la vérité caractérise le délit de subornation» [15]. Le mensonge revient pour le témoin à tenir des propos en pensant qu’ils ne correspondent pas à la réalité. Et la subornation consistera alors à contraindre un témoin à produire une attestation mensongère non car les faits qu’il relate sont objectivement faux, mais car il ne les tient pas pour vrais. La question pour la Chambre criminelle n’est pas de savoir si le témoin dit vrai ou faux, mais simplement de déterminer si le témoin est sincère lorsqu’il dit. Ce passage par la sincérité pour identifier le mensonge amène toutefois à s’interroger sur l’élément moral animant cette matérialité.

B - Une intentionnalité abrégée

Intention requise : dol général. Cette caractérisation du mensonge par le biais de la sincérité rejaillit nécessairement sur l’élément moral. Infraction intentionnelle par le jeu de l’article 121-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2053AMY), le délit de subornation de témoin contient a minima un dol général consistant à délibérément user de pressions ou manœuvres en vue de forcer autrui à délivrer un témoignage que l’on sait mensonger. Or, le pourvoi, en son troisième moyen, relève que l’on ne saurait avoir pour objectif la formulation d’un mensonge en visant la manifestation de la vérité. Autrement dit, des pressions en vue d’une véridiction ne pourraient être assimilées à l’intention d’obtenir un témoignage mensonger. Si le mensonge était l’exact contraire de la vérité, l’argument serait, il faut bien le dire, imparable : je peux difficilement être coupable d’incitation à un témoignage mensonger si je force un individu à dire vrai. La Cour de cassation a d’ailleurs opté pour une telle approche à plusieurs reprises [16] !

Pour confirmer la condamnation, la Cour a donc l’obligation, le 12 juin 2019, de résoudre le problème non sur l’autel de la vérité mais sur celui de la sincérité, i.e la vérité du témoin. Ce dernier est bien suborné car les pressions répétées de l’avocat avaient pour objectif de lui faire tenir des propos non sincères en ce sens qu’il ne pensait pas que cette version des faits soit vraie. Ici, une fois de plus, peu importe qui dit vrai. Pire, la vérité elle-même, si tant est qu’elle existe, ne compte guère [17]. Dans le champ de la subornation de témoin, le mensonge apparaît alors tel une opposition entre ce que l’on dit d’une chose et la connaissance que l’on en a : une contradiction entre le discours et le savoir. Cette perspective peut-elle convaincre alors que l’article 434-15 du Code pénal se trouve dans une section du Code pénal visant à protéger la justice ?

Dol spécial ? La subornation de témoin est sise dans une section intitulée «Des entraves à l'exercice de la justice» au sein d’un chapitre nommé «Des atteintes à l'action de justice». Cette localisation du délit pourrait inciter à lire son intention à la lueur de l’exercice et de l’action de la justice. La subornation ne serait consommée que si les pressions litigieuses avaient pour objectif final de faire obstacle au jeu normal de la justice. Or, et quand bien même cela soit contestable, on peut affirmer que le but du procès répressif vise la manifestation de la vérité. Il serait dès lors difficile de vouloir entraver l’action de la justice en cherchant à ce que la vérité apparaisse. En d’autres termes, il ne saurait y avoir mensonge constitutif de subornation si le prévenu ne cherchait pas à tromper la justice par la production d’une contre-vérité.

Cette approche n’est pas sans précédent. Dans une affaire tranchée le 22 mai 2012 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation [18], certains «témoins» furent approchés afin que leur version des faits fût modifiée. Pour relaxer un des prévenus, la cour d’appel affirma : «pour que le délit de subornation de témoin soit constitué, il est nécessaire d'établir que l'objet de la modification sollicitée ait été de substituer à une déclaration initiale sincère une déclaration mensongère». Or, le prévenu avait «expliqué que le courrier qu'il [….] avait adressé et le projet de nouvelle déclaration annexé n'étaient destinés qu'à rétablir la vérité». Il n’était donc pas établi que le prévenu «ait été de mauvaise foi et que son affirmation selon laquelle son intervention auprès du témoin n'avait eu d'autre but que de l'inviter à rétablir la vérité des faits ne corresponde pas à la réalité ; qu'en l'absence de preuve d'un élément moral, l'infraction de la subornation de témoin n'est pas démontrée» : le prévenu «doit être relaxé des fins de la poursuite». Le pourvoi fut rejeté par la Chambre criminelle : «en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision». La bonne foi du prévenu tient au fait qu’il poursuit un objectif de vérité. Difficile en effet de reprocher au titre d’une entrave à l’exercice de la justice le fait d’agir en vue de la manifestation… de la vérité. La bonne foi, le défaut d’intention délictueuse s’induisent du résultat recherché par le prévenu : en cherchant à convaincre un tiers, fût-ce par des pressions, à modifier son témoignage initial et sincère, le prévenu n’a pas commis de subornation. Plus précisément, dans la mesure où on ne peut pas prouver que son intention n’était pas orientée vers cette vérité, l’intention requise n’est pas démontrée. Ce précédent semble s’opposer à la décision rendue le 12 juin 2019. En réalité, un élément mis en exergue par les conseillers en appel permet peut-être de différencier les situations. La Cour observe en effet que le prévenu, avocat de son état, avait agi «non pas au regard de la vérité mais au regard du seul intérêt de M. ..., en faisant complètement fi de ce que pouvait être la vérité́, et que cette situation correspond à la notion de déclaration mensongère». Selon les juges, «le but recherché était d'obtenir une déposition plus favorable à son client». Si la position de la cour d’appel quant aux objectifs poursuivis par l’avocat avait réellement convaincu la Chambre criminelle alors aurait-elle dû rejeter le pourvoi en s’appuyant sur l’appréciation souveraine des juges du fond. Or, en affirmant indistinctement que le «fait d'exercer des pressions sur une personne pour l'inciter à déclarer autre chose que ce qu'elle pense être la vérité caractérise le délit de subornation», la Chambre ne réserve pas la situation de celui qui agit en vue d’une vérité à laquelle il adhère par conviction ou persuasion.

L’arrêt en date du 12 juin 2019 révèle sans doute les équilibres instables sur lesquels repose la justice pénale. En protégeant la sincérité des témoignages au détriment d’une vérité objective en réalité inaccessible, la lecture opérée par la Chambre criminelle est peut-être plus signifiante qu’elle ne l’imagine. L’idée sous-jacente consiste en effet à affirmer que l’œuvre de justice repose sur la convergence de vérités subjectives (donc partielles). Peu importe que le témoignage ne corresponde pas à la réalité inaccessible des choses, pourvu qu’il soit sincère. Cette approche, certes réaliste de l’état des choses, mérite toutefois d’être interrogée à deux égards. Tout d’abord, il semble discutable qu’un avocat n’ait pas à perturber le cheminement ainsi décrit. Ensuite, l’on peut se demander si la justice pénale dans son ensemble est parfaitement consciente de l’impossibilité de s’approcher d’une vérité objective

II - L’éclipse de la vérité

Enjeux. L’ellipse de la sincérité induit nécessairement une victime tout sauf collatérale. En privilégiant la sincérité sur la réalité des faits, c’est évidemment la vérité (objective ou matérielle) qui s’éclipse. Si on postule que nulle réalité n’existe en dehors du langage [19], que nul monde des idées n’existe en dehors de nous, que le savoir n’est accessible qu’à travers l’étude des pratiques et discours (et leur histoire !) [20], alors il est évident que la vérité objective conforme à la réalité des faits n’existe tout simplement pas. Même la «chose en soi» devrait nous apparaître farfelue. Il en résulte que pour qu’une vérité judiciaire (elle-même relative comme le rappelle la maxime res judicata pro veritate habetur [21]) puisse être constituée (et non révélée), elle devra reposer sur des contradictions de propos dont la force probante sera librement appréciée par les juges. Ce faisant la justice pénale gravite autour de la vérité objective (A) pour construire sa propre vérité relative. Construction qui ne devrait être envisagée sans la défense (B) même si son rôle reste pour le moins flou en ce début de XXIème siècle, ce que confirme l’arrêt rendu le 12 juin 2019.

A - Un mouvement continu

La spirale de la vérité : un jeu de lois. La question à poser est simple : nous devrions en effet «nous demander quels sont les principes et les objectifs du procès pénal que nous estimons le plus pour ensuite discuter des meilleures façons de les mettre en œuvre» [22]. S’il s’agit tout simplement de se prononcer sur la présomption d’innocence, alors faudra-t-il déterminer une méthode permettant de garantir que les preuves produites à l’audience attestent d’une quelconque véracité au regard des prétentions des parties. Même si l’occurrence «vérité» apparaît à 47 reprises dans le Code de procédure pénale, le législateur ne prend jamais le soin d’en livrer une définition. Une approche minimaliste devrait d’ailleurs inciter à n’y voir que la vérité judiciaire, i.e celle qui ressortira de la décision définitive. L’article 427 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : C65447LX) dispose à cet effet que «le juge décide d'après son intime conviction» et qu’il «ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui». La vérité judiciaire a comme condition d’existence la contradiction. A cet effet, les débats permettront de déterminer qui prouve le mieux les éléments nécessaires au succès de sa prétention. Puisque la force probante est «l’aptitude d’un élément avancé en justice par une partie à établir la véracité d’une allégation» [23], la discussion servira en principe à confronter ces aptitudes. Selon la Cour de cassation elle-même [24], les éléments de preuve, à la condition d’être «précis et concordants», deviendront des facteurs de conviction : si plusieurs éléments de preuve disent la même chose et de manière précise, alors il faudra en induire leur véracité. Le juge pourra toujours au besoin compléter l’arsenal probatoire [25]. Ainsi la plus forte des aptitudes emportera la conviction du juge qui, par veri dictio, opèrera sa juris dictio. Mais ainsi décrite, la vérité n’apparait que construite et contingente. Sa dépendance à l’endroit de tous ceux qui participent à son œuvre et les inexorables biais [26] (de confirmation [27] entre autres [28]) qui affublent ces acteurs rendent pour le moins ambivalente la vérité judiciaire. La justice pénale est ainsi soumise à un vaste effet tunnel : la psychologie humaine et l’organisation institutionnelle amènent assez logiquement la structure répressive à valider une théorie déjà construite plutôt qu’à remettre en cause les vérités subjectives fournies [29].

En cela, la justice pénale ressemble à s’y méprendre au jeu de l’oie. Le plateau y est en effet une spirale, et la progression des pièces se fait idéalement, mais de manière hasardeuse, vers le centre, la vérité. Or, le mouvement des pièces vers la vérité s’arrête avant même de pouvoir atteindre une concordance avec l’insondable réalité. On peut certes tenter de se rapprocher le plus possible du centre en multipliant les différentes preuves. Et si elles concordent, alors la proximité avec la réalité paraitra crédible. Mais à l’instar de la fonction inverse (1/x), même en se rapprochant de l’infini, on ne peut jamais confondre la courbe et l’axe. La vérité (objective) est un horizon inaccessible : elle dessine un chemin, mais jamais ne se laisse saisir. Et inexorablement, plus on cherche la vérité objective, plus on doit douter de réussir à l’appréhender.

On comprend alors pourquoi, malgré les évolutions substantielles des moyens de preuve, le procès pénal demeure ancré dans l’aveu [30]. La «reine des preuves» ne vient pas réellement se surajouter à des indices, pour les conforter, les couronner. Elle ne sert pas tant à soulager la conscience du suspect. La reconnaissance des faits soulage surtout le système répressif : elle sert à affaiblir le sentiment de culpabilité du juge face au doute qui pourrait l’assaillir. Savoir que la vérité objective ne pourra jamais être découverte a en effet de quoi perturber les acteurs du système pénal. Or, l’aveu n’est évidemment pas une preuve fiable et l’histoire en témoigne, évidemment. Les sciences cognitives démontrent très régulièrement qu’il n’est pas si difficile de faire avouer un crime non commis [31]. Avouer ne prouve donc rien [32]. Ce déficit probatoire n’est au demeurant pas si important ; car la reconnaissance des faits permet avant tout au système pénal de transmettre au suspect ou au prévenu le poids de la peine à venir : le risque de l’erreur judiciaire est ainsi transféré au prévenu [33].

Le rétablissement des forces. La spirale de la vérité étant sans fin, il convient d’établir une méthode permettant d’arrêter le processus sur une position qui apparaîtra à tous juste. Il faut identifier la solution qui stabilise le mouvement par une sorte d’équilibre des forces. Et pour ce faire il convient certes de permettre aux opinions opposées de s’exprimer (contradiction) et d’autoriser le juge à peser la valeur probante des éléments soumis à son appréciation (force probante). Surtout, la lutte contre l’effet tunnel doit être amorcée avant l’audience afin de corriger les biais. Certains ont proposé que les enquêteurs consacrent plus de temps à la recherche d’éléments à décharge [34] -ce que la loi a formulé du bout des lèvres [35]- et d’instituer un «avocat du diable» [36] au sein de la police judiciaire afin d’affaiblir les biais des enquêteurs. Il a toutefois été démontré que ces aménagements n’étaient pas suffisants et pouvaient même pousser les enquêteurs à privilégier une seule piste et à désinvestir la recherche d’éléments à décharge [37]. Les spécialistes de l’effet tunnel en matière pénale en viennent alors à inexorablement dresser le constat suivant :

«In the end, no counter measures will be fully effective against cognitive biases. Given that police and prosecutors, because they are human, cannot be expected to recognize and correct for all of their natural biases, the system must find a way to give sufficient case information to those who have different incentives and different natural biases. In the end, greater transparence at all stages of the criminal process might be the most powerful way to counter tunnel vision. In criminal cases, greater transparence requires providing the fullest possible investigative information to the defendant - that is, expanded discovery» [38].

Et il est évident qu’une défense discontinue dans sa mise en œuvre ne peut prétendre à un tel objectif de full discovery.

B - Une défense discontinue

L’inégalité des armes de la défense. La pression que peut faire subir la police par la garde à vue [39] ou encore les atteintes à la vie privée et au domicile, ne peuvent être le fait de l’avocat. Sa déontologie et la loi lui interdisent d’avoir recours aux adminicules incriminés à l’article 434-15 fût-il au courant que la version du témoin est fausse. L’avocat n’est certes pas désarmé : l’instruction (ouverte dans les faits de l’espèce) permet de demander des actes, une audition voire une confrontation. Observons toutefois que l’avocat reste tributaire du juge qui l’autorise et que l’immense majorité des investigations s’opère sous le règne de l’enquête. Et nul n’ignore que l’enquête est tout sauf le lieu de la contradiction [40] !!! Reste l’audience [41]… où tout ou presque est déjà joué. Comme l’observe avec force pertinence M. Fiorini : «Si le contradictoire intégré́ dans la phase d’audience appose le masque du combat sur le visage du procès pénal, il ne s’agit que d’un masque : l’audience reste avant tout l’aboutissement d’un processus hiérarchique, dont l’objectif est de bâtir la vérité́ judiciaire sur le socle d’un dossier inspiré par la quête du vrai. L’enquête construit les bases de la vérité́ judiciaire, et l’audience n’est qu’une phase de contrôle de ces fondations» [42]. C’est la raison pour laquelle la condamnation de l’avocat dans l’arrêt en date du 12 juin 2019 est de nature à frustrer la défense. Si le témoin doit simplement être combattu à l’audience, faut-il alors en conclure que la défense est condamnée à participer à un jeu truqué ?

Cette impuissance est consubstantielle à la procédure pénale contemporaine qui, malgré ses progrès évidents en termes d’humanité et de rationalité [43], ne parvient toujours pas à appréhender la justice en dehors d’un rapport de force. A la force divine puis physique [44], a succédé dans l’histoire la force probante indexée à la vérité telle que produite avant le procès par les autorités étatiques. Comme auparavant, le plus fort (sur le plan probatoire) l’emporte : vae victis. Et il est alors évident que celui qui a un avantage lors du recueil des preuves a plus de chances que son adversaire de l’emporter. Or, il est rare, dans un rapport de force, qu’un des adversaires accepte spontanément d’abandonner un avantage. Il serait évidemment illogique pour l’Etat de changer les règles du jeu de lois afin de rééquilibrer les rapports qu’autorités de poursuite et suspect peuvent entretenir [45]. Au jeu des preuves, l’Etat désire fixer les règles (quand la Cour européenne des droits de l’homme ne l’empêche pas [46]) et s’arroger une position dominante. On est souvent tenté d’expliquer cette domination par l’intérêt supérieur [47] poursuivi par l’Etat : la protection du contrat social par la poursuite et le châtiment de ceux qui y ont porté atteinte [48]. Peut-être s’agit-il plus trivialement de s’assurer par avance une victoire dans le cadre de la guerre menée contre suspects, prévenus et accusés. Le monopole de la violence légitime et la surpuissance de l’Etat conduisent ainsi en France à confier exclusivement les enquêtes (et ses éventuelles pressions) à la police et à la justice. La Chambre criminelle a dès lors pu affirmer en 1984 [49] que : «pour répondre à l'argumentation des prévenus faisant valoir qu'il ne peut y avoir de subornation entre co-inculpés des lors que ceux-ci ne sont pas tenus de dire la vérité et peuvent organiser leur défense par des déclarations mensongères, la cour d'appel énonce que l'article 365 du Code pénal a une portée générale et vise les inculpes qui, "s'ils ont le droit de mentir et de rester silencieux" ou de se concerter en vue d'une défense commune, ne peuvent invoquer les droits de la défense pour user des procédés prohibés par l'article susvisé et entraver ainsi le fonctionnement de la justice ;

Qu'il en est de même pour les avocats qui "n'ont pas davantage le droit d'employer ces procédés pour défendre leurs clients et les faire acquitter à tout prix».

Si c’est au nom de la loi pénale et de déontologie que la subornation est interdite à l’avocat, c’est au nom de la défense de la société [50] que la pression de la détention et des interrogatoires est offerte à la police et à la justice. Et la pression dont elles peuvent faire preuve n’est bien évidemment pas constitutive de subornation. En témoigne l’arrêt rendu le 20 septembre 1995 par la Chambre criminelle [51]. En l’espèce un justiciable suspectait un juge d’instruction de l’avoir appelé durant sa garde à vue à deux reprises, pour lui demander «de choisir son camp et de dire la vérité sans s'obstiner à nier l'évidence» puis pour lui dire que «la vérité était connue et qu'il fallait qu'il comprenne son intérêt». Pour confirmer l’ordonnance de non-lieu, la chambre d’accusation avait observé que les recommandations du juge «- à supposer qu'elles soient démontrées et susceptibles de caractériser en outre les pressions, menaces, manœuvres ou artifices de l'article 365 du Code pénal - n'ayant pas eu pour but de déterminer Jean-Pierre ... à faire une déclaration mensongère mais au contraire une déposition conforme à la vérité, les faits dénoncés ne sauraient admettre une quelconque qualification pénale, et notamment pas le délit de subornation de témoin». Si la sincérité du témoignage, et non la vérité objective, était le prisme à travers lequel devait être appréhendée la subornation, la Cour de cassation aurait dû censurer une telle décision. Il n’en fut rien : le pourvoi fut rejeté car les motifs de la cour d’appel justifiaient le non-lieu. Sincérité à géométrie variable pour une justice dont les plateaux semblent en déséquilibre chronique.

Certes l’officielle quête de vérité ressort inexorablement meurtrie par l’arrêt rendu le 12 juin 2019. Et apparaît en lumière la réalité d’une lutte qui ne dit pas son nom. Si la vérité judiciaire est la résultante d’une succession de discours sincères mais non nécessairement vrais, on peut alors se demander sur quelle rationalité est construite la justice pénale. Si au XXIème siècle nous jugeons avec condescendance les justices médiévale et d’Ancien régime car elles reposaient sur un système dépourvu selon nous de rationalité, peut-être devrions nous nous demander comment sera perçu dans un siècle voire 1000 ans l’actuel système répressif. Sincérité dit la Chambre criminelle. Ridicule irrationalité risque de répondre la justice du XXXIème siècle…

«Chez vos hommes bons, il y a bien des choses qui me dégoûtent et ce n’est vraiment pas le mal. Je voudrais qu’ils aient une folie dont ils périssent comme ce pâle criminel !

Vraiment, je voudrais que cette folie s’appelât vérité, ou fidélité, ou justice : mais leur vertu consiste à vivre longtemps dans un misérable contentement de soi» [52].

 

[1] Cass. crim., 12 juin 2019, n° 18-83.844, F-P+B+I.

[2] La loi vise en effet tout individu délivrant une déposition, une déclaration ou une attestation.

[3] Les adminicules légaux, non discutés ici, sont : promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou artifices

[4] V., ainsi, par ex., Cass. crim., 9 décembre 1975, n° 74-91963 (N° Lexbase : A8448CGY).

[5] Contra, v. M. Véron, Droit pénal n° 10, octobre 2011, comm. 119.

[6] Cass. crim., 28 juin 2011, n° 10-88.795 (N° Lexbase : A6400HUL).

[7] Le mensonge tient ici au fait que le témoin sait que les propos qu’il tient ne sont pas vrais : il ne peut sérieusement pas attester de la réalité des faits qu’il déclare car il n’en a pas fait l’expérience. Ne pas faire l’expérience d’un phénomène ne signifie pas pour autant que ce phénomène n’existe pas. Il peut ainsi être difficile, voire impossible, de déterminer si ce que dit le témoin est objectivement vrai.

[8] Sur les problèmes liés à l’observation des phénomènes et à leur modification par l’outil d’analyse v. H. Ollivier, D. Poulin, WH. Zurek, Environment as a witness : selective proliferation of information and emergence of objectivity in a quantum universe, Physical Review, A 72, 042113, 2005, Cornell.

[9] Et les disciplines scientifiques ne sont pas nécessairement d’une grande aide : v., J. Larrègue, Les expertises sont-elles grotesques ? Une analyse critique des usages judiciaires de la science, Lexbase Pénal, septembre, 2018 (N° Lexbase : N5122BXY).

[10] Car le sujet devrait soit les saisir en dehors de l’expérience pour les postuler (noumène), soit décréter que la chose existe en soi : V., E. Kant, Critique de la raison pure, 1887, Esthétique transcendantale.

[11] Cela signifie que mentir revient à dire des choses inexactes ou à affirmer des faits en ne sachant s’ils sont vrais.

[12] V., Cass. crim., 2 mars 2016, n° 15-81.787 (N° Lexbase : A0809QYM).

[13] Cass. crim., 28 mai 1968, n° 66-93.679.

[14] V., ainsi Cass. crim., 2 mars 2016, n° 15-81.787 (N° Lexbase : A0809QYM).

[15] Une personne peut être intimement convaincue d’une vérité sans pour autant savoir si cela est parfaitement vrai. Etre sincère consiste en effet à exprimer ce que l’on ressent réellement sans que l’on sache parfois si ce qui est ressenti est vrai ou non. Et à dire vrai si l’on ne verse dans le monde platonicien des idées ou dans les «choses en soi» kantiennes, on peut douter qu’il existe une quelconque vérité en dehors des logiques discursives.

[16] Pour des précédents v., infra, Cass. crim., 22 mai 2012, n° 11-84.790 (N° Lexbase : A3822INU) ; Crim. 20 septembre 1995, n° 94-83.470 (N° Lexbase : A7263CXB).

[17] Pour le dire autrement, le mensonge provoqué est simplement caractérisé par le fait de ne pas penser ce que l’on dit quand bien même ce qui est dit serait vrai.

[18] Cass. crim., 22 mai 2012, n° 11-84.790 (N° Lexbase : A3822INU).

[19] V. L. Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, Gallimard, Tel, 2001.

[20] V. M. Foucault, L’ordre du discours, Gallimard, 1971.

[21] J.-L. Halpérin, La preuve judiciaire et la liberté du juge, Communications, 2009, vol.  84,  pp. 21-32.

[22] M. Langer, La portée des catégories accusatoire et inquisitoire, RSC, 2014-4, p. 728.

[23] Rapport de la Cour de cassation, La preuve dans la jurisprudence de la Cour de cassation, 2012, p. 221. Observons que la Cour ne s’embarrasse pas à distinguer force et valeur probante.

[24] Idem.

[25] Pour le supplément d’information, v., C. proc. pén., art. 463 en matière correctionnelle. Pour le recours à une expertise, v., C. proc. pén., art. 434.

[26] De manière générale, v. A. Kuhn, J. Vuille, La justice pénale - Les sanctions selon les juges et selon l'opinion publique, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR), 2010.

[27] V., M. Lidén, Confirmation bias in criminal cases, Uppsala University, Thèse, 2018. Sur le rôle de la détention provisoire, v., M. Lidén, M. Gräns & P. Juslin, Guilty, no doubt : detention provoking confirmation bias in judges guilt assessments and debiasing techniquesPsychology, Crime & Law, Volume 25-3, 2019 ; Les biais de confirmation affectent également la police technique et scientifique : v., S. M. Kassina, I. E. Drorb, J. Kukuckaa, The forensic confirmation bias : Problems, perspectives, and proposed solutions, Journal of Applied Research in Memory and Cognition, 2013-2, p. 42–52.

[28] Pour le biais d’ancrage montrant que celui qui a la parole en premier, donc le parquet, convainc plus facilement que la défense qui s’exprime pourtant en dernier, v., B. Englich, T. Mussweiler et F. Strack, The last word in court - A hidden disadvantage for the defense, Law and Human Behavior, 2005, 29, pp. 705-22 : «By granting the defense attorney the right of the last word, the legal system simultaneously grants the prosecutor the right of the first word. This allows the prosecution to introduce a judgmental anchor that determines the final sentence, by influencing the judge not only directly, but also (and predominantly) indirectly via its influence on the defense attorney’s demand. In this respect, the standard procedural practice undermines the “in dubio pro reo” principle. The right of the last word seems to weaken the defense» (p. 718) ; J. Goldszlagier, L'effet d'ancrage ou l'apport de la psychologie cognitive à l'étude de la décision judiciaire, Les Cahiers de la Justice, 2015/4 (n° 4), pages 507 à 531.

[29] Sur l’effet tunnel, v., ainsi K. Findley et M. Scott, The multiple dimensions of tunnel vision in criminal cases, Wisconsin Law Review, 2006, p. 291-397 ; B. Cutler (dir.), Conviction of the Innocent: Lessons from Psychological Research, American psychological Association, chap. 14 : «Tunnel Vision», par. K. Findley, 2011.

[30] V., M. Foucault, Mal faire, Dire vrai - Fonction de l’aveu en justice, Presses universitaires de Louvain, 2012.

[31] J. Shaw, S. Porter, Constructing rich false memories of committing crime, Psychological Science vol. 26, n° 3, January 2015.

[32] L’aveu peut être plus qu’une preuve. Une étude américaine a ainsi mis en lumière les ressorts pouvant amener des suspects à avouer des faits alors que l’ADN les disculpait. Ils furent condamnés ! (v., S. C. Appleby et S. M. Kassin, When self-report trumps science : effects of confessions, DNA, and prosecutorial theories on Perceptions of Guilt, Psychology, Public Policy, and Law, 2016, vol. 22, n° 2, p. 127–140).

[33] V. M. Foucault, Mal faire, dire vrai - Fonction de l’aveu en justice, ibidem pp. 206-209.

[34] K. Findley et M. Scott, The multiple dimensions of tunnel vision in criminal cases, Wisconsin Law Review, 2006, p. 291-397.

[35] V., C. proc. pén., art. 39-3 créé par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 (N° Lexbase : L4202K87).

[36] Idem.

[37] B. O’Brien, Prime suspect : An examination of factors that aggravate and counteract confirmation bias in criminal investigations, Psychology, Public Policy, and Law, vol. 15-4, nov. 2009, p. 315–334.

[38] B. Cutler (dir.), Conviction of the Innocent : Lessons from Psychological Research, American psychological Association, chap. 14 : «Tunnel Vision», par. K. Findley, 2011, p. 23.

[39] Ou, dans une moindre mesure, par l’audition libre.

[40] V., au titre du saupoudrage de contradiction, C. proc. pén. art. 77-2 al. 2 (N° Lexbase : L4940K8H).

[41] Avant le renvoi, lors du défèrement, l’avocat peut demander au procureur que certains actes soient réalisés : v., C. proc. pén., art. 393 al. 4.

[42] B. Fiorini, L’enquête pénale privée, Etude comparée des droits français et américain, Institut universitaire Varenne, coll. des thèses, 2018, n° 236, p. 166.

[43] La disparition des ordalies, de la torture, et en parallèle l’abolition des peines corporelles marquent évidemment un adoucissement salvateur.

[44] V. J.-L. Halpérin, La preuve judiciaire et la liberté du juge, Communications, 2009, vol.  84  pp. 21-32 ; M. Foucault, La vérité et les formes juridiques, in Dits et Ecrits, I, Gallimard, coll. «Quarto», rééd. 2001, p. 1406-1514.

[45] La loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 a certes créé l’article 39-3 du Code de procédure pénale précisant en son alinéa 2 que le procureur veille à ce que les investigations tendent à la manifestation de la vérité́ et qu'elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée. Or, de l’aveu même du législateur, il ne s’agit que de « dispositions symboliques» en lien d’ailleurs avec l’impartialité du parquet postulée depuis la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 à l’article 31 du Code de procédure pénale !

[46] Dans un premier temps la Cour a affirmé que «46. Si la Convention garantit en son article 6 (art. 6) le droit à un procès équitable, elle ne règlemente pas pour autant l’admissibilité́ des preuves en tant que telle, matière qui dès lors relève au premier chef du droit interne. La Cour ne saurait donc exclure par principe et in abstracto l’admissibilité d’une preuve recueillie de manière illégale, du genre de celle dont il s’agit. Il lui incombe seulement de rechercher si le procès de M. S. a présenté́ dans l’ensemble un caractère équitable» (CEDH, 12 juillet 1988, Req. 8/1987/131/182, Schenk c. Suisse N° Lexbase : A6480AWW). Depuis il va sans dire que la Cour a su faire preuve d’imagination pour considérablement encadrer la preuve pénale sur le continent européen qu’il s’agisse de témoin anonyme, écoute téléphonique, sonorisation, garde à vue, géolocalisation, preuve volée….

[47] Supérieur à l’intérêt des suspects de se défendre ? A l’intérêt de contribuer à un procès équitable mesuré par l’égalité des armes ?

[48] Ainsi parle l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infraction : «la prévention d'atteintes à l'ordre public, notamment d'atteintes à l'intégrité physique des personnes, la recherche et la condamnation des auteurs d'infractions sont nécessaires à la sauvegarde de principes et droits de valeur constitutionnelle» (Cons. const., décision n° 99-411 DC 16 juin 1999 N° Lexbase : A8780AC8) ; Récemment, v., Décision n° 2019-780 DC du 4 avril 2019, «Loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations», §. 13 (N° Lexbase : A1567Y8K).

[49] Cass. crim. 25 janvier 1984, n° 83-90.646 (N° Lexbase : A8041AA3).

[50] M. Foucault, Il faut défendre la société - Cours au Collège de France 1975-1976, EHESS, Le Seuil, Gallimard, 1997.

[51] Cass. Crim. 20 septembre 1995, 94-83.470 (N° Lexbase : A7263CXB).

[52] F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Société du Mercure de France, œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, trad. H. Albert, vol. 9, 1903, p. 53.

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